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les prédications du pasteur Frédéric Girard



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PREDICATION DU DIMANCHE 22 JANVIER 2023 A TONNEINS

Matthieu 4/12 à 25

Chers Amis,

 

Il est bon d’écouter et de réécouter ce texte connu. Il relate les débuts de la mission de Jésus et l’appel des premiers disciples.

  Jésus commence son ministère seul, mais comme vous le savez, cela ne va pas durer. Est-ce la preuve, qu’aussi central et fondamental soient son rôle et cette mission, il ne peut envisager de les remplir en solitaire ?

  Nous apprenons dans ce récit que c’est l’arrestation de Jean-Baptiste qui pousse Jésus à se mettre en route. Il quitte son village natal et comme un réfugié, il s’installe à Capharnaüm, près du lac de Galilée.

  Ce passage suit le récit de la tentation au désert et il symbolise un peu nos vies, entre moment de solitude et d’isolement auxquels succèdent des temps de rencontre et de partage.

  Jésus, c’est l’homme qui marche, infatigable prophète itinérant, habité par une mission essentielle qui tient en ces quelques mots : « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ».

   Ces paroles nous touchent et nous interrogent aujourd’hui encore : je me rappelle du credo et refrain d’un grand parti politique français qui fut incarné pendant 14 ans par un président de la république et qui disait : « Changer la vie ».

Je ne suis pas certain qu’il faille attendre de nos politiciens des changements importants dans notre existence ici-bas.

  Si Jésus s’adresse à ses contemporains et aussi à nous dans le quotidien de chaque vie, il ne se place pas à priori sur le même terrain que nos responsables et dirigeants de toutes obédiences.

 Le royaume des cieux auquel il fait allusion n’est pas de ce monde même si le désir de justice, le besoin de reconnaissance et de dignité et les marques de gestes de solidarité et d’entraides vont caractériser son ministère.

  Ce qui nous frappe et nous interroge également, c’est que le projet et la mission de Jésus ne peuvent se réaliser sans les humains, sans nous.

Le Seigneur nous appelle à être des acteurs et des bâtisseurs de ce royaume qu’il annonce.

Le récit de la 1ere rencontre entre Jésus et ces modestes pêcheurs du lac de Galilée, relaté dans les 3 évangiles synoptiques est édifiant à plus d’un titre.

  Constatons d’abord que nous n’avons aucune information, aucun détail sur ce qui motive Jésus à rentrer en contact avec ces 4 hommes, 2 fois 2 frères. A-t-il décelé en eux des aptitudes particulières ? Mesure-t-il que son projet messianique ne pourra s’accomplir que s’il est accompagné et entouré d’un premier cercle d’intimes que l’on appellera les disciples ? Toutes les hypothèses sont possibles.

  Je trouve important de relever que ce n’est pas dans les synagogues, auprès des lévites ou des grands prêtres que Jésus lance sa campagne de recrutement. Il ne recherche pas de grands théologiens ou des spécialistes de la loi pour l’assister ou le conseiller dans ses projets d’annonce et de proclamation du royaume des cieux. Il s’adresse à d’humbles travailleurs manuels.

  Lui-même n’était-il pas le charpentier de Nazareth, habitué à travailler de ses mains avec son père Joseph ?

  Jésus n’aura de cesse de nous surprendre, de déranger et questionner ses contemporains comme il nous questionne aujourd’hui encore.

  Relevons que ces 4 premiers disciples ne sont pas anonymisés. Ils ont un métier, pêcheurs, des outils, des barques et des filets, une famille puisqu’ils travaillent avec leurs pères et des prénoms, Simon Pierre, André, Jacques et Jean. La Bible ne nous dit pas s’ils ont eux-mêmes charge d’âme, s’ils ont une épouse et des enfants.

 Leur profession fait d’eux des acteurs essentiels de l’économie locale puisqu’ils fournissent les marchés du fruit de leur travail, en l’occurrence, des poissons.

   Ils ont un statut, une fonction, un rôle, aussi modestes soient-ils. Ils sont reconnus en tant que pêcheurs.

Pourtant, ils ne vont pas hésiter une seconde à suivre cet homme à la réputation grandissante mais dont ils ne savent probablement bien peu de choses.

  Occupés à lancer leurs filets ou bien à les réparer comme les fils de Zébédée, le texte matthéen emploie deux fois le même adverbe à leurs propos, « aussitôt, ils laissèrent leurs filets et le suivirent », « aussitôt, ils laissèrent la barque et leur père et ils le suivirent ».

Leur obéissance et le caractère immédiat de leur choix nous interroge : n’y-a-t-il pas dans chaque vie et en particulier chaque cheminement spirituel, des rencontres, des points de basculement où nous pouvons ressentir qu’il faut prendre une décision presque instinctivement, spontanément, dut-t-elle être lourde de conséquences ?

  Nous n’avons pas toujours la liberté de prendre notre temps, de peser le pour et le contre, de demander à des amis des conseils avisés.

Il se peut que la réputation de Jésus l’ait précédée sur les bords du lac de Galilée. Peut-être que les pêcheurs ont entendu parler de ce mystérieux rabbi qui commence à déplacer les foules en soignant et guérissant les maux et les souffrances de ceux qu’il croise.

  Secrètement, les 4 premiers disciples vivent peut-être avec un manque, un vide, un creux dans leur vie qui leur fait attendre une rencontre déterminante.

 Nous savons, nous chrétiens que l’appel du Seigneur peut surgir à n’importe quelle période de la vie. Il se peut que certains d’entre-nous gardent en mémoire, le jour, l’heure, le lieu et les circonstances qui ont présidé à cet appel. Pour d’autres, le choix de suivre Jésus a été le résultat d’une longue et lente maturation intérieure.

  Dire oui au Sauveur et accepter de le suivre ne fait pas de nous des personnes meilleures ou irréprochables. Le comportement des disciples le prouvera en maintes occasions. Le Seigneur ne recherche pas des serviteurs parfaits, il sait qu’il n’y en a pas.

Pour le suivre, frères et sœurs, déposons simplement nos bagages, nos filets, nos barques car le projet qu’Il a pour l’humanité est grand et il a besoin de nos bras.

 Etre pêcheur d’hommes, en vertu du sacerdoce universel, ce n’est pas le rôle spécifique et particulier du pasteur. C’est une mission qui incombe à chacun, chacune d’entre nous. Se livrer à une autocritique exagérée pour justifier notre refus à répondre à l’appel n’est pas une bonne attitude. Dieu, qui se manifeste en Jésus sait faire une force de nos faiblesses.

  Luther lui-même n’a jamais survalorisé la fonction de prêtre ou de pasteur. Selon lui, la vocation de chaque disciple du Christ est de s’accomplir et d’accomplir la mission qui lui est confiée dans sa famille, dans sa profession et dans sa vie de citoyen. Aucun travail, aucune fonction ne sont à mépriser.

  Ainsi, dans cette vieille institution qu’est le compagnonnage et avec qui j’ai eu le bonheur de faire un bout de chemin, tous les métiers sont valorisés. Pour peu qu’ils soient pratiqués avec rigueur, sérieux et intégrité, ils deviennent un chemin d’accomplissement.  On pourrait dire : « Ce n’est pas toi qui fais un métier mais c’est le métier qui te fait ».

Il y a fort à parier que Simon Pierre, André, Jacques et Jean étaient d’excellents pêcheurs et de très bons professionnels.

Ils vont dès lors pouvoir mettre à profit leurs qualités au service d’un autre travail, une autre mission qui est aussi la nôtre : devenir pêcheur d’hommes.

Peut-être pensez-vous que le grand filet qu’est l’Eglise aujourd’hui a drôlement besoin de raccommodage car à travers ses mailles, il y a trop peu de prises ! Cela est sans doute vrai mais devons-nous pour autant nous décourager ? Le rayon d’action des pêcheurs d’homme s’est élargi de la Galilée à la terre entière. Et si la pêche en haute mer nous effraie, c’est aussi en soignant, en accompagnant, en témoignant de l’affection et de l’écoute à nos tous proches que l’on peut répondre à l’appel du Christ et amener à lui de nouvelles prises dans nos filets.

  Le texte de Matthieu nous rappelle que l’aura et la réputation de Jésus va très vite dépasser les frontières : « On entendit parler de lui dans tout le pays de Syrie » peut-on lire en effet.

  Cela est d’abord et avant tout le résultat de son action : il enseigne, il proclame la bonne nouvelle et il guérit.

  Pour l’aider, il a besoin de nous ; soyons disponibles et aux aguets pour entendre à nouveau aujourd’hui son appel.

 Savons-nous qui le Seigneur va mettre sur notre chemin ce dimanche, cette semaine et tout au long de cette année ?

Alors que nous sommes dans la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, saurons-nous reconnaître en nos frères et sœurs catholiques que nous accueillerons ici mercredi soir des frères, des sœurs, des disciples ?

Je le crois sincèrement car la démarche œcuménique initiée par nos aînés repose sur de solides fondations.

Alors frères et sœurs, ne cessons pas de jeter inlassablement nos filets sur les mers et les océans du monde.

  Jésus nous appelle chacun, chacune, personnellement, par nos prénoms. Il nous connait et il désire que nous travaillions avec Lui pour son royaume.

Amen

 

PREDICATION POUR LE CULTE A MARMANDE DU DIMANCHE 15 JANVIER 2023

Evangile de Jean 1/ versets 29 à 34.

Chers frères et sœurs,

Une première lecture de ce chapitre qui ouvre l’Evangile de Jean peut nous sembler un peu énigmatique. La rencontre entre Jean-Baptiste et Jésus y est effectivement relatée de façon différente de celle des trois Evangiles synoptiques.

  Certains commentateurs évoquent ainsi la confession de foi de ce mystérieux cousin du Seigneur qui se comporte un peu comme un prophète exalté et passionné. Jean-Baptiste est à la fois un précurseur, un voyant et un messager.

  Il est celui qui rend témoignage, qui atteste de la venue de celui que tous attendent. Contre les autorités juives, les prêtres et les lévites, il reconnait que Jésus est le Messie, qu’« il est l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».

  La lucidité, la clairvoyance de Jean-Baptiste nous interroge. Elle nous renvoie à nos propres questionnements sur la personne du Christ ; sommes-nous capables comme lui, de pressentir et deviner en Jésus le personnage central, la figure messianique qu’il incarne ?

  Jean rend témoignage à Jésus. Vous savez sans doute que c’est verbe martureo, qui a donné martyr et qui veut dire témoigner. Ce terme appartient véritablement au vocabulaire juridique. De même qu’un témoin à un procès, témoigne sous serment de la réalité d’un fait ou d’une identité, de même Jean-Baptiste rend témoignage à la personne de Jésus en qui il reconnait le Christ.

  Il salue sa venue en deux temps ; d’abord en faisant une déclaration, une révélation et ensuite en partageant avec ses auditeurs, avec nous, une vision.

Quel est donc cet agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ? Que peut signifier cette phrase ?

  On devine que c’est le thème du pardon qui est abordé ici.

  Relevons que dans le livre du Lévitique (Lév. 16/22), au jour des expiations, le « bouc émissaire » est chassé au désert pour y emmener les péchés du peuple qu’il prend avec lui.

  Une deuxième explication pourrait se trouver dans le livre d’Esaïe (Es. 54), où le prophète annonce la venue du serviteur de Dieu mené comme un agneau à la boucherie. « Il porte les péchés de beaucoup » nous dit le texte d’Esaïe. Jean-Baptiste a peut-être trouvé là, et les premiers chrétiens à sa suite, une prophétie messianique.

  Rappelons-nous enfin un épisode essentiel de l’histoire d’Israël dans lequel  l’agneau joue un rôle central. Lors de la sortie d’Egypte, durant la nuit pascale, les hébreux sont invités à badigeonner les linteaux de leurs portes du sang d’un agneau. Grace à ce signe, l’épée de l’ange exterminateur épargnera les petits enfants d’Israël (Ex. 12). La célébration de la Pâque juive rappelle l’intervention d’un Dieu qui vient sauver son peuple.

  Comme nous pouvons le constater, les références à l’agneau qui sauve les humains de leur péché, qui sauve les innocents en offrant sa propre vie sont nombreuses dans le judaïsme.

  Jean l’évangéliste nous présente le baptiste comme un visionnaire : la métaphore de l’agneau pascal annonce la mort à venir de Jésus.

  Ainsi, dès le premier chapitre de l’évangile johannique, l’essentiel est annoncé : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».

  Et si cette simple affirmation d’un prophète qui vécut il y a près de 2000 ans était toujours d’actualité. Si cette phrase importante était comme un « bâton-témoin » qui se transmettrait de générations en générations depuis 20 siècles, à l’image des sportifs qui, dans les courses relais se passent ce bout de bois lors des passages successifs et attestent ainsi d’une unité et d’un esprit d’équipe qui mènent à la victoire.

  Il nous appartient, à nous aussi, chrétiens marmandais, à l’orée d’une nouvelle année de faire la course avec cette vérité première, de la partager autour de nous et de la transmettre.

  En cheminant dans les semaines et les mois prochains qui vont nous mener jusqu’à Pâques, ayons la clairvoyance, la lucidité et la confiance de Jean-Baptiste lorsqu’il rencontre Jésus. Avec lui, ayons la ferme assurance que le Seigneur prend et prendra sur lui nos fautes, nos erreurs et qu’il nous en libérera par son pardon définitif et absolu.

  Nous pouvons remarquer que dans l’Evangile de Jean, il n’y a pas de récit du baptême de Jésus contrairement aux récits de Matthieu, Marc et Luc. Mais par contre, le Baptiste a une vision qu’il nous partage ainsi : « J’ai vu l’Esprit de Dieu descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui, j’en suis témoin. »

  Intéressons-nous un instant à l’image de la colombe, cette colombe qui nous est chère à nous protestants et qui figure sur la croix huguenote.

  Dans la littérature rabbinique, elle représente l’Esprit de Dieu qui se mouvait au-dessus des eaux au moment de la création. Pour d’autres, elle suggère l’amour de Dieu qui descend sur terre. Dans le Cantique des cantiques, on peut ainsi lire ceci : « Ma colombe, blottie au creux des rochers, cachée dans la falaise, montre-moi ton visage ; fais-moi entendre ta voix, elle est si agréable et ton visage est si joli » (Ct 2/14).

  C’est vrai, il y a de la douceur et de la grâce chez la colombe et l’Ecriture nous offre là un bien beau symbole de l’Esprit-saint.

  Des pères de l’Eglise ont évoqué bien sur ce passage dans leurs écrits. Cyrille d’Alexandrie qui vivait en Egypte au Vème siècle écrit ceci :

« Ce n’est donc pas pour lui-même, que le Fils unique a reçu le Saint-Esprit. Car l’Esprit est à lui, en lui et par lui. Mais parce que, s’étant fait homme, il possédait en lui toute la nature humaine, il a reçu l’Esprit afin de la redresser toute entière en la restaurant dans son premier état. Nous pouvons donc voir, par un sage raisonnement et en nous appuyant sur les affirmations de la sainte Ecriture, que le Christ n’a pas reçu l’Esprit Saint pour lui-même, mais plutôt pour nous, qui étions en lui. Car c’est par lui que nous parviennent tous les biens ».

  Ce propos et l’évocation de la colombe qui représente dans l’imaginaire chrétien l’Esprit Saint nous renvoient à la mystérieuse présence de Dieu ici-bas, au cœur de l’homme, dans le repli de son âme. La descente de l’Esprit sur Jésus et sa présence permanente en lui signifie que cette présence divine peut être une réalité pour chaque être humains, chaque croyant, chaque disciple. Jésus est véritablement porteur de la réalité divine et il la communique par l’Esprit.

   Très bien, et pour nous aujourd’hui, qu’est-ce que cela change de croire en ce Messie porteur de l’Esprit Saint, porteur de cette puissance de vie et d’amour ?

 Cela change tout ! Nous changeons de paradigme, de réalité sociale, relationnelle et spirituelle.

  Nous sommes en effet appelés à mettre notre foi en celui qui nous baptise à son tour d’esprit et de feu.

   Comme le prophète Jean, nous pouvons témoigner inlassablement de ce que la foi en Christ transforme et bouleverse nos vies.

  Je me rappelle avoir questionné un ami pasteur lorsque j’étais un jeune homme. Je lui avais demandé ceci : « Qu’est-ce que le St Esprit ? ». Il m’avait répondu : « C’est l’Esprit avec lequel Jésus travaillait ».

   Les adjectifs et les qualificatifs accolés et attribués à l’Esprit sont nombreux : bon esprit, mauvais esprit, esprit d’équipe, esprit de division, esprit de concorde et d’unité, esprit d’entreprise, vous en connaissez sans doute bien d’autres.

  Je crois que les fruits de l’Esprit se mesurent à l’aune des gestes de solidarité, d’entraide et de fraternité.

Comme Jean-Baptiste, nous pouvons parfois entrevoir, dans une vision furtive, lors d’une rencontre ou à travers les médias, un homme, une femme habitée par l’Esprit ; on dit même parfois, il ou elle a beaucoup d’esprit !

  La femme rabbin Delphine Horvilleur que certains d’entre vous connaissent me semble être porteuse de cet Esprit de concorde, d’ouverture et de dialogue qui font d’elle un artisan du discours interreligieux.

  Des grandes figures chrétiennes, comme l’archevêque anglican Desmond Tutu par exemple, sont aussi la preuve, qu’en Christ, le serviteur est habité par l’Esprit.

  Comme Jean-Baptiste, comme les disciples qui nous ont précédé, laissons-nous saisir par l’Esprit de vérité du Seigneur qui nous fera dire :

« J’ai vu cela, et je suis donc témoin que c’est lui le Fils de Dieu ». Amen

 

PREDICATION POUR LE JOUR DE NOEL 2022 A TONNEINS.

Esaïe 52/7 à 10 et Jean 1/ 1 à 18

Chers Amis,

Quelle lecture surprenante et particulière que ce prologue de Jean pour un matin de Noël. Avec ce 4ème Evangile, pas de récits de la naissance de Jésus, pas de bergers, pas de visites des mages, pas d’étables et de mangeoires.

  Pourtant, ce texte qui introduit l’Evangile johannique nous dit des choses essentielles sur Jésus, sur sa venue, sur sa mission.

  Des mots importants reviennent en boucle et ils peuvent nous accompagner pour ce jour de fête.

  « Au commencement était la Parole » ; d’autres traductions disent « Au commencement était le Verbe ».  Deux mots pour le Logos qui signifient que le Dieu du 4ème Evangile décide de se manifester à l’humanité sous la forme d’une Parole incarnée et intelligible, compréhensible par tous.

  Cette Parole primordiale peut être reliée aux tous premiers mots de l’Ancien Testament dans le livre de la Genèse, souvenons-nous : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » puis un peu plus loin, Dieu dit : « Qu’il y ait la lumière », « Que la terre produise des êtres vivants », « Faisons les êtres humains à notre image », etc…

  Le prologue de Jean est justement là pour nous rappeler qu’avec Jésus-Christ, le monde, la création et les humains qui la peuplent et l’habitent sont rentrés dans une nouvelle ère.

  Au lieu d’un récit de Noël, nous découvrons ce matin un texte qui parle d’une création nouvelle, une création souhaitée par Dieu mais qu’Il a voulu de toute éternité.

  Soyons comme des enfants ce matin ; accueillons avec joie et simplicité ce message : cette Parole, ce Logos qui vient de Dieu nous apporte la lumière. Comme c’est étrange, une Parole qui éclaire ! Une lumière qui brille dans les ténèbres. C’est pourtant exactement ce que nous dit Jean dans ce prologue à la fois si mystérieux et si poétique.

  Les ténèbres, nous connaissons, nous savons ce que c’est. Les recoins sombres de nos vies, les regards négatifs ou envieux sur nos prochains, la folie destructrice dont savent souvent faire preuve les hommes ; nous en avons des exemples dans l’histoire récente jusqu’à aujourd’hui.

   Jésus qui est présenté comme la Parole faite chair est également le symbole de la sagesse incarnée, celle d’un Dieu qui se fait homme par amour et pour le salut de tous.

  Comment prendre la mesure de ce que la naissance de Jésus signifie dans nos vies à travers ce texte à la fois extraordinaire et complexe, qui introduit l’Evangile de Jean ?

   Peut-être en gardant dans nos cœurs, les récits de la Nativité à Bethléem mais en n’oubliant pas que l’enfant de Marie et Joseph n’est pas seulement un petit d’homme mais qu’il est aussi, comme Jean le présente, l’incarnation de la Parole, une Parole créatrice qui existe depuis toujours.

  Un moine, chrétien orthodoxe égyptien qui vécut au XXème siècle, Matta El-Maskin relève fort justement que si les Evangiles de Matthieu et de Luc racontent une naissance humaine qui s’est produite dans l’histoire, Jean la resitue dans un contexte divin qui la transcende totalement.

Il écrit également ceci : « Au cœur même de l’Evangile, nous percevons ainsi combien l’histoire et l’éternité sont mêlées d’une façon merveilleuse, qui dépasse toute intelligence. Car l’histoire est et reste toujours l’histoire : elle ne relate que des événements passés, révolus, « morts » en quelque sorte, en en précisant le jour, le mois, l’année. Il a toujours été impossible d’imaginer que l’histoire et l’éternité se rejoindraient un jour. Et voici que maintenant, l’histoire se dresse en la personne de Jésus-Christ, vivante et vivifiante, efficace et dominant tout. »

Je crois que ce sage théologien égyptien a parfaitement raison. A Noël, un simple fait historique, foncièrement banal, la naissance d’un enfant rejoint de façon éternelle notre présent de disciple, ici à Tonneins et dans tous les temples et Eglises de la planète.

   Il en sera de même pour toute la vie de cet enfant Jésus dont nous fêtons la naissance aujourd’hui. En actualisant en permanence les événements marquants de sa vie, baptême, dernier repas pris avec les disciples, condamnation et crucifixion, puis résurrection, nous affirmons notre foi en ce Sauveur dont la Parole est lumière, vie et espérance.

Dans l’Evangile de Jean, Jésus n’est pas présenté comme un homme remarquable par sa conception et sa naissance extraordinaire ; il est Dieu Lui-même. Un Dieu qui a tout créé, un Dieu Fils unique et totalement uni au Père.

 Il n’y a pas de contradictions avec les autres Evangiles ; il y a plutôt une complémentarité, un éclairage différent sur ce que Jean affirme être l’existence profonde et totale du Christ, à savoir être une lumière pour tous les humains.

  Dans nos climats tempérés et dans l’hémisphère nord, Noël tombe au cœur de l’hiver et dans la période du solstice, quand les jours sont les plus courts. Plus on monte vers le nord et plus les nuits sont longues.

  Nous sommes à même de mesurer l’importance de la lumière pour nous éviter les mauvaises chutes au dehors, éclairer nos veillées hivernales durant les longues soirées.

   La métaphore d’un Jésus qui vient illuminer à Noël nos nuits, nos chemins sombres et nos impasses s’impose à nous chrétiens comme une évidence.

  On peut penser à ce cantique de l’Avent qui dit : « Toi qui es lumière, toi qui es l’amour, mets dans nos ténèbres, ton Esprit d’amour. » Vous le connaissez bien, nous l’avons chanté il y a une semaine.

  Notre monde a terriblement besoin de lueurs, lueurs d’espoir, d’espérance, lueurs données par des gestes de solidarité et d’amitié.

Nous pouvons penser aujourd’hui au peuple ukrainien, victime de bombardements consciencieux dont le but et de détruire tous les réseaux électriques et qui doit affronter un hiver traditionnellement glacial.

Plus proches de nous des camps de migrants en Grèce, en Italie mais aussi en France à Grande Synthe ou sous le métro parisien voient des hommes, des femmes et des enfants affronter les rigueurs de l’hiver dans l’indifférence et un aveuglement volontaire de nos responsables et dirigeants.

  La lumière du Christ, de l’enfant de Bethléem cohabite avec les ténèbres, avec le mal qui peut prendre de multiples formes et de multiples noms : égoïsme, mépris, racisme ou rejet de l’autre.

N’oublions pas, en ce jour joyeux et heureux que la lumière de Noël ne brille par pour tous.

N’oublions pas également que comme Jean-Baptiste, des témoins de la lumière s’exposent. Nous savons en effet que dans certains pays, fêter les fêtes chrétiennes implique de prendre des risques. Nous pouvons penser particulièrement au peuple arménien pris en tenaille entre une Turquie et un Azerbaïdjan très agressif et une Russie indifférente accaparée par sa guerre en Ukraine.

    Dans nos ténèbres, la naissance et la gloire du Fils unique du Père sont un message de paix. Cette paix, on aimerait qu’elle soit une réalité pour les pays en guerre et les zones de conflit ; on aimerait aussi qu’elle soit un temps de réconciliation pour les familles désunies, pour les cœurs déboussolés.

  Ce Noël 2022 peut être un nouveau départ, un nouveau commencement pour nous aussi. Nous pourrions alors découvrir qu’au commencement de ce Noël d’aujourd’hui était la Parole, une Parole qui nous éclaire, qui nous fait naître et renaître à nouveau, qui nous fait mourir à tout ce qui nous encombre et nous écrase.

   Cette Parole que Jésus va incarner nous donne la plénitude et grâce sur grâce écrit Jean.

   Dieu se révèle à Noël en la personne d’un nourrisson dont la vie et le parcours vont nous permettre de découvrir l’immense amour du Père et la compassion du Fils.

  Les hommes n’avaient pas rêvé d’un tel Dieu. Ils l’imaginaient puissant, reconnu par les grands de ce monde, autoritaire et scrupuleusement servi et obéi.

  En ce jour de fête, accueillons Jésus avec joie, lui qui se fait le serviteur de tous, dans nos foyers, dans nos familles, dans notre Eglise et dans notre monde.

  L’Evangile de Jean nous le dit simplement : en recevant chez nous, en nous cette Parole de vie, en mettant notre foi dans le nom de Jésus-Christ, nous devenons aussi enfants de Dieu. Amen

 

  

 



PREDICATION POUR LE CULTE A MARMANDE DU 18 DECEMBRE 2022.

4eme dimanche de l’Avent. Matthieu 1/18 à 25.

Chers amis,

 

A la lecture de ce récit de l’annonce à Joseph de la naissance d’un fils, nous sommes habités par de nombreuses questions ; la première qui me vient à l’esprit et qui a peut-être été celle de Joseph est celle-ci : Jésus, qui es-tu ?

  Vous savez sans doute que les noms et prénoms attribués à un être humain, en particulier en hébreu et en grec sont lourds de sens et définissent la personne qui les porte bien mieux et bien plus que ce que l’on pourrait penser.

  Ainsi, dans ce texte, l’enfant de Bethléem va être appelé Jésus, Emmanuel et l’évangéliste Matthieu le présente comme le Christ.

  Son premier nom, Jésus est riche de significations. Jésus est en effet la forme grecque de l’hébreu Yeshua qui signifie « Yahvé sauve ». Il est bien celui qui sauve son peuple de ses péchés. Lorsque l’on appelle Jésus également le Sauveur, nous sommes pleinement en accord avec le sens premier de son nom.

Au-delà du merveilleux avec cet ange qui apparait en rêve à Joseph, se fait jour le premier trait important de l’enfant de Marie et Joseph : il est celui par qui vient le salut.

  Jésus est également présenté comme l’Emmanuel, ce qui signifie en hébreu, Dieu est avec nous, Dieu est parmi nous. Ce nom est cité dans le passage du livre d’Esaïe que nous venons également d’entendre. « La jeune femme sera enceinte et elle mettra au monde un fils. Elle le nommera Emmanuel, ‘Dieu avec nous’ »

  Relevons que Jésus n’est jamais appelé Emmanuel ailleurs que dans ce verset. Matthieu a-t-il voulu appuyer son récit par une référence explicite au versets prophétiques d’Esaïe ? Si cela est possible, il n’en demeure pas moins que dès le début de son Evangile, Matthieu insiste sur le fait qu’avec cette conception miraculeuse, Dieu entre dans l’histoire des hommes.

  Le début de notre récit associe également au prénom Jésus le terme, le titre de Christ qui est la traduction grecque du mot Messie. Jésus est donc bien celui que les prophètes avaient annoncé, il est le Messie, celui par qui le salut d’Israël mais aussi de tous les peuples de la terre va arriver.

   Relevons également que l’origine davidique de Joseph va faire de Jésus un Fils de David, une autre appellation du Messie.

   Vous voyez chers amis, dans ce cours récit, nous en apprenons déjà beaucoup sur l’enfant de Bethléem, Jésus Christ, l’Emmanuel, Fils de David. Il est à la fois celui par qui le salut de Dieu arrive jusqu’aux hommes, présence de Dieu parmi nous et le Messie annoncé par les prophètes.

  Ce qui va définir et construire également Jésus est son contexte familial, ses parents qui sont Joseph et Marie.

  Joseph est présenté comme un juste qui est confronté à un dilemme terrible : soit appliquer la loi et, dans le cas de l’adultère supposé de Marie, cela avait pour conséquence, après une rupture publique du contrat d’union, la lapidation, soit agir selon la miséricorde en n’exposant pas sa fiancée à l’opprobre général.

  Non seulement, Joseph prend la décision de garder secret cette conception dont le texte dit qu’il n’en est pas responsable mais il fait le choix de croire en ce rêve qui vient mystérieusement bousculer sa vie.

 Joseph est un homme de foi, qui va vaincre ses peurs, peur du déshonneur, peur de commencer une vie de couple en dehors des règles de la loi, peur de devoir assumer une paternité malgré lui.

 Notons qu’à propos de Marie, Matthieu l’évangéliste cite le passage d’Esaïe qui en passant de l’hébreu au grec a traduit « la jeune fille sera enceinte » par la « vierge sera enceinte ». On voit là que le dogme de la virginité de Marie peut être très librement discuté.

  On peut aisément comprendre et accepter que ce récit de l’annonce à Joseph ait été présenté par Matthieu dans le but d’affirmer une cohérence théologique dans l’attente du Messie mais également pour introduire son Evangile et le ministère de Jésus jusqu’à la Pâques à Jérusalem.

  Comment interpréter ce récit aujourd’hui et quels enseignements pouvons-nous en tirer ?

 Je crois en premier lieu que chaque chrétien a le droit de s’approprier ce texte avec ce qu’il comporte de merveilleux, de questions voir de problématique.

 Ce récit est en effet merveilleux car il évoque une conception qui défie toutes les règles de la vie, comme un Dieu qui communique par les rêves. Il met également en scène le comportement sage, avisé et bienveillant de Joseph.

   Certains théologiens protestants contemporains n’hésitent pas à remettre en cause la conception miraculeuse de Jésus et le dogme de la virginité mariale.

Je trouve qu’accepter d’envisager que les rédacteurs des Evangiles aient pu présenter la conception et la naissance de Jésus de façon extraordinaire et miraculeuse n’est pas un obstacle pour notre foi.

Aujourd’hui encore, notre quête de sens nous pousse à envisager des hypothèses comme des faits avérés sans raisonner de façon cartésienne.

  Les sciences de la vie, la physique et les mathématiques nous ont éclairé au fil du temps sur les phénomènes naturels.

Avec les récits bibliques et en particulier ceux de la Nativité, nous ne sommes pas sur le même registre. Nous sommes en effet dans celui de la foi qui relève alors d’une certaine subjectivité.

   Par ailleurs, reconnaissons sans peine que notre monde contemporain est à la fois désespéré et désespérant. Conflits multiples et variés, avec leur cortège de drames et de souffrances sont rapportés quotidiennement par nos médias. Une crise politique, sociale, économique mais aussi écologique et environnementale remplit tous les jours nos pensées et nos préoccupations. Les sujets d’inquiétude sont, vous le savez bien multiples et variés.

  Le temps de l’Avent et ses récits ne doivent pas nous rebuter et nous interloquer ni faire de nous des croyants dociles et crédules. Ils s’inscrivent dans un projet théologique et messianique annoncé par les prophètes et voulu par Dieu. C’est exactement ce que souhaite nous faire partager les 4 évangélistes et Matthieu en particulier.

  Dans des temps difficiles, il est bon de vivre dans l’attente de ce Noël à venir.

  Nous évoquions les souffrances de certains et certaines. Elles peuvent être la solitude, le deuil, la maladie qui exclue et qui isole ou bien des regrets qui enferment et empêchent de se projeter dans l’avenir.

   La Bonne Nouvelle de ce Noël peut encore bousculer bien des logiques mortifères, bien des sentiments d’échecs et de lassitude.

  Comment le traduire dans cœurs et dans nos vies ? Peut-être avant tout et en bons protestants en nous replongeant dans l’Ecriture, source inépuisable pour notre foi.

  Plus que de nous focaliser sur la « jeune fille » traduit par « la vierge » dans le NT, relevons que la venue de Jésus hier comme aujourd’hui acte la présence de Dieu dans nos vies et dans ce monde. Dieu n’est plus un Dieu lointain et inaccessible. Il entre dans l’histoire des hommes et la traverse génération après génération pour arriver jusqu’à nous.

    Les récits de la conception miraculeuse de Jésus et de sa naissance entourée de signes ne doivent pas occulter le fait que les mystères de la transmission de la vie et le côté extraordinaire de chaque naissance sont bien réels.

    Le texte matthéen nous apprend que Joseph, en serviteur attentif, obéit à son réveil aux prescriptions de Dieu. Il prend sa femme Marie chez lui. Joseph, homme de foi avisé, croit que Dieu peut lui adresser un message par l’entremise de ses rêves.

  Avec lui, le rêveur n’est plus un être distrait, fantasque et peu crédible. Joseph le rêveur est un visionnaire qui nous précède sur le chemin qu’emprunteront les futurs disciples.

  Assurément, la confiance en Dieu et la responsabilité qu’il prend devant Lui font de Joseph le personnage clef qui permet à l’Evangile de débuter.

  Peut-être y-a-t-il là pour nous un signe, une incitation à écouter et suivre plutôt nos rêves que l’application rigoureuse de la loi et des règles qu’elles soient religieuses ou civiles.

  De nombreux prophètes du XXème siècle ont fait justement le choix de la désobéissance, du refus de lois iniques ou mortifères. Ils ont choisi d’écouter les messages de Dieu et de traduire leurs rêves dans la réalité de ce monde.

Martin Luther King, Nelson Mandela ou plus proche de nous Théodore Monod, témoignent que l’écoute de la Parole et sa mise en pratique peuvent amener de véritables bouleversements sur les plans politiques, sociaux et spirituels.

  Rendons-nous disponibles, à une semaine de Noël ; ouvrons nos cœurs, ouvrons nos âmes, accueillons les paroles de Dieu. Peut-être va-t-il s’adresse à nous à travers nos rêves ?

Peut-être va-t-il se servir d’un frère, d’une sœur pour nous dire quelque chose d’important ?

  Comme Joseph, à l’écoute de ce qui pourrait paraître insignifiant, un simple rêve, nous pourrons alors devenir acteur de cette Bonne nouvelle qui prend racine Noël après Noël et en particulier pour ce Noël 2022.

Amen

PREDICATION POUR LE CULTE A TONNEINS DU 11 DECEMBRE 2022.

Matthieu 11/2 à 11 et Jacques5/ 7 à 12.

 Chers amis,

 

 J’ai longuement hésité entre prêcher sur l’Evangile de ce jour, dialogue de Jean-Baptiste en prison avec Jésus, par l’entremise de ses disciples ou bien plutôt sur ce passage de l’Epître de Jacques, Epître que l’on lit assez peu et que Luther désignait avec un certain mépris comme une « Epître de paille ».

   J’ai finalement choisi cette lettre attribuée à Jacques, « le frère du Seigneur » dont l’auteur est plus probablement un héritier de la pensée et de l’autorité d’un tout proche de Jésus. Relevons que son inscription au canon des Ecritures est tardive puisqu’elle date du IVème siècle.

   Je trouve en effet que dans ce temps de l’Avent et à à peine deux semaines de Noël, ce catalogue d’instructions, d’exhortations et de conseils peut nous être fort utile, certains commentateurs n’hésitant pas à comparer l’Epître de Jacques aux livres de sagesse du 1er testament. Le pasteur et théologien Louis Simon évoquait d’ailleurs à propos de cette lettre une « Ethique de la sagesse ».

  Je vous propose, dans une 1ere partie de voir en quoi l’attente est une notion foncièrement positive, voire une nécessité.

  Un homme politique célèbre de la 5ème république et qui en fut président pendant de longues années disait : « Il faut donner du temps au temps ».

  « Prenez donc patience frères, jusqu’à la venue du Seigneur » venons-nous d’ailleurs d’entendre dans cette lecture.

  L’image du laboureur vient illustrer cette injonction à la patience, à l’attente sereine. Comme lui, le chrétien ne maîtrise pas le processus de maturation qui permet de passer de la graine à l’épi, des semailles aux moissons. Il lui faut accepter de s’en remettre au rythme de la nature pour récolter le « fruit précieux » qui va le nourrir et le faire vivre.

  Si dans ce passage de la lettre de Jacques, c’est bien l’avènement du Christ, c’est-à-dire son retour qui est ardemment espéré, je trouve que le parallèle est possible avec ce temps de l’Avent durant lequel nous sommes tous tournés vers la naissance du Messie que nous fêterons à Noël.

  Que d’événements tragiques ces derniers mois ; tant de drames et de défis qui paraissent insurmontables pour notre planète, pour notre équilibre social, diplomatique, humanitaire et environnemental. Tout cela pourrait pousser au désespoir les plus solides d’entre nous.

   Pourtant, cette attente confiante du retour du Christ, cette année liturgique qui débute et nous voit à nouveau fêter bientôt Noël et ce, depuis deux millénaires, sonne comme une réponse vigoureuse à tous ceux qui seraient tentés par le puit sans fond du désespoir.

   Ce texte valorise la patience et l’attente qui sont de véritables vertus spirituelles. Nous sommes rentrés dans l’ère du « tout tout de suite » et l’impatience est l’une des caractéristiques de notre époque.

   Nous courons en permanence après le temps, comme si nous pouvions rattraper celui qui est perdu.

  Notre présence à tous ce matin, dans ce temple de Tonneins est la meilleure des réponses à cette course éperdue. Nous avons décidé de déposer sur le côté nos occupations, nos urgences, nos obligations, tout ce qui peut faire le quotidien de nos vies bien remplies. A quoi bon courir après le temps, vouloir accélérer le déroulement des choses ?

  Le cultivateur, comme le sage auteur du livre de l’Ecclésiaste le savent : « Il y a un temps pour chaque chose. Il y a un temps pour enfanter et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher », vous connaissez bien sûr ce célèbre passage.

  Nous pourrions peut-être dire qu’il y a aussi un temps pour prier et pour attendre et un temps pour agir et se réjouir.

  Je crois d’ailleurs que les réjouissances de Noël ont d’autant plus de valeur et de prix lorsqu’elles sont précédées d’une longue attente et que l’on découvre qu’elles sont le cadeau d’un Dieu qui nous offre la divine surprise de sa venue, en la personne de l’Emmanuel, le Dieu avec nous.

  Constatons que ce Messie annoncé par les prophètes était justement attendu depuis bien longtemps.

  Pour nous chrétiens du XXIème siècle, nous nous trouvons dans un entre-deux temporel où il est « déjà-là » mais dans une absence relative qui nous installe dans le « pas encore » de son retour. Cela fait un peu penser aux futurs parents qui préparent la chambre de leur enfant à venir, lui achètent des habits tout en sachant qu’il leur faudra attendre encore quelques mois. Le temps de Dieu n’est pas le temps des hommes, le temps du monde et de la société.

  « Vous aussi, prenez patience, ayez le cœur ferme car la venue du Seigneur est proche » écrit l’auteur de l’Epître de Jacques. Pour nous, disciples du Christ, cette parole semble juste. Dieu, en Christ abolit les distances avec les hommes.

  Nous savons et nous croyons qu’avec Jésus, le Dieu d’Israël et de la révélation ne nous propose pas un projet lointain, une promesse illusoire et sans lendemain.

   Cette tension entre « le déjà-là » et le « pas encore » est très bien illustrée par le travail du cultivateur évoquée par l’auteur de l’Epître.

  Comme le paysan, nous sommes soumis aux aléas de notre météo intérieure, ce qui ne doit, en aucune manière nous empêcher de labourer, de semer et de travailler pour le Royaume.

 Dieu nous appelle à œuvrer inlassablement dans les champs du monde et de notre société. Si nous sommes responsables de l’annonce de la Parole, de la diffusion de l’Evangile, la naissance et le développement de la foi chez nos prochains nous échappent. L’Ecriture nous rappelle que l’Esprit souffle où il veut.

  L’auteur de l’Epître de Jacques nous appelle à ne pas gémir les uns contre les autres afin de ne pas être jugés. Soupirer ou se plaindre sont en effet des formes déguisées de jugements, jugements qui enferment et qui condamnent.

  Peut-être dois-je accepter que le rythme de mon voisin, que le temps de maturation et d’éclosion des graines qui ont été semées en lui ne soient pas le même que pour moi.

 Patience dans la souffrance, endurance dans les épreuves, voici les conseils du disciple Jacques qui fait allusion à Job qui a dû affronter, vous le savez, les pires avanies, avant d’être récompensé pour sa persévérance dans la foi.

  Ce temps de l’Avent 2022 ne saurait nous faire oublier les difficultés présentes, les angoisses de tant de nos contemporains et les soucis de tous ordres. La venue de Jésus dans le monde n’efface pas les questions lancinantes sur la présence du mal et la souffrance de tant d’innocents.

  On peut parfois avoir le sentiment que Dieu reste singulièrement silencieux face aux injustices et aux cris des victimes. Pourtant, l’Epître évoque un Seigneur au grand cœur et qui montre de la pitié. Bienheureux sont ceux qui endurent les épreuves de la vie pourrait être une nouvelle béatitude.

Au cœur de ces épreuves, que le temps nous semble long et comme on aimerait se projeter dans un futur plus apaisé. C’est justement le moment pour nous rappeler que l’avènement du Christ est le projet de Dieu pour l’humanité et ce Noël qui vient est là pour nous le signifier.

  L’attente d’un événement heureux peut nous aider à supporter les affres du présent. Le temps de la promesse, de l’Avent permet d’envisager une pause, une paix, une joie profonde dans un quotidien difficile.

  « Es-tu Celui qui doit venir ou devenons-nous en attendre un autre ? » demandait Jean-Baptiste à Jésus du fond de sa prison. Nous croyons que Jésus est bien la réponse de Dieu à toutes nos interrogations, tous nos doutes et toutes nos angoisses.

 Où sont les prophètes aujourd’hui et qui écoute leur voix ? Ils sont surement ceux qui dérangent encore les pouvoirs en place, qui parlent à contre-courant et qui dénoncent les idées reçues.

  Notre Eglise a pour mission de faire entendre une parole singulière sur l’accueil de l’étranger, réfugié ou clandestin, sur l’environnement et le devenir de la planète, sur la solidarité intergénérationnelle ou sur le soutien aux plus pauvres.

  Il y a des prophètes en son sein, il y en a également à sa périphérie et hors de son rayonnement propre. Le philosophe et sociologue de la complexité Edgard Morin qui est plus que centenaire écrit ceci :

« Chacun porte en soi le double impératif du Je et du Nous, de l’individualisme et du communautarisme, de l’égoïsme et de l’altruisme.

La conscience de ce double impératif s’est profondément enracinée dans mon esprit au fil des années. Elle m’a toujours poussé à entretenir et à fortifier la capacité d’amour et d’émerveillement en même temps que la résistance obstinée à la cruauté du monde ».

   Edgard Morin, sage athée aux racines juives rejoint ce Dieu qui avec Christ nous permet justement de développer cette capacité à aimer, à s’émerveiller, à affronter toutes les forces de destruction et de mort à l’œuvre dans notre monde.

  A quelques jours de Noël 2022, rappelons-nous simplement que Dieu nous appelle à choisir la vie, à cultiver respectueusement la terre et nos cœurs pour de futures récoltes et moissons abondantes.

Amen

 

 

PREDICATION POUR LE CULTE DU DIMANCHE 4 DECEMBRE 2022 A MARMANDE.

Matthieu 3/1 à 12. TOB

Chers Amis, chers frères et sœurs,

 

Y-at-il des Jean-Baptiste parmi vous ce matin ? Va-t-on trouver dans notre Eglise un prophète un peu fou, qui, en ce temps de l’Avent 2022 va mettre l’accent sur notre envie et nos besoins de vivre la rencontre avec le Christ ?

   Le texte de ce jour plante le décor : En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : « Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché » peut-on lire dans l’Evangile de Matthieu.

  On pourrait écrire aussi, en cette fin d’année 2022, paraît un homme un peu illuminé, qui annonce dans notre société déboussolée, dans les déserts affectifs et sociaux de tant de nos contemporains qu’un autre monde est possible.

  Un homme un peu illuminé, un peu fou ? C’est surement l’image que donne de lui Jean le Baptiste.

Mais je crois que le fils de Zacharie et d’Elisabeth n’est pas si fou que cela. Nous savons depuis le premier testament que le prophète interpelle, apostrophe, dérange, déroute, mais cela parce qu’il est mu et habité par l’Esprit, parce qu’il est chargé d’une mission qui lui est supérieure, qui fait de lui un serviteur de Dieu.

   Cette certitude nous permet d’ores et déjà d’éliminer de notre sphère d’influence tous les gourous, prophètes auto-proclamés qui sont surtout soucieux de leur destin propre, de leur bien être matériel et financier et qui sont avant tout préoccupé par l’estime et la considération que pourraient leur porter leurs contemporains.

   Loin du clinquant, du paraître, de la suffisance que Jean-Baptiste reproche durement aux Pharisiens et Sadducéens, le prophète qui précède et annonce Jésus fait le choix du dénuement, de la solitude et de la lucidité. Il a choisi de vivre et prophétiser dans le désert, ce désert de Judée à la fois proche de Jérusalem et bordé par le fleuve Jourdain.

  Peut-être que certains ou certaines d’entre vous ont eu l’occasion dé découvrir la beauté et l’âpreté d’un désert. Ayant eu cette opportunité dans ma jeunesse, j’avais découvert que le désert a cette capacité à nous mettre, de façon privilégiée, en lien avec Dieu.

  Comme vous le savez, la Bible regorge d’épisodes importants qui se passent dans les déserts ; ainsi l’Exode du peuple hébreu pendant 40 ans dans le désert du Sinaï comme la tentation de Jésus pendant 40 jours et qui suit notre passage de ce jour dans l’Evangile de Matthieu.

  Par analogie, on utilise souvent ce terme dans différents contextes. On parle ainsi de « déserts affectifs et spirituels », de « traversées du désert » quand les épreuves de la vie s’accumulent. On dit aussi souvent, en faisant le constat de nos assemblées clairsemées au culte dominical et aux différentes activités ecclésiales que les foules ont déserté notre Eglise.

  C’est justement dans le désert que Jean-Baptiste et ses disciples et successeurs aujourd’hui s’adressent à nous : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »

  Un moine cistercien du 12ème siècle Guéric d’Igny écrivait à propos de ce passage :

« Le chemin du Seigneur qu’il nous est demandé de préparer, mes frères, c’est en y marchant qu’on le prépare, et c’est en le préparant qu’on y marche. Même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste cependant toujours à le préparer, pour que, du point où vous êtes parvenus, vous alliez toujours de l’avant, tendus vers ce qui est au-delà.

Voilà comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur, à qui vous préparez son chemin, vient au-devant de vous, toujours nouveau en quelque sorte, et plus grand qu’il n’était. »

   Le moine Guéric d’Igny termine son propos en disant ceci : « Si le chemin te parait dur, regarde le terme auquel il te conduit. Et si tu vois ainsi le bout de toute perfection, tu diras : « Qu’ils sont larges tes ordres ». Celui qui pense à ce terme, non seulement trouve que le chemin est court, mais encore il a des ailes, de sorte qu’il ne marche plus : il vole vers le but.

  Que par là vous conduise et vous accompagne celui qui est le chemin de ceux qui courent et la récompense de ceux qui arrivent au but : Jésus-Christ ».

   Vous voyez chers amis, même en plein milieu du désert, Dieu nous conduit, nous fixe un cap, nous dessine un chemin.

  Et je crois très sincèrement que la Parole, l’Ecriture et les Evangiles, tels qu’ils peuvent être partagés et annoncés dans notre Eglise nous permettent de rencontrer celui qui se présente comme le chemin, la vie et la vérité, Jésus-Christ.

  La prédication de Jean-Baptiste, celles des prophètes, des prédicateurs d’hier et d’aujourd’hui sonnent comme un appel à la conversion.

  Une conversion se traduit par des changements dans ma vie : « Je me croyais parfait comme les Pharisiens et les Sadducéens ? Je me découvre et me reconnais pécheur ».  « Je détruisais ma vie et celle de mes proches par ma méchanceté ou mes addictions ? Je m’en libère en prenant le chemin qui mène à Christ. »  La conversion de chacun-e touche à mon intimité profonde, à ma relation à Dieu, à Christ, à mon prochain.

  Jean, le prophète qui baptise confessera, comme nous, ne pas être digne de celui qu’il annonce, de ce Christ qui nous baptise d’Esprit Saint et de feu.

  Mais pourtant, n’oublions pas les paroles et le destin tragique de Jean-Baptiste. « Produisez du fruit qui témoigne de votre conversion » demande-t-il aux religieux qu’il a presque insulté en parlant d’eux comme étant une engeance de vipères.

  Quels pourraient être les fruits demandés à ces hommes surs de leurs savoirs et leur sagesse ?

Quels pourraient-ils être aujourd’hui dans nos Eglises chrétiennes et plus particulièrement au sein de notre Eglise protestante unie ?

  En repensant à ce désert saharien que j’avais eu le bonheur d’arpenter il y a quelques décennies, je me remémorais mes étapes dans quelques oasis. Dans les petites maisons sous les palmeraies, il y avait des montages de dattes et quelques légumes séchés produits dans les potagers délicatement arrosés. Je me rappelle également de la curiosité bienveillante des habitants du désert et de leur hospitalité.

  Nos Eglises, notre portent-elles les fruits que le Seigneur attend d’elles ? Sont-elles ouvertes sur le monde et pratiquent-elles vis-à-vis de tous et toutes un accueil inconditionnel ?

  A l’écoute de la Parole et sous la conduite de l’Esprit, je crois que notre Eglise est fidèle à sa mission.

 Malgré les épreuves de toute sorte que notre époque connait, pandémie, guerres proches et lointaines avec leurs cohortes de réfugiés et d’exilés, crise climatique et environnementale qui impacte déjà durement notre quotidien, l’Epudf fait entendre une voix singulière et prophétique.

  Dans ces déserts quotidiens, elle porte de véritables fruits qui permettent à nombre d’entre nous de cheminer sur les sentiers de la vie.

  Relevons que Jean-Baptiste rappelle fort à propos que nul ne peut se targuer d’une identité religieuse héritée de ses aïeux. Pharisiens et Sadducéens qui se glorifient d’avoir Abraham pour père ont bafoué cet héritage en sclérosant et radicalisant la foi d’Israël.

Parce que des pierres, Dieu peut susciter des enfants à Abraham, cela nous oblige à accueillir chaque frère, chaque sœur qui tape à la porte de notre Eglise avec amour fraternel et bienveillance.

Le risque est toujours grand de faire de notre généalogie un argument de préséance, un faire-valoir qui nous pousserait à nous valoriser à l’excès au détriment des autres.

  Regardons les pierres autour de nous ; la 1ere Epitre de Pierre parle du Seigneur comme de la pierre vivante rejetée par les êtres humains, mais choisie par Dieu et précieuse à ses yeux. L’auteur de cette lettre nous interpelle : « Laissez-vous bâtir, vous aussi, comme des pierres vivantes, pour construire un temple spirituel » (1P 2/5)

   Reconnaissons avec humilité et lucidité que notre Eglise a plus que jamais besoin de sang neuf, de nouvelles pierres, d’artisans et de bâtisseurs pour lui permettre d’affronter les défis de ce XXIème siècle.

  Jean-Baptiste nous rappelle que le message du Christ n’est plus réservé au seul peuple élu, à une caste sacerdotale. Les replis identitaires sont un danger qui guette toutes les Eglises chrétiennes. L’ouverture sur le monde et la société, le dialogue œcuméniques et inter-religieux sont souhaités et voulus par Dieu.

Notre Eglise affirme avec justesse être l’un des visages de l’Eglise universelle. Cela laisse entendre une Eglise aux visages multiples et riche de se diversité. Ceux qui prétendent détenir la vérité et affirme représenter le seul et unique visage de l’Eglise du Christ se trompent lourdement.

  En ce temps de l’Avent, synonyme d’attente, de promesse et de joie, portons du fruit et méditons les paroles de Jean-Baptiste. Ne soyons pas comme ces arbres secs qui ne produisent rien et risquent d’être coupés et jetés au feu.

  Soyons des acteurs confiants et bienveillants de ce monde bousculé et traversé par tant de tragédies.

   Au cœur de tant de souffrances, tant de questions sans réponses et de doutes déstabilisant, faisons place à la Bonne Nouvelle, à l’Evangile qui nourrit notre espérance comme une corbeille de fruits peut nourrir notre cœur et notre âme.

Amen

PREDICATION POUR LE DIMANCHE 27 NOVEMBRE 2022 A TONNEINS.

Mathieu 24/37 à 43.

Chers frères et sœurs,

 

J’ai choisi de vous lire ce passage de Mathieu dans la TOB car je trouve que la traduction des paroles de Jésus y est plus près du texte grec.

Un mot important s’y trouve deux fois : avènement ! Avènement du Fils de l’homme. Avènement a la même racine qu’avenir. C’est aussi sur le plan grammatical et linguistique un mot proche de l’événement.

  L’avènement, c’est donc l’arrivée, la venue du Messie qui nous est signifiée en ce premier dimanche de l’Avent. Tiens ! Avent, là encore une racine commune avec avènement mais aussi avec aventure.

Et quelle aventure, quelle aventure en effet que cette naissance qui se prépare dans le sein d’une humble famille.

  Quelle aventure que ces trois années de ministère de celui qui deviendra Jésus le Christ et qui va bouleverser l’histoire des hommes, nos vies, ma vie.

  Dans ce passage, Jésus évoque son avènement, traduction en français du mot grec parousia, parousie qui signifie à la fois présence et retour du Christ.

   Il est vrai que nous l’attendons notre Sauveur ; nous l’attendons parfois sereinement et tranquillement parfois non sans une certaine impatience et fébrilité.

  Quelles réponses trouver à nos questions existentielles ? Jusqu’à quand supporter nos souffrances, vivre avec nos manques et nos deuils ?

  Mais faisons une pause, prenons le temps de la réflexion : Jésus n’est-il pas déjà venu dans nos vies ? Ne les a-t-il pas bouleversées et transformées une fois pour toutes et définitivement ?

   Bien que chacun, chacune différents, l’avènement du Christ dans nos vies s’est déjà réalisé pour la plupart d’entre nous.

  Peut-être avons-nous besoin de retremper notre foi au creuset de la Parole et des Evangiles car elle peut avoir tendance à s’émousser au fil du temps avec le poids des années.

 Il y a assurément parmi nous des prophètes, des charpentiers de marine qui, comme Noé construisent des arches aux 4 coins de la planète. Ils anticipent les catastrophes à venir et sont sources d’espérance pour les hommes et les femmes de bonne volonté.

 On ne peut pas ne pas citer les grands penseurs d’une écologie humaniste qui tels Jacques Ellul ou Théodore Monod nous ont mis en garde depuis plusieurs décennies contre le gaspillage de nos ressources naturelles et nous ont prévenu des risques que font courir à la planète une croissance exponentielle qui a pour conséquence le non-respect de la Création et de notre planète-terre.

  Manger, boire, faire la fête, pourquoi pas ! Mais comme il serait bon de faire de notre Eglise une arche de Noé qui soit suffisamment vaste et accueillante pour recevoir de nouveaux arrivants, des jeunes, des idéalistes, des originaux, tous soucieux de donner du sens à leur vie en rencontrant le Christ.

  Quel beau défi pour nous à un mois à peine de Noël : faire connaître Jésus à un ami, un voisin, une connaissance ou à un tout proche, un enfant, un petit enfant.

  Nous en aurions pourtant des motifs d’inquiétude voire d’angoisse pour les mois et les années qui viennent ; nous pourrions céder au désespoir en égrenant la longue liste des tragédies qui ensanglantent la planète. Vous les connaissez comme moi : guerre au cœur de l’Europe, déplacements de population à une grande échelle, cimetière marin en Méditerranée, montée des populismes et développement d’un individualisme forcené qui fait dire à nombre de nos contemporains : après nous le déluge !

  Face aux peurs et aux angoisses légitimes qui peuvent naître en faisant ce triste constat, Jésus nous demande une seule chose : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur va venir »

  C’est vrai, nous le confessons : nous ne savons ni quelles épreuves nous attendent, ni quand le Seigneur y mettra fin. Pour autant l’auteur de l’Epître aux Hébreux écrit que « mettre sa foi en Dieu, c’est être sûr de ce que l’on espère, c’est être convaincu de la réalité de ce que l’on ne voit pas ».

Ce temps de l’Avent qui débute aujourd’hui, c’est le temps de l’attente, d’une attente joyeuse qui n’efface ni les doutes et les questions, ni les souffrances et les peines. Ce temps nous permet de nous projeter dans un horizon qui nous sort des ténèbres.

  Bien sûr, il y a ses paroles du Christ : « Deux hommes seront au champ : l’un est pris, l’autre laissé. Il y a deux femmes entrain moudre à la meule : l’une est prise, l’autre laissée »

  Ces paroles ne doivent pas nous effrayer. Elles sont là simplement pour nous rappeler l’urgence de la conversion, de la générosité et de la disponibilité au service, les risques que comportent les habitudes et le train-train, l’endormissement de la foi.

  S’il y a une urgence dans notre monde et dans notre société, c’est assurément une urgence de solidarité, d’empathie et d’amour. Et où puiser l’eau vivifiante de l’amour, si ce n’est à sa source, c’est-à-dire à Christ ?

  Je me suis toujours interroger sur ce don bien réel qu’ont certaines personnes pour trouver les sources. Vous savez, avec une baguette en Y en noisetier, ils arrivent à trouver de l’eau, souvent avec justesse et précision.

  Celui ou celle qui veille est un peu comme un sourcier. Il n’a pas de baguette de bois mais il a sa foi, sa Bible, sa communauté parfois et tout cela l’amène à découvrir ou redécouvrir en permanence la fontaine de jouvence qui lui permet de se désaltérer et de continuer à vivre.

  « Celui qui croit en moi n’aura jamais soif » dit Jésus dans l’Evangile de Jean.

Vous allez peut-être me dire que vous veillez pour certains d’entre vous depuis fort longtemps ; rien de nouveau sous le soleil de 2022, ou plutôt sous la pluie automnale, comme le dirait l’Ecclésiaste.

   Mais à bien y voir, il y a dans chaque vie des moments lumineux, des émotions suscitées par une rencontre, un spectacle, une lecture, la vision d’une œuvre d’art ou l’écoute d’une musique qui nous ont transformé et nous transforment encore.

  Le veilleur doit donc utiliser tous ses sens pour être totalement présent à la venue du Seigneur, à l’avènement du Christ Sauveur.

  Ouvrons grand nos yeux et nos oreilles. Nous ne savons pas si des voleurs ou des personnes mal intentionnées ne vont pas tenter d’entrer par effraction dans nos maisons intérieures, nos cœurs, au risque d’ébranler notre foi et nous faire douter.

  Le plus sûr moyen de veiller, d’être disponible à la rencontre avec le Christ, c’est de vivre ce temps de l’Avent et cette nouvelle année liturgique simplement et intensément.

Durant ce temps qui va nous mener jusqu’à Noël, vivons dans une attente joyeuse et prenons exemple sur nos enfants, sur nos petits-enfants, sur la jeunesse. Partageons avec eux cette joie qui est la nôtre, pas celle nostalgique des Noëls d’antan, mais celle des lendemains à venir, illuminés par la présence de Jésus dans nos vies.

Bien sûr, nous ne pouvons fuir le doute, les questions et pour certains d’entre nous les souffrances des temps présents. Nous ne pouvons faire abstraction de l’actualité terrible qui est la nôtre sur la commune de Tonneins et qui nous rappelle atrocement combien le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde, combien le mal peut surgir dans une famille sans histoire et dans une petite ville de province plutôt tranquille.

  La colère, la révolte et désespoir peuvent s’emparer de nous face à de pareilles tragédies, face au Noël sanglant qui se prépare en Ukraine, face à l’indifférence ou à l’hostilité de nombreux gouvernements européens vis-à-vis du drame des migrants ballotés de pays en pays sans pouvoir trouver un lieu d’asile.

Pour autant et malgré cela, la petite lumière de l’espérance ne cesse d’éclairer nos routes chaotiques et nos chemins sinueux.

Dieu une fois encore, une fois de plus vient dans nos vies, intervient dans nos existences.

Sans bruit, sans buzz sur les réseaux sociaux et les médias, sans publicité tapageuse, il arrive parmi nous à nouveau en ce temps de Noël 2022.

Ne le cherchons pas auprès des puissants, des grands de ce monde. Ne le cherchons pas non plus sur les champs de bataille ou dans les programmes des partis politiques.

Non, acceptons simplement de nous laisser surprendre, interpeller par celui qui en s’adressant à nous ses disciples, nous dit :

« Tenez-vous prêts car c’est à l’heure que vous ignorez que le Fils de l’homme va venir. »

Amen 

PREDICATION POUR LA CEREMONIE OECUMENIQUE DU RR ACAT DU 13 NOVEMBRE 2022

Lectures : Ezéchiel 33/1 et 7 à 9 – Luc 19/ 1 à 6

Chers amis acatiens,

Pourquoi avoir choisi ces deux passages, si différents et sans trop de liens en apparence ?

Le premier est rapporté par Ezéchiel, Ezéchiel le prophète envoyé à Babylone avec le peuple d’Israël, dont le nom signifie « Dieu fortifie ».

  Dieu s’adresse directement à lui, le « fils d’homme », le « ben-adam », l’individu en opposition à « l’adam », terme qui désigne plutôt l’humanité toute entière.

« C’est donc toi, fils d’homme, que j’ai établi guetteur pour la maison d’Israël » lui dit Dieu. Le mot guetteur en hébreu a une connotation militaire. Il est la sentinelle, celui qui reste sur ses gardes, qui prévient si l’ennemi arrive. Du point de vue religieux, il est le prophète, le veilleur et sa fonction est effectivement proche d’une fonction traditionnellement révolue au gardien dans une armée. Il est là pour alerter des dangers qui peuvent surgir à tous moments.

  Mais la fonction du prophète, en particulier dans le 1er testament est aussi de dénoncer, de débusquer les fautes individuelles et collectives qui mènent au chaos, à la destruction et à la mort.

  Vous voyez chers amis, nous ne sommes pas si loin du rôle prophétique de l’ACAT ; rôle prophétique auprès et au loin qui nous voit alerter nos Eglises sur des crimes inqualifiables et abjectes et dénoncer en même temps l’indifférence, la passivité, voir la complicité des états, des pouvoirs en place, des groupes armés ou des lobbys économiques.

  Les paroles que Dieu adresse à Ezéchiel s’adressent aussi à nous ; réécoutons-les : « Je t’ai établi guetteur pour la maison d’Israël ; tu écouteras la parole qui sort de ma bouche et tu les avertiras de ma part ».

  Ce n’est pas seulement la maison d’Israël qui doit être alertée. Avec le Christ, ce sont tous les humains, tous ceux qui forment l’Eglise qui deviennent veilleurs.

  Et parmi ces humains, se trouve justement Zachée, le collecteur d’impôts, homme infréquentable, honni, rejeté de par sa fonction qui le condamne aux yeux des autorités religieuses.

 De surcroit, nous dit le texte, lorsque Jésus traverse la ville de Jéricho, Zachée caché au milieu de la foule ne peut le voir car il est de petite taille. Lui aussi est un guetteur, une sentinelle ; il est prêt à prendre des risques pour voir le maître et pourquoi pas entrer en contact avec Lui.

  Il se hisse sur les branches d’un sycomore nous dit le texte, pour apercevoir le Seigneur. Nous également, à l’ACAT, nous apprenons à prendre de la hauteur, à ne pas rester collés à la réalité des faits, surtout quand elle est sordide et révoltante. Comme Zachée, nous avons besoin de nous élever par la prière, le partage d’informations pour bien saisir les enjeux, les interactions et les phénomènes complexes qui mènent à la pratique tortionnaire, aux violations des droits humains et aux crimes institutionnalisés.

   Comme Ezéchiel, prophète/guetteur de l’ancienne alliance, comme Zachée, homme rejeté par ses contemporains mais disciple reconnu comme fils d’Abraham, nous exerçons notre droit à la vigilance, au témoignage et à la dénonciation des maux qui ne cessent de ronger l’humanité.

  Comment ne pas penser aujourd’hui à toutes ses plaques et places inaugurées à la mémoire de la journaliste russe Anna Politkovskaïa ? A Agen dans le Lot et Garonne, ce fut en octobre 2012 que fut dévoilée une plaque en l’honneur de celle qui avait été assassinée 6 ans plus tôt. Il faut avoir lu « La Russie selon Poutine », sorti en 2003, ou « Tchétchénie, le déshonneur russe » en 2001 pour comprendre, découvrir ou redécouvrir combien cette journaliste avait pris la mesure du glacis totalitaire, de la chape de plomb que le régime poutinien imposait à la Russie, comme les risques qu’il faisait courir à ses voisins. Son courage et sa détermination nous touchent et nous impressionnent ; sa clairvoyance et sa lucidité nous obligent, nous chrétiens et acatiens à nous questionner, à chercher qui et où sont les vrais lanceurs d’alerte aujourd’hui, les vigiles, les veilleurs ?

   Peut-être avons-nous besoin comme Zachée, d’oser gravir quelques étages, d’élargir notre horizon, pour trouver dans ce monde de folie des disciples, des serviteurs et des prophètes à soutenir, à aider, en prières en en actions.

  Tendons l’oreille, écoutons les appels nombreux, insistants, ce que nous faisons à l’ACAT. Nous viennent à l’esprit et de façon lancinante les prières et les discours du docteur gynécologue et chirurgien Denis Mukwege.

  Prix Nobel de la paix en 2018, son combat pour la dignité et la reconnaissance des violences à l’égard des populations de l’est de la RDC et plus particulièrement des femmes ne rencontre pas l’écho qu’il devrait avoir.

Ecoutons le docteur Mukwege, tel qu’il s’exprime dans son dernier livre « La force des femmes » :

« Certains de mes proches ont perdu la foi, incapables d’accepter l’idée qu’un Dieu charitable observe les massacres perpétrés au Congo depuis plus de 20 ans. Sans la foi, je sais quant à moi que je n’aurais pas pu continuer toutes ces années.

  Je commence chaque journée par une prière qui en appelle aux valeurs que je juge essentielles : amour, compassion, humilité devant Dieu et les hommes, intégrité et solidarité. Je me rends à l’Eglise dès que j’ai la sensation de pouvoir assister à l’office en toute sécurité. Ma Bible est ma plus précieuse compagne de voyage » (La force des femmes, p.348)

Le Docteur Mukwege qui est également pasteur rajoute ceci :

  « Dans mes prêches, je rappelle toujours que le meilleur endroit pour trouver Dieu, c’est en nous, dans nos pensées secrètes et notre conscience. Tout ce qui entoure ce sanctuaire intime est l’œuvre de l’humain, avec ses imperfections et ses vices. Pour moi, Dieu est au début et à la fin de tout, c’est une force universelle capable d’expliquer l’inexplicable, dont la perfection de la nature, la musique, l’art et ce qui nous pousse à aimer les autres et à prendre soin d’eux » (La force des femmes, P.349).

  Le médecin congolais s’inscrit dans la lignée des veilleurs, des prophètes et des sentinelles que, bien plus modestement, nous sommes nous aussi appelés à être.

  Nous puisons dans l’Ecriture force, conviction et foi pour inlassablement interpeller nos contemporains, sensibiliser et pousser à agir nos frères et sœurs chrétiens.

  L’appel à la vigilance lancé par l’ACAT il y a un an et qui est le thème de ce weekend n’a pas pris une ride. Je crois que, dans une actualité nationale et internationale bousculée et parfois si tragique, il y a dans et hors des Eglises des Ezéchiel par la bouche desquels Dieu s’exprime. D’autres, tels Zachée, cherchent à s’élever pour entrevoir ce rabbi mystérieux qui proclame un message d’amour et de salut totalement orienté vers la vie.

  Ce message révolutionnaire prend à rebours les longues diatribes et litanies identitaires de certains responsables politiques mais aussi parfois religieux que les médias relayent abondamment. Le Christ des Evangiles n’appartient plus à un peuple, ni à un temps, ni même à une religion. En délivrant un message de justice et d’amour destiné à tous, il rend le message du Dieu d’Israël véritablement universel. Le philosophe et académicien agenais Michel Serres disait que l’universel, c’est, ce qui bien qu’unique, verse dans le tout.

  Le choix de l’ACAT, et de ses fondatrices a été et reste un combat intégral face aux innombrables et permanentes violations des droits de l’homme qui ont lieu aux 4 coins de la planète.

  Il ne saurait être question pour nous, vous le savez bien, de faire le choix de ne défendre que des victimes de persécutions religieuses, anti-chrétiennes par exemple, ou bien de nous concentrer sur un type de régime politique inhumain.

  A l’universalité de la souffrance et de l’injustice répond l’universalité de notre combat. C’est bien d’ailleurs le sens profond de la DUDH adoptée il y a plus de 75 ans par l’assemblée générale de l’ONU. Pas un état, pas un régime, pas un pays ne devrait tolérer en son sein des crimes et des violations flagrantes des droits humains.

   En relisant l’histoire de Zachée, telle qu’on peut la découvrir dans l’Evangile de Luc, on peut penser également que Jésus s’adresse aussi à nous aujourd’hui ; il nous appelle chacun par notre prénom et nous dit : « Descends vite ; il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison ».

  Le lutte, le combat que nous menons à l’ACAT se fait pour et avec le Christ. A chaque mobilisation, à chaque campagne, à chaque initiative, il s’invite et donne tout son sens à notre action.

  C’est bien dans notre maison commune, cet oïkumene, terme grec qui désigne la terre habitée, l’univers que Jésus s’invite.

  Comme Zachée, comme les premiers disciples, comme la nuée de témoins, nous savons que nous ne pouvons et ne pourrons rien faire sans notre Seigneur Jésus le Christ.

  Le pasteur et théologien Michel Bertrand rappelait lors du Vivr’ACAT 2021 que le premier défenseur des droits de l’homme, c’est Dieu, ce Dieu qui se manifeste en la personne du Christ présent et au centre du Nouveau Testament.

  Est-il besoin de rappeler que Jésus est bouleversé, ému de compassion, littéralement « pris aux entrailles » face aux souffrances et aux injustices qu’il croise. Rejet de l’étranger, mépris du plus faible, condamnation de l’exclu ou de celui qui est jugé impur suscitent chez lui une empathie, un amour et un profond désir de justice.

  Dieu ne nous abandonne pas à nos difficiles combats, à ce que l’on pourrait à tord considérer comme des fatalités ; torture, peine de mort, violences de toutes sortes, ne doit pas produire en nous le fatalisme.

 Dieu, en Jésus, reste présent spirituellement à nos côtés. Jean l’évangéliste parle de l’envoi du Paraclet, autre nom du St Esprit qui peut aussi être traduit par défenseur, avocat qui nous soutient dans notre action.

Que la certitude de cette présence soit notre force pour continuer notre beau combat et le faire connaitre au plus grand nombre.

AMEN

 

 

PREDICATION DU DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2022 POUR LE CULTE A MARMANDE.

Luc 20/27 à 40.

Chers Amis, chers frères et sœurs,

En quoi cette question sur la résurrection des morts nous parle, nous touche et nous remue peut-être ?

  Sans doute parce que nous sommes tous, tôt ou tard confrontés au deuil, à la mort des êtres aimés mais aussi à notre propre mort. En conséquence et tout à fait légitimement nous nous interrogeons sur l’après-vie terrestre et sur la résurrection.

  Dans le cas présent, relevons que Jésus est à Jérusalem, dans le temple et que les Sadducéens cherchent à le piéger sur cette question.

   Qui sont les Sadducéens ?  Ce sont les membres de l’élite sacerdotale et politique d’Israël ; conservateurs en religion, ils n’admettent que l’autorité du Pentateuque, que les juifs appellent Torah, qui est constituée des 5 premiers livres de l’Ancien Testament. Ils réfutent catégoriquement toute croyance en la résurrection, contrairement aux Pharisiens qui eux l’acceptent et la professent.

  Les Saducéens rejettent la tradition orale des Pharisiens et se concentrent sur une justice divine strictement terrestre qui se traduit par un véritable conservatisme social.

  Habitués et rompus aux débats théologiques, ils posent une question faussement naïve à Jésus : dans le cas d’une veuve stérile épousée successivement par 7 frères, qui décèdent un à un, de qui serait-elle reconnue comme épouse dans le monde nouveau des ressuscités ?

  Selon la loi juive du Lévirat (Deut. 25/5 à 10), un homme devait en effet épouser sa belle-sœur en cas de mort de son frère pour pouvoir lui donner une descendance.

   Le premier fils de cette 2ème union devait porter le nom du frère défunt afin que celui-ci ne se voit pas effacé d’Israël. Ainsi le nom du frère défunt demeurait après sa mort prolongeant sa mémoire parmi ses descendants car comme je l’évoquais, les Sadducéens n’envisagent pas la résurrection.

  Aujourd’hui, on peut parfois entendre ceci : ceux qui sont morts survivent à travers leurs enfants, leurs proches. Mais la réponse de Jésus est différente et nous déplace.

   Il commence d’abord par clairement faire la distinction entre « ce monde-ci », le monde terrestre, où les hommes et les femmes doivent se marier et procréer pour prolonger la vie et le « monde à venir » « l’au-delà » dans lequel, fils de la résurrection, ils ne peuvent plus mourir. « Ils sont pareils à des anges » nous dit-il.

  Ces propos tenus par Jésus ne doivent pas nous autoriser à faire des spéculations hasardeuses. « Etre pareils aux anges », dans la résurrection, signifie simplement que l’on a quitté la réalité purement humaine pour une condition céleste dont Dieu seul a le secret. Il nous faut accepter le mystère suivant : nous savons bien peu de choses sur cet au-delà terrestre.

   Jésus explique simplement qu’être jugés dignes de ressusciter par Dieu a pour conséquence de ne plus mourir.

  On le voit, une fois de plus, notre salut, l’accès au Royaume de Dieu, à la vie éternelle ne dépendent pas de nous, de nos propres forces et capacités mais de Dieu seul. A quoi bon nous inquiéter et nous torturer sur la question de la résurrection alors que tout est dans les mains du Seigneur.

  Malgré cela, la question peut se poser à nous de façon simple et directe : « Croyons-nous à la résurrection ou non ? ». « Croyons-nous que le terme de la vie terrestre signe une fin définitive ou est plutôt un passage vers une autre réalité ? »

   Après la dernière Pâques, nous chrétiens professons que Jésus est « le premier-né d’entre les morts ». Il est le vivant, le ressuscité.

  Dans le contexte de cette discussion entre le maître, les Saducéens et les Pharisiens, la dernière Pâques n’a pas encore eu lieu.

  Jésus, dans son argumentation, va s’appuyer sur la Torah, le livre de l’Exode que ses interlocuteurs connaissent bien. En Exode 3/6, Dieu dit en effet à Moïse : « Je suis le Dieu de ton père, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob ».

  Dans la mesure où chacun des 3 patriarches a mis toute sa confiance en Dieu, lui a consacré toute sa vie, Jésus semble dire qu’ils restent éternellement vivants pour Lui.

  Cela m’interroge et me questionne : la résurrection n’est-elle donc pas pour chacun d’entre nous, dès maintenant, dès aujourd’hui ? A partir du moment où je mets ma foi dans le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu des Patriarches, le maître semble dire que je suis déjà ressuscité.

  Relevons qu’être morts à la vie qui nous est offerte peut prendre de nombreuses formes. Les circonstances, de mauvais choix peuvent nous enfermer dans une logique mortifère dans laquelle les relations humaines et la joie d’être sont inexistants.

  Des enchainements de violence et de haine, des désirs de vengeance suscités par la jalousie et le ressentiment sont aussi des causes d’enfermements mortels.

   Au contraire, des choix de vie positifs peuvent se révéler fructueux, riches de bénédictions et de grâces abondantes.

  Choisir la vie plutôt que la mort, l’espérance plutôt qu’une attitude destructrice ou suicidaire permet de faire déjà un pas vers la résurrection.

  Les commentateurs ont relevé que lorsque Dieu a parlé à Moïse dans le buisson ardent, il ne s’est pas présenté comme, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, un seul visage de Dieu pour les 3 patriarches mais comme le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob comme s’il présentait différentes facettes de sa personne à ses enfants.

 Cela laisse entendre que mon frère, ma sœur n’a pas forcément le même type de relations à Dieu que moi.

  Mais en chacun d’entre nous résonne cette phrase de Jésus que l’on retrouve dans les 3 Evangiles synoptiques : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ». C’est toute la puissance de vie de l’Evangile qui résonne dans ce propos.

  Il nous renvoie en effet au matin de Pâques tel qu’il nous est relaté dans ce même Evangile de Luc ; rappelez-vous, les femmes se rendent au tombeau avec des aromates, elles le trouvent vide et s’entendent dire par les deux hommes au visage brillant ceci : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? »

  Jésus nous ouvre ainsi, dès maintenant et dans ce monde-ci les portes de la vie éternelle, la perspective d’une vie pleinement ressuscitée et victorieuse de toutes nos petites morts, tous nos échecs.

  Avec la venue du Christ parmi nous, le monde à venir fait irruption dans notre monde. Jésus est la clé, le chemin, la voie qui nous donne accès à ce supplément de vie qui, dans l’assurance de la résurrection nous permet de ne plus craindre la mort.

Mettons-nous à l’école du Christ et reconnaissons comme les pharisiens qu’Il a des paroles de vérité : « Tu as bien parlé, Maître » leurs disent-ils.

Nous oscillons dans notre quête éperdue pour la vie entre mort et résurrection dans ce monde-ci et questions bien souvent sans réponses pour le monde à venir.

  Laissons-nous saisir par Dieu Lui-même qui vient nous surprendre et se manifester le plus souvent de façon inattendue.

   Nous pouvons voir ainsi, dans ce monde-ci, revenir à la vie, ceux que l’on croyait perdus, désespérés et désespérants, ceux qui étaient parfois en état de mort permanent :  survivants des pires addictions, rescapés des conflits armés, libérés après une longue détention, guéris d’une terrible maladie, nous connaissons forcément autour de nous un exemple proche de résurrection.

  Pour le monde à venir, Jésus nous annonce cette résurrection des morts dans la plénitude. Nous n’avons donc rien à craindre.

« Mort, où est ta victoire ? » Ecrira Paul.

   Nous reconnaissons en Jésus la vérité, la vérité d’un Dieu qui se fait homme par amour pour nous.

Avec Jésus, avec les générations de chrétiens, fidèles à la Parole, nous croyons que « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants car tous sont vivants par lui »

Amen

 



PREDICATION POUR LE CULTE DU 23 OCTOBRE 2022 A AGEN.

Deutéronome 10/12 à 11/1

Chers Amis,

   Ce passage du livre du Deutéronome est titré dans la TOB, comme dans la traduction Segond, « La loi d’amour et d’obéissance ». C’est Moïse qui s’adresse à Israël mais qui s’adresse aussi à nous collectivement et à chacun, chacune, personnellement.

   La tradition a retenu que ce livre du Deutéronome pouvait être considéré comme le testament du prophète d’Israël à qui Dieu a donné la Loi sur le mont Sinaï.

  La question posée par Moïse nous interpelle : « Et maintenant Israël, qu’est-ce que le Seigneur ton Dieu attend de toi ? « Nous pouvons la rédiger un peu différemment et de façon plus directe : « Qu’est-ce que le Seigneur notre Dieu, attend de nous, de nôtre Eglise ? »

   Les versets qui suivent le disent simplement et clairement, il nous faut aimer et obéir. Mais aimer comment et qui, obéir à quelle loi, suivre quelles instructions ?

  Dans notre société et notre monde contemporain, ce livre du Deutéronome vieux de près de 2700 ans a-t-il une pertinence ?

Après la venue du Christ, l’Emmanuel, Dieu avec nous, le discours de Moïse reste-t-il d’actualité ?

  Rappelons-nous que si Christ nous affranchit de tout légalisme, d’une obéissance servile et scrupuleuse à la loi quand elle est érigée en absolu, il ne rejette pas pour autant les préceptes de ses pères.

  La crainte du Seigneur, dont parle Moïse dans ce livre n’est pas une crainte qui écrase, qui paralyse et qui réduit le croyant en esclavage. Cette crainte est plus une attitude qu’un sentiment. Elle rend disponible à une écoute, à un partage, à une obéissance joyeuse.

  L’auteur ou les auteurs du Deutéronome l’écrivent simplement : suivre les chemins du Seigneur, l’aimer et le servir de tout son coeur, de tout son être en gardant ses commandements et ses lois n’a qu’un seul but : notre bonheur.

   Ce qui pour certains non-croyants ou athées militants peut apparaître comme une prison faite de dogmes et de doctrines, un véritable carcan qui nous enferme dans un labyrinthe sans issue, est en fait un chemin de félicité et de joie.

  Reconnaître la seigneurie de Dieu sur ma vie n’est pas lui donner les clés d’une cellule dans laquelle je serai enfermé. C’est au contraire accepter de m’ouvrir sur le monde, sur mes frères et sœurs, sur l’humanité toute entière.

Adonaï, le Dieu d’Israël est en effet un Dieu qui libère, un Dieu qui sort son peuple d’une terre de souffrance, un Dieu qui met fin à l’esclavage. C’est un Dieu qui permet à chaque être humain d’établir une juste relation avec Lui, faite de respect, d’amour et d’obéissance. Ce Dieu, par la bouche de Moïse, nous appelle à la circoncision du cœur, c’est-à-dire à accepter par un geste de soumission purement symbolique de lui laisser une place en soi.

  Jean le Baptiste dans l’Evangile de Jean dira en parlant du Christ : « Il faut qu’Il grandisse et que moi, je diminue » (Jean 3/30).  C’est peut-être cela qui est rendu possible par la circoncision du cœur ; diminuer mon égo, ma suffisance parfois pour faire croître en moi la présence du Seigneur.

  Moïse évoque ainsi avec force l’image de YHWE Adonaï, Dieu des dieux, Seigneur des seigneurs, Dieu grand, puissant et redoutable, impartiale et incorruptible. Mais il ne saurait être question de ne pas mentionner son attention aux plus faibles, aux plus pauvres, aux exclus que sont l’orphelin, la veuve et l’immigré.

  Dans la Torah, l’orphelin, la veuve et l’immigré sont fréquemment cités et associés tous les 3 ensembles. Ils représentent la figure de celui ou celle qui a besoin d’aide, besoin de secours, car sa situation sociale, familiale, économique ou juridique l’expose à la précarité, à la solitude et au rejet.

  Jésus n’aura de cesse de mettre en pratique cette injonction divine à prendre soin du plus faible et de l’exclu.

 Nous nous demandions au début de cette prédication si ce texte vieux de 26 ou 27 siècles avait une pertinence en 2022. Sans aucun doute.

   Nous assistons au cœur de l’Europe, mais aussi au Moyen-Orient, en Syrie, au Yémen ou en Irak à des conflits meurtriers dont l’une des principales conséquences est de produire des orphelins, des veuves et des migrants par milliers.

 Les mouvements populistes qui apparaissent aux 4 coins de la planète et dans notre vieille Europe revendiquent le plus souvent des racines et un ancrage chrétien. Leurs militants ont-ils vraiment lu et compris les Evangiles, les textes du premier testament qui appellent à l’accueil inconditionnel du réfugié, du migrant, de la veuve et de l’orphelin qui sont parfois réunis en une seule et même personne ?

  Un christianisme souvent fondamentaliste et qui insiste sur un sentiment d’appartenance identitaire fleurit aux marges de certaines Eglises et empêche leurs membres d’avoir une relation saine et juste à l’Ecriture et à Dieu. Des clercs et des religieux poussent des membres de leurs communautés à épouser des thèses discutables et dangereuses.

Pourtant avec Moïse et des générations d’israélites, avec une longue lignée de témoins et disciples du Christ, souvenons-nous de cette phrase : « Vous aimerez l’immigré, car au pays d’Egypte, vous étiez des émigrés ».

   Paul, le plus pharisien des apôtres, appelle les chrétiens, dans l’Epître aux Hébreux à se reconnaître étranger et voyageur sur la terre.

   Plutôt que de se crisper sur une identité illusoire et fantasmée, qu’elle soit nationale, religieuse, politique ou philosophique, actualisons les paroles du Deutéronome afin de nous détacher de tous les faux dieux et toutes les idoles de ce monde.

 A nouveau, nous découvrons que le Dieu de Jésus-Christ est un dieu qui libère, qui ne fait pas mémoire éternellement de nos fautes et de nos erreurs. Il est un Dieu qui pardonne, qui fait grâce et qui bénit.

  C’est parce que nous l’aimons et le servons que nous pouvons et devons rendre justice à l’orphelin, la veuve et l’immigré.

  En reprenant la question posée au début de ce texte, nous nous demandions simplement comme Moïse dans son discours, ce que le Seigneur notre Dieu attend de nous.

  Notre époque et notre temps nous pousseraient plutôt à tout attendre de Lui et des autres. Nous en attendons en effet protections, assurance, sécurité, réconfort peut-être ; nous oublions parfois un peu trop vite que pour exprimer toute sa tendresse à notre égard, Dieu a besoin de médiateurs humains. Jésus Lui-même va s’entourer dès le début de son ministère de disciples.

 Et si, bénéficiaires de tant de grâces, de tant de dons et d’attentions, nous acceptions de nous faire serviteurs, serviteurs de nos proches, de nos frères et sœurs en Eglise, serviteurs de l’orphelin, la veuve et l’immigré ?

  Les occasions ne manquent pas auprès de nous pour répondre à cette prière incessante de Dieu. Agir, s’engager dans l’action solidaire, humanitaire, pour le respect des droits de l’homme sont autant de moyens de donner une réponse à cette question lancinante : « Qu’est-ce que Dieu attend de nous, de moi ? »

   Cette réponse peut nous être donnée dans la Bible et les Evangiles : Dieu attend de chacun de nous une confiance et un amour indéfectible à son égard comme à l’égard de notre prochain.

   Amour du prochain et amour pour Dieu sont indissociables et s’enrichissent mutuellement.  « Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas » (1Jean 4/20) écrira l’auteur de la 1ere Epître de Jean.

 Jésus dans l’Evangile de Jean exprime également l’importance de l’amour du prochain : « Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous reconnaitront que vous êtes mes disciples ».

Ces versets et ces paroles sont autant de petits cailloux blancs qui nous guident sur le chemin de la foi et du service.

  Y-a-t-il plus grand projet pour les chrétiens que nous sommes que de chercher inlassablement à embellir la vie par des gestes, des attentions et des paroles qui accueillent, consolent et restaurent ?

  Les associations d’entraide, la Cimade, l’ACAT sont autant de possibilités données pour mettre en pratique cette prière, cette supplique de Jésus qu’il a hérité de ses pères. Il est celui qui dit en effet : « Comme je vous ai aimés, vous devez vous aussi vous aimer les uns les autres ».

  A l’amour premier de Dieu manifesté en Jésus-Christ répond notre amour pour les prochains qui sont sur notre route. Cet amour reçu et donné n’est ni servile ni enfermant.

  Il est simplement le fruit et la conséquence de cette grâce imméritée qui fait notre bonheur à tous. C’est dans une obéissance librement consentie au Dieu d’Israël, Dieu de Moïse et des prophètes, Dieu de Jésus-Christ que nous pouvons accomplir sa volonté.

 A la question du départ répond le dernier verset de notre lecture de ce jour :

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et tu garderas ses observances, ses lois, ses coutumes et ses commandements, tous les jours. »

  Voilà chers amis, ce que Dieu attend de nous. Jésus Christ, notre Sauveur incarne cette obéissance et cet amour pour le Père. Faisons de lui notre ami, notre compagnon de route, Lui qui a dit : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir »

Amen

 


PREDICATION POUR LE CULTE DU DIMANCHE 9 OCTOBRE A TONNEINS.

Luc 17/5 à 10.

Chers amis,

Ce dialogue entre Jésus et les 12 que Luc appelle les apôtres, c’est-à-dire les envoyés est encadré par deux phrases importantes : « Augmente notre foi » demandent les disciples au maître tandis que ce dernier parlant d’eux leur enjoint de dire : « Nous sommes des serviteurs inutiles ».

  Très sincèrement, si notre foi est plus petite qu’un grain de moutarde et si nous sommes des serviteurs ordinaires, certaines traductions disent quelconques, inutiles ou sans mérite, alors, à quoi bon ?

  A quoi bon essayer de faire vivre l’Eglise comme aujourd’hui avec notre repas de rentrée ? A quoi bon lire les Ecritures, prier, nous engager dans la diaconie, obéir du mieux que nous pouvons aux instructions que nous pensons être celles du Seigneur ?

Il y a un aspect un peu provocateur dans les propos de Jésus ; c’est un peu comme s’il nous lançait un défi ; « Ah si tu avais un peu plus de foi, tu réaliserais de véritables prouesses, tu déracinerais un arbre et tu le planterais dans la mer ! »

  Mais plutôt que de prendre ces images du mûrier ou de la montagne déplacés au premier degré, nous pouvons peut-être nous demander : Qu’est-ce que la foi ? A nous, à moi, Jésus s’adresse en nous demandant : que fais-tu de ta foi ? Qu’en attends-tu ?

  Relevons en premier lieu que la foi n’est pas de l’ordre de l’avoir, de la possession. On n’a pas la foi comme on a des bijoux ou des lingots d’or dans un coffre-fort soigneusement cadenassé.

  La foi, elle nous est donnée, offerte par Dieu, comme une grâce, un cadeau qu’il nous appartient d’accueillir avec joie, gravité et humilité.

   La foi nous oblige à changer de direction quand elle fait irruption dans nos vies. Elle prend racine dans une rencontre, une rencontre avec un Dieu qui transforme notre existence.

  Elle implique une relation verticale avec ce Dieu qui nous en fait le cadeau. Les amis de Jésus sont conscients de la faiblesse de leur foi lorsqu’ils s’adressent à leur maître.

  Comme eux, quand je vois mes limites, ma fragilité, mes imperfections, je peux me tourner vers Jésus et lui dire : « Augmente ma foi ! Augmente notre foi ! ». C’est d’ailleurs ensemble, unis que les disciples s’adressent à lui ; ils parlent de « notre foi ».

  Il y a peut-être là un indice qui peut nous faire penser que la foi n’est pas une aventure qui se vit seul à seul avec Dieu. La foi comporte aussi une dimension horizontale ; elle me pousse à me tourner vers mon prochain, vers mon frère, ma sœur, vers un inconnu, un étranger.

  Ma foi, à moi tout seul, ne peut pas faire grand-chose. Elle n’est pas capable en effet de déraciner le moindre arbre, arbuste ni de les planter dans la mer. Mais toutes nos fois mises bout à bout, conjuguées au sein de l’Eglise, de façon collégiale et communautaire peuvent réaliser de grandes choses, parfois de vrais miracles.

  L’histoire des hommes recèle d’exemples où la foi et l’unité ont permis de véritables révolutions pacifiques. Le mahatma Gandhi soutenu par tout le peuple indien a ainsi réussi à obtenir l’indépendance de son pays en 1947 sans mener une guerre contre la puissance coloniale anglaise. C’est comme une lame de fond qui a traversé ce grand pays, coalisant toutes les forces politiques, religieuses et spirituelles afin d’obtenir la liberté       .

  Dans le protestantisme et au sein de notre Eglise, des engagements, des élans et des mouvements ont changé la réalité du monde, la réalité sociale et politique.

Le pasteur John Bost que rien ne prédestinait à priori à pareille aventure a fondé 9 asiles entre 1848 et 1881 pour accueillir des aveugles, des orphelins, des infirmes, des épileptiques, des handicapés et des personnes âgées et sans ressources. Il n’a eu de cesse de sensibiliser ses paroissiens et de collecter des fonds en France et à l’étranger. Outre cet élan qui perdure bien sûr aujourd’hui, puisque la fondation accueille et héberge 1800 résidents, le véritable miracle est aussi que la foi a permis de changer le regard sur le monde du handicap et de la dépendance.

  D’une certaine manière, je crois que les disciples de Gandhi ou les amis du pasteur John Bost ont fait encore plus que déraciner un arbre pour le planter dans la mer. Ils ont touché les cœurs, déplacé les foules, transformé des vies en grands nombres et réalisé un projet qui paraissait à vue humaine totalement improbable.

  Ces prophètes ont aussi su se faire obéir. Au nom d’un intérêt supérieur, ils ont fait preuve d’autorité et la petite foi, grosse comme une graine de moutarde qui était la leur a fait bouger les montagnes.

  Cette supplique, cette prière des disciples adressée à leur maître, peut aussi être la nôtre : « Seigneur, augmente notre foi » ; augmente notre foi, ici à Tonneins, à Marmande, pour que notre Eglise rayonne et que la joie qui émane de ses membres rayonne et pousse des étrangers à franchir le seuil du temple, à vouloir s’engager.

« Seigneur, augmente notre foi » pour que notre communauté attire des jeunes couples qui se sentent bien parmi nous et qui aient envie de cheminer avec nous. Nous n’allons pas déraciner les arbres mais cependant, les petites graines de moutarde qu’il y a en nous peuvent devenir de grandes plantes.

  Jésus évoque ensuite le rôle du serviteur zélé qui fait son devoir. Son propos qui peut nous déranger aujourd’hui est à replacer dans le contexte de son époque. Le rôle du serviteur est en effet alors de travailler pour son maître à tous moments et de lui donner priorité sur ses propres besoins.

  Ces quelques versets par analogie peuvent résumer la vie du chrétien ; le maître a un serviteur qui laboure ou qui garde les troupeaux ; lorsqu’il le voit revenir des champs, il ne l’invite pas à venir se mettre à table mais il lui dit : « Prépare mon repas, puis change de vêtements pour me servir pendant que je mange et bois ; après quoi, tu mangeras et tu boiras à ton tour ».

 Nous aussi, après nos occupations quotidiennes, une journée de labeur et malgré la fatigue et le découragement, Jésus nous appelle à lui préparer le repas.

Aujourd’hui, jour de rentrée et de fête, ce sont Hervé et Amandine qui malgré leurs occupations, leur vie bien remplie avec leurs 4 filles, nous préparent un bon repas.

  Le disciple, le chrétien est d’abord et avant tout un serviteur, celui que l’on remarque à peine tant il se fait humble et discret tâcheron de l’Evangile.

Jésus ne se moque-t-il pas de nous lorsqu’il nous demande de dire « Nous sommes des serviteurs ordinaires » ? Ce terme grec peut aussi être traduit par inutile, quelconque ou sans mérite, nous le disions tout à l’heure.

  Je trouve que ces adjectifs qui peuvent aussi s’adresser à nous-mêmes sont de bons antidotes contre toutes les tentations d’orgueil. Qui que je sois, quoi que je fasse, je reste effectivement sans mérites particuliers. Dieu peut se passer de moi sans que son plan de salut, la vie de son Eglise et de ses communautés ne soient remises en cause. Mais paradoxalement, quel soulagement de savoir que je ne suis pas indispensable à la bonne marche du monde, que l’annonce de l’Evangile se fera avec ou sans moi.

  Le disciple, le serviteur est quelconque, mais cela ne saurait nous démobiliser. Imaginons un seul instant que tous et toutes de façon concomitante nous arrêtions nos efforts et que nous baissions les bras.

L’étrange paradoxe est là ; dans le fait que nous sommes des serviteurs ordinaires et que Dieu ne peut pour autant se passer de nous pour animer et faire vivre son Eglise. Inutiles mais essentiels, quelconques mais précieux aux yeux de Dieu, sans mérites mais totalement aimés de Lui !

Certains commentateurs émettent l’hypothèse que la référence aux serviteurs inutiles ou quelconques aurait été rajoutée après la première rédaction de l’Evangile tant Luc insiste sur un Dieu qui a besoin des hommes pour proclamer son Royaume.

Il y a comme une contradiction dans les propos de Jésus : le maître a grand besoin de son serviteur malgré l’inutilité de ce dernier.

  Je crois que cela peut nous permettre de relativiser l’importance de notre rôle, de nôtre tâche sans pour autant la dévaloriser ou la renier. La société, notre monde ont besoin d’entendre une parole autre, claire qui tranche sur la morosité et la désespérance du quotidien.

  Les prises de position éthique sur des sujets actuels, sur la fin de vie, sur l’accueil de l’étranger, sur l’accueil inconditionnel, le témoignage de l’Evangile à travers la diaconie et l’entraide sont autant d’occasions de traduire pour tous la volonté d’un Dieu aimant et attentionné.

Et s’il n’y a pas de porte-voix, de hérauts et de prophètes, qui pourra écouter et obéir à la volonté de Dieu ?

Le constat est là et il tient dans ces quelques mots rédigés par Luc et prêtés à Jésus : nous sommes faibles dans la foi et sans aucun mérite ; pourtant Dieu nous aime et à ses yeux, notre valeur est infinie. C’est Lui et Lui seul qui donne tout son sens à notre vie.

  Il nous appelle avec insistance à un service humble, joyeux et enthousiaste. S’il ne saurait y avoir de compétition entre nous pour savoir qui est le plus méritant, le plus pieux, le plus important pour la vie de l’Eglise, c’est tous ensemble, chacun, chacune dans la liberté de son cœur que nous pouvons décider de donner, de soutenir et de faire vivre notre petite communauté.

  Nos responsabilités dans l’Eglise ne doivent pas nous pousser à nous prévaloir devant Dieu et les hommes du travail accompli ou à réaliser.

   Nous n’avons pas de reconnaissance, de compliments à attendre de la part de l’Eternel ou de qui que ce soit.

  Contentons-nous d’être les serviteurs qui veillent. Si le maître revient à minuit ou même plus tard et qu’il nous trouve éveillés, heureux serons-nous.

Amen



PREDICATION POUR LE DIMANCHE 25 SEPTEMBRE A TONNEINS.

Luc 16/19 à 31.

Chers amis,

Cette parabole de Jésus dans l’Evangile de Luc pourrait s’intituler vie et destin du riche et du pauvre. Mais si le riche reste anonyme, il est simplement appelé « le riche » tout au long de ce passage, le pauvre lui, a un prénom ; il s’appelle Lazare, ce qui en hébreu signifie « Dieu vient en aide ».

  Sa vie a été un chemin de croix, un calvaire entre la faim, les ulcères que lèchent les chiens, l’indifférence et l’humiliation permanente que lui inflige ce riche personnage qui ne daigne pas le regarder, encore moins s’attarder à le nourrir ou le soigner.

  Il semble bien que le problème de ce riche ne soit pas ses richesses mais son aveuglement qui cache à peine son orgueil et sa suffisance. Il est décrit comme très soucieux de son apparence, de son paraître et organise festins sur festins, chaque jour nous dit Jésus.

  Le Seigneur n’a jamais condamné des personnes qui ont les moyens de faire la fête. Précédemment, dans ce même Evangile, le père du fils prodigue tue le veau gras pour fêter le retour du fils perdu. Mais l’opulence ne doit pas être érigée en raison de vivre et faire oublier qu’il y a autour de soi des Lazare, des pauvres et des exclus.

  Toute cette parabole est construite sur des oppositions : le riche/le pauvre, celui qui vit dans le luxe/ celui qui agonise dans la misère.

  Mais la mort survient et avec elle la justice divine. Là encore, il y a celui qui est sauvé et celui qui est perdu, celui qui trouve grâce auprès de Dieu puisque les anges le portent auprès d’Abraham et le réprouvé qui subit une punition.

  En tentant d’illustrer cette parabole, je visualisais un sablier et sa fine gorge qui laisse passer doucement le sable fin. Lorsque la sphère qui contient le sable est vers le haut, le sable noir qui représenterait le pauvre est écrasé par une grosse quantité de sable blanc qui, brillant, par son éclat symboliserait le riche. Mais le goulot, le canal étroit de la mort vient totalement inverser la donne. La masse de sable blanc deviendrait sombre et tapisserait le fond de la sphère du bas. Par-dessus, le sable noir serait devenu lumineux. La vie de souffrance de Lazare a été reconnue par Dieu et sa justice s’est exercée.

 Saint Augustin qui vécut à la charnière des IVème et Vème siècle et qui marqua durablement la théologie chrétienne et protestante écrit ceci :

« Sans doute, mes frères, ce pauvre couvert d’ulcères, qui gisait à la porte du riche, fut porté par les anges dans le sein d’Abraham ; voilà ce que nous lisons et croyons. Quant au riche qui était vêtu de pourpre et de lin fin et festoyait splendidement chaque jour, il fut précipité dans les tourments de l’enfer. Est-ce vraiment le mérite de son indigence qui a valu au pauvre d’être emporté par les anges ? Et le riche a-t-il été livré aux tourments par la faute de son opulence ? Il faut le reconnaître : en ce pauvre, c’est l’humilité qui fut honorée, et ce qui fut puni dans le riche, c’est l’orgueil.

  Voici, en bref, la preuve que ce n’est pas les richesses, mais l’orgueil qui valut au riche son châtiment. Sans doute, le pauvre fut porté dans le sein d’Abraham. Mais du même Abraham, l’écriture dit qu’il avait beaucoup d’or et d’argent, et qu’il fut riche sur terre (Gen13/2). Si donc celui qui est riche est précipité dans les tourments, comment Abraham a-t-il pu devancer le pauvre pour le recevoir dans son sein ? C’est qu’Abraham, au milieu de ses richesses, était pauvre, humble, respectueux et obéissant à tous les ordres de Dieu. Et son mépris des richesses était tel que lorsque Dieu le lui demanda, il accepta d’immoler son fils à qui il destinait ses richesses. »

  Saint Augustin continue en s’adressant à tous :

« Apprenez donc à être pauvres et dans le besoin, soit que vous possédiez quelque chose en ce monde, soit que vous ne possédiez rien. Car on trouve des mendiants remplis d’orgueil et des riches qui confessent leurs péchés. Dieu résiste aux orgueilleux, qu’ils soient couverts de soie ou de haillons, mais il donne sa grâce aux humbles (Jc. 4/6), qu’ils possèdent ou non les biens de ce monde. Dieu regarde l’intérieur ; c’est là qu’il pèse, là qu’il examine. La balance de Dieu, tu ne la vois pas : c’est ta pensée qui s’y trouve soupesée.

Vois : le psalmiste pose sur le plateau ses titres à être entendu et exaucé, lorsqu’il dit : « Parce que je suis pauvre et dans le besoin » (Ps 86/1). Garde-toi de ne pas être tel : si tu ne l’es pas, tu ne seras pas exaucé. Tous ce qui, autour de toi ou en toi-même, te porte à la présomption, rejette-le ! Ne présume que de Dieu ; n’aie besoin que de lui, et il te comblera. »

  On le voit, cette parabole n’a pas manqué de questionner ce grand père de l’Eglise qui vivait, rappelons-le à Hippone en Afrique du nord.

Que nous dit-elle à nous chrétiens d’aujourd’hui ?

 Je crois qu’elle nous incite à la fois à la générosité mais aussi à la plus grande prudence. Ne nous enfermons pas dans nos certitudes, qu’elles soient intellectuelles ou théologiques. Que les biens de ce monde, le confort, la sécurité matérielle, la situation sociale ne soient pas des prisons qui nous cachent la vue des grandes souffrances humaines. Si nous n’avons pas de Lazare au coin de notre porte, cette petite lucarne sur le monde qu’est la télévision nous rappelle en permanence que dans nos villes, à nos frontières, en Méditerranée des personnes en détresse appellent à l’aide. L’arrivée de réfugiés ukrainiens, subsahariens ou du Proche Orient ne doit pas nous inciter à fermer nos cœurs. Eux aussi, sont des Lazare, jetés à nos portes.

Nous le savons également, point n’est besoin de regarder trop loin pour apprendre ou découvrir qu’il y a des hommes, des femmes ou des enfants qui vivent dans une grande pauvreté. Un sourire, une parole, un geste, c’est déjà beaucoup pour celui qui n’a rien. Etre heureux et comblés avec un toit et de bons moyens de subsistance ne nous exonère pas de témoigner concrètement de notre solidarité.

  La plus grande partie de cette parabole se passe dans l’au-delà de la mort, dans un dialogue surprenant entre Abraham et l’homme riche, Lazare, bien que présent restant silencieux.

  Luc qui reprend les représentations du séjour des morts du judaïsme de son époque cherche moins à renseigner ses lecteurs sur celui-ci qu’à leurs indiquer quelles sont les moyens du salut.

   La figure de ce riche en souffrance, dans ce lieu de torture est là pour nous guider dans le monde et dans la vie.

Relevons cependant que cet homme n’est pas complétement autocentré,  puisqu’il souhaite prévenir ses cinq frères afin qu’ils soient sauvés. « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » dit Abraham.

  Cette parole, elle s’adresse aussi à nous. Débarrassés du souci d’obtenir notre salut par nos propres efforts, nous pouvons nous replonger en permanence dans l’Ecriture, pour y trouver une marche à suivre. Les récits de la création, la révélation, l’avènement de Jésus le Christ, tel qu’on le découvre dans les 4 Evangiles, le développement des premières Eglises, narrés dans le livre des actes et les Epîtres sont autant de balises, de références qui nous guident et nous conduisent au quotidien.

  « S’ils n’écoutent pas Moïse, ni les prophètes, même si quelqu’un ressuscite des morts ils ne seront pas convaincus ». Cette parole que Jésus met dans la bouche d’Abraham à l’intention du riche nous met en garde contre l’attente de miracles ou d’événements surnaturels. On peut se demander ce qu’il pourrait se passer si Lazare revenait de la mort pour mettre en garde les 5 frères de l’homme riche ?

L’écouteraient-ils ? Seraient-ils saisis par la crainte devant ce miracle ? Mais rappelons-nous que Dieu, présent dans le Jésus des Evangiles ne veut plus régner par la crainte.

   La loi, les prophètes ne cessent d’insister sur l’importance et la nécessité de partager ses biens. Les prophètes du premier Testament mettent en garde les puissants et les riches dont l’indifférence et l’arrogance son dénoncés.

  Nous pouvons tirer de bons enseignements de cette parabole : nous chrétiens qui croyons à la résurrection du Christ, nous ne sommes dispensés ni de la lecture, ni de la prière, ni de l’écoute des Ecritures, ni d’une foi qui engage, ni  enfin d’une obéissance à ce Seigneur qui veut notre bonheur et notre salut à tous.

  La résurrection de Jésus est une vérité uniquement pour celles et ceux qui ont la foi. Après Pâques, il ne s’est montré qu’à ses disciples. La supplique de l’homme riche de la parabole pour ses frères est vaine. Pour rencontrer Jésus vivant et ressuscité, nous avons besoin de croire en Lui.

Foi est mise en pratique de la Parole sont indissociables l’une de l’autre. Pour nous disciples d’aujourd’hui, méditons les paroles d’Abraham dans cette parabole : écoutons les Ecritures et acceptons qu’elles transforment nos vies, qu’elles fassent de nous des serviteurs attentionnés et humbles.

La parabole du riche et de Lazare nous enseigne que dans cette vie, on peut être mort, mort à la générosité, mort à la solidarité, mort à la fraternité mais aussi qu’avec Christ, la mort qui nous attend tous, peut être le passage vers un surplus, un supplément de vie.

Amen


PREDICATION POUR LE CULTE DE NERAC DU 18 SEPTEMBRE 2022.

Luc 16/1 à 13. TOB

Chers amis,

Cette parabole de l’intendant, du gérant habile nous met un peu mal à l’aise. Elle a quelque chose de dérangeant, de surprenant, certains peuvent même légitimement penser qu’elle est véritablement scandaleuse.

 Elle raconte en effet l’histoire d’un économe qui tente de se faire des amis en modifiant les créances dues à son maître.

Pour autant, les commentaires de Jésus, peut-être rajoutés après le seul récit de cette parabole sont là pour nous éclairer sur le sens qu’il souhaite lui donner et pour nous rappeler qu’entre Dieu et Mammon, autre nom qui personnifie l’argent, il nous faut choisir.

  Revenons à cette étrange parabole, aux enseignements que nous pouvons peut-être en tirer. Ce gérant est-il vraiment habile et avisé ou est-il tout simplement un vulgaire escroc ?

   Que dirions-nous aujourd’hui de l’employé d’une entreprise qui trafiquerait les dettes de ses débiteurs pour s’en faire des amis, sachant que son avenir professionnel est bien compromis ?

  Comme l’on dit, il sentirait un peu le souffre et le contrat de confiance qui le lierait à son patron serait gravement remis en cause.

  On imagine sans peine la joie et la reconnaissance des 2 personnages secondaires de la parabole qui voient leurs dettes passer de 100 à 50 jarres d’huile et de 100 à 80 sacs de blé.

  Certains commentateurs ont émis l’hypothèse que le gérant aurait en fait été totalement honnête avec son maître. Il aurait tout simplement renoncé à ses marges personnelles. En effet, le droit romain stipulait que les intendants de métairie gagnaient leur salaire en prélevant une commission sur les opérations financières.

  En acceptant de ne rien gagner sur ces 2 transactions, il avait ainsi privilégié les liens de l’amitié et la qualité relationnelle.

  Cette interprétation est à prendre avec précaution et les questions demeurent. D’un comportement malhonnête en apparence peut-il sortir du bon ? Le manque de rigueur et de probité dans la gestion d’un patrimoine est-il compatible avec la foi, le service, en particulier le service en Eglise ?

  Gardons-nous de proposer des réponses trop rapides ou de tirer des conclusions hâtives.

  Et si, plutôt que de se focaliser sur les richesses de ce monde, les biens matériels, Jésus ne cherchait pas simplement à mettre en évidence notre rapport aux autres, notre conduite dans le monde ?

  Dans le récit de cette parabole et les commentaires de Jésus, je vois deux points importants :

·       Le premier point est que le disciple peut composer avec le monde et en particulier avec son système de fonctionnement financier.

·       Le deuxième point est qu’il doit se défier de tout culte à ce dieu Mammon qu’il appelle l’argent trompeur.

A regarder le système politique, économique et financier de la planète, on ne peut que constater combien l’argent et la richesse sont déifiés.

  L’argent et les possessions dans la Bible ne sont pas diabolisés mais ce sont plutôt le type de rapport que nous entretenons avec eux qui peuvent poser problème. S’il est un moyen de manifester généreusement sa solidarité et son soutien à des associations d’entraide ou humanitaires, à notre Eglise, à la diffusion de l’Evangile alors il peut être considéré comme une grâce et une bénédiction. S’il est une fin, un objectif jamais atteint, un besoin à assouvir en permanence, une quête effrénée du toujours plus alors il devient véritablement Mammon, cette divinité aux pouvoirs diaboliques qui pousse les hommes à vouloir toujours des richesses supplémentaires sans jamais pouvoir satisfaire cette faim.

  Les exemples abondent de grandes fortunes mondiales totalement déconnectées du monde réel, des réalités sociales, économiques et humaines qui sont celles de l’immense majorité des habitants de notre planète.

Elon Musk, Jeff Bezos ou le français Bernard Arnault possèdent entre 160 et 220 milliards de dollars. Relevons en parallèle que le PIB de l'Egypte, pays de 102 millions d’habitants est de 250 milliards de dollars en 2021, celui de la Côte d’Ivoire de 43.1 milliards et celui de Madagascar de 12 milliards de dollars pour la même année.

  Mettre ces chiffres côte à côte ne résout pas le problème des inégalités et de la pauvreté dans le monde. La complexité des systèmes politico-financiers et économiques se rappelle cruellement à nous. Mais comment ne pas penser aux dettes abyssales de tant de pays et dont le simple remboursement des intérêts plombe durablement leur économie. Le gérant de la parabole serait surement très apprécié s’il travaillait au Fond Monétaire International ou à la Banque mondiale.

  Quel enseignement tirer de l’attitude de cet économe infidèle dont le maître loue l’habileté ?

  Il me semble en premier lieu, que le maître, qui est probablement une figure de Jésus soutient une attitude de compromis qu’il distingue de toute compromission. Nous pouvons, nous disciples de tous les temps et d’aujourd’hui, ne pas craindre de composer avec les réalités du monde.

  Méfions-nous des jugements trop définitifs ou lapidaires. L’économe habile est soit un intendant peu scrupuleux, soit comme nous l’évoquions un homme avisé. Il semble que cette deuxième option soit celle que Jésus choisit de privilégier.

« Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur pour qu’une fois celui-ci disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles » dit Jésus à ses disciples. Cet argent donné, ces dette remises peuvent être considérées comme une aumône qui nous déleste d’un trop plein, d’un surplus matériel et financier. A l’heure ou l’on parle de plus en plus de sobriété et de décroissance, je trouve cela très pertinent.

  Il y a en effet, dans le fait d’annuler une créance un acte éminemment évangélique. Dieu qui se manifeste en Jésus n’exige pas d’être remboursé à hauteur de ce qu’Il nous donne. Il nous demande de soigner nos relations dans le monde professionnel, dans nos familles et en Eglise.

  Jésus qui évoque le don dans l’Evangile de Matthieu dit également ceci : « Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite afin que ton aumône reste dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra. »

  L’argent est une réalité de la vie en société qu’il nous appartient de dominer. Nous savons qu’il est une fin en soi pour les dirigeants et responsables des grandes entreprises mondiales.

Pour nous, modestes chrétiens, membres d’une Eglise pauvre, qui ne dépend que de nôtre générosité à tous, il peut être un merveilleux moyen d’évangélisation, de témoignage et de gestes de solidarité.

  L’argent n’est pas ontologiquement mauvais même s’il n’y a pas que de l’argent propre qui circule autour de nous. Le blanchiment de l’argent s’effectue tout simplement par le don.

 Un théologien allemand du XVIIIème siècle, Johann Albrech Bengel écrivait que la véritable capitalisation (pour parvenir au ciel), c’est la dilapidation (au bénéfice des autres).

 Est-il besoin de se rappeler qu’il perd toutes ses fonctions à l’heure de notre mort ? Tout en respectant le deuil qui touche nos amis du Royaume Uni, on ne peut que s’interroger sur un pays en pleine crise économique qui organise des funérailles si dispendieuses pour sa reine.

  Les commentaires de Jésus qui suivent le récit de cette parabole peuvent paraître en contradiction avec son enseignement.

« Celui qui est digne de confiance pour une toute petite affaire est digne de confiance aussi pour une grande et celui qui est trompeur pour une toute petite affaire est trompeur aussi pour une grande. » Jésus prend le parti de valoriser l’action de cet intendant habile. Bien qu’ambigüe dans son comportement et ses tractations financières, il s’est montré digne de confiance, fidèle et donc honnête.

   On le voit, notre comportement et notre attitude vis-à-vis de l’argent dépasse largement un cadre strictement matériel et ils ont des conséquences dans le domaine spirituel.

  Pendant la rédaction de cette prédication me revenait en boucle une histoire relatée par un ami brésilien, pasteur de notre Eglise. Il y a quelques années, dans une fac de théologie protestante de Sao Paulo, me disait-il, un pasteur enseignant leur avait raconté l’histoire suivante : « J’étais aumônier dans une prison de cette grande ville brésilienne. Une révolte a eu lieu dans cette prison avec des otages et des menaces de mort. J’ai été appelé par l’un des plus grands trafiquants de drogue de Sao Paulo qui me demandait d’intervenir pour ramener la paix. J’y suis allé et ma venue a permis qu’il n’y ait pas d’effusion de sang. Quelques jours après, le trafiquant m’a fait remettre des sacs contenant une grosse somme d’argent. Pendant plusieurs jours, j’ai hésité. Quoi faire de cet argent sale ? Le remettre à une police souvent corrompue ? Le refuser au risque de s’exposer à une incompréhension et des représailles ? »

   Ce pasteur a finalement décidé d’en faire profiter les plus pauvres parmi ses connaissances et vous imaginez sans peine combien les grandes villes brésiliennes comptent de personnes en très grande précarité.

  Nous ne sommes pas exactement dans la même configuration que celle de l’intendant habile mais cette histoire et la parabole nous appellent à déplacer notre regard, à ne pas juger trop vite ceux dont la conduite nous paraitrait discutable.

  Jésus, dans une parole qui figure également chez Matthieu nous met en garde contre les dangers d’idolâtrer l’argent : « Un domestique ne peut servir deux maîtres ». L’argent est véritablement comme un faux Dieu et ce propos sonne comme un commandement, un impératif.

  Il nous faut choisir : soit une course effrénée et éperdue pour s’enrichir, soit faire le choix du disciple, entre obéissance joyeuse et générosité quotidienne qui permettent de ne pas s’enfermer dans la quête du toujours plus.

  Une fois encore, on découvre combien le chemin du disciple est un chemin de libération. Le gérant habile était dans une situation intenable. La mansuétude de son maître en fait un homme riche d’amitiés et de relations approfondies.

  Aujourd’hui encore, Jésus nous demandez de faire un choix catégorique, un choix définitif et absolu qui exclue toute demi-mesure. Soit on cultive notre relation aux autres, à Lui, dans un élan désintéressé, soit on privilégie le désir incessant d’amasser toujours plus, plus de pouvoir et plus de richesses.

  La sagesse populaire nous rappelle que l’on ne peut courir deux lièvres à la fois. Le disciple qui laisse maison et proches pour suivre Jésus recevra 100 fois plus dès maintenant et dans ce monde, nous dit-il dans l’Evangile de Marc.

  L’économie du salut n’est pas l’économie qui règne sur notre monde.

Attachons-nous au service de Dieu et il nous comblera.

Amen

 

 

PREDICATION POUR LE CULTE DU DIMANCHE 11 SEPTEMBRE A TONNEINS

Luc 15/ 11 à 32

Chers amis,

On a longtemps appelé cette parabole la parabole du fils prodigue tandis que nos Bibles d’aujourd’hui NBS, TOB parlent du fils perdu et retrouvé et que la NFC titre ce passage, le père et les fils perdus, ce qui semble fort juste et plus prêt de la vérité.

  En effet, il y a bien deux fils dans cette histoire et l’un comme l’autre semblent enfermer dans leurs désirs d’autonomie, leurs certitudes et leurs errements.

  Selon notre histoire personnelle et au cours de notre vie, on se sentira peut-être plus proche de tel ou tel fils. Relevons d’ailleurs que dans cette parabole, il n’y a pas de figures féminines, ni mère, ni sœurs, ni servantes.

  Luc nous rappelle au début de ce chapitre que dans l’auditoire de Jésus, il y a des collecteurs d’impôts et des gens de mauvaise vie mais aussi des pharisiens et des spécialistes des écritures ; en résumé, des pécheurs et des justes, des gens infréquentables et des « gens bien » selon les critères du judaïsme contemporain du Seigneur.

  Le portrait du fils cadet n’est pas à son avantage. Impatient, impulsif et animé par un désir d’indépendance et d’autonomie irrépressible, il n’attend pas la mort de son père pour réclamer son héritage.

  Le droit juif, peut-on lire dans le livre du Deutéronome, imposait au père de donner à sa mort les 2/3 de sa fortune au fils aîné et le tiers restant au fils cadet. Dans le cas de notre parabole, c’est donc le 2eme fils qui bénéficie de cet héritage tandis que le père garde l’usage du reste de ses biens.

  Très vite, le cadet tombe dans la déchéance. Il connait la solitude, la faim, dans un pays païen puisqu’on y élève des porcs, animaux impurs pour les juifs.

  Cette trajectoire nous rappelle peut-être un témoignage ou le récit d’un proche qui nous a touché. Peut-être connaissons-nous l’enfant d’une famille honorable qui a plongé dans la délinquance ou des addictions destructrices, blessant par ses comportements ses proches.

  Pour les scribes, les pharisiens, ce jeune homme est perdu ; c’est un pécheur qui ne suscite que répulsion et opprobre.

    Mais une fois encore, Jésus nous prend à rebours et vient ébranler nos certitudes. Il vient de dire à ses interlocuteurs qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change de vie que pour 99 justes qui n’en n’ont pas besoin.

 Par un mystérieux cheminement intérieur qui va le mener à une conversion, ce fils perdu, déchu, va changer de vie à nouveau.

 Il décide de réintégrer la maison de son père en étant prêt à y occuper la dernière place, celle d’un simple ouvrier.

  Mais le père ne l’entend pas de cette oreille et il laisse éclater se joie en retrouvant son fils. En le voyant, nous dit le récit, il est pris de pitié, bouleversé, il court et il le couvre de baisers.

   Cette parabole que Luc met dans la bouche de Jésus montre un père très démonstratif et dans nos familles et notre Eglise où nous sommes plutôt discrets et pudiques, elle nous pousse à nous interroger.

  Quel est donc ce père qui fait preuve de tant d’amour, tant de compassion pour ses enfants ? Quel est-il, lui, capable de pardonner toutes les fautes et d’accueillir chacun inconditionnellement quel qu’ait pu être son parcours ?

  Jésus nous parle d’un père qui ressemble à Dieu ; un Dieu qui nous comble de grâces et de bénédictions, un Dieu bienveillant et tendre.

  Avec lui, aucun de nous n’est définitivement perdu. Quels que puissent être nos égarements, Dieu nous cherche et nous retrouve.

   Avec ce jeune homme, avec beaucoup d’êtres humains, nous pourrions dire : « Je me suis cherché et Dieu m’a trouvé ».

  Mais cette parabole ne met pas en scène uniquement le fils perdu et son père, nos parcours personnels hésitants et chaotiques et notre relation à Dieu ; elle nous confronte aussi à nos proches, à nos frères, à ce frère qui nous ressemble peut-être un peu quand nous nous enfermons dans l’autosatisfaction, la colère et la jalousie.

  Les commentateurs relèvent que le fils aîné est habité bien plus par le sens du devoir que par une affection profonde et vraie pour son père. Il a par ailleurs fait une croix sur l’existence de son jeune frère qu’il évoque avec condescendance quand il dit à son père : « Ton fils que voici. ». L’aîné a définitivement renié son frère. Pour lui l’attitude du cadet, son comportement et sa réputation ont fait de lui une personne rejetée, à oublier.

  Nous connaissons trop le prix d’une famille pour ne pas mesurer la chance des deux frères d’en avoir une ce qui met en évidence la terrible erreur du fils aîné.

  Il est à l’image des pharisiens, scrupuleux dans l’application de la loi, obéissant et fidèle. Mais ce comportement laisse bien peu de place au pardon, à l’amour gratuit et désintéressé.  La recherche d’une attitude parfaite et sans tâche rend aveugle, semble-t-il.

  En rédigeant cette prédication, je pensais aux juges, aux procureurs, aux avocats qui doivent rendre la justice au nom de la république française. Trouvent-ils des circonstances atténuantes dans les parcours cabossés des justiciables ? Sont-ils désireux de tendre la main à ceux qui ont fait fausse route ? L’application de la justice comporte le risque de traiter les fautifs comme le fait le frère aîné, par le dédain, le mépris, totalement différemment de Jésus et du père de la parabole.

  Se savoir accueilli sans condition, potentiellement réintégrable dans la famille humaine même quand on s’est perdu signe bien souvent, nous le relevions, le début d’un processus de conversion.

« Mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » se réjouit le père, figure de Dieu qui s’adresse à chacun d’entre nous.

 Cette parabole nous touche car elle nous parle de réalités sociales, familiales et spirituelles. Jésus n’a de cesse de nous demander de ne pas juger trop vite ceux que l’on pense être sur un chemin de perdition. Cette jeunesse que nous avons parfois tant de mal à comprendre, ne la retrouvons-nous pas générations après générations dans les figures de ces 2 frères ? Il y a ceux qui partent, qui quittent tôt le nid familial, au risque de se briser les ailes ; les autres font moins de bruit, sont plus respectueux des usages et des traditions familiales. Ces derniers pensent parfois que leur obéissance et leur servilité leur donnent des droits que ceux qui sont partis ont perdu.

Mais l’amour du père pour tous ses enfants ne dépend pas de leurs conduites. On peut facilement retrouver dans l’attitude des deux fils le reflet de nos comportements, partagés que nous sommes entre désir d’indépendance et de liberté et obéissance et soumission à l’image que nous nous faisons de Dieu.

  Mais ce Dieu-père que Jésus nous présente dans la parabole vient bousculer toutes les traditions, toutes les conventions. Avec Lui, pas de condamnation ou de jugements lapidaires. Ses bras et sa maison restent et resteront ouverts pour le fils indocile. Mais ses mots peuvent aussi expliquer, consoler, guérir les plaies de celui pour qui l’injustice est trop criante. Le frère, ivre de jalousie trouve lui aussi un Dieu-père attentionné qui l’aime généreusement : « Mon enfant, toi tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi ».

 Que mon parcours de vie soit accidenté ou qu’il soit linéaire et sans la moindre anicroche, Dieu m’aime de la même manière.

  Cette parabole offre à la fois la description d’une relation verticale entre le père et ses deux fils et une relation horizontale entre les deux frères, relation complexe, faite de non-dits et d’ambiguïtés.

   La Bible nous présente plusieurs fratries, Caïn et Abel, Joseph et ses frères entres autres où l’on découvre que les tensions, la jalousie et l’absence de communication peut déboucher sur des drames.

  Questionnons-nous sur les enseignements que nous pouvons tirer de cette parabole pour notre vie d’Eglise.

   Ne devons-nous pas regarder fraternellement celles et ceux qui s’égarent et que l’on croit éloignés de Dieu ? L’enfant perdu d’aujourd’hui, n’est-il pas le frère, l’ami de de demain ? Plutôt que de vivre dans une autosatisfaction stérile, ne dois-je pas m’ouvrir à celui ou celle dont le parcours de vie m’interroge, me choque ou me dérange ?

  Notre Eglise de disciples, de frères et de témoins peut être perçue comme une famille dans laquelle les enfants en recherche rejoignent les habitués et les fidèles.

   Tous aimés du même Père, ne cédons pas à la colère, le jalousie ou le ressentiment. Si le fils cadet a lourdement chuté, l’aîné est aussi largement responsable de ne pas avoir osé quitter la maison paternelle, en dépit du commandement qui appelle dès la Genèse à quitter son père et sa mère.

  Dieu nous appelle en permanence à nous réjouir, à faire la fête comme la fait le père de la parabole. Frères aînés et frères cadets, tous enfants du même Père sont frères de façon irréductible.

  Mes frères, mes sœurs, ne nous sentons pas rejetés ou illégitimes au sein de l’Eglise. Il y a parmi nous des héritiers d’une longue lignée protestante, des fraichement convertis, ceux qui viennent du catholicisme ou d’une autre tradition religieuse.

  Que nos parcours soient linéaires ou accidentés, que nous ayons goûtés à l’indépendance très jeune ou au contraire que nous soyons restés proches de nos parents et de nos racines, ayons la certitude que Dieu nous attend et que sa maison, son temple restent grands ouverts.

  La parabole des deux fils s’achève sur une incertitude. Si le cadet a bien quitté sa vie de débauche, l’aîné a-t-il vaincu son amertume et sa colère ?

  Peut-être nous appartient-il de donner une suite à cette parabole ; la volonté du père est celle d’une réconciliation entre ses enfants. Obéir à Dieu, c’est dépasser nos différents, ce qui peut nous opposer et choisir de travailler à une humanité réconciliée, une fraternité renouvelée. L’actualité tragique en Ukraine est là pour nous rappeler l’urgence de cette mission.

 Celui qui dit : « J’aime Dieu et qui hait son frère est un menteur » peut-on lire dans la première Epitre de Jean. C’est en aimant mon frère, ma sœur que j’apprends véritablement à aimer Dieu.

   Le chemin de rédemption ouvert par Jésus ouvre un temps de réjouissance ; nous étions morts et nous voilà vivants, nous étions perdus et Dieu nous a retrouvés.

Amen

PREDICATION POUR LE CULTE DU DIMANCHE 4 SEPTEMBRE 2022 A MARMANDE

Luc 14/25 à 33

Chers amis,

 

Les propos de Jésus à cette foule qui fait route avec lui sont dérangeants, questionnant, presque incompréhensibles : « Celui qui vient à moi doit me faire passer avant son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre personne. Sinon, il ne peut être mon disciple ». Quelle exigence de la part du Seigneur que cette demande à le préférer à nos proches, certaines traductions disent même à les haïr.

   La radicalité de ces paroles a été à l’origine du monachisme et a conduit des hommes à tout abandonner, famille, travail, vie sociale pour s’engager au service du Christ et de l’Eglise, en l’occurrence l’Eglise catholique.

   Mais derrière cette radicalité apparente du disciple qui renonce à tout pour suivre Jésus viennent deux paraboles qui précisent le sens des propos du maître.

  En un premier temps, constatons qu’être disciple peut paraître très contraignant : rompre avec les liens familiaux pour suivre Jésus est il compatible avec l’impératif d’amour du prochain ? Le Seigneur nous demande-t-il expressément de laisser derrière soi ceux dont on a la charge ?

  Jésus énonce les conditions à remplir pour être son disciple et il expose avec clarté ce qui s’oppose à cet état : une vie familiale trop prenante, castratrice qui ressemblerait un peu trop à une prison dorée, un manque d’anticipation, de préparation comme celui qui veut construire une tour sans s’assurer d’en avoir les moyens et enfin un état d’impréparation un peu comme un roi Il qui serait obligé d’agir avec sagesse pour la paix plutôt que de partir en guerre.

  Comment comprendre et traduire cet enseignement pour nous qui tentons et essayons d’être les disciples du XXIeme siècle ?

   Ne nous laissons pas enfermer par une lecture un peu trop littérale qui ferait des propos de Jésus un absolu indiscutable. Le maître nous donne une grille d’analyse, une méthode qui nous permet d’y voir clair.

  Rappelons-nous d’abord que le premier commandement du décalogue donne une valeur prioritaire à l’amour de Dieu. Relevons ensuite que Jésus, au cours de son ministère et a fur et à mesure de ses rencontres ne fait pas de la rupture des liens familiaux un impératif systématique ; ainsi, Marthe, Marie, Zachée, les malades guéris n’y sont pas soumis. On notera que Jésus s’oppose aux liens familiaux lorsqu’ils deviennent une entrave à le suivre ; il y a plusieurs manières d’être disciples, le tout étant que la famille naturelle ne fasse pas obstacle à la famille spirituelle, à l’amour pour le Seigneur.

  En rédigeant ma prédication m’est venu à l’esprit le témoignage du prix Nobel de la paix en 2018, le congolais Denis Mukwege. Chirurgien-gynécologue, il est surnommé « l’homme qui répare les femmes » car dans l’est de la RDC, ces dernières sont violentées, violées et martyrisées par milliers par des membres de milices et de groupes armés. Il y a quelques années, lui, sa femme et ses filles ont échappé de peu à la mort, un homme armé ayant mitraillé leur voiture  et tué le gardien de leur maison.

Traumatisé le docteur Mukwege a décidé de se réfugier en Belgique avec sa famille mais devant les collectes financières et les appels de milliers de femmes il est revenu rapidement dans son hôpital à Bukavu. Cet homme admirable est également pasteur ; son action est soutenue et défendue par de nombreuses ONG dont l’ACAT. Sa vie illustre à merveille les propos de Jésus. Denis Mukwege aime et protège sa propre famille dans une environnement périlleux mais il ne renonce pas à sa mission courageuse de disciple ; il porte sa croix et met ses pas dans ceux du Christ, en soignant ces femmes mutilées, gravement blessées dans leur chair. Son dernier ouvrage « la force des femmes » est un témoignage très fort sur son combat en même temps qu’un appel à ne pas oublier toutes ces victimes.

    Jésus nous offre deux paraboles pour illustrer le chemin du renoncement que devra emprunter le disciple ; la parabole du bâtisseur et celle du roi guerrier prévoyant.

  Ainsi, avant de s’engager pour le Christ, il faut faire le point, compter, examiner sa situation et celle de son entourage avec intelligence et lucidité.

  Tout projet, toute construction matérielle ou spirituelle demandent une solide réflexion, de bonnes fondations, de la ténacité et de la persévérance.

  Il en est de la construction d’une tour comme de la construction d’une maison. Cette image résonne fort en Jésus qui a très probablement exercé le métier de charpentier avant de débuter son ministère.

  Les métiers du bâtiment sont beaucoup plus exigeants que ce que l’on pourrait croire et penser. En amont, il faut s’assurer de la disponibilité et de l’approvisionnement en matériaux, pierre, mortier, bois pour les menuiseries et la charpente, tuiles et matériaux de couverture. L’artisan et le maître d’œuvre auront-ils les moyens financiers nécessaires pour acheter ces matériaux et payer le salaire de leurs ouvriers ?

  Jésus nous met en garde contre ces chantiers commencés dans l’enthousiasme et qui sombrent de ridicule en faisant dire aux spectateurs : « En voilà un qui a commencé de construire mais qui a été incapable d’achever le travail ! »

  Il nous appelle ainsi à envisager notre vie de disciple comme une construction, la construction d’un édifice. N’avez-vous jamais entendu dire de quelques grands hommes, grandes femmes, ils ou elles ont fait de leur vie une cathédrale, une louange à la gloire de Dieu, au service des autres. Nous viennent à l’esprit, St François d’Assise, homme de paix, d’humilité et de dialogue dans un siècle de sang et de croisade. Pensons aussi au pasteur-médecin Albert Schweitzer. Ils restent dans l’histoire du christianisme des aventuriers de la foi, serviteurs de Dieu, serviteurs des causes les plus nobles que furent la paix, la solidarité et la fraternité.

  Beaucoup plus modestement, Jésus nous demande d’être prévoyants, de ne pas craindre de nous projeter dans un futur à proche et moyen terme.

Nous ne sommes pas appelés à construire de grandes cathédrales, à laisser une trace dans l’histoire de l’Eglise et de la foi chrétienne. Mais la métaphore de la petite maison bâtie sur le roc qui affronte les tempêtes et les inondations peut très bien illustrer ce que demande Jésus.

  L’Eglise, notre Eglise n’est pas constituée d’un patrimoine architectural et immobilier ; elle est une assemblée de disciples, de pierres vivantes, un corps dont Jésus est la tête, le chef et le maître.

  La deuxième parabole que cite Jésus est celle du roi qui, plutôt qu’une guerre à l’issue incertaine, fait le choix de la sagesse en négociant des conditions de paix. Cette parabole sonne singulièrement en ces temps de conflit atroce au cœur de l’Europe.

  Le roi Poutine ne s’est pas comporté comme un disciple avisé et semble avoir été bien mal conseillé sur le plan militaire comme sur le plan moral et spirituel. Il a pensé avec conviction ne faire qu’une bouchée du peuple ukrainien et, très mal renseigné, il n’a pas jugé utile d’envoyer des messagers à son homologue de Kiev. Enfermé dans ses certitudes, il se refuse à toute négociation de paix. Son appétit d’ogre est insatiable et avec perversité, le pouvoir russe est persuadé de mener une guerre sainte.

  Le disciple lui, roi ou humble soldat privilégie la recherche de la paix et se donne les conditions nécessaires et indispensables à son établissement.

  Le disciple es toujours celui qui construit et se construit dans le service désintéressé et gratuit, celui qui abandonne tout désir de pouvoir, de reconnaissance, qui se libère du poids d’une famille trop lourd ou trop envahissant.

  Ce qui caractérise le disciple, c’est sa liberté ; il s’est affranchi, ou plus exactement, Christ l’a affranchi de toutes les pesanteurs sociales, culturelles et religieuses.

En renonçant à tout pour suivre Jésus, on cesse d’arpenter des chemins hasardeux qui ne mènent qu’au néant et aux déceptions. Renoncer, c’est ne pas s’encombrer de fardeaux inutiles. Le dépouillement du disciple va de pair avec une liberté nouvelle qui met à bas toutes les aliénations, tout ce qui peut enfermer les hommes.

   Ce à quoi nous renonçons nous sera donné au centuple dans ce monde, dit Jésus aux disciples dans l’Evangile de Marc. Renoncer à tout, ce n’est pas tout perdre, c’est au contraire gagner encore plus, et ce, dès maintenant.

  Quel paradoxe, se dépouiller, s’appauvrir pour avoir plus ! Drôle de logique qui ne manque pas de nous interroger.

  Posons-nous simplement la question suivante ? Qu’est-ce qui peut faire obstacle en moi au service du Christ et de son Eglise ? De quoi puis-je me déposséder pour faire un peu plus sa volonté ?

  C’est dans la prière, dans la relation intime avec Dieu que je peux découvrir ce qui fait barrage à ma relation à Lui, à mon service de disciple.

  Je peux répondre à ces questions pour moi-même mais pas pour mon prochain car la relation intime qui le lie au Seigneur m’échappe le plus souvent.

   Jésus semble nous dire qu’il est bon de prendre du recul, évaluer, calculer pour réussir sa vie de disciple. Les bonnes intentions ne suffisent pas ; il importe de garder les pieds sur terre, de faire preuve de prudence et de sagesse, de courage parfois pour faire de bons choix et demander conseils.

  Ne pas prendre toutes ces précautions risque de nous mener à la chute, à l’échec et à la déception. Cultiver des projets à notre mesure permet de les réaliser dans un renoncement accepté et serein. Jésus a eu besoin d’une trentaine d’années pour entrer dans son ministère ; cela est rassurant et nous rappelle que l’apprentissage du disciple s’étale sur toute une vie.

    C’est le plus grand des trésors qui nous attend, la certitude d’être aimé et d’aimer le plus doux des maîtres. En renonçant à nos fausses sécurités, nos idoles, en faisant de nous ses disciples, le Seigneur nous ouvre un chemin de grâces et de bonheur.

Amen

PREDICATION DU DIMANCHE 7 AOUT 2022 A NERAC.

Epître aux Hébreux 11/ 1 à 19.

Chers Amis,

  Dans ce chapitre 11 de l’Epître aux hébreux, ce sont plus d’une dizaine de fois que son auteur introduit son propos par cette expression : « par la foi ».

   Les héros de l’Ancien Testament, Abel, Hénok, Noé, Abraham et Sara ont en commun d’avoir tous été des hommes et de femmes de foi.

  Pas de mention de la foi en Christ dans ce passage, bien que l’auteur soit un disciple qui s’adresse très probablement à des communautés chrétiennes de Palestine.

  Comment définir la foi, celle des hommes du premier Testament, celle des chrétiens d’hier et la nôtre aujourd’hui ?

   L’auteur de l’Epître la présente ainsi : « La foi est une manière de posséder déjà ce qu’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (Héb 11/1).

  Le mot grec qui désigne la foi est pistis et l’on peut le traduire également par la confiance et la fidélité.

  Pour les personnages du premier Testament cités dans notre lecture, la foi relève véritablement d’une conviction profonde, d’une confiance totale et absolue et d’une obéissance scrupuleuse.

  Ces personnages et ces récits de la Genèse sont connus des premières communautés chrétiennes. Ils sont une référence scripturaire qui est relue au prisme de l’avènement du Christ alors que les Evangiles n’ont pas encore été rédigés.

  Dans le premier livre de la Bible, on voit défiler une succession de personnages qui croient en Dieu, en sa Parole et en ses promesses. Ne pas y croire est d’ailleurs considéré comme une faute, un véritable péché.

  Il me semble que ces exemples de foi sont pour nous bons à méditer.

  Ainsi Abel offre à Dieu ses plus grandes richesses, les « premiers-nés de son petit bétail ». (Gen 4/3 et 4).  L’offrande de nos premiers biens a une valeur spirituelle supérieure à l’offrande de ce qui nous reste. Il s’agit ni plus ni moins de donner de nôtre nécessaire et non pas de de notre superflu. C’est la foi généreuse d’Abel qui suscitera la jalousie de son frère Caïn et qui aboutira à sa mort. Peut-être est-ce là l’un des premiers exemples d’une foi qui expose, qui fait prendre des risques.

  Le personnage d’Henok est brièvement évoqué dans le livre de la Genèse. On sait juste qu’il vécut 365 ans, qu’il marcha aux côtés de Dieu, puis qu’il disparut, car Dieu l’enleva auprès de Lui (Gen.5/23 et 24). Dans cette généalogie du 5ème chapitre de la Genèse, Hénok est le seul qui marche avec Dieu. L’auteur de l’Epître aux hébreux le prend comme exemple de foi, voulant peut-être nous rappeler que croire, c’est faire route avec le Seigneur, cheminer avec Lui.

  La foi est donc conviction et confiance mais elle se traduit aussi par l’obéissance comme en font preuve Noé et Abraham.

  Noé prend au sérieux l’oracle qui annonce la catastrophe à venir. Il obéit à Dieu en construisant son arche.

  La foi et la figure de Noé ne manquent pas de nous interroger aujourd’hui alors que nombreux sont les signes d’une catastrophe possible à vue humaine. Il ne s’agit en aucun cas de céder à la peur et à l’angoisse en écoutant les Cassandre de tous poils. Il s’agit simplement, comme Noé, comme ce serviteur « légendaire » que nous présente la Genèse, d’apporter notre contribution à la construction de l’arche qui va sauver le monde du vivant et sa pluralité.

  Si croire, avoir la foi, c’est obéir, employons notre énergie pour nous engager au service de la vie sous toutes ces formes, au sauvetage des peuples premiers et des cultures indigènes si exposés dans notre société planétaire mondialisée.

  Avoir la foi et obéir à Dieu, c’est assurément porter profondément en soi, le souci de la diversité écologique, c’est accorder une importance fondamentale au respect des écosystèmes, à l’équilibre précaire entre nos besoins individuels et collectifs à court terme et l’avenir de notre planète sur le moyen et le long terme.

 Abraham est lui aussi exemplaire dans la foi. Juifs, chrétiens et musulmans se réclament toujours aujourd’hui de sa paternité.

  Pour Abraham, croire en Dieu, c’est témoigner d’une foi aveugle, c’est accepter de quitter sa terre d’origine pour partir « sans savoir où il allait ». La foi d’Abraham est riche d’enseignements. Pour lui, comme pour nous, obéir à Dieu et suivre ses instructions, ce n’est pas entrevoir un futur tout tracé, balisé ; ce n’est pas connaitre son avenir dans les moindres détails. Pour le patriarche, croire, c’est aller droit vers l’inconnu, c’est accepter de tout quitter pour une terre étrangère et une vie pleine d’incertitude.

  Aujourd’hui, dans nos vies de sédentaires, acceptons de nomadiser. Ne nous crispons pas trop sur nos acquis, nos avoirs, nos certitudes qui fondent notre assurance.

  Acceptons la précarité de nos existences ; santé, travail, vie associative, tout peut être remis en cause par des événements sur lesquels nous n’avons pas de prises.

  La seule certitude nous est donnée par Dieu en Christ et ce, par le moyen de la foi.

  L’auteur de l’Epître aux Hébreux en prenant pour exemple ces grands personnages de la Genèse nous rappelle que la foi est un subtil dosage entre conviction, confiance et obéissance.

  Une foi totale et accomplie répond à ces 3 réalités ; une foi sans conviction forte est incomplète. Qu’elle ne soit pas confiance absolue et elle reste boiteuse.  Que la foi ne se réalise pas dans l’obéissance et elle ne porte pas de fruits.

  Marcher dans la foi, ce n’est pas voyager en terre inconnue, c’est avancer vers la terre promise, entrevoir la Jérusalem céleste.

  Dans la foi, Christ est notre maître à tous, à la fois enseignant, exemple et lumière dans nos vies parfois enténébrées.

   L’auteur de l’Epître veut que ses contemporains comparent leur foi à ces hommes et femmes de la 1ere alliance. Nous aussi, aujourd’hui, en ce mois d’août 2022, questionnons-nous sur notre foi, sur les capacités qu’elle nous donne ou pas d’apporter un témoignage, un message d’espérance dans un monde qui voit toutes les croyances, toutes les philosophies et tous les idéaux s’affronter.

Notre foi au Christ ressuscité est-elle une simple adhésion à un dogme vide de sens ou bien transforme-t-elle nos vies en les bouleversant et les rendant plus belles ?

  Ma foi qui est aussi celle en ce Dieu Père me pousse-t-elle à m’engager pour un monde plus juste, pour le respect des droits de l’homme, pour la protection de la nature et de la biodiversité ?

  C’est en cherchant les réponses à ces questions que nous pouvons découvrir si notre foi est féconde ou bien si elle est au contraire comme un arbre sec qui pousse sur un sol stérile.

  Cette foi au Dieu de la 1ere alliance qui nous mène à la foi en Christ repose nous l’avons vu sur le triptyque suivant : conviction, confiance et obéissance.

  Nous ne manquons pas d’exemples d’hommes et de femmes de foi qui, s’appuyant sur ce triptyque ont véritablement changé la face du monde.

  Desmond Tutu en Afrique du sud, Suzanne de Dietrich en créant la Cimade et en militant inlassablement pour l’œcuménisme, Dietrich Bonhoeffer et Karl Barth, pères de l’Eglise confessante en Allemagne sous le nazisme sont autant de témoins qui montrent que la foi est la source, l’origine d’évènements qui bousculent l’ordre des choses.

 Où sont les hommes et les femmes de foi aujourd’hui ? Nous l’espérons dans nos Eglises, dans nos communautés, parmi nos frères et sœurs chrétiens.

 Ce qui nous différencie fondamentalement des hommes du premier testament, c’est que notre foi se tourne vers un homme, elle repose sur une personne, Jésus le Christ.

Ainsi, quand nous croyons, c’est en Lui. Quand nous avons besoin de nous confier, c’est à Lui que nous accordons notre confiance. C’est enfin à Jésus le Christ que nous obéissons.

Avoir la foi, en cet été 2022, c’est permettre à la volonté de Jésus de s’exprimer par nos actions et nos engagements. Il se laisse rencontrer sur les chemins de la vie, dans la Bible, telle qu’on la lit et la découvre dans notre Eglise, dans le monde associatif et diaconal, qui sont le prolongement direct de l’Evangile.

Cela demande un vrai travail sur nous-mêmes car croire en Jésus, c’est cesser de croire en nos propres capacités à faire des miracles. C’est quitter les chemins stériles qui aboutissent à des impasses quand on poursuit des idoles.

  Dans la foi, nous dit l’auteur de l’Epître, nous pouvons nous reconnaître « étrangers et voyageurs sur la terre ».

  Etrangers, car comme l’écrit fort justement le théologien protestant Michel Bertrand, nous sommes tous « des binationaux », citoyens d’un pays, d’une nation et membres de la patrie céleste, celle des disciples du Christ et des enfants de Dieu.

  Nous sommes aussi voyageurs, comme Abraham, comme le Christ qui n’a pas un endroit où reposer sa tête, car le chrétien est constamment en chemin, venant d’un passé qui s’éloigne de façon définitive et irréversible et allant vers un futur qui telle la ligne d’horizon reste inatteignable.

  Etre étrangers et voyageurs sur la terre nous rend libre de toutes nos identités initiales, statut social, sexe, situation professionnelle et nous permet d’envisager une perpétuelle itinérance, sur ce chemin qui est le Christ Lui-même.

  Nous avons pour exemple ce que fut la foi de Jésus, sa relation à Dieu et sa vie de prière.

   Par la foi, l’Ecriture, les Evangiles ne sont plus lettres mortes, lettres qui tuent mais paroles qui redressent, paroles de vie.

Nous protestants, si attachés à la Bible, n’ayant cesse d’y sonder la vérité du Christ et son enseignement pour la vie quotidienne, ne craignons pas les moments de doutes et de crises.

Rappelons-nous simplement ce verset qui nous a accompagné au cours de cette prédication : « La foi est une manière de posséder déjà ce qu’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas »

Amen.

PREDICATION DU DIMANCHE 24 JUILLET 2022 A TONNEINS.

Luc 11/1 à 13.

Chers Amis,       

En ce matin d’été, le Jésus que nous présente l’évangéliste Luc est un Jésus qui nous enseigne et qui nous guide. Cet enseignement qu’il destine à ses disciples, il l’adresse aussi à nous, chrétiens de tous les temps et d’aujourd’hui en particulier.

Ne craignons pas de l’écouter et de lui obéir. Jésus ne nous laisse pas sans réponses et dans le domaine de la prière, il va nous offrir le Nôtre Père.

  En effet, il souhaite que nous établissions une relation de proximité avec Dieu, une relation de Père à enfant.

  Deux versions du Notre Père se trouvent dans les Evangiles ; une chez Matthieu que nous connaissons tous et celle de Luc, légèrement différente.

  Ce qui caractérise la prière que nous apprend Jésus, c’est sa sobriété, sa simplicité ; tout est dit en peu de mots. Prière et action sont indissociables, inséparables, fondamentalement liées.

« Quand vous priez, ne répétez pas sans fin les mêmes choses comme les païens ; ils pensent qu’ils seront exaucés en multipliant les paroles » dit Jésus chez Matthieu.

   L’enseignement sur la prière du maître nous incite à établir avec Dieu une relation filiale. Il est celui à qui nous pouvons nous adresser comme à un père. Le père, dans l’orient ancien mais aussi dans beaucoup de cultures et de traditions, c’est celui qui conseille, qui protège et dont on a tout intérêt à écouter les propos.

  Il y a une bien grande distance entre l’image d’un Dieu lointain, indifférent au sort des humains et celle d’un père attentionné qui s’implique dans la vie quotidienne des croyants et des disciples. Et c’est justement ce Dieu père, soucieux du présent et de l’avenir de ses créatures que Jésus nous demande de prier.

  Peut-être nous faut-il changer de lunettes, développer notre écoute, augmenter notre foi pour apprendre à le connaître, apprendre à le reconnaître, pour découvrir tout au long de notre vie que Dieu est souverain et que son règne est éternel et sans fin. Ce n’est pas facile car son règne n’est pas de ce monde et les innombrables sollicitations dont nous sommes l’objet compliquent bien souvent notre relation avec Lui.

Pourtant, allons-nous baisser les bras face aux difficultés ? Les silences de Dieu justifient-ils notre inaction, notre paresse et nos découragements ?

La version lucanienne du Notre Père est suivie d’une parabole et d’affirmations insistantes qui illustrent l’importance de la persévérance dans la prière.

  La prière n’est pas une pratique facultative ou optionnelle dans la vie du chrétien. Elle doit être une habitude régulière, quotidienne et permanente ; cette habitude est illustrée par la parabole des hôtes nocturnes.

  Dans ce récit que l’on pourrait appeler le récit des trois amis, la prière quitte le champ spirituel pour émerger véritablement dans le champ matériel ; rappelons-nous le propos de celui qui va trouver un proche en plein nuit : « Mon ami, prête-moi 3 pains. Un de mes amis qui est en voyage vient d’arriver chez moi et je n’ai rien à lui offrir ».

Jésus qui vient d’évoquer le « pain quotidien », nous rappelle que ce pain quotidien, nous sommes appelés à le partager ; nous pouvons aussi le demander pour nos amis, à nos proches, à nos voisins.

  En réfléchissant et travaillant sur ce passage de Luc, je pensais à tous ces courriers, tous ces mails, tous ces appels téléphoniques que nous recevons de la part d’associations caritatives ; UNICEF, Secours catholique, Armée du salut, Fédération de l’Entraide protestante, la liste serait longue… Je crois que les responsables de ces associations ont raison de mettre tant d’énergie à solliciter une aide financière, à rechercher de nouveaux donateurs, de nouveaux membres et à nous appeler à la générosité.

  Il est vrai que dans le récit de cette parabole, c’est en pleine nuit que l’ami va toquer à la porte d’un proche pour quelques pains. La nuit, se sont plutôt pour des mauvaises nouvelles que l’on est réveillé, un accident, un décès ou une catastrophe.

Dans ce cas précis, il s’agit simplement d’un service, on pourrait presque dire d’un dépannage. Parce que l’ami insiste « sans se gêner » nous dit le texte, il repartira avec 3 pains.

   Jésus nous conseille de ne pas être trop polis ni trop pudiques dans notre prière. Il faut appeler « un chat un chat » ; un simple geste, apaiser la faim, mettre une personne à l’abri, répondre à une urgence nécessite une parole directe, claire et sans fard.

    La prière selon Jésus implique de demander, de chercher et de frapper à la porte. N’ayons pas mauvaise conscience à faire nos demandes dans la prière : demande de guérison, de gestes de solidarité et d’entraide, demandes de témoignages d’affection et d’amitiés. On ne demande pas que pour soi mais aussi pour ses proches, pour les autres et pour le monde.

  Nous avons tous combien la vie peut basculer lorsqu’une demande est satisfaite, une recherche fructueuse ou qu’une porte s’ouvre.

  Replongeons-nous dans nos parcours personnels et rappelons-nous combien la disponibilité, l’hospitalité et la bienveillance de certains ont été déterminants pour nous.

  N’oublions pas également que le demandeur, demandeur d’asile, demandeur d’aide financière ou de geste de générosité peut avoir bien plus à nous offrir que ce que nous pouvons lui donner nous-même.

  En rédigeant ma prédication, je pensais à un mendiant que j’avais croisé dans une grande ville du nord du Brésil. Cet homme, d’un âge avancé, était lourdement handicapé puisque sans bras et sans jambes.

  Son visage rayonnait d’une joie de vivre et respirait d’une générosité sans limites ; à tous ceux qui lui donnaient quelques cruzeiros, il adressait un immense merci et des souhaits pour une belle journée. Son regard et ses mots simples sonnaient comme une bénédiction pour les touristes et les passants qui croisaient son chemin. Des amis brésiliens m’avaient confié qu’avec l’argent accumulé au cours de sa vie, il avait d’abord acheté un autobus puis plusieurs et qu’il possédait finalement une compagnie de transports. Il faisait profiter à toute une favela ce qu’il gagnait et venait en aide à de nombreuses familles pauvres.

 Cette rencontre m’a fait comprendre combien le demandeur peut avoir plus à offrir que celui ou celle qui donne simplement de son superflu.

  Cet enseignement sur la prière de Jésus nous ouvre la porte sur deux réalités, deux notions importantes dans notre vie de chrétiens : l’ouverture à toutes les sollicitations, sollicitations dont nous pouvons être l’objet, ou bien sollicitations à l’adresse des autres et la disponibilité à l’imprévu, à l’accueil, à la surprise.

  Notre statut de parents, de grands-parents nous pousse à vouloir le meilleur pour nos enfants et pour la jeunesse, même-si, reconnaissons-le, l’égoïsme, le goût du pouvoir, la crise écologique et l’existence de régimes politiques criminels obèrent l’avenir de la planète.

 Pourtant, demander, chercher et frapper à la porte du Royaume de cieux ne restent pas sans effet.

Luther rappelait dans ses écrits et à propos de ce passage, que miséreux devant Dieu, nous ne sommes tous que des mendiants. Bien qu’indignes du Seigneur, nous sommes invités à sa table. Il nous faut accepter sans honte ce qu’il nous offre.

    Le Royaume des cieux n’est pas soumis à la loi du marché et à sa logique économique. Ce que nous pouvons donner ne sera jamais équivalent à ce que nous recevons.

  Ce que nous demande Jésus, c’est d’adresser nos demandes au Père avec persévérance et insistance. « Priez sans cesse » écrira Paul aux Thessaloniciens.

   Il nous est souvent bien difficile de prier dans toutes les circonstances de la vie quotidienne. Nous doutons, nous manquons de confiance dans le pouvoir de la prière.

   Pourtant le Dieu de Jésus-Christ est un Père bienveillant et bon et il ne refuse pas de nous répondre. Il ne nous donnera ni serpent, ni scorpion si nous demandons un poisson ou un œuf.

Mieux, il nous donne une nourriture qui rassasie et qui calme notre faim de façon définitive. Cette nourriture, c’est le pain de la vie, le Christ lui-même.

Et avec cette nourriture qui comble notre faim, Jésus nous rappelle que le Père qui est au ciel donnera l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent.

Alors persévérons dans la prière, soyons réalistes en demandant l’impossible comme la génération de 68 et accueillons avec joie les grâces de Dieu.

Amen


PREDICATION DU DIMANCHE 17 JUILLET 2022 A MARMANDE.

Genèse 9/ 8 à 17.

Chers Amis,

Pour passer une alliance, il faut être au moins deux. Une alliance peut lier ainsi deux êtres qui s’aiment, deux pays qui s’unissent dans une cause commune, deux partis, deux idéologies qui se rapprochent dans un objectif précis.

Le sens originel du mot hébreu qui signifie alliance « berit » pourrait vouloir dire « entre deux ».

    Dans la Bible, l’alliance est un pacte qui créé des liens de solidarité entre les deux contractants ; dans le récit que nous avons lu, c’est Dieu Lui-même qui passe alliance avec l’humanité et le monde du vivant.

Dans le premier testament, Dieu décidera de vivre une relation tumultueuse avec son peuple, le peuple d’Israël mais dans ces premiers chapitres de la Genèse, c’est avec la Création toute entière qu’il fait alliance.

  Qu’avons-nous fait de cette alliance, passée entre un Dieu qui souhaite l’harmonie entre Lui, toute l’humanité et le monde du vivant ?

Sommes-nous capables en 2022, de changer de paradigme, de retrouver le chemin de la simplicité évangélique, la voix d’une sobriété heureuse et sereine ?

Il y a dans ces quelques versets qui viennent clôturer le récit du déluge quelques pistes de réflexion que nous chrétiens contemporains pouvons emprunter. 

Relevons que Dieu fait alliance avec Noé et ses fils mais aussi avec leur descendance après eux. Nous sommes donc les héritiers de cette alliance qui nous oblige et nous responsabilise vis-à-vis de nos contemporains et des générations à venir.

  Cette alliance, Dieu l’établit également avec tous les êtres vivants, oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages ; cela ne manque pas de nous questionner alors que beaucoup de spécialistes considèrent que nous sommes dans une nouvelle ère, au sein de laquelle les activités humaines bouleversent et transforment les équilibres écologiques et environnementaux de manière irréversible.

   Dans ce passage de la Genèse, Dieu ne dit pas que la planète et la vie qu’elle contient ne seront plus jamais détruites mais qu’elles ne le seront pas par Lui.

Dieu n’est pas un Dieu de colère et de vengeance, il se manifestera en Christ comme un Dieu serviteur, humble, soucieux des plus petits. Mais les hommes doivent se défaire d’un anthropocentrisme conquérant et destructeur qui traduit un appétit de puissance sans la moindre limite.

  Le théologien Otto Shaefer nous met justement en garde contre cet anthropocentrisme qui prétend que seuls, la dignité de l’homme et les intérêts humains (économiques, scientifiques, esthétiques, etc…) fondent l’obligation de protéger l’environnement et la nature. Il écrit ceci : « C’est comme si Dieu avait créé l’homme et l’homme, le reste du monde. Une dignité propre des créatures (vivantes en particulier) peut et doit être reconnue, contrairement à la valorisation restrictive du vivant en fonction de l’humain… Cette option » poursuit-il, « n’exclut pas du tout une mission unique de l’homme ni la responsabilité exclusive dont nous sommes chargés. L’homme est le seul être vivant à réfléchir à son rôle dans le monde et de ce fait même, il joue un rôle incomparable. Dans cette perspective, l’affirmation judéo-chrétienne de la vocation spéciale de l’humain prend tout son sens : l’homme est appelé à refléter, au sein de la création, le visage aimant de Dieu »

 Le récit de la fin du déluge ne nous enferme pas dans un questionnement sans réponse. Je crois qu’il nous pousse simplement à une responsabilisation accrue. Cette alliance passée entre Dieu et l’humanité ne peut pas être utilisée par tous les climato-sceptiques qui nous expliquent que, quels que soient nos comportements, Dieu nous protégera et empêchera que le réchauffement climatique rende la terre inhabitable.

Si la situation de la planète est si dégradée, nous ne devons pas oublier que nous en sommes la cause première. La prise de conscience collective, la lutte pour le respect des grands équilibres écologiques doivent être le moteur de nos engagements et de notre action.

 Dans le récit du déluge, Dieu offre un signe pour manifester son alliance. Je ne sais pas s’il en est de même pour vous, mais à chaque fois que je vois un arc-en-ciel, je suis émerveillé par sa beauté et ému en pensant aux auteurs bibliques qui y voient ce clin d’œil, ce signe de l’amour de Dieu pour toute la création. Depuis fort longtemps, les scientifiques ont expliqué que l’arc-en-ciel est un phénomène totalement naturel qui résulte de la réfraction et de la réflexion du soleil dans les gouttes de pluie. Cela nous laisse cependant la liberté d’y voir une marque poétique de la part d’un Dieu qui nous fait en permanence le cadeau de la beauté du monde, de la richesse des espèces vivantes et des grands espaces.

  Ne voyons pas pour autant la présence d’un Dieu tout-puissant qui se manifesterait dans tous les phénomènes naturels. On nomme cette philosophie le panthéisme.

  Cela nous obligerait à considérer que Dieu est responsable de toutes les catastrophes, inondations, tremblements de terre, éruption volcanique, etc… Le risque de cette doctrine serait aussi de nous exonérer un peu trop rapidement de nos choix collectifs, communautaires en oubliant par là-même que maints de ces phénomènes actuels, à commencer par le réchauffement de la planète ont des causes humaines.

  Il y a près de 30 ans, le grand théologien catholique Leonardo Boff écrivait ceci : « Il est urgent de développer une attitude de respect, je dirais presque de vénération, de compassion, de fraternité et de tendresse avec toute la Création. L’éducation écologique doit apprendre aux hommes à vivre avec tous les êtres quels qu’ils soient, animés, ou inanimés, comme citoyens d’une même société. C’est une démocratie écologique, sociale et cosmique ! Le jour où elle apparaitra, l’être humain aura élargi son horizon, approfondi sa connaissance, ouvert la sensibilité de son cœur vécu non dans un esprit de domination mais comme une forme de communion et de participation, de service à tout ce qui est fragile et menacé de disparition ».

  Ce propos rejoint les réflexions du théologien protestant F.Rognon sur cette idée de non-puissance développée par les philosophes connus que sont J.Ellul et B.Charbonneau. Il importe en effet de ne pas s’engager sur les chemins périlleux d’une croissance sans limites et sans retenue.

  Disons-le clairement : tout ce qui est possible sur le plan industriel, scientifique, économique n’est pas forcément souhaitable sur le plan éthique, moral et écologique.

En rédigeant ma prédication, je pensais à ce vieil hymne chrétien rapporté par Paul dans son Epître aux Philippiens :

« Comportez-vous entre vous comme on le fait quand on est unis à Christ. Il possédait depuis toujours la condition divine, mais il n’a pas voulu demeurer à l’égal de Dieu. Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu’il avait et il a pris la condition de serviteur. Il est devenu un être humain parmi les êtres humains, il a été reconnu comme un homme ».

N’avons-nous pas nous chrétiens, dans la figure de ce Christ qui renonce à toute puissance, la figure du maître de la vie, de la Création et du Cosmos, d’une écologie au centre de laquelle, l’humain et le vivant se trouvent ?

    Pour nous membres d’Eglises qui se trouvent dans des pays riches, soyons en permanence à la recherche de la simplicité christique, des principes de vie qui peuvent guider nos actions, nos choix et nos valeurs.

  L’alliance que Dieu passe avec ses créatures est devenue éternelle et définitive en Christ. Elle ne nous enferme ni dans une passivité complice ni dans une révolte et une angoisse incontrôlable.

  Cette alliance peut être vécue comme un partenariat avec Dieu et elle se réalise dans notre vie familiale, sociale et religieuse.

Tandis que nous regardons avec émotion ou soulagement l’arc-en-ciel qui surgit après la tempête, l’orage ou l’inondation, souvenons-nous que Dieu a fait alliance, une alliance perpétuelle avec le vivant.

  Si la Création ne doit pas être confondue avec le Créateur, sachons en partager la co-gérence avec Lui, avec tous nos frères et sœurs en humanité. Nous avons tant à apprendre les uns des autres, du monde rural, des traditions des peuples indigènes, des leçons que nous donnent parfois l’observation et la contemplation des spectacles de la nature.

Albert Schweitzer écrivait il y a 100 ans que la vraie philosophie doit avoir pour point de départ la conviction immédiate de la conscience qui fait dire : « Je suis vie qui veut vivre, entouré de ce qui veut vivre… » Le théologien rajoutait : « Le bien, c’est de maintenir et de favoriser la vie ; le mal c’est de détruire la vie et de l’entraver »

   Dieu qui parle à Moïse, dans le livre du Deutéronome, l’appelle à faire le choix de la vie.

Les défis écologiques de ce XXIème siècle nous mènent également sur un chemin de crête où l’humanité peut basculer à tous moments dans des ravins de mort et de ténèbres ou au contraire vers la lumière et la vie.

   Souvenons-nous simplement de ce Dieu qui a fait avec nous une alliance éternelle et qui la confirme encore aujourd’hui encore avec son Fils, le Christ vivant, qui est nôtre guide, nôtre boussole et nôtre maître.

Amen.

PREDICATION DU DIMANCHE 10 JUILLET 2022 A TONNEINS.

Luc 10/25 à 37 et Deutéronome 30/9 à 20.

Chers Amis,

  Nous oublions souvent un peu trop vite que Jésus est juif, qu’il grandit dans cette culture et qu’il connait donc la loi mosaïque.

Faire le parallèle entre la parabole du bon Samaritain et les ultimes paroles de Moïse est un exercice que je vous propose de partager ensemble ce matin.

On peut considérer le livre du Deutéronome, qui se trouve à la fin du Pentateuque comme le testament de celui que Dieu a choisi pour donner sa loi au peuple d’Israël. Et les dernières paroles de Moïse résonnent un peu comme le testament dans le testament, la conclusion d’une vie au service de Dieu et de son peuple.

 Ecoutons- les à nouveau :

« La parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique » (Deut.30/14)

« C’est la vie et la mort que j’ai mises devant vous, c’est la bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la vie, pour que tu vives, toi et ta descendance. » (Deut 30/19)

    Ces paroles sont prononcées au seuil de la terre promise et elles sont attribuées à Moïse dans ce livre du Deutéronome.

  Le chemin de foi des israélites passe par une obéissance scrupuleuse à la loi et par la crainte de ce Dieu qu’ils appellent Adonaï pour ne pas avoir à prononcer son nom sacré.

  Jésus n’aura de cesse de transgresser cette loi et ces commandements pour pouvoir les appliquer en esprit et en vérité. Mais il s’est construit et a baigné dans cet environnement juif et sa cuture religieuse.

  Pour nos frères et sœurs juifs, la parole contenue dans les Ecritures est une réalité, une manifestation de Dieu qui doit se traduire par des actes. Le croyant ne saurait être passif ou soumis aux commandements. Ces derniers sont la source d’une dynamique de foi et ne sont pas vécus et subis de façon soumise et passive.

 Ces propos mis dans la bouche de Moïse par les auteurs du Deutéronome sont un appel à l’action. Le peuple d’Israël devra mettre en pratique la parole et pour Jésus, cette mise en pratique implique de ne pas se laisser enfermer par la loi.

  La question du légiste, qui est censé être un docteur de la loi, va amener Jésus à nous offrir la parabole du bon Samaritain.

  Ce légiste, en bon connaisseur des commandements tente de piéger Jésus. Prisonnier d’une application littérale de la loi, son prochain ne saurait être que juif, que pur et si possible en bonne santé.

  Pour Jésus, le prochain peut être un étranger, un blessé au bord de la route et l’on peut venir à son aide n’importe quand, même un jour de Sabbat.

 La parabole du bon Samaritain répond au texte de cette fin du livre du Deutéronome que Jésus comme le légiste connaissent bien : la parole de Dieu est proche, tellement proche. Elle est présente dans la bouche et le cœur du croyant. Mais quelle utilité, quel résultat si elle ne produit pas de fruits ?

Puis-je me revendiquer disciple, serviteur, après Jésus, chrétien, si cette parole ne change en rien mes comportements, mes engagements et mes actions ?

  Nous croyons que Jésus est l’incarnation de cette parole, parole vive, parole vivante que Moïse appelle à traduire en gestes et en actes.

  Il nous demande dans ses confessions ultimes de faire le choix de la vie. Ce choix, c’est celui de Jésus et c’est aussi le nôtre quand nous refusons de nous laisser enfermer dans l’indifférence, l’inaction, le pessimisme et la paralysie face à toutes les logiques de mort présentes dans notre monde.

  Faire le choix de la vie, c’est montrer notre désir d’entrer dans la terre promise en ayant l’assurance que Dieu nous y accompagne.

En refusant l’exclusion de mon prochain différent, en acceptant que le bon Samaritain puisse être l’étranger qui va m’aider, en dépassant mes peurs, peur de l’inconnu, peur du qu’en dira-t-on, peur de transgresser la loi, je fais le choix de la vie.

 Adonaï, le Dieu de la Torah, le Dieu du premier testament n’est pas un Dieu qui enferme ou qui emprisonne. Certains membres du peuple d’Israël font le choix d’une lecture légaliste et littérale. Cette lecture donnera la tradition rabbinique des 613 commandements.

 Mais il n’est de règles, de lois, de commandements qui puissent faire œuvre de vie, d’espoir et de promesse sans discernement, sans regard critique.

Il m’appartient, en tant que disciple du Christ, à chaque situation nouvelle de me poser la question suivante : face à ce choix qui m’incombe, vais-je prendre le parti de la vie ou de la mort ?

   Dieu ne saurait nous imposer ses choix et ses conseils ; il nous demande simplement de privilégier des choix porteurs d’espérance et de vie.

  Comment puis-je traduire ce texte du Deutéronome aujourd’hui dans mon quotidien ? Suis-je assez lucide et clairvoyant pour éviter les erreurs, ne pas me tromper ? Reconnaissons qu’il y a tant de pièges, tant d’idéologies qui avancent masquées et qui prétendent incarner des projets de vie.

Je pense à ces chrétiens « pro-life » aux USA, qui luttent farouchement contre l’IVG. Quels cas font-ils de toutes ces jeunes femmes seules qui vont risquer leur vie pour interrompre leur grossesse ? Mettent-ils autant d’énergie à combattre ce droit qu’à interdire le droit au port d’armes dont on connait les tragiques conséquences dans ce grand pays d’Amérique du nord ?

  Les grandes idéologies mortifères du XXème siècle ont également promis un bonheur à venir et des lendemains qui chantent.

 Les dizaines de millions de victimes et les innombrables charniers de notre planète prouvent que les artisans et les serviteurs de ces idéologies avaient choisi la mort.

  Bien souvent, au cours de l’histoire humaine et aujourd’hui encore, le mal et la mort se présentent sous un jour positif et promettent des temps heureux.

  Le choix entre la vie et la mort n’a rien de théorique pour le peuple d’Israël qui va gagner la terre promise. Cette vie dans le pays de Canaan a été leur espoir et leur attente durant toute la période de l’Exode. Dans ce « pays ou coulent le lait et le miel », sera une vie d’abondance, une vie de bénédictions si le peuple choisit la vie.

  Jésus ne nous dit pas autre chose : le choix de la vie, c’est de croire en lui, lui qui se présente comme chemin, vie et vérité.

 Lorsque nous sommes à la croisée des routes, quand nous approchons de carrefours importants, posons-nous la question suivante : quelle direction prendre pour aller vers un supplément de vie, un surcroit d’espérance ?

  Ce ne sont pas toujours des options faciles qui se présentent à nous ; un sage disait ceci : face à un choix important, si tu veux être sûr de ne pas te tromper, fais le choix de ce qui parait être le plus difficile.

  Par amour, Jésus a fait le choix de donner sa vie pour nous. Par conviction et par choix, des chrétiens célèbres ou anonymes se sont engagés dans la résistance spirituelle durant les périodes troubles de l’histoire.  Certains ont protégé des victimes, caché des juifs et sauvé des innocents.

 Dès les années 30, de grands théologiens protestants allemands comme Tillich, Niemöller ou Barth ont dénoncé le régime nazi et son idéologie mortifère. La confession de foi de Barmen, rédigée en mai 1934, condamne la nazification de l’Eglise évangélique allemande. Elle dénonce en particulier l’assujettissement des citoyens allemands à des dirigeants qui se présentent comme des seigneurs à qui il est demandé de vouer un culte.

  Face à ces choix entre le bien et le mal, résonnent les paroles de Moïse dans le Deutéronome : « Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix et en t’attachant à lui. »

Pour nous disciples du Christ, le choix de la vie, c’est aussi celui de la foi en ce Dieu qui se fait homme et serviteur des plus petits, ce Dieu qui ne saurait se confonde avec les puissances et les pouvoirs de ce monde.

 Le légiste qui va écouter la parabole du bon Samaritain est comme prisonnier d’un pouvoir religieux qui l’empêche de voir en l’étranger, en l’autre, en celui qui est différent un prochain.

  Jésus va casser ce cadre culturel qui est un véritable carcan à la fois rassurant et protecteur.

  Ce ne sont pas le prêtre et le lévite, hommes apparemment irréprochables de par leur statut qui se sont montrés le prochain de l’homme blessé au bord de la route. Ces deux-là ont choisi la mort, l’indifférence en passant leur chemin. C’est le Samaritain qui a choisi la vie, la vie en abondance, la vie en profusion.

  Choisir la vie, pour nous chrétiens de ce XXIème siècle, c’est assurément faire le choix du Christ ; il nous le dit lui-même : « Je suis la vie, celui qui croit en moi ne mourra pas, quand bien même il serait mort ».

 Moïse va mourir aux portes de la terre promise et il aura mener le peuple d’Israël sur un chemin de vie. Christ donne sa vie sur la croix et nous ouvre les portes de la vie éternelle.

Quel que soit notre cheminement dans la vie spirituelle, au sein de l’Eglise, dans la société et dans le monde, choisissons la vie, et pour nous, la vie, c’est le Christ.

Amen

  

PREDICATION DU CULTE A MARMANDE. LE 3 JUILLET 2022.

Luc 10/ 1 à 20.

Chers Amis,

 

Ça y est, l’été est là ; le temps des vacances, des retrouvailles familiales, du repos est enfin là. Du repos ? Pas pour tous car le Seigneur ne déserte pas le monde. Il élargit les murs du temple, les frontières de l’Eglise et de nos communautés à l’humanité toute entière.

   Ce temps béni de ressourcement, cette parenthèse dans nos vies bousculées, agitées, il nous les offre mais en n’oubliant pas la mission qu’Il nous a confiée.

« La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître d’envoyer des ouvriers dans sa moisson ».

  C’est donc d’abord en priant que nous pouvons nous rendre disponibles à l’inattendu, à l’imprévu des rencontres, au partage de la Bonne Nouvelle et du Royaume.

  Certains d’entre nous vont peut-être partir en voyage, découvrir d’autres régions, d’autres pays. D’autres vont recevoir leurs proches, leurs amis ; autant de champs à moissonner, de récoltes futures à préparer.

  Luc évoque le choix de Jésus d’envoyer 72 disciples. Ce chiffre symbolique reprend une tradition du premier testament qui évoque en Genèse 10 la liste des peuples issus des fils de Noé. Ainsi 72, ou 70 représentent la totalité des peuples, c’est-à-dire l’humanité toute entière.

  On le voit, le champ d’action des disciples est vaste et la moisson s’annonce abondante.

  Cet envoi, Jésus l’adresse à chacun et chacune d’entre nous ; il nous appelle à dépasser nos peurs, à vaincre nos inhibitions, à ne pas nous laisser enfermer dans nos idées fausses ou préconçues.

   Où que nous allions, quoi que nous fassions, il nous précède ou il nous suit de près. La mission qu’il nous confie, dans nos familles, avec nos amis, sur nos lieux de villégiatures ne sera peut-être pas facile. Des obstacles, des peurs et des scrupules vont la compliquer. Pour y faire face, il nous conseille d’être à deux. Cela permet en effet d’échanger sur le chemin, de se soutenir et de se protéger mutuellement. On peut trouver des alliés avec ses tous proches ou parfois et de manière inattendue avec des inconnus.

   Alors, en route ! En route pour cet été, en route pour ce temps de vacances ; partons à la découverte de ceux que nous aimons et que nous connaissons parfois si mal. Partons à la rencontre de ceux que nous croiserons dans les bus, les trains, les campings ou les lieux touristiques. Peut-être également que certains d’entre nous ne vont pas partir. Budget serré, désir de rester au calme, nécessité de rester pour s’occuper de proches malades. A cela aussi, Christ dit : « Je t’envoie ; je t’envoie pour partager et annoncer la Bonne Nouvelle. »

  Pour tous, reconnaissons que l’aventure auprès ou au loin n’est pas toujours confortable ni rassurante. Le Seigneur ne nous envoie-t-il pas comme des agneaux au milieu des loups ? Et de surcroit, il nous demande de ne prendre avec nous que le minimum, ni bourse, ni sac, ni chaussures.

  En lisant ce passage, je pensais à tout les randonneurs, tous les pèlerins que l’on peut croiser dans notre région et qui pour certains font le chemin de St Jacques de Compostelle. Sur la route, ils doivent se méfier parfois des chiens agressifs. Il leur faut avoir de quoi boire et manger, de quoi prévoir un toit, un abri pour le soir.

  Je sais que lorsque nous partirons cet été, nous prendrons dans nos bagages quelques habits, nos affaires de toilette, quelques livres peut-être. N’oublions pas notre Bible car il est si bon de méditer la Parole au calme, dans un lieu accueillant et ressourçant.

  Peut-être hésiterons-nous à aborder le sujet de la foi avec nos interlocuteurs ? Est-ce la crainte d’être jugés ou catalogués de façon un peu trop caricaturale ?

  Pourtant, Jésus ne nous abandonnera pas. Il saura mettre en nous les mots qui touchent, les paroles qui apaisent, les silences qui accompagnent. Il ne nous demande pas de grands discours ; « Quand vous entrerez dans une maison, dites d’abord : « Paix à cette maison ».

Être disciple du Christ, c’est d’abord et avant tout, être un artisan de paix, être celui ou celle qui saura apporter une parole de réconciliation et de bénédiction. Cette parole de paix, elle s’adresse à tous et dans notre monde qui voit la violence et la guerre ravager l’Ukraine et tant d’autres pays, l’urgence de ce Shalom, de cette paix partagée entre les hommes apparait fondamentalement primordiale.

  Prier le maître, c’est aussi prier pour les chefs d’état, les responsables politiques, les diplomates pour qu’ils puissent trouver la fraternité, la justice et la concorde. Les membres de l’ACAT, chrétiens de toutes confessions savent l’importance de la prière pour ceux qui souffrent comme pour ceux qui sont responsables de leurs souffrances.

  Après deux années d’angoisse, avec la pandémie du Covid, après une période électorale pleine d’incertitude et dont les résultats ne sauraient nous satisfaire, avec ces millions de réfugiés qui affluent en Europe fuyant le terrible conflit en Ukraine, plus que jamais nous avons besoin d’espérance.

  Les conseils de Jésus peuvent paraître surprenants ; il faut non seulement voyager avec le minimum mais en plus ne même pas saluer les personnes croisées en chemin. Cette dernière attitude est en contradiction flagrante avec sa conduite et son comportement durant tout son ministère. N’est-il pas le Messie-serviteur qui profite de tous ses déplacements pour soigner, aider, secourir et saluer tous ces inconnus, ces exclus et ces personnes écrasées par leur sort ? Mais nous ne sommes pas le Christ, nous sommes simplement ses disciples et Jésus veut probablement éviter que nous perdions de vue l’objectif qu’il nous a fixé ; « ne vous démobilisez-pas » pourrait-il nous dire aujourd’hui.

  Tandis que je préparais cette prédication, un jour pluvieux de la semaine, des jeunes arrivaient par milliers à Marmande pour assister au grand festival Garorock. Eux aussi sont parfois venus de loin et ils repartiront, pour la plupart d’entre eux nous l’espérons, des étoiles pleins les yeux et des mélodies pleins la tête. Ce besoin de communion autour de la musique pourrait surement nous inspirer, nous chrétiens. Comme nous serions heureux de voir des jeunes arriver par trains entiers pour partager un moment d’unité et de ferveur autour de la Parole et de la Bonne Nouvelle.

  En sachant accueillir avec bienveillance ces dizaines de milliers de festivaliers, et j’en héberge ce week-end une demi-douzaine, peut-être aurons-nous la surprise de découvrir que le Seigneur nous en a envoyé quelques-uns plus particulièrement.

   Dans la langue française, l’hôte est aussi bien celui qui est reçu que celui qui reçoit. Avec la paix du Christ qu’annoncent les disciples sur chaque maison, c’est aussi la proximité du règne de Dieu qui peut être partagée. Cette proximité, cette annonce du Royaume, Jésus nous appelle à les proclamer, quel que soit la qualité de l’écoute et de l’accueil. La proclamation du Royaume s’adresse à tous, bons et mauvais, ouverts ou fermés. Qui sait dans quelles oreilles tombent les paroles du disciple et qui connait le temps nécessaire à l’éclosion de la foi chez mon prochain ?

  Jésus nous met en garde contre tout angélisme et toute naïveté. Le chemin du disciple va croiser celui des loups, des bêtes sauvages et des fauves. Comment ne pas penser à ces victimes innombrables des régimes criminels du XXème siècle. Ces régimes trouvèrent toujours des hommes serviles et obéissants pour obéir aux ordres criminels qui leur étaient données. Dans les camps de concentrations nazis et dans les goulags soviétiques, la foi des innocents affronta la brutalité des loups.

  Le racisme, l’antisémitisme, le rejet de la différence, la peur de l’autre, autant de motifs qui firent obstacle au dialogue, à la rencontre et qui justifièrent le refus d’accueillir la Bonne Nouvelle d’un Royaume de paix pour tous.

  Face à ces situations de rejet ou d’agressivité, Jésus n’appelle pas à la colère, à la violence qui seraient de bien mauvaises réponses. « Secouez la poussière de vos chaussures » nous dit-il. Ce geste n’est pas un geste insultant au temps de Jésus. Il montre simplement que le disciple n’est redevable en rien de celui qui le rejette ou l’accueille mal. Face aux échecs inévitables dans la proclamation du Royaume et de la Bonne Nouvelle, ne nous accablons pas ; nous sommes quittes avec ceux qui refusent de recevoir le message du Seigneur.

  Mais l’envoi porte aussi ses fruits. La joie des 72 disciples en est le plus important. Cette joie, elle devrait être l’une des caractéristiques de notre Eglise. Il y a de la joie à se retrouver ensemble et à communier fraternellement ; il y a de la joie également à savoir que nos noms sont écrits dans les cieux et même au creux de la main du Père.

   Il y a de la joie et voir notre petite communauté s’étoffer et accueillir de nouveaux visages.  Malgré les guerres, la crise climatique, la pandémie du Covid, laissons-nous contaminer par la joie du Royaume qui approche.

  Soyons disciples du Christ et acteurs de ce monde pour contribuer à l’avènement du règne de Dieu.

Que la joie du Seigneur vivant et présent dans le monde nous accompagne tous au cœur et au cours de cet été.

Amen

PREDICATION DU DIMANCHE 26 JUIN 2022 A TONNEINS.

Luc 9/ 51 à 62.

Chers Amis,

 

Comme nous en avons tous, de bonnes raisons pour ne pas suivre Jésus ou bien le suivre à moitié, d’un œil distrait, d’une oreille partagée, partagée entre l’écoute de sa Parole et l’écoute des bruits du monde, des informations, du brouhaha politico-médiatique.

  Certes, le récit de Luc nous renvoie à un contexte et une société dans lesquels il n’y a pas de radio, de télévision et de médias omniprésents. Mais pourtant, les récits des Evangiles nous font découvrir que les nouvelles circulent vite dans ce Proche-Orient ancien et cette terre de Palestine ; ainsi un jeune et étonnant prédicateur itinérant, originaire de Galilée et qui souhaite se rendre en Galilée traverse la Samarie, région habitée par une population honnie et crainte de la plupart des juifs.

  Certains des premiers disciples, comme Pierre, Jacques et Jean semblent avoir tout abandonner pour suivre ce mystérieux rabbi dont les mots et le charisme agit sur eux comme un aimant. Tout abandonner ? Ce n’est pas sûr.

Ont-ils pour autant laissé de côté toutes leurs habitudes, tous leurs raisonnements, tous leurs à priori ? Ils ont certes quitté leurs familles, leur métier, leurs repères mais se sont-ils débarrassés de tout ce qui les encombrent, d’une vision schématique de la société de leur temps que Jésus semble pourtant vouloir bousculer ?

  On considère que l’Evangile de Luc bascule véritablement dans ce passage où Jésus part pour Jérusalem ; un premier incident va mettre en évidence le décalage qu’il y a entre lui et ses disciples. Ces derniers, pleins de zèle et de sollicitude pour leur maître veulent préparer son accueil dans un village samaritain. Mais cet accueil se passe mal. Les habitants de ce village de Samarie ne veulent pas de ces juifs de Galilée. Rappelons simplement que les Samaritains n’ont pas les mêmes textes sacrés que les juifs, pas le même calendrier et leur temple se trouve sur le mont Gazirim et non à Jérusalem.

Face à ce refus d’accueillir ce petit groupe de voyageurs, les disciples réagissent avec violence. Ils sont prêts à demander à Dieu un châtiment exemplaire ; comme pour Sodome et Gomorrhe, ils en appellent à une destruction par le feu.

  C’est étrange comme cette envie de vengeance, de destruction peut nous faire penser à ce que vivent aujourd’hui les villes ukrainiennes martyres de Marioupol, de Kherson ou Karkhiv. Mais Jésus reprend ses compagnons. Il n’est pas venu pour punir, pour détruire, pour anéantir ; il est venu pour sauver tous les hommes, juifs ou samaritains, russes ou ukrainiens, chrétiens ou non-chrétiens.

  Suivre Jésus, découvrons-nous après les premiers disciples, ce n’est pourtant pas faire le choix de la tiédeur, de la fadeur, du consensus mou ou du compromis qui ressemblerait un peu trop à la compromission. C’est tout d’abord bannir les désirs de vengeance, de représailles, l’envie d’entrer dans le déchaînement de la violence. Pour cela, Jésus nous a donné un conseil, il nous adresse une prière qui va désamorcer tous les conflits potentiels ; lorsque Pierre l’interroge, « Seigneur, quand mon frère commettra une faute à mon égard, combien de fois lui pardonnerai-je ? Sept fois ? », Jésus lui répond, « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 77 fois sept fois » ». Cet échange que l’on découvre dans l’Evangile de Matthieu nous rappelle fort à propos que les enchaînements diaboliques qui mènent à la guerre sont bien souvent motivés par des frustrations et des humiliations qui nous touchent en remettant parfois en cause des égos surdimensionnés.

  Jésus s’attaque à la racine du mal en éloignant de nous tous les désirs de domination, les sentiments de supériorité.

  L’appel à le suivre, à tout quitter est radical et cette radicalité peut de prime abord nous effrayer.

  Comme l’écrit le théologien François Bovon, spécialiste de Luc, « en régime évangélique, suivre quelqu’un peut désigner en effet une attitude servile, une allégeance aveugle, une dépendance infantile ou un mimétisme aliénant. Mais suivre évoque aussi le désir d’accompagner, de se former et de collaborer. Se mettre à l’école de quelqu’un n’est pas forcément péjoratif ! Tout dépend du maître …et de l’élève. »

  La première étape, pour suivre Jésus, c’est d’accepter de se mettre en chemin. Pour cela, il nous faire le constat que l’on n’est jamais arrivé ; arrivé au terme du voyage, au terme de sa vie, arrivé au but. Nous ne sommes jamais en état de tout savoir, de tout comprendre, de tout connaître, en autosuffisance sur le plan spirituel.

   Suivre Jésus implique de se plier à une triple exigence : perdre son refuge, la sécurité du nid, la protection de la tanière maternelle. C’est aussi ne pas se laisser enfermer dans l’univers familial qui peut parfois ressembler à une prison dorée et rassurante. C’est enfin s’affranchir parfois des règles de bienséance, de savoir-vivre tels que la société nous les impose pour regarder devant soi en donnant la priorité au Christ Lui-même.

  Je crois que, comme en randonnée, pour suivre Jésus, il faut voyager léger. Ne nous encombrons pas de lourds bagages, de souvenirs ou de regrets qui nous écrasent, ou nous torturent. Jésus nous libère de nos histoires personnelles ou familiales qui sont parfois douloureuses ou pesantes.

  Acceptons de nous laisser déstabiliser par ce Christ, ce Seigneur qui nous appelle à contempler des horizons futurs plutôt que les braises et les cendres du passé.

  Loin de vouloir nier l’importance des liens affectifs familiaux et amicaux, Jésus nous appelle simplement à ne pas en faire des pièges qui enferment et qui risquent de limiter et compliquer la relation à Dieu.

  Dans le cheminement avec le Christ, chaque jour est un jour nouveau et la promesse des lendemains est plus importante que la nostalgie des jours passés.

  Reconnaissons-le ; nous avons tous des bonnes excuses pour ne pas suivre Jésus. Nous ressemblons à ces disciples qui chacun, aimeraient l’accompagner sur le chemin mais qui souhaitent cependant ne pas être trop bousculés dans leurs habitudes.

  Pour autant, le maître offre à chacun un chemin à sa mesure. Il nous demande de ne pas regarder en arrière, de ne pas nous retourner en permanence sur le passé.  Cela nous empêche d’aller droit au but. Tout ce que nous pouvons investir en temps, en énergie, en dons au profit de son Eglise n’est pas perdu.

On peut croire à tord que tout cela nous prive de moments précieux, de temps passés avec nos tous proches. Mais le Christ met au contraire en évidence le prix de ces relations de proximité. Il ne les met pas en danger, il les valorise.

 C’est vrai, la radicalité de l’appel du maître a de quoi nous effrayer : ne pas avoir de lieu où poser la tête, ne pas remplir les devoirs du deuil ou bien ne pas faire ses adieux à ses proches, tout cela nous dérange et nous choque.

  Plutôt que de considérer ces propos de manière littérale, donnons-nous le recul nécessaire et cherchons-en le sens caché.

   Dieu, en Christ, ne nous demande pas de tout lâcher, d’abandonner femmes et enfants, de ne pas assumer toutes les contraintes familiales.

  Les premiers réformateurs ont rejeté la fuite hors du monde et ils ont valorisé une foi chrétienne vécue et partagée au sein des univers professionnels, familiaux et au sein de la société. En s’opposant à l’Eglise catholique dominante, ils ont fui la nostalgie d’un passé idéalisé. L’héritage des pères ne devait pas être un obstacle à la modernité.

  Suivre Christ sur les chemins de la vie, c’est accepter qu’il soit présent dans tous les compartiments de mon existence ; c’est découvrir sa présence aimante au sein de la communauté, en Eglise mais aussi dans ma famille et parfois sur des sentiers inconnus que nous empruntons plus rarement.

   Etre son disciple ne nous met pas à l’écart de la vie quotidienne. Mais ce chemin fait d’alternances de joies et de peines est éclairé par sa présence.

  Accepter de relativiser ce qui nous paraissait il y a peu essentiel, statut social, reconnaissance de ses pairs, bien matériels nous permet de prendre ou reprendre cette marche avec le Christ.

   En évoquant à nouveau l’image du randonneur qui voyage « léger », un casse-croûte, une bouteille d’eau et une Bible suffisent, accueillons ce temps de culte comme une pause, une parenthèse, un temps de repos qui permet d’entrevoir le but du voyage, l’objectif à atteindre.  Ne nous retournons pas sur le chemin déjà parcouru. Jésus nous demande de ne pas nous démobiliser, de ne pas nous arrêter trop longtemps ; comme au disciple accaparé par ses devoirs familiaux, il nous dit : « Quiconque met la main à la charrue puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. »

Amen


PREDICATION POUR LA CELEBRATION OECUMENIQUE A MONHEURT LE 19/6/2022

Galates 3/ 23 à 29

Chers amis,

Chers habitants de Monheurt,

 

C’est dans le cadre de cette célébration mémorielle que Mr José Armand, maire de votre commune a à nouveau sollicité l’Eglise catholique et l’Eglise protestante unie pour nous retrouver ici-même afin de témoigner de notre proximité et de notre fraternité commune.

  Si 2000 ans de christianisme ont vu de nombreuses divisions, plusieurs schismes, des divorces pas toujours à l’amiable, des croisades et des anathèmes, l’immense majorité des chrétiens aujourd’hui reconnaissent que toutes ces tensions, ces conflits résultaient d’une bien mauvaise interprétation de l’Ecriture et du message évangélique.

   La lettre aux Galates, écrite très probablement par Paul deux décennies à peine après le ministère de Jésus s’adresse à une population traversée par des doutes, des questions et des interrogations. Des judéo-chrétiens s’opposent à des chrétiens issus du paganisme. Sont mis en opposition ceux qui pensent qu’il est important de suivre la loi, la loi de Moïse tandis que d’autres affirment la primauté, la priorité de la foi, de la foi au Christ ressuscité qui annule et rend caduc toutes les prescriptions antérieures, celles du judaïsme en particulier

  Aujourd’hui encore et de tous temps, les mouvements religieux ont été et sont toujours écartelés entre le poids d’une tradition et d’un littéralisme qui peut enfermer dans un carcan et une volonté contraire de s’ouvrir à l’inattendu, à la surprise. Pour les chrétiens, c’est le Christ qui incarne cet inattendu ; un Christ éperdument novateur, éperdument contemporain et libérateur de tout ce qui peut nous enfermer.

  Cette opposition entre loi qui asservit et foi qui libère traverse la théologie de Paul qui, rappelons-le est d’une culture juive et pharisienne. Ainsi, l’apôtre a été bouleversé sur le chemin de Damas, passant du statut de persécuteur de la première Eglise à zélateur et missionnaire du Christ, soutenant de nombreuses communautés chrétiennes du bassin méditerranéens.

  Les tensions, les divisions qui sont celles des Eglises primitives et que doit tenter de résoudre et résorber l’apôtre n’ont cessé de traverser les Eglises au cours des siècles et rendent ce passage d’une actualité surprenante.

  On peut effectivement se demander si nos Eglises institutionnelles ne sont pas simplement des clubs plus ou moins fermés prêts à accueillir plutôt des membres qui se ressemblent et se reconnaissent entre eux ? Ne sont-elles pas pour un certain nombre de chrétiens un marqueur identitaire fort utile dans une société en manque de repère qui nous ferait dire : « Je suis protestant, je suis catholique, je suis orthodoxe ; je ne me reconnais comme frère, comme ami qu’avec celles te ceux de ma confession ! » ?

   Mais la puissance de l’Evangile et le message paulinien viennent totalement bousculer cet ordonnancement restrictif et dangereusement stérile.

   « Tous, vous êtes, par la foi, fils de Dieu, en Jésus-Christ » écrit l’apôtre rajoutant « Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ ». Paul veut faire comprendre aux Galates qui se déchirent sur des sujets qu’il juge accessoire et secondaire que « revêtir » le Christ nous libère d’une identité pré-existante pour nous amener à réaliser et vivre une fraternité sans frontières.

  Il y a quelque chose d’infantilisant à croire que le salut, la sagesse, le savoir s’obtiennent en suivant une loi, des règles scrupuleusement. Paul et après lui tous les disciples ne doivent pas avoir peur de vivre leur foi avec un grain de fantaisie, voir de folie. Car il faut être un peu fou pour croire en ce Messie improbable qui casse les codes religieux et culturels de son époque, qui interpelle les puissants et ceux qui sont un peu trop installés, qui fait le choix de s’adresser en premier lieu aux exclus, aux rejetés, lépreux, handicapés, à tous ceux que la société de son temps juge impur.

  Lorsque Paul écrit qu’« il n’y a plus ni juif, ni grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme », c’est contre tous déterminismes, contre toutes ces identités qui enferment insidieusement qu’il s’insurge. « Car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ » conclue-t-il.

  Dans les temps que nous vivons aujourd’hui où les populismes, la xénophobie, les crispations identitaires ont le vent en poupe, les propos de l’apôtre apportent une répartie puissante.  Il nous dit ainsi que ni notre origine, ni notre statut social, ni notre genre sont le fondement premier de notre être profond.

  Si l’on veut bien se revêtir du Christ, se laisser habiter par Lui, l’accueillir dans nos vies, alors une identité nouvelle se fait jour en nous. Je vais reconnaître comme frère, le membre d’une autre Eglise, l’étranger que j’ai parfois du mal à comprendre.

  La tragédie ukrainienne à laquelle nous assistons depuis près de 4 mois rend les propos de Paul d’une pertinence aigüe. Le président de la Russie et avec lui une partie de la hiérarchie orthodoxe du patriarcat de Moscou dénie au peuple frère ukrainien à la fois son identité propre et ses droits à vivre en paix.

  On peut constater comme hier dans la tragédie rwandaise, comme il y a 4 siècles ici même à Monheurt sur les rives de la Garonne, que la foi chrétienne des agresseurs et de tous les responsables de la violence n’était qu’un vernis, qu’une croyance erronée et superficielle.

  Le Christ des Evangile, tel qu’il se révèle à ses compagnons, aux femmes, est justement celui dont le comportement bouscule nos habitudes et nous montre l’urgence d’une fraternité concrète et active.

   Devenir pleinement chrétien implique d’emprunter un long chemin et le dialogue œcuménique entrepris en particulier au XXème siècle prouve que cela est possible, nécessaire et même essentiel.

   Notons que systématiquement, les régimes autoritaires, les dictatures ont soit chercher à anéantir les forces spirituelles et religieuses, soit cherché à les instrumentalisés pour obtenir leur soutien.

  Mais de même que des Eglises se sont compromises avec ces pouvoirs autocratiques, de même certaines d’entre elles et leurs membres ont été l’âme de la résistance, l’aiguillon qui faisait trembler les puissants.

  Comment oublier le rôle du pape Jean-Paul II, soutien de la Pologne, écrasée sous le joug des pays du pacte de Varsovie ? Comment ne pas penser à l’archevêque anglican Desmond Tutu, artisan de la chute du régime d’apartheid en Afrique du Sud ?

  Je me rappelle, il y a quelques années avoir rencontré des religieux et religieuses catholiques en Amérique latine ou dans les Caraïbes qui avec courage et humilité avaient pris fait et cause pour les exclus, les pauvres et les populations persécutées.

  Pour tous ceux-là, il n’y avait plus ni juif, ni grec ; ni esclave, ni homme libre ; ni homme, ni femme. Il n’y avait que des frères, des sœurs à aimer sans le moindre angélisme, sans la moindre concession à la violence, à l’injustice.

  Nos Eglises, dans leur grande diversité partagent l’essentiel, à savoir la foi en Jésus-Christ qui, comme le rappelle fort justement Paul libère d’une obéissance exigeante et contraignante à toute loi.

   Le juif, le non-juif, l’esclave et l’homme libre, l’homme et la femme ne vont pas changer de statut à l’époque de Paul ; de même des chrétiens de toutes origines et de situations sociales différentes ne vont pas voire aujourd’hui leurs statuts personnels totalement remis en cause par leur rencontre avec le Christ.

  Pour autant, ils peuvent, comme chrétien, déposer leurs marqueurs identitaires pour revêtir Christ qui les rend profondément égaux et transcende les particularismes.

  Si l’histoire ne prouve pas l’existence de Dieu, les spécialistes et les historiens montrent cependant qu’il y a une lente évolution, une progression dans les relations internationales, dans l’avènement de régimes démocratiques.

  Ce ne sont ni les théocraties, ni les dérives autoritaires et populistes qui accouchent de systèmes politiques où la liberté, la justice et l’égalité entre tous sont préservés.

   Il y a dans les Ecritures, dans les Evangiles et dans les écrits pauliniens, pour peu qu’on se livre à une lecture et une interprétation rigoureuse et exigeante, des ferments libératoires, une incitation à se débarrasser de nos prisons intérieures et de nos enfermements.

  Nous avons besoin de nous rappeler qu’en relativisant nos appartenances identitaires, sexuelles et sociales, qu’en acceptant d’être bousculés sur certaines de nos valeurs, nous nous ouvrons alors à une reconfiguration intérieure marquée par la présence de Jésus-Christ.

  Paul nous rappelle que par le baptême, nous revêtons tous le Christ ; nous ne sommes plus juifs ou grecs, plus russes, plus ukrainiens ; il n’y a plus ni catholiques, ni protestants. Nous sommes d’abord chrétiens et cette foi nous unit et nous réunit.

Ne tombons pas pour autant dans un irénisme béat ; rappelons fort à propos que la recherche effrénée de l’unité peut aussi aboutir à la négation des différences, des sensibilités, sur les plans culturels, linguistiques, théologiques ou ecclésiaux. La beauté et la grandeur de Pentecôte réside justement dans cette unité qui accueille l’universel, la diversité. Rappelons-nous que par le don de l’Esprit, les disciples accueillent l’Evangile dans toutes les langues.

   Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui permet de faire des choix, individuels ou communautaires à tous moments. On peut faire des choix qui portent des germes de division ou au contraire faire des choix qui rapprochent, qui permettent de créer de nouvelles solidarités et de nouveaux liens.

Le terme grec Diabolos, le diable a pour première définition le diviseur, celui qui désunit. Il est l’exact opposé, le contraire de ce Christ qui tente en permanence de rapprocher les Eglises, les hommes dans toutes leurs diversités.

Que les leçons de l’histoire, de ce qui a été vécu ici même à Monheurt il y a 400 ans ou bien de ce qui est vécu en Ukraine aujourd’hui mais aussi dans bien trop de pays, soient pour nous comme un rappel, un rappel de l’urgence de mettre en place une fraternité active. Nous croyons, nous chrétiens que cette fraternité ne peut s’appuyer que sur la personne de Jésus-Christ. Il est celui qui nous dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ».

Amen

   

PREDICATION DU DIMANCHE DE PENTECOTE 5 JUIN 2022. A MARMANDE

Jean 14/ versets 15 à 26.

Chers Amis,

    En ce dimanche de la Pentecôte 2022, j’ai choisi de vous lire le passage de l’Evangile de Jean choisi pour ce jour dans la traduction œcuménique de la Bible.

  En effet, j’aime ce mot un peu mystérieux, un peu énigmatique, directement traduit du grec pour désigner le Saint-Esprit : il s’agit du Paraclet, paracletos en grec.

  Nous chrétiens, nous représentons plus ou moins bien le Dieu Père, ce Dieu Créateur, Dieu de la révélation, Dieu d’Israël que l’on découvre et retrouve dans le premier Testament. On s’émerveille, on s’enthousiasme devant ce Dieu Fils, Parole faite chair, devant l’Emmanuel, le Christ Jésus dont les Evangiles nous narrent les 3 ans de ministère en Galilée puis la mort et la résurrection à Jérusalem.

  Mais qu’en est-il de la 3ème personne de la Trinité, de ce Dieu qui se dévoile certes Père, Fils mais aussi Saint Esprit ?

  C’est justement à Pentecôte que cette dimension spirituelle de Dieu prend toute sa place, toute son importance.

  Nous savons que le terme grec qui désigne le plus souvent l’Esprit, le Saint Esprit, est pneuma qui signifie le souffle, le vent. On oublie d’ailleurs un peu vite que le vent, le souffle, c’est la vie même. Ne dit-on pas de quelqu’un qui vient de mourir qu’il a rendu son dernier souffle ? C’est un peu comme si son esprit s’en était allé avec la vie qui le quittait.

  Mais dans l’Evangile de Jean que nous venons de lire, son auteur a choisi de traduire les propos de Jésus avec le terme Paraclet. Ce mot Paraclet, on ne le trouve que dans les écrits johanniques.

  Ce mot ne doit pas nous faire peur ou nous impressionner ; il est au contraire rassurant, réconfortant. Il désigne une autre forme de la présence de Jésus auprès de nous. On peut en effet le traduire par « celui qui est appelé à côté », « celui que l’on appelle à son secours », ce que résume bien également les définitions suivantes, l’avocat, le défenseur, l’intercesseur ou le consolateur.

  De même que l’on ne peut voir ni saisir le souffle qui pourtant est bien réel puisqu’il fait frémir les branches des arbres, gonfle les voiles des bateaux ou peut même susciter des tornades et des cyclones, de même le Paraclet envoyé par le Père à la demande de Jésus supplée à son absence et manifeste sa présence mystérieuse à nos côtés.

  Dans le passage de l’Evangile de Jean de ce jour, Jésus tente de préparer ses disciples à sa mort prochaine, à son départ. Ces propos ne doivent pas être bien compris par ses 11 fidèles compagnons, 11 car Judas a déjà quitté le navire pour vendre son maître. Que pensent les disciples de ce Messie qu’ils suivent et qui annonce sa fin toute proche puis un mode de présence tout autre ?

  Comme eux, comme notre communauté marmandaise ce matin, comme notre Eglise et au-delà comme l’Eglise universelle nous sommes pourtant au bénéfice de la présence de celui qui dit : « Si vous m’aimez, en appliquant et en observant mes commandements, ma prière au Père aura pour conséquence qu’Il vous enverra un autre Paraclet, cet autre avocat, défenseur qui restera avec vous pour toujours ». On peut comprendre ces mots comme l’affirmation d’une présence éternelle de Jésus aux côtés de ses disciples, à nos côtés.

  Dans cette tablée, constituée de Jésus et de ses amis, se joue le futur des premiers disciples mais aussi l’avenir de l’Eglise et du monde.

  Bien sûr, Jésus va mourir à la croix, supplice infamant et dégradant. Mais ses apparitions aux seuls croyants, puis les 50 jours qui vont mener jusqu’à la première Pentecôte préfigurent une promesse. Celle du temps de l’Esprit qui est toujours le nôtre aujourd’hui.

  On peut considérer que le Paraclet est en quelques sortes le « double » de Jésus. Il réactualise la mémoire du Christ en permanence et le rend présent à notre monde aujourd’hui encore. Il nous enseigne et nous apprend à donner sens à notre à notre quotidien.

  Il nous appartient, à nous, disciples du XXIème siècle d’accueillir cette présence spirituelle du Christ à la fois individuellement et collectivement, communautairement.

  Pour les chrétiens, le Christ vivant est une réalité, une vérité que la plupart d’entre nous ont déjà expérimentés. Cette expérimentation, cette expérience de la présence du Christ à nos côtés, c’est justement l’œuvre du Saint Esprit qui la rend possible.

  Le Christ ressuscité, s’adressant à Thomas l’incrédule, lui dira ceci : « Bienheureux, ceux qui, sans avoir vu, ont cru » (Jean 20/29).

  Nous aussi, aujourd’hui encore, avons bien souvent besoin de voir pour croire. Il ne nous est pas facile d’accepter une présence « spirituelle » du Christ dans nos vies.

 Pourtant, le propre de la foi est de croire en un Dieu apparemment absent du monde.

 Ne soyons pas des Thomas, qui a eu besoin de voir, de toucher, de sentir son Christ pour croire en sa résurrection, en sa présence réelle parmi les hommes.

 Nous croyons en effet, nous chrétiens et protestants que Jésus est une Parole faite chair, une Parole vive, une Parole vivante. Aimer ce Messie, mystérieusement présent, c’est observer sa Parole nous dit-il. Cela a pour conséquence d’être aimé par le Père et Jésus rajoute, à propos du disciple : « Nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure ».  (Jean 14/23).

  Même si le monde ne reconnait pas le Christ, même si tant de nos contemporains semblent le fuir ou le nier, il nous appartient à nous chrétiens d’être ses bras, ses jambes et ses témoins.

  Jésus l’affirme avec force, Lui et son Père font leur demeure auprès de celles et de ceux qui expriment leur amour en écoutant la Parole.

  C’est donc en participant à la vie de l’Eglise, en la soutenant dans la prière et la communion fraternelle, en s’engageant à son service, dans la diaconie, dans les associations et les œuvres que nous rendons possible le témoignage de l’Evangile, la réalité de la présence du Christ vivant.

  Macaire le Grand, père de l’Eglise qui vivait en Egypte au IVème siècle écrivait ceci : « De même que Dieu a créé le ciel et la terre pour que l’homme y habite, ainsi a-t-il créé le corps et l’âme de l’homme pour qu’ils soient sa propre demeure, pour qu’Il habite et repose dans le corps, comme dans sa propre maison ».

  Ce mouvement, d’un Dieu qui vient faire sa demeure en l’homme contredit les efforts inutiles de trop de croyants qui pensent et croient que c’est par leur propre volonté, leurs propres efforts qu’ils peuvent se rapprocher de Lui.

  A Pentecôte, ce ne sont pas les hommes qui s’élèvent à Dieu, c’est Dieu qui à la demande du Fils envoie l’Esprit Saint sur ses disciples, sur ses serviteurs. Le mouvement est donc descendant et non ascendant. Nous n’avons pas d’efforts surhumains à faire ; il ne s’agit pas de gravir une montagne au sommet lointain et inaccessible.

  Il nous suffit de tenir notre demeure propre, accueillante, pour que Dieu, en Jésus-Christ, s’y sente chez Lui. Nous pourrons découvrir alors que la présence de Dieu n’est pas réservée à quelques privilégiés ou bien à espérer pour un lointain au-delà ; elle surgit dans la communauté des disciples, en nous, dans notre Eglise à nouveau ce matin.

  Les doutes, les peurs et les questions des premiers amis de Jésus sont encore les nôtres aujourd’hui : Les silences de Dieu sont-ils le signe de son absence ? La victoire apparente de la mort montre-t-elle son impuissance ? La force du mal, les épreuves qui s’accumulent, les tragédies auprès et au loin ne prouvent-elles pas son désengagement du monde ?

   Pourtant, l’évangéliste Jean nous rappelle que le Christ crucifié sur le Golgotha est aussi celui qui vient : il se manifeste hier, aujourd’hui et demain par l’envoi du Paraclet. Le Paraclet, autre nom du Saint Esprit opère en nous un travail de mémoire ; il nous transmet le souvenir des paroles et du don de sa vie à la croix du Christ. Il donne sens à ma vie aujourd’hui en juin 2022 ici à Marmande.

  De même que Jésus est le représentant de Dieu parmi les hommes, ainsi, le Paraclet est le représentant du Christ parmi les disciples, parmi nous.

  L’Esprit Saint a ainsi une double fonction ; il fait mémoire du Messie en le rendant présent aujourd’hui et il nous enseigne le message de l’Evangile, le sens de la Parole.

  Nous n’avons pas à nous sentir indigne d’accueillir le Paraclet en nous, au sein de notre Eglise. Sa présence est plutôt une bénédiction, qui nous délivre et nous décharge de tout ce qui peut nous oppresser.

Ne craignons pas de manifester notre joie et notre espérance qui est bien souvent à contre-courant du pessimisme et du déclinisme suscités par les drames planétaires ou plus souvent ceux qui peuvent nous toucher personnellement.

 Jésus qui s’adresse à ses amis comme à nous ce matin nous dit simplement : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »

Soyons en paix chers Amis, chers frères et sœurs.

AMEN

PREDICATION POUR LE CULTE DU 15 MAI 2022 A MARMANDE.

Jean 13/ 31 à 35.

Chers Amis,

 

On considère ce passage de l’Evangile de Jean comme le début du premier discours d’adieu de Jésus à ses onze disciples.

Aux onze, car Judas vient de quitter la table pour mener à bien sa funeste mission.

Jésus se sent-il libéré après le départ de celui dont il sait qu’il va le trahir, le vendre, le livrer pour quelques deniers ? En tout état de cause, le maître reste avec ses amis intimes, ses fidèles compagnons et Jésus en s’adressant à eux nous parle aussi à nous, disciples du XXIème siècle.

  Cet enseignement, ce commandement suprême, nouveau, nous dit-il, tient en bien peu de mots : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. »

  N’est-ce pas là une mission impossible ? Dans ce monde de solitude, d’épreuves, d’indifférences, essayer d’aimer comme le Seigneur nous aime ? Nous sommes si souvent tentés de baisser les bras et le découragement nous guette ; bien souvent, nous faisons le constat suivant : qu’il est difficile d’aimer son prochain, de l’aimer avec ses différences, avec ses particularités avec ses défauts et ses qualités.

   Ce passage, suit chez Jean, l’épisode du lavement des pieds, dans lequel Jésus fait preuve une fois de plus de sa totale humilité. C’est peut-être là un geste, un signe d’un amour qui s’abaisse, qui se met totalement au service des autres. En Jésus, pas d’amour possessif ou de manifestation d’un amour jaloux, contrarié et destructeur. Ce qui caractérise l’amour tendre de Jésus pour ses disciples comme pour nous, c’est la gratuité. Il ne contient par le moindre désir de « retour sur investissement », pas de « je te donne … afin de recevoir à mon tour ».

  L’amour que Jésus nous donne en exemple est un amour totalement désintéressé ; il est à l’opposé de celui de Judas qui, tout en aimant son maître, aime aussi l’argent, aime l’idée d’avoir une prise sur le destin, sur le cours de l’histoire, sur la vie d’un homme.

Alors, aimer comme Jésus nous aime, mission impossible ? Utopie déraisonnable voir dangereuse ? Ou bien n’est-ce pas là au contraire le but ultime de notre vie de disciple, de chrétien, de serviteur ?

  Je crois que, de même que le mal, la haine et la violence, peuvent se construire, se structurer, on le voit à l’œuvre actuellement en Ukraine, le bien, le beau et le bon, tout ce qui caractérise les fruits de l’amour se bâtissent et s’édifient également. Jésus se présente comme la pierre angulaire autour de laquelle on peut planifier un projet d’amour.

  Dans le livre du Lévitique (Lév. 19/18), on trouvait déjà le commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Dans le contexte de ce livre de la Torah, cet amour sous-entend le sens du respect et de la justice ; respect et justice qui doivent régir les rapports humains.

  En quoi le commandement d’amour de Jésus est-il nouveau ? Son amour à lui, celui qu’il nous porte est-il foncièrement différent de l’amour que nous avons les uns pour les autres ?

Et puis, reprenons ces propos : « Je vous donne un commandement nouveau : comme je vous ai aimé, vous devez vous aussi vous aimez les uns les autres. » L’amour peut-il se commander, se décréter, être le résultat de l’obéissance à un ordre ?

  Ce qui est important dans le propos du Maître, c’est sans doute, cette prière qu’il nous adresse, cette demande de prendre exemple sur lui : « comme je vous ai aimés »

  Jésus connait nos limites, nos imperfections et nos défauts comme il connait ceux de ses disciples. Pourtant, il nous demande d’aimer malgré ce que nous sommes. Jésus s’adresse à ses compagnons qui pour certains vont s’endormir dans le jardin de Gethsémané, pour d’autres le renier tandis que plusieurs aimeraient obtenir les places d’honneur quand il sera dans sa gloire.

   Si l’on cherche à préciser la manière, la façon qu’a Jésus de nous aimer, constatons qu’elles ne se limitent pas à de belles paroles, à la simple expression des sentiments mais plutôt et surtout par des actes et des gestes. Son amour se voit, se révèle à travers des signes, des miracles, des dons.

  Ce comportement du Seigneur, tel que l’on peut le découvrir dans les Evangiles nous renvoie à notre vie d’Eglise, notre vie communautaire ; aimons-nous comme Lui nous aime ?

   En articulant notre amour autour de sa personne, nous sommes telles les pierres vivantes de son Eglise dont il est à la fois la tête, le souffle et l’essence.

  Ainsi, notre Eglise devrait être le réceptacle et la caisse de résonnance d’un projet d’amour dont les fruits murissent dans l’entraide et la diaconie. Pour les protestants, rappelons-nous que les œuvres et le soutien aux personnes en détresse sont les conséquences de notre foi au Christ, ce Christ qui aime son prochain plus que lui-même.

  Jésus est bien sûr l’exemple à suivre mais quoi que nous fassions, nous ne demeurerons que de pâles copies.

  St Augustin disait ceci : « Aime et fais ce que tu veux ». Peut-être incitait-il à penser et croire que l’amour nous rend libre ; libre de tout désir de reconnaissance, libre de toute volonté d’exercer un pouvoir.

  D’ailleurs, l’annonce de la Bonne Nouvelle est celle du pouvoir de l’amour et non celle de l’amour du pouvoir. Trop souvent, trop longtemps des liens resserrés entre Eglises et pouvoir politique ont discrédités cet amour vrai qui est celui du Christ.

Un historien des religions, par ailleurs prêtre catholique, Alfred Loisy écrivait cette phrase célèbre : « Jésus annonçait le Royaume et c’est l’Eglise qui est venue ». Il nous faut sans doute reconnaitre que l’Eglise n’est que l’antichambre de ce Royaume qui dépasse probablement tout ce que nous pouvons en imaginer.

   L’autonomie et l’indépendance de notre Eglise, l’EPUDF, est un gage et une preuve que service et mise en pratique de l’amour du prochain peuvent s’exercer en dehors de toutes pressions sociales ou politiques. Cette liberté, donnée par le Christ des Evangiles nous affranchit des idéologies et des sectarismes de tous bords.

  Ainsi, l’amour de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin ne saurait fléchir ni faire la moindre concession devant les idéaux identitaires ou discriminatoires. On ne saurait aimer ceux qui nous ressemblent tout en rejetant ceux qui nous sont différents.

  Jésus nous aime d’un amour sans frontières, sans limites, sans barrières. Il ne se laisse enfermé par aucune posture identitaire, aucune prise de position exclusive, aucun rejet de toute différence.

  Nous pouvons nous réjouir que notre Eglise accueille tous les êtres humains, riches de leurs diversités culturelles, dans la pluralité de leurs orientations sexuelles, la multiplicité de leurs idéaux et de leurs origines.

   Cet amour qu’il nous porte nous pousse à oser à notre tour un amour inconditionnel du prochain. Et ce prochain n’est pas toujours celui ou celle qui me ressemble.

  En effet, aimer comme Jésus aime, c’est aimer l’autre, l’aimer dans son irréductible altérité, sa différence. C’est aimer le rejeté, l’impur, le mutilé ou le condamné comme Jésus a aimé la femme adultère, le lépreux, le paralytique ou le larron, son compagnon de souffrances sur la croix.

  Aimer son prochain en cherchant à faire de lui ou elle un clone, un reflet de soi-même n’est pas aimer. Cela porte en germe des tensions, des conflits et la guerre.

  Ainsi Poutine et les idéologues de son régime panslave prétendent aimer le peuple frère ukrainien. Mais ils veulent l’aimer différent de ce qu’il est en niant son droit à une histoire et une identité propre. Le tandem diabolique formé par le président Poutine et le patriarche de Moscou, Kirill, n’est pas inscrit dans une démarche d’amour et de salut vis-à-vis de ceux qu’ils présentent comme leurs frères. On assiste là à un triste dévoiement et une instrumentalisation de la foi chrétienne.

   En suivant le Christ, sur son chemin de vie et durant son ministère, on constate que l’amour qui émane de sa personne, c’est l’amour pour Dieu, qu’il appelle Père, et qui nourrit l’amour qu’il porte à chaque être humain.

  La première Epître de Jean l’exprime un peu différemment puisqu’on peut y lire ce verset : « Si quelqu’un dit ‘j’aime Dieu’ et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. » L’auteur de cet Epître n’est pas avec certitude celui qui a écrit l’Evangile johannique. Mais il nous rappelle fort à propos qu’aimer Dieu, c’est d’abord et avant tout participer à cet amour universel qui s’exprime dans le service du prochain. La seule demande de Jésus, sa seule supplique et prière, ce ne sont pas un culte rendu à Dieu, des sacrifices ou des pratiques qui le louent et l’honorent, c’est simplement de s’aimer les uns les autres. Cet amour mutuel sera le meilleur des témoignages de mes disciples aux yeux du monde, rajoute-t-il.

   Les conflits politiques ou religieux, les guerres prouvent la méconnaissance de cet enseignement et l’existence d’un monde sans Dieu.

 Ceux qui sont esclaves de leur orgueil et de leurs désirs de puissance sont pécheurs devant Dieu, car ils se coupent de Lui, pensant ne pas avoir besoin de sa présence.

 Le commandement nouveau de Jésus, celui d’un amour inconditionnel du prochain est toujours nouveau aujourd’hui.

Etre et devenir une Eglise où l’amour est roi est l’objectif que nous assigne Jésus. Il implique un partenariat avec Dieu.

Gardons en nous ce qui pourrait être la parole que le Seigneur nous adresse en ce jour : « Comme je t’aime, aime ton prochain »

Amen

 

PREDICATION POUR LE CULTE DU DIMANCHE 8 MAI 2022 A NERAC.

 Jean 10/ 1 à 16.

                   Chers Amis,

Ecoutons donc Jésus parler de Lui-même. Bien souvent, il est vrai, il nous est difficile de parler de nous-mêmes. Le plus souvent, ce sont les autres qui sont les plus compétents pour nous qualifier, nous attribuer des substantifs et des adjectifs.

  Dans ces quelques versets de l’Evangile de Jean, Jésus se prête à cet exercice délicat, face à un auditoire qui n’est pas acquis à sa cause, puisque l’on pense qu’il s’agit de pharisiens.

  Dans la première partie de son propos, Jésus choisit d’évoquer l’image du troupeau, de l’enclos et de ce passage, ce sas, cette porte qui permet de rentrer et sortir, de quitter la sécurité pour aller brouter aux 4 vents, dans les prairies du monde.

   Ces images résonnent dans le cœur de ses interlocuteurs. Est-il besoin de rappeler que la métaphore du berger et du troupeau pour décrire la relation entre Dieu et son peuple est reprise maintes fois dans le premier testament ? Ne reprenons que la parole du Psaume 100 que nous avons entendu dans le temps de louange : « Reconnaissez que c’est le Seigneur qui est Dieu, c’est lui qui nous a faits, et nous sommes à lui. Nous sommes son peuple, le troupeau dont il est le berger ».

  Mais en dehors de toutes références vétéro-testamentaires, l’image de l’enclos, du berger et de ses brebis nous parle encore aujourd’hui comme elle parlait aux auditeurs de Jésus-Christ hier.

    Dans les deux cas, référence à l’Ecriture ou référence à la réalité du monde pastoral, il parait important, pour nous brebis de nous laisser guider, conduire, mener par une voix que nous connaissons, que nous reconnaissons, celle du maître, celui qui se présente à la fois comme la porte et le bon berger.

Un père orthodoxe du XXème siècle écrivait ceci à propos de ce passage : « Lorsqu’on écoute Jésus, on prend très vite l’habitude de sa voix. On devient capable de discerner, si j’ose dire, le ton de Jésus, le style qui lui est propre : simplicité, clarté sereine. Une parole authentique du Sauveur ne rend pas le même son que les échos de notre subconscient ou les reproches de l’adversaire. Et dans chacune de ces paroles, on sent un point ferme de repos, quelque chose de final qui met un terme aux incertitudes et aux débats.

‘Mes brebis entendent ma voix’. C’est en écoutant Jésus, en se familiarisant avec son accent, que l’on découvre dans le Maître un berger et que l’on devient sa brebis. La relation entre le pasteur et la brebis ouvre une phase autre que la relation entre le disciple et le maître. Le berger nourrit sa brebis ; il l’abrite ; il la porte sur ses épaules. Il y a une tendresse propre à cette relation. »

   Ce propos m’interpelle et je trouve qu’il est plus que jamais pertinent. Nous pouvons certes écouter Jésus dans ce passage, nous parler de lui-même, mais je crois qu’il nous parle aussi de nous, de notre Eglise, et de ce monde qui est le nôtre.

   Traversant et survolant 2000 ans d’histoire, reconnaissons tout d’abord qu’il nous est bien difficile d’écouter et de reconnaitre la voix de Jésus dans cette cacophonie qui nous entoure ; réseaux sociaux, avalanches d’informations, concerts médiatiques abondants, messages-vidéos, audios, radiophoniques, on ne sait plus où tendre l’oreille, à quel saint se vouer pourrait-on dire avec humour. Peut-être avons-nous besoin de plages de silence, de moments de retraits, de temps de pause afin d’être à même de reconnaître la voix du Seigneur.

  Lors de la retraite spirituelle régionale, une amie bordelaise nous disait ceci : « La parole est une perle et le silence est son écrin ».

  L’art de l’écoute se cultive, se développe et il demande une discipline. Les paroles prononcées par Jésus traversent les siècles et sonnent à nos oreilles aujourd’hui : « En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis… Je suis le bon berger : le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis. »

  En bien peu de mots, que l’évangéliste Jean prête à Jésus, ce dernier se présente à nous et définit par métaphore ce que pourrait être l’Eglise.

  Relevons que le thème de la porte qui donnait accès aux réalités célestes était fréquent dans la tradition juive.  Ainsi lorsque Jacob rêve de l’échelle, il s’écrie : « Ce lieu redoutable n’est autre que la maison de Dieu, c’est la porte du ciel » (Gen. 28/17). Le psalmiste lui aussi évoque un Dieu qui ouvre les portes des cieux (Ps78/33).

  Pour nous, la porte, est-ce celle du temple ? Est-ce celle de ma maison ? Est-ce celle invisible de mon cœur que j’ouvre ou je ferme en fonction de ma météo intérieure ?

Pour Jésus, rien de tout cela ; Il est la porte, celle qui nous donne accès au Royaume, ce Royaume qui est bien plus vaste que l’Eglise, bien plus accueillant que nos maisons. Cette porte, elle permet la libre circulation entre l’extérieur et l’intérieur, la société, le monde et la communauté chrétienne.

  Et Jésus ne se contente pas d’être la porte, point de passage obligé de ses disciples. Il est aussi le bon berger. Il est celui qui sait que ses brebis, son troupeau auront besoin d’arpenter les collines et les pâturages loin de l’enclos sécurisé et rassurant. Ce n’est pas en effet, en restant dans l’enclos, dans un entre-soi qui devient rapidement stérile et mortifère que nous pourrons goûter à la liberté. Mais Jésus sait également qu’il y a des dangers à affronter le monde ; il y a des brigands qui se présentent pour voler, pour tuer et pour perdre. Il y a des mercenaires qui ne sont pas prêts à prendre soin du troupeau et qui vont fuir aux premiers dangers.

Relevons que ce long discours de Jésus dans l’Evangile de Jean est le dernier avant la Passion. Jésus sait qu’il a des adversaires qui cherchent à le tuer.

Je ne sais si nous vivons des temps messianiques ; il se peut que l’humanité, vive ces temps si particuliers à chaque génération. Mais, dans ce monde plein d’incertitudes, nous avons grand besoin de nous accrocher, nous arrimer à une parole solide, fiable et sûre.

  Jésus, en ce printemps 2022 reste le chemin qui mène au salut ; le chemin, un autre mot par lequel il se présente. Saurons-nous l’emprunter pour aller jusqu’à lui et toquer à la porte de l’enclos ?

   Il est bon de revenir au texte de ce jour pour nous rappeler que Dieu qui se manifeste en Jésus-Christ ne demande aucune vie pour nous sauver. C’est tout le contraire ; c’est Jésus, le bon berger qui se dessaisit de sa vie pour nous.

Cela met en évidence les mensonges de ces prophètes auto-proclamés qui eux aussi nous promettent le salut. Certains, comme le patriarche de Moscou Kirill développent un discours millénariste pour justifier la guerre en Ukraine et soutenir le tyran Poutine.

  C’est pervertir le sens de la Pâques que nous venons de vivre à nouveau. Jésus qui donne sa vie à la croix nous montre qu’il ne saurait y avoir un autre berger, un autre Sauveur que lui.

En écoutant ses paroles, qui parfois parlent de lui, on se protège de tous les parasitages, tous les mensonges, toutes les tentatives de manipulation.

  Il n’y a pas beaucoup de lieux ni de temps pour écouter Jésus. L’Eglise est un lieu privilégié mais non-exclusif. Des moments de prière, de lecture de la Bible permettent également de se mettre à son écoute. Je trouve cependant que la double représentation de la porte et du berger induit une forte dimension relationnelle, communautaire.

  Et c’est là un étrange paradoxe : on écoute mieux, on saisit mieux la Parole à plusieurs que seul. La solitude comporte le risque de se tromper, de s’égarer. On peut se perdre à trop vouloir emprunter des chemins tortueux.

Mon identité de chrétien m’est donnée par Jésus lui-même mais aussi par les frères et sœurs avec qui je suis en relation qu’ils soient disciples ou non d’ailleurs.

  Pour cela, nous avons besoin de rester attentif pour reconnaitre et entendre sa voix, ses cris et son appel.

  Jésus parle de « ses » brebis et ce pluriel m’oblige à me tourner vers les autres, mes proches, mes contemporains. Bien qu’il noue une relation intime et personnelle avec chacun, chacune d’entre-nous, sa Parole nous incite à considérer cette communauté qui constitue l’Eglise, mais aussi la société et finalement l’humanité toute entière avec curiosité et bienveillance.

  La croix abolit toutes les identités et frontières nationales, religieuses et politiques. La porte de l’enclos se décline sous de multiples versions : passage étroit ou large, barrière escamotable, portail ouvragé. Jésus le bon berger en confie les clés à chacun.

  Le passe qui pourra nous ouvrir et nous faire franchir cette porte tient en un mot : la Parole. Une parole de libération qui autorise la circulation dans et hors de l’enclos. Rappelons-nous qu’il n’y a qu’un seul berger et donc un seul troupeau même si le maître nous rappelle qu’il a d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos. Peut-être pour nous donner un encouragement à voyager d’enclos en enclos pour faire vivre une Eglise riche de sa diversité et unie par une Parole, celle du bon berger, celle de Jésus Christ.

Amen

PREDICATION POUR LE JOUR DE PAQUES 17 AVRIL 2022 A TONNEINS.

Actes 10/34 à 43 et Jean 20/ 1 à 9

Chers amis, chers enfants,

ça y est, nous y sommes, à ce jour de Pâques 2022, jour de joie, jour de fête, jour de consolation et d’espérance. Nous avons tous traversé des jours difficiles depuis un an ; peut-être avons-nous été touchés par le deuil, la maladie, la pandémie du Covid, nous nous sommes faits du souci pour ceux que l’on aime et nous n’oublions pas que cette fête pascale est tristement vécue par les victimes de la guerre en Ukraine, au Yémen et dans bien d’autres pays.

   Ce matin, c’est Dieu Lui-même qui nous invite à aller nous recueillir auprès d’un tombeau, dans un cimetière ; il nous invite à venir passer un dernier moment auprès de son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ.

  Alors, allons-y, accompagnons Marie de Magdala, cette femme qui suit Jésus avec le groupe des douze et que certains commentateurs identifient à la femme pécheresse, cette femme qui a baigné les pieds du Seigneur de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Allons avec Marie, visiter la dépouille de celui que nous avons tant aimé.

  Arrivés au tombeau, surprise, effarement, la grosse pierre qui le fermait a été déplacée. Marie de Magdala est bouleversée et nous le serions nous aussi. S’agit-il d’une profanation, d’un acte malveillant ?

« Ils ont enlevé du tombeau le Seigneur et nous ne savons pas où ils l’ont mis » rapporte Marie aux deux disciples. Peut-être que Marie n’est-elle pas bien réveillée ? Peut-être s’est-elle trompée de tombeau ? Le texte ne nous dit-il pas qu’elle est allée dans ce cimetière à l’aube, tandis qu’il faisait encore sombre ?

  Et puis, toutes ses émotions, son chagrin, sa tristesse expliquent également qu’elle ait pu être victime d’une hallucination.

   Nous-mêmes, dans les temps d’épreuves, de deuils, ne sommes-nous pas déstabilisés au point de refuser la réalité, au point de refuser de voir les choses en face ?

  Pourtant, le récit de Jean est clair, sans ambiguïté ; c’est bien un tombeau ouvert et vide que découvre Marie de Magdala ce matin de Pâques et cela ne peut manquer de nous renvoyer à nos propres questionnements, à nos propres tombeaux, à la vie et à la mort de nos proches et à la nôtre. Ce tombeau vide, dans l’évangile johannique, c’est le point de départ du récit de la résurrection, de l’après-Pâques.

  Ce matin-là, la surprise est totale. Marie ne peut garder cela pour elle seule. Dans les Evangiles synoptiques, ce sont plusieurs femmes qui accompagnent Marie. Chez Jean, elle n’a que sa solitude pour visiter le corps de son Seigneur.

Qu’aurions-nous fait à sa place ? Probablement comme elle, nous aurions penser à un vol, à un acte délibéré inexplicable. Cette surprise si lourde, nous nous serions empressés de la partager avec nos proches et nos amis.

  Pierre et ce disciple dont il nous est dit qu’il était celui que Jésus aimait vont apprendre cette incroyable nouvelle. Aujourd’hui, on penserait à une « fake-news », un mensonge. Peut-être que les deux disciples se sont apitoyés sur Marie de Magdala. On sait qu’à cette époque, la parole d’une femme compte peu. Leur place dans la société est peu enviable.

 Pourtant, devant son assurance, ses affirmations convaincantes, Pierre et son compagnon vont se précipiter à leur tour au tombeau. Le disciple bien-aimé est le plus rapide ; est-il particulièrement meurtri pour vouloir constater par lui-même l’incroyable nouvelle transmise par Marie ?

  Jean l’évangéliste nous donne une abondance de détails :

·       D’abord le tombeau est bien ouvert

·       Ensuite les bandelettes qui entouraient le corps de Jésus sont soigneusement posées

·       Enfin, le linceul qui entourait sa tête a été roulé dans un endroit à part.

Ces détails matériels nous interrogent ; ils nous renvoient à nos manières de voir et de croire. Les signes que Dieu met sur nos chemins ne suffisent pas à faire croire ceux qui doutent, ni à faire douter ceux qui croient.

   La description du tombeau et des linges déposés exclue un vol ou le déplacement malveillant du corps de Jésus. Pierre constate que les soupçons de Marie sont infondés. Pourtant ni lui, ni elle, ne sont prêts à faire le pas de la foi, à croire les paroles du Seigneur qui annonçaient sa mort et sa résurrection.

  Je trouve que nous leur ressemblons beaucoup quand, malgré l’abondance de signes, nous n’osons franchir la distance qui sépare l’incrédulité de la foi. A nous aussi, il nous arrive de douter de la présence du Christ vivant.

  Questionnons-nous : « A quel Christ je m’adresse dans mes prières, dans mon quotidien, dans ma vie spirituelle ? Au témoin venu en Palestine il y a 2000 ans et dont la Bible raconte l’histoire ? Au prophète et Seigneur attentionné à l’égard des plus petits ? Au Fils de Dieu, mort à la croix et ressuscité le 3ème jour, le Vivant pour l’éternité ? »

  Il est probable que suivant mon humeur, mon moral, mon état intérieur, je m’adresse plutôt à l’un ou l’autre des visages du Seigneur. Mais rappelons-nous que l’on ne peut réduire Jésus à un seul aspect de sa personne.

  Souvenons-nous des paroles du Seigneur dans les Evangiles : « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». Chez Luc également, les anges qui s’adressent aux femmes leurs disent : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? »

  C’est cette bonne nouvelle de Pâques, si difficile à croire pour nos esprits cartésiens et raisonnables que le disciple aimé de Jésus est le premier à découvrir : « Entré dans le tombeau, il vit et il crut ».

  En ce matin de Pâques 2022, nous avons le droit de douter, de nous poser des questions : la pandémie est toujours présente, l’Ukraine et la Russie s’enfoncent dans la guerre, 5 millions de réfugiés ont fui ce terrible conflit.

   Sur un plan personnel et familial, pour ce qui est de la vie de notre Eglise, l’avenir nous parait peut-être incertain.

  Pourtant, la Bonne nouvelle de ce matin de Pâques nous oblige à reconsidérer totalement nos vies, nos priorités, nos impératifs. Pâques, ce n’est pas une fin, un échec, un naufrage, celui d’un Messie Sauveur crucifié, supplicié sur la croix, c’est une victoire, victoire sur les forces de mort qui inaugure un nouveau départ, une renaissance.

   Aujourd’hui, Dieu, en Jésus-Christ nous le dit à nouveau : « Ce n’est pas la mort qui a le dernier mot, c’est la vie »

  En nous faisant disciple du crucifié, nous devenons le disciple bien-aimé du Seigneur, celui ou celle qui voit et qui croit.

  Et ceux qui voient, voient une absence, voient le vide du tombeau. La force de la foi, c’est croire justement que ce tombeau vide est signe de résurrection : « Bienheureux, ceux qui, sans avoir vu, ont cru » dira le ressuscité à Thomas.

  Nous n’avons pas besoin de preuves matérielles pour croire qu’aujourd’hui, en ce jour de Pâques, Christ est vivant. Son absence apparente, en ce premier jour de la semaine, précède la rencontre entre Marie et le ressuscité, puis celle avec les disciples enfermés dans la maison à double tour.

  Reconnaissons que pour nous aussi, tout ce que nous pressentons, tout ce que nous ressentons n’a pas toujours une explication rationnelle.

 Il en est ainsi de l’amour entre 2 personnes, de l’amitié des uns pour les autres. Ils se traduisent par des gestes, des signes de tendresse.

  Regardons autour de nous ce que le Christ vivant nous offre, combien il vient embellir nos vies, susciter une espérance à nulle autre pareille.

 Il est le ciment qui unit les membres de notre Eglise et rappelons-nous que la première Eglise est née de la foi en la Résurrection, sous l’action de l’Esprit.

  Le pasteur et théologien Jean Valette écrit également ceci : « La certitude qu’avait l’Eglise quant à l’événement du matin de Pâques était telle que les croyants pouvaient recevoir successivement des témoignages inconciliables pour notre logique, parce que ces derniers n’étaient pas pour eux des preuves d’un fait, mais des célébrations d’un mystère que leur foi avait accueilli et dont elle ne se lassait pas de méditer la splendeur… »

Ainsi, écrit-il : « La foi à la Résurrection n’est pas née des textes des Evangiles, mais de l’intervention du Ressuscité dans des vies humaines. Qui a cette « preuve » vivante en lui ne cherche pas de preuves ».

 Nous chrétiens, affirmons que Christ est vivant et qu’Il chemine à nos côtés. Cette capacité, ce pouvoir qu’il a de transformer ma vie, de lui donner du sens, une direction, de l’ouvrir aux autres est un signe, le mot signe en grec peut aussi être traduit par miracle. Ce miracle, c’est celui de la vie, celui du matin de Pâques. C’est aussi celui de toutes nos résurrections passées, présentes et à venir. Tous ces moments où nous avons senti la vie nous échapper, lorsque nous avions le sentiment de ne plus maîtriser notre destin.

  Dans ces moments-là, pas besoin d’indices, de pierre déplacée, de bandelettes et de linges à terre ; abandonnons-nous à la certitude d’être entouré par le Ressuscité, le Vivant.

 Ce matin de Pâques, c’est aussi pour nous l’occasion de déposer à l’entrée du tombeau vide mes idées préconçues sur la mort, le Royaume et la vie éternelle.

  Comme Pierre, comme Marie de Magdala, comme tous ceux dont la foi chancelle, Jean l’évangéliste nous rappelle l’importance des prophéties et de l’Ecriture qui nous aide à comprendre les mystères.

  Alors Seigneur, comme ton disciple bien-aimé, comme les incrédules, apprends-nous à croire en toi-même sans te voir. Nous te le demandons en ce matin de Pâques avec joie et confiance.

Amen


PREDICATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX 10 AVRIL 2022.

Luc 19/28 à 40.

Chers Amis,

 

Jésus qui s’adresse aux Pharisiens nous le dit aussi à nous : « Si nous les disciples, nous nous taisons, ce sont les pierres qui crieront ».

Et il y en a toujours des bonnes raisons pour se taire ; la peur du ridicule, la peur de se tromper, la peur de s’exposer, de prendre des risques, la peur de perdre tout ce que l’on a patiemment gagné, accumulé au cours de la vie.

   Dans ce beau récit de Luc, l’évangéliste narre l’entrée de Jésus à Jérusalem, également nommée de façon poétique Sion.

  Ce récit, à quelques détails prêts, on le retrouve également dans les 3 autres évangiles. Nous le voyons, Jésus ne fait pas une entrée triomphale dans la ville sainte, pas de tambours ni de trompettes, pas de haies d’honneur, d’accueil par les autorités politiques, religieuses et militaires.

   Non, c’est une entrée discrète, en catimini, remarquée par quelques dizaines de disciples, quelques centaines tout au plus. Jésus ne souhaite pas qu’on lui déroule le tapis rouge. Pour autant, cet événement qui précède Pâques marque les esprits et restera dans la mémoire des chrétiens.

  Jésus réalise une prophétie énoncée dans le livre de Zacharie : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi s’avance vers toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon tout jeune ».

    Quelle étonnante entrée que celle de Jésus ; reconnu par quelques disciples, une foule que l’on suppose modeste, constituée de gens simples. Cette même foule, versatile que les autorités manipulent facilement parmi laquelle certains demanderont la mort de Jésus à Pilate quelques jours plus tard.

  Nous aussi, nous avons besoin de courage, de discernement et de lucidité pour reconnaître et suivre le Messie sur les chemins de la vie car ce récit nous interpelle et nous interroge.

  Constatons en premier lieu que Jésus a besoin de nous ; il fait appel a chacun de nous, à vous, à moi : « Va au village d’en face, tu vas trouver un ânon attaché ; détache-le et amène-le. ».

  C’est une bien belle mission dont nous sommes chargés ; trouver une monture au Seigneur afin de contribuer à la réalisation des prophéties.

  Jésus n’entre pas dans toutes les Jérusalem terrestres juché sur un char d’assaut, dans un carrosse brillant et rutilant ou bien dans une voiture de luxe. Non, conformément à l’Ecriture, il choisit l’humilité d’une arrivée discrète sur le petit d’une ânesse.

   Combien ont entendu ses paroles qui annoncent sa mort prochaine ? Combien parmi cette foule de disciples seront prêts à l’accompagner jusqu’à la croix ?

  Jeter ses vêtements au passage de celui que l’on croit être le Messie est une chose, le suivre et rester proche de lui durant son arrestation, son procès et son exécution demande une foi et un courage que même les disciples n’auront pas.

  En ce dernier dimanche de Carême, jour des Rameaux, reconnaissons que malgré les épreuves qui peuvent être les nôtres, malgré les incertitudes du lendemain, nous avons-nous aussi grand besoin de laisser éclater notre joie, joie de croire le Messie présent à nos côtés.

  L’actualité terriblement douloureuse qui nous vient d’Ukraine nous rappelle que les crimes et les exactions subis par tant d’innocents sont aussi ceux qu’a vécu Jésus à la croix.

     Il nous devient alors difficile de partager la joie de ce Messie qui vient partager notre humanité et qui offre sa vie pour nous.

 Pourtant, dans ces quelques jours qui nous séparent de Pâques, nous pouvons comme la foule, le louer, le prier et chanter sa gloire. Avec elle, écoutons ce qu’elle proclame :

« Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur !

Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux »

   Ces cris, cet enthousiasme, cet élan vers le Sauveur, nous pouvons les faire nôtres. Il se peut qu’aujourd’hui encore, Jésus le Messie fasse appel à nous pour l’aider dans sa mission. Il se peut également que nos cris de joie indisposent et dérangent, les pharisiens hier, et aujourd’hui certains religieux, philosophes et sages de notre temps.

 N’y-a-t-il pas dans notre société, dans notre monde, des censeurs, des incrédules qui souhaitent faire taire toutes les manifestations de joie et de confiance en Dieu ?

   Plus que jamais, nous avons besoin de l’Esprit Saint pour discerner le vrai du faux, le mensonge de la vérité, les chemins de la fraternité plutôt que ceux de la haine. Si la lecture de la Parole est toujours précédée d’un appel à l’Esprit Saint dans notre liturgie protestante, c’est que nous croyons en avoir besoin pour comprendre le sens de l’Ecriture.

  Nous ne sommes pas foncièrement différents des disciples, des foules qui suivent Jésus, ni d’ailleurs des pharisiens qui l’interpellent. Peut-être est-il bon d’ailleurs de se rappeler que parmi ces derniers, il y a aussi des justes, des hommes de bien. Nicodème et Joseph d’Arimathie dans l’Evangile de Jean en sont l’illustration.

  Il y a en effet différentes façons de manifester sa foi, d’afficher sa joie et son amour pour le Christ. Jésus, qui connait et comprend les pharisiens, se refuse à réprimander ses disciples, leur exubérance et leurs cris.

  « Si eux se taisent » dit-il aux pharisiens, « ce sont les pierres qui crieront ». Il leur signifie ainsi que rien ni personne ne saurait empêcher les habitants de Jérusalem d’acclamer celui en qui ils voient leur roi. Luc, qui a mis cette parole dans la bouche de Jésus se réfère-t-il à un verset du livre d’Habaquq qui dit ceci : « Oui, la pierre criera  et la poutre de la charpente lui répondra » (Hab. 2/14).

   Je crois qu’on ne peut empêcher une parole de vérité de faire son chemin. Lors de la retraite spirituelle régionale, une amie de Bordeaux nous disait ceci : « La parole est une perle et le silence est son écrin ».

  Cette pierre qui crie au cœur du silence des hommes, c’est la parole de Dieu qui s’impose à tous avec autorité. On constate, dans la tragique actualité ukrainienne que nul ne peut bâillonner le cri des victimes, la vérité, qu’aucune instance, aucun pouvoir ne peut tordre les faits, nier la réalité, taire les crimes commis.

   En réfléchissant à cette phrase un peu énigmatique de Jésus, je pensais à ces historiens, ces archéologues, ces artisans qui eux aussi « font parler les pierres ». Dans son même discours, Jésus prophétise la destruction de Jérusalem dont il ne restera pas « pierre sur pierre ».

  Faire parler, crier les pierres, c’est s’opposer au silence complice, silence motivé par la peur, silence qui peut tuer aussi  bien que les armes. La chappe de plomb que le président Poutine et son régime aimerait imposer à l’Ukraine est ce silence-là, silence de mort et de larmes.

  Il faut savoir rompre le silence, oser une parole, avoir l’audace de s’exprimer, de nommer, de dire les choses.

  Jésus marche maintenant vers le Golgotha. Il va signifier la victoire de la vie sur les forces de mort à l’œuvre dans le monde.

  Il ne nous est pas demandé d’emprunter le chemin radical qui est le sien mais simplement d’être des disciples disponibles et à l’écoute.

  A nous aussi, Jésus confie une mission importante ; entretenir les liens de fraternité existant au sein de l’Eglise, proclamer inlassablement la Bonne Nouvelle du Royaume, de la résurrection et de la vie éternelle, soutenir par des gestes d’amitié et de solidarité les plus faibles, les plus fragiles parmi nous.

   Je trouve que notre Eglise est un peu à l’image de l’ânesse et son ânon. Elle porte, elle supporte, elle transporte ce Messie surprenant, étonnant qui refuse tous les honneurs, tous les artifices et dont la seule volonté est de faire celle de son Père.

  Ce qui n’aurait pu être qu’une fin banale et tragique sur la croix à Pâques va donner naissance à une espérance, un nouveau départ pour tous les humains.

 Les disciples à qui l’on demandait de se taire vont faire crier les pierres. Pensons à toutes ces scènes bibliques taillées, sculptées dans des chapiteaux érigés dans des cloitres et des églises. Ils disent bien souvent la Bible aussi bien que le texte imprimé et permirent à des générations de chrétiens de découvrir la Parole.

  La première Epitre de Pierre, tout comme l’apôtre Paul, évoquent les pierres vivantes que sont les disciples, réunis, unis autour de la pierre angulaire qu’est le Christ, qui tous ensemble forment l’Eglise, temple spirituel dans le monde.

  Oui, assurément, la Parole a parfois été porteuse de changements au cours des siècles et jusqu’à aujourd’hui. Nul n’a pu faire taire disciples et prophètes, même dans les périodes sombres. Des pierres ont crié leur révolte mais aussi leur espérance d’un monde pacifié et pacifique.

Soyons d’infatigables et d’inlassables artisans du Royaume de Dieu ; tendons l’oreille pour discerner les messages divins dans le brouhaha général.

Accompagnons le Seigneur vers Pâques avec gravité et confiance car il est celui qui était, qui est et qui vient.

Amen


PREDICATION DU DIMANCHE 3 AVRIL 2022 A MARMANDE.

Jean 8/1 à 11.

Chers Amis, chers frères et sœurs,

 

Que celui d’entre-nous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre !

  Nous la connaissons tous cette phrase de Jésus qui s’oppose ainsi à un jugement lapidaire, un jugement qui mènerait cette femme à être condamnée à mort par lapidation.

   Nous découvrons dans ce récit que Jésus n’est pas enfermé dans une application stricte et rigoureuse de la loi mais qu’au contraire, il vient pour libérer les captifs que nous sommes, captifs d’un moralisme, d’un légalisme et dans ce cas précis, captifs également d’une culture patriarcale dans laquelle le droit des femmes est nié.

  Dans une première partie, je vous propose de nous replonger dans le contexte social et religieux de l’Israël ancien qui sert de décor à ce récit.

  Dans un deuxième temps, nous tenterons de voir en quoi ce texte et l’attitude de Jésus peut faire écho en nous, en quoi il peut résonner avec nos vies aujourd’hui.

   Relevons que ce récit que nous connaissons comme étant celui de « la femme adultère » est une adjonction tardive à l’Evangile de Jean. Il ne figurait pas dans les plus vieux manuscrits et il aurait été inséré à l’Evangile johannique au IIIème voir au IVème siècle.

  Dans la religion juive, la loi condamnait sévèrement l’adultère, puisqu’on peut lire ceci dans le livre du Lévitique : « Si un homme commet l’adultère avec une femme mariée… l’homme et la femme adultères serons mis à mort » (Lev 20/10).

    Dans ce récit précis, remarquons que seule la femme a été amenée au temple pour y être jugée. Pourtant le texte nous parle de flagrant délit d’adultère.  Nous pouvons légitimement nous poser les questions suivantes : « Où est l’homme ?  Pourquoi n’a-t-il pas lui aussi été trainé devant ce tribunal ? Quelles sont les complicités et la mansuétude qui expliquent cette différence de traitements entre les deux sexes ? »

  Dans les cultures du Proche-Orient ancien et dans le judaïsme de cette époque également, la place de la femme est peu enviable, tant elle est déconsidérée. Elles sont souvent méprisées et le patriarcat s’exerce dans toute sa puissance, toute son autorité.

   Jésus enseigne les foules et ce matin-là, il est à nouveau très entouré lorsqu’il pénètre dans le temple. Il est craint des scribes et des pharisiens et ces derniers vont lui tendre un piège : « Maître, cette femme a commis l’adultère, tu sais ce que la loi ordonne, toi, qu’en dis-tu ? ».

   Soit Jésus justifie la mise à mort de cette femme et il est discrédité auprès de la foule qui est présente, soit il s’élève contre la loi de Moïse et il perd toute autorité pour enseigner dans le temple.

  Il est probable que les scribes se soucient bien peu du sort de la femme. Ils sont surtout soucieux de tendre un piège à celui qu’ils appellent ironiquement « maître » et qui les inquiète et les effraie par son autorité, son pouvoir et son savoir qui déplacent les foules.

  Nul ne sait ce que Jésus écrivait au sol, seule mention de ce geste de l’écriture du maître dans les 4 Evangiles. Certains commentateurs émettent l’hypothèse qu’il aurait pu comptabiliser les péchés de ses interlocuteurs en traçant des traits sur le sable ou la terre, d’autres qu’il leur aurait rappelé ce que dit la loi de Moïse.

  Et justement, cette loi mosaïque que l’on trouve aussi dans le livre du Deutéronome stipule que seul le témoin de la faute peut jeter la première pierre. Jésus réinterprète la loi et déstabilise les scribes et les pharisiens : « Etes-vous sans fautes, sans péchés, vous, pour vous ériger en juges implacables, prêts à condamner à mort cette femme ? »

  Lorsque l’on est plusieurs, membres d’un même groupe, experts en religions comme ces hommes, il semble facile de s’en prendre à une personne faible, humiliée et couverte d’opprobre. C’est drôle, mais en pensant à cette femme, je pensais également à ces femmes tondues à la libération, livrées en pâtures à des foules déchainées qui les accusaient d’être collabo.

  Tant de cultures, tant de religions ont maintenu et maintiennent encore les plus fragiles, les exclus, les marginaux, les femmes dans la soumission, dans des conditions indignes. C’est malheureusement une attitude très humaine de se sentir supérieure à ceux qui sont considérés comme de « petites gens ». C’est tout le contraire que montre le comportement de Jésus qui porte son attention sur les femmes, les enfants, les rejetés et les sans-voix. Il ne condamne ni ne juge personne. Il nous renvoie à nous-même, nous rappelant fort à propos qu’avant de tenter d’enlever la paille de l’œil de mon voisin, il importe que je m’emploie à ôter la poutre du mien.

  Ne tombons pas nous-mêmes dans les pièges que nous tendent les censeurs et les professeurs de vertus contemporains. Employons-nous à changer notre regard vis-à-vis des autres et à faire preuve en premier lieu d’empathie et de compassion.

   Le comportement et les paroles de Jésus retentissent aujourd’hui à nos oreilles ; que nous disent-elles, quelles questions et quelles conséquences pouvons-nous en tirer ?

    Je crois que ce récit nous amène à revoir nos rapports et nos liens à la fois avec Dieu et à la fois avec les humains.

  Avec Dieu, car la conduite de Jésus témoigne de l’immense attention et l’immense tendresse qu’il a pour nous et nos faiblesses.

  Il n’y a pas que la femme qui est prise en faute. Les lettrés, spécialistes de l’Ecriture et pharisiens se révèlent eux aussi coupables ; coupables d’aveuglement, soucieux d’appliquer la loi scrupuleusement sans se l’appliquer à eux-mêmes.

  Jésus ne leur impose ni à eux, ni à nous une affirmation autoritaire, pas de : « Il faut que… », « Il ne faut pas… »

  Le maître nous demande plutôt de nous livrer à une introspection, à un questionnement intime et personnel : « Suis-je vraiment bien placé pour juger mon prochain, pour condamner mon voisin, pour décréter que son comportement mérite une sanction ? »

  Aujourd’hui en 2022, notre pays, la France possède un arsenal législatif très conséquent. Nul d’entre-nous ne remet en cause la probité des juges, des juristes, des avocats et de tous ceux qui sont chargés d’appliquer la loi. En tant que citoyen, nous pouvons être appelés à siéger dans un jury d’assise pour prendre part au jugement d’un crime.

  Sans remettre en cause notre système judiciaire, je crois que comme chrétiens, nous pouvons nous référer à ce passage sur la femme adultère. Les fautes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui et l’on fera peut-être preuve de beaucoup plus de tolérance demain pour des choses condamnées à notre époque contemporaine.

  Il est toujours positif de se livrer à une autocritique, jugement intime intérieur qui ne doit ni nous enfermer dans une culpabilité écrasante, ni nous libérer un peu trop rapidement du poids de nos erreurs ou de nos manquements.

  Souvenons-nous que le seul juge, c’est Dieu Lui-même et son jugement ne saurait être celui des hommes. Sa volonté première n’est pas de nous accabler, de nous juger mais de nous sauver.

    Dieu sait combien de jugements hâtifs, définitifs, excessifs peuvent nous enfermer dans une prison, une cellule dont les murs sont la culpabilité, le remord, la honte et les regrets.

  On ne sait rien ou si peu de cette femme adultère. Etait-elle une femme battue, humiliée, malheureuse dans son couple ? Avait-elle trouvé auprès de son amant tendresse et compréhension ? Ces questions sont sans réponses.

  L’attitude et les paroles de Jésus vis-à-vis d’elle agissent comme une libération : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »

   Cette femme écrasée par le poids d’une justice implacable, rendue par et pour les hommes n’est plus le simple objet d’une dispute entre Jésus et les responsables religieux du temple.

  Avec Jésus, elle devient une personne, elle est un sujet. 

En commentant le dernier verset de ce passage, St Augustin a écrit : « Hais le péché, mais aime le pécheur. »

  Jésus nous voit tels que nous sommes, ambivalents, toujours pécheurs, mais par Lui, toujours aimés, toujours graciés. Ce régime de la grâce nous aide à découvrir son amour inconditionnel. Cet amour inconditionnel porte en lui toutes les libérations, toutes les re-naissances.

Trop souvent, une compréhension biaisée et fausse de l’Ecriture engendre l’exclusion, l’anathème et l’excommunication.

    Dans ce même chapitre, Jésus dit ceci : « Vous jugez de façon purement humaine. Moi, je ne juge personne ».

   Jésus est l’ami fidèle, l’ami du prisonnier, du détenu qui pour certains payent leur dette à la société, qui pour d’autres sont totalement innocents et victimes de systèmes judiciaires injustes.

 Quelles qu’aient pu être nos erreurs, nos fautes, Jésus est toujours notre avocat, notre paraclet, autre nom du St Esprit. Il nous trouve toujours des circonstances atténuantes.

    Comme avec l’apôtre Paul, hier coupable, comme avec Pierre le renégat, il fait de nous un disciple. Il y a fort à parier que la vie de cette femme que l’on a qualifiée « d’adultère » aura été bouleversée.

  Elle se découvre pleinement aimée, pardonnée et sauvée. A nous aussi, Jésus dit ce matin : « Je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

Amen

 

 

 

PREDICATION POUR LE CULTE DU 13 MARS 2022 A TONNEINS.

Luc 9/ 28b à 36.

Chers Amis,

 

A la lecture de ce récit que la tradition biblique retient comme celui de la transfiguration, m’est venu une question simple, une question qui tient en 4 mots :

Jésus, qui es-tu ?

  Relevons qu’à quelques détails près, que le récit de la transfiguration est également présent chez Matthieu et chez Marc, ce dernier ayant été une source pour les deux autres Evangiles synoptiques.

   Découvrir la nature profonde de Jésus, son comportement, sa mission, voilà ce que nous permet ce récit.

  D’abord, Jésus prie ; il prie constamment ce qui le met en lien permanent avec le Père. Il ne prie pas pour être vu, pour que l’on admire sa ferveur, sa foi. Au contraire, il s’isole. Il gravit une montagne, comme lors de la tentation, comme en Galilée d’où il enverra les disciples en mission.

  Les randonneurs et les marcheurs, les skieurs et les alpinistes savent qu’une ascension, c’est fatiguant, qu’un sommet, cela se mérite. Ils savent également qu’avoir un bon panorama devant les yeux après avoir gravi des pentes parfois abruptes est une récompense qui remplit de sérénité et qui nous emplit d’un sentiment de plénitude. Nous en avons tous fait l’expérience.

  Cette montagne, c’est la montagne eschatologique, celle où afflueront les nations ; elle est évoquée par le prophète Esaïe.

  Jésus est donc d’abord celui qui prie, celui qui prie sur la montagne. Pierre, Jacques et Jean l’ont suivi sur ce chemin escarpé et silencieusement, ils le regardent.

  Nous aussi aujourd’hui, nous avons besoin de tourner nos regards vers le Seigneur. Nous avons besoin d’ouvrir grand les yeux pour voir sa lumière qui éclaire ce monde de ténèbres. Après deux années de pandémie mondiale, avec son cortège de larmes, de peurs, d’angoisses, nous découvrons avec effroi la guerre à nos portes. Des millions de réfugiés fuient et la nuit tombe sur l’Ukraine.

   Pourtant sur la montagne, le visage et les vêtements de Jésus brillent d’une manière éclatante. Le Messie est en pleine communion avec son Père, il resplendit à la lumière de Dieu.

  Les disciples sont harassés, fatigués ; est-ce parce que la marche, la vie d’itinérance que Jésus leur propose les a obligés à puiser dans leur force ? Nous avons tous connu cela, un épuisement total alors qu’un événement essentiel va se produire ; une fatigue accumulée qui risque de nous priver d’un rendez-vous essentiel.

  Le récit de Luc évoque deux grands personnages présents auprès de Jésus, Moïse et Elie. Moïse représente la loi, Elie, les prophètes. Cette rencontre extraordinaire fait le lien entre l’ancienne alliance, celle du premier testament et la nouvelle alliance, celle que Dieu nous offre en Christ et qui s’adresse à tous les peuples de la terre.

Ainsi, nous découvrons que le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu des disciples, c’est celui du peuple d’Israël qui accomplit sa révélation en ce prophète galiléen transfiguré sur la montagne.

  Nous aussi aujourd’hui, nous avons des raisons d’être abattus, terrassés par les mauvaises nouvelles, la guerre et les sombres perspectives qu’elle engendre, les maladies, la solitude, une jeunesse ayant du mal à trouver sa place.

Peut-être sommes-nous tentés de dire : Jésus, où es-tu ? Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu attends pour nous réveiller, nous sortir de ce sommeil qui nous aspire ?

   Les disciples dorment-ils vraiment ? Sont-ils tout simplement accablés par ce que Jésus leur a confié un peu plus tôt ? « Il faut que le fils de l’homme souffre beaucoup… Il sera tué et le troisième jour, il ressuscitera. »

  Comme ils nous ressemblent ces 3 disciples ; plein d’enthousiasme et prêts à suivre leur maître au bout du monde, puis finalement s’endormant dans les moments cruciaux.

   Il nous est parfois difficile d’être à l’heure aux rendez-vous importants de la vie. Pourtant, si l’on se retourne, si l’on se remémore les évènements marquants qui ont jalonné notre existence, nous constatons que bien souvent, Dieu y a brillé par la présence de son Fils, Jésus-Christ.

  Nous pouvons faire appel à nos sens comme les disciples. Nous pourrons alors découvrir que le Jésus d’hier est éternellement présent, présent dans ce monde de confusion et de souffrance.

 Dieu ne nous a jamais abandonné et d’innombrables témoins se sont levés aux heures sombres de l’histoire humaine. Il peut nous être bien difficile de faire la part des choses, de démêler l’écheveau complexe des rapports humains, de tenter de comprendre le sens de l’histoire. Ce récit de la transfiguration présent dans les 3 évangiles synoptiques est un signe d’espérance.

  Dieu, en Christ intervient dans l’aventure humaine, quelle qu’en soit les vicissitudes.

   Cette vision de la gloire de Jésus, entourée de Moïse et de Elie pousse les disciples à intervenir. Pierre s’adresse à son maître et lui propose de dresser 3 tentes.

   On peut penser que Pierre, Jean et Jacques sont comme hypnotisés, fascinés par ce qu’ils voient ; « Maître, il est bon que nous soyons ici » dit Pierre.

  Nous aussi, ce matin, nous pouvons dire au Seigneur : « Maître, il est bon que nous soyons ici ». Nous ne voyons pas Jésus entouré de Moïse et Elie. Le temps de Pâques qui arrive nous rappelle sa crucifixion et les incertitudes et la peur des lendemains sont là. Le peuple ukrainien, lui est crucifié et les Pilates modernes s’en lavent les mains.

  Il est bon effectivement que nous soyons unis et réunis dans notre Eglise pour communier avec celui qui se présente comme le chemin, la vie et la vérité.

Quelle étrange proposition que celle de monter 3 tentes ; ces tentes qui évoquent la traversée du désert durant l’Exode du peuple hébreu. On fêtait le souvenir de cette traversée à la fête des tabernacles, durant laquelle les israélites passaient une semaine entière sous la tente.

  Pierre n’a peut-être pas compris que son maître n’a pas besoin de tente. Le lieu de la présence et de la gloire de Dieu, ce ne sont pas ces tentes dérisoires, ce lieu, c’est dorénavant Jésus lui-même.

  Après la vision extraordinaire des 3 personnages devisant, Dieu Lui-même intervient dans la nuée. La nuée est un mélange de lumière et d’ombre. Elle révèle la présence de Dieu, tout en la voilant, tout en la cachant. C’est dans la nuée que Dieu a conduit le peuple au désert.

  Malgré leur effroi, leur crainte, la voix de Dieu est entendue des 3 disciples. Plusieurs traductions sont proposées pour cette parole que Dieu leur adresse mais qu’il nous adresse aussi aujourd’hui : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai élu, écoutez-le », « celui-ci est mon Fils que j’ai choisi, écoutez-le ». Dans les autres Evangiles, Dieu parle de son Fils bien-aimé.

  Ce ne sont pas les hommes qui ont choisi, élu le Christ ; c’est le choix souverain de Dieu et à nous simples humains, il nous demande de l’écouter.

  Cette parole de Dieu, elle est totalement actuelle en 2022. Il nous demande d’écouter son Fils, de lui obéir. Cette parole fait écho à celle du baptême de Jésus, rappelons-nous : « Tu es mon Fils bien-aimé ; c’est en toi que j’ai pris plaisir ».

A la question que nous nous posions au début de cette prédication, Jésus qui es-tu ? nous avons maintenant les réponses. Jésus, tu es le Fils bien-aimé que Dieu a choisi, a élu. Tu es celui que Dieu nous demande d’écouter.

  Connaître Jésus, c’est ainsi reconnaître son rôle prophétique, sa messianité, sa mission de salut pour tous ses disciples, pour l’Eglise et pour l’humanité toute entière.

   Jésus, c’est l’Emmanuel, Dieu qui sauve et qui est avec nous. Mais lui reconnaitre cette identité ne suffit pas. Dieu nous demande de l’écouter.

  Les disciples comme nous, ne comprennent pas le plan de Dieu dans son ensemble, sa totalité, sa finalité.

  Face à la cruelle actualité, aux incertitudes qui se font jour, nous sommes tentés de baisser les bras, de céder au désespoir, aux « à quoi bon ».

  Mais Dieu nous dit : « Ecoutez-le, écoutez-le, ce fils, ce messie que je me suis et que je vous ai choisi.

Et où l’écouter mieux que dans notre Eglise ? Ou découvrir sa parole ailleurs que dans la Bible ?

  En ce jour de tristesse, où nous souffrons avec et pour le peuple ukrainien, Dieu nous ouvre à nouveau un chemin, une perspective. Du haut de sa montagne sainte, il nous demande d’écouter son Fils, son Messie. Ecouter la parole du Christ demande une certaine discipline. Il faut faire taire toutes les autres voix que la sienne qui peuvent parasiter notre oreille. Il faut faire silence, prier, ne pas avoir peur de se confronter à la solitude, au néant, à l’incompréhensible. Et là au cœur de l’absurde, de la haine, du fracas, du silence qui suit la violence surgit la voix du Messie, parole vive, vivante, incarnée. La parole habille le silence comme des vêtements un corps dénudé. Elle retentit comme un message de vie, d’espérance, qui transperce nos oreilles anesthésiées.

  « Sachez-le : je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »

  Ne craignons pas les lendemains ; écoutons la parole qui sort de la bouche de Jésus le Christ.

Il est celui qui était, qui est et qui vient.

Amen.

 

PREDICATION POUR LE CULTE A TONNEINS DU 27/02/2022

Prov. 10/ 8 à 14 et 19 à 21 et Luc 6/ 39 à 45

                                                   Chers amis,

Jésus a-t-il puisé dans une collection de proverbes pour enseigner hier aux disciples et à nous-mêmes aujourd’hui les rudiments de la sagesse ?

   Il est certain que des recueils de proverbes circulaient d’abord oralement dans le monde du judaïsme ancien puis collectés et rassemblés, ils furent mis par écrit.

  Dans ce livre qui est finalement peu connu et peu lu, se trouvent de véritables pépites, des trésors qui peuvent parler à chacun de nous. Un certain nombre d’entre eux sont attribués au roi Salomon.

    Si les proverbes ne sont pas à proprement parler des paraboles, on peut cependant les mettre en parallèle car ils fonctionnent souvent par opposition, mettant 2 phrases qui s’articulent de façons contradictoires.

   En voici deux exemples lus tout à l’heure : «  Un esprit sage accepte les préceptes mais l’homme aux propos stupides court à sa perte » Prov ; 10/8

  « La bouche du juste est une fontaine de vie mais celle des méchants dissimule la violence » Prov ; 10/11.

  On le voit, sagesse et stupidité, justice et violence des méchants ; les proverbes se présentent comme des oppositions de comportements très humains qui nous renvoient à nous-mêmes, à nos choix de vie, à nos valeurs.

  L’enseignement et la pédagogie de Jésus fonctionnent également selon ce schéma d’oppositions.

   Un aveugle ne peut qu’être guidé par une personne qui a une bonne vue, le disciple n’est ni l’égal, ni supérieur à son maître. Il devra se former pour lui ressembler.

  Il y a enfin cette image connue mais dont on n’a jamais épuisé tous les sens et la profondeur ; il s’agit de l’image de la paille et de la poutre.

  Je crois que comme nous en ce dimanche d’hiver, le Seigneur est révolté de voir que certains grands de ce monde prennent prétexte de la paille qui est dans le pays voisin pour l’envahir, le détruire, aveuglés qu’ils sont par la poutre qui leur barre la vue.

    Oui, chers amis, aujourd’hui encore, Jésus le Christ, notre doux maître, est touché et blessé mais il continue à nous enseigner par des images dont on n’a jamais épuisé les richesses.

  Avec la paille et la poutre, Jésus témoigne du sage héritage issu de ses pères.

  L’œil, la vision sont omniprésents dans la Bible. Les chrétiens et les protestants particulièrement ont pris l’habitude de privilégier l’écoute, la parole. Mais dans les propos de Jésus, c’est la vue, le voir qui sont importants.

   Et reconnaissons que depuis plus de deux ans, nous sommes comme aveuglés, abasourdis par cette crise sanitaire qui nous oblige à cacher la moitié du visage. Le terrible actualité qui touche le peuple ukrainien nous renvoie déjà les premières images d’un pays meurtri. La encore, ouvrons les yeux. Laissons-nous guider par le Seigneur qui est lumière et qui nous tient par la main dans les vallées obscures et dans les ténèbres.

  Relevons que Jésus s’adresse bien souvent à tous nos sens : l’ouïe, la vue et le toucher sont les moyens qu’il utilise pour communiquer avec les humains. Mais il fait aussi appel à la réflexion, à l’humour décalé, à l’intelligence.

  Nous mesurons combien la retenue, le service désintéressé, le don gratuit ont du prix à ses yeux.

  Suivre Jésus et sa lumière c’est se protéger de tous les aveuglements spirituels, toutes les tentatives de manipulation. C’est dire non aux désirs de puissance, aux messages de haine.

  Bien sûr, reconnaissons-le : la poutre, elle est toujours dans l’œil de mon prochain ; moi je crois n’avoir qu’une petite paille au coin de l’œil. Il nous est difficile de reconnaitre honnêtement qu’il peut nous arriver d’être du mauvais côté du manche.

  Mais l’enseignement de Jésus est bienveillant ; pas de culpabilisation ou de jugements lapidaires ; plutôt un questionnement, un face à face avec lui et avec soi-même.

  Il nous pousse ce matin à nous interroger : où en suis-je de ma relation à Dieu et à mon prochain ? Suis-je aveugle, sourd, insensible à ses appels ou bien au contraire, est-ce que j’arrive à me rendre disponible à Lui, aux autres ?

  Jésus condamne les comportements hypocrites qui consistent à se croire supérieurs aux autres et qui sont simplement une preuve d’aveuglement. Il s’adresse à chacun de nous personnellement. Il me parle, il nous parle et nous demande clairement : «Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est dans l’œil de ton frère ou de ta sœur alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil ? »

A regarder notre monde aujourd’hui, avec toutes ces tragédies qui nous touchent de près, crise sanitaire, maladies parfois pour nos proches mais aussi cette Europe qui était en paix depuis 80 ans et qui risque de retrouver le visage hideux de la guerre, puisons notre espérance à cette fontaine de vie qu’est la parole de Dieu.

  Consacrons du temps à la prière, au recueillement, au soutien des endeuillés, des cœurs meurtris. En acceptant d’aller vers eux, sans d’autres armes que l’amitié, la fraternité, en déposant et écartant les poutres qui sont au travers de nos chemins, nous découvrirons qu’il y a de la joie à servir, à aider et à aimer.

  En rédigeant ma prédication, bouleversé par l’actualité internationale et touché par les deuils au sein de familles de notre Eglise, je me demandais quelles pouvaient être les poutres qui trop souvent nous aveuglent. Quels sont les désordres dans ma vie qui me barrent la vue ?

   Une trop grande assurance ? Des poussées d’orgueil ? Une vision égocentrique qui me fait oublier que mon prochain est plus important que moi ? Jésus, lui, n’est jamais tombé dans ces pièges. Ce qui semble être des humiliations, la fréquentation de gens de mauvaises vies, le lavement des pieds de ses disciples, cette itinérance permanente sont plutôt des preuves de son humilité.

  Jésus nous apprend aujourd’hui encore que pour venir au secours de son prochain, nous avons besoin d’être humbles, de le considérer comme supérieur à nous-mêmes. Ne nous focalisons pas sur ses imperfections, sur ses défauts. Il est plus constructif et utile de combattre les nôtres.

 Le livre des Proverbes, recueil de sagesse populaire et religieuse fait part de l’expérience de la vie qu’ont les rabbis israélites.

  Je crois que cette sagesse proche orientale que Jésus nous offre a un caractère véritablement universel. Elle ne s’adresse pas qu’aux initiés, elle n’est pas réservée aux chrétiens actifs et pratiquants.

    A nous de faire des efforts pour la diffuser, la proclamer et la partager.

  Notre monde angoissant, où la folie destructrice surgit brutalement comme cette semaine à l’est, notre monde a besoin d’entendre et de ré-entendre la sagesse contenue dans les Ecritures et plus particulièrement dans les paroles de Jésus.

  Je me rappelle avoir discuté avec une connaissance qui me parlait de la paille et la poutre et m’affirmait que ce proverbe était un proverbe chinois. Je lui avais appris qu’il sortait tout droit de l’Evangile de Luc. Est-ce que mon propos lui a donné d’en savoir un peu plus sur les richesses de de la parole biblique ? Je l’espère…

    Le bon samaritain n’a pas tenu un grand discours au blessé au bord de la route. Il n’a pas épilogué sur un monde périlleux dans lequel les brigands peuvent surgir et nous agresser à tous moments.  Après s’être arrêté, il l’a chargé sur son âne et a pris de son temps et de son argent pour le transporter en lieu sur et assurer ses soins. Peut-être avait-il une paille au coin de l’œil qui le rendait méprisable au regard du prêtre et du lévite. Mais assurément, ces deux derniers personnages étaient aveuglés par leurs poutres d’indifférence, de suffisance et d’orgueil.

  La sagesse de Jésus, la profondeur de ses paroles peuvent être pour nous une boussole, un guide, on dirait aujourd’hui, un bon GPS qui nous conduit sur les bons chemins et nous donne la direction juste.

  Les paraboles, la Parole ne sont pas à conserver jalousement dans la Bible, réservée à une petite minorité spirituelle, ces étranges chrétiens protestants qui se réunissent le dimanche pour louer Dieu.

  Non la Parole est là pour être diffusée, vécue dans monde, dans la société. Elle appelle au témoignage, témoignage qu’un monde autre est possible.

  Face à tous les défis qui sont les nôtres, la recherche de la paix, les périls environnementaux, l’avenir de la planète et donc de l’humanité, nous avons pour mission de proclamer une bonne nouvelle. Ne craignons pas de la répandre autour de nous.

  Et concluons avec ce proverbe lu tout à l’heure :

« La langue du juste est un argent de choix, le cœur des méchants ne vaut pas grand-chose ».

  Amen.

 

PREDICATION CULTE DU DIMANCHE 13 FEVRIER 2022 A TONNEINS

Jérémie 17/5 à 8 et Luc 6/ 17 à 26

Chers Amis,

Quel paradoxe dans ces propos de Jésus ; être heureux lorsque l’on a faim ; être heureux lorsque l’on pleure, lorsque l’on est haï et rejeté.

  Il y a quelque chose d’illogique, de dérangeant, voire de scandaleux à promettre un bonheur au futur à ceux qui sont dans la souffrance aujourd’hui.

  Dire : «Ca va passer, ça ira mieux demain » un peu trop vite, n’est-ce pas s’exonérer de sa responsabilité devant le malheur de mon frère, ma sœur, sans prendre la peine, ni le temps, ne serait-ce que de l’écouter ?

   On a appelé ce sermon, « le sermon dans la plaine » car Luc écrit que Jésus est descendu et s’est arrêté dans un endroit plat avec ses proches disciples pour parler à la foule et opérer des guérisons. Il fait écho au « sermon sur la montagne » que l’on trouve chez Matthieu, dans lequel il est plus développé.

  Quoi qu’il en soit, entre plaine et montagne, vallées et collines, la parole de Jésus claque à nos oreilles et nous interpelle. Quel sens lui donner pour ses auditeurs hier, pour nous aujourd’hui. N’est-ce pas des paroles comme celles-là qui ont fait dire à des intellectuels marxistes que la religion est « l’opium du peuple », promettant un bonheur lointain et illusoire à des personnes éprouvées et en détresse au présent ?

   Mais ces béatitudes sont-elles vraiment une incitation à supporter passivement, la douleur, l’exploitation, l’oppression ?

   Peut-on séparer, segmenter le discours de Jésus sans une vision globale ? Peut-on dissocier son propos de son comportement, de ses actes qui témoignent qu’avec lui, il n’y a pas de distorsion entre le croire et le faire, entre foi et pratique, entre la parole et les guérisons ?

   Cette foule que nous présente Luc, c’est justement une foule constituée de blessés de la vie, de malades, de possédés par des esprits impurs. C’est bien à ces marginaux, aujourd’hui, on parlerait d’exclus, de petites gens, de familles modestes et parfois accablées que Jésus s’adresse.

  Il nous l’a dit lui-même : « Ce ne sont pas les personnes en bonne santé qui ont besoin de médecins, mais les malades ».

  En quoi ces paroles que d’aucuns peuvent trouver choquantes peuvent agir bénéfiquement sur ceux qui les reçoivent ?

 Jésus pratique-t-il une thérapie par la seule puissance des mots ? Assurément, pour Lui, parler, c’est agir, c’est guérir les plaies comme pourrait le faire une pommade cicatrisante.

   Quelques 20 siècles plus tard, des psychothérapies et la psychanalyse mettent en évidence le pouvoir de la parole, parole qui libère, qui délivre et qui soigne.

   Mais revenons aux propos de Jésus ; relevons tout d’abord que ce type de formules, appelées béatitudes sont des formules classiques dans la tradition biblique israélite.

  Elles expriment selon le contexte l’annonce prophétique d’une joie future, comme dans le chapitre 18 du livre d’Isaïe : « Le Seigneur est un Dieu juste. Heureux tous ceux qui espèrent en lui ». Elles expriment également l’action de grâce pour la joie présente comme dans le psaume 32, dans lequel on peut lire : « Heureux celui que Dieu décharge de sa faute, et qui est pardonné du mal qu’il a commis ! Heureux celui que le Seigneur ne traite pas en coupable, dont l’esprit est sans hypocrisie ! »

  On le voit, Jésus n’innove pas totalement ; les béatitudes du 1er testament visent toujours une joie accordée par Dieu et dans les propos tenus par le rabbi de Nazareth sont justement contenus la promesse de joie à venir également.

  Il est fort intéressant de noter que le mot hébreu que l’on traduit par « heureux » peut également signifier « en marche ».  André Chouraki propose ainsi une traduction de la Bible très proche du sens originel qui lui fait écrire en passant du grec au français : « En marche les humiliés ! Oui il est à vous, le royaume d’Elohim ! ». « En marche, les affamés de maintenant ! Oui, vous serez rassasiés ! En marche les pleureurs de maintenant ! Vous rirez ! Etc… »

  Cette traduction nous interroge et nous questionne. On découvre ainsi qu’il n’y a nulle soumission ou résignation à une situation présente qui fait souffrir. Jésus nous dit au contraire qu’il ne faut pas s’enfermer dans sa détresse, ne pas accepter passivement l’inacceptable.

  Ces béatitudes que l’on trouve dans l’Evangile de Luc sont une promesse de salut dès maintenant pour celles et ceux qui sont pauvres et affligés, pour ceux sur qui le sort s’acharne, victimes de maladies, de violence ou de situations sociales génératrices d’injustice et de souffrance.

  Et cette promesse de salut est source d’une espérance qui déplace, qui change le regard à la fois sur le présent mais aussi sur un horizon qui s’éclaircit.

  Dans la bouche de Jésus, ces paroles ne sont pas « l’opium du peuple », la promesse d’un bonheur pour une lointaine fin des temps, une vie post-mortem, un au-delà hypothétique. Cela relèverait d’une tentative de manipulation sur le plan spirituel. Il ne s’agit e aucun cas d’endormir les consciences pour justifier la persistance des malheurs du présent.

  Dans les propos que Luc attribue à Jésus, est affirmé un Dieu totalement solidaire des pauvres, des affamés, de ceux qui pleurent, des persécutés. Et cette solidarité de Dieu elle s’exprime dans sa compassion, son souci de souffrir avec nous, de partager notre fardeau, prendre sur lui une part de ce qui peut nous accabler.

  Avec Jésus, Dieu se fait tout à tous et lorsque le Messie annonce le règne de Dieu, de la nourriture en abondance ou des larmes qui sèchent, ce n’est pas pour un lointain futur, c’est pour aujourd’hui même.

  Nous ne sommes pas dans le cas d’une résignation passive face à des situations intolérables. Les paroles de Jésus sont effectives, suivies d’effet dans l’instant présent. Le bonheur à venir est garanti dès maintenant. La pauvreté matérielle, la fragilité sociale, la précarité ne sont ni des punitions, ni des fatalités, ni des réalités définitives.

 Ce « sermon dans la plaine » voit Jésus proclamer 4 bonheurs et 4 malheurs ; souvenons-nous, Jésus annonce aussi : « Malheur pour vous qui êtes riches, malheur pour vous qui avez tout en abondance, etc… » Ce ne sont pas des malédictions mais une incitation à faire en soi plus de place à Dieu, plus de place à la solidarité, à l’entraide et au partage.

  Il est sans doute plus facile d’accueillir la grâce de Dieu lorsque l’on a faim et soif de Lui plutôt que lorsque l’on est comblé et repu.

  A l’écoute de ces propos de Jésus, nous sommes sans doute appelés à faire un peu de ménage dans notre quotidien, à faire le vide, à ouvrir portes et fenêtres pour laisser entrer le Seigneur, lui faire toute la place.

  Apprendre à se déposséder de ce qui nous encombre, en ces temps de Covid où nombreux sont ceux qui se sentent isolés, ce peut-être donner du temps à des conversations téléphoniques, faire attention aux difficultés matérielles ou spirituelles de mon prochain ; ce peut être donner du temps à l’Eglise qui n’est pas seulement une vieille institution décrépite à l’article de la mort.

   Luc nous présente un Jésus très attentif à la réalité sociale de ses interlocuteurs. Les commentateurs pensent que les premiers lecteurs de l’Evangile lucanien appartenaient à une classe aisée. Si les richesses ne sont pas condamnées en tant que telles, l’avarice, le refus du partage de la solidarité avec ceux qui ont trop peu sont des fautes qui peuvent attirer le malheur.

  Ceux qui ont eu l’opportunité et la chance de voyager dans des pays du Sud, où la pauvreté est parfois endémique reviennent souvent bouleversés par le courage et la joie de vivre des populations, la simplicité des rapports humains. Il ne s’agit en aucun cas d’idéaliser cette pauvreté source bien souvent de désespoir et de violence.

  Mais au cœur des situations sociales les plus difficiles, dans les sociétés où l’injustice est flagrante naissent parfois des élans, des mouvements, des prières dont les Eglises se font l’écho.

  Beaucoup trouvent en Jésus Christ les raisons d’espérer, un sens à leur vie et une espérance qui n’est pas une notion vague et creuse.

  Ce texte peut nous inspirer la question suivante : qu’espérer, qu’attendre lorsque je suis comblé, lorsque j’ai tout ?

  Peut-être nous rappeler d’abord que Jésus lui-même n’a connu durant sa vie ni la richesse, ni le soutien des puissants. Il n’était ni un homme de pouvoir, ni membre de la classe supérieure qui avait accès aux biens culturels et économiques.

  C’est dans le dénuement qu’il nous appelle aujourd’hui encore à nous dépouiller un peu de nos surplus pour retrouver et emprunter les chemins du bonheur.

  En ces temps de pandémie, doublés d’une campagne électorale, nous avons peu d’illusions sur des lendemains qui chantent. La promesse du règne de Dieu peut sembler anachronique et déconnectée de la réalité.

  Rappelons pourtant à nos contemporains que cette promesse est d’une actualité criante ; elle s’inscrit dans un climat d’urgence sociale, environnementale et sanitaire.

Avec le Royaume annoncé par Jésus-Christ, nous tenons là du solide, du fiable, une assurance que le monde ne peut nous garantir ; sur ce chemin de vie nous comprendrons alors cette parole un peu moins énigmatique pour les disciples que nous sommes : « Heureux, vous qui êtes pauvres, car le règne de Dieu est à vous ! »

Amen

PREDICATION DU DIMANCHE 6 FEVRIER 2022 A MARMANDE

Esaïe 6/ 1 à 8 et Luc 5/ 1 à 11.

Chers amis,

 

 Je crois que dans ce passage de l’Evangile de Luc que nous venons d’entendre, il nous est demandé de ne pas nous croire indignes de recevoir la parole du Seigneur ; pas plus aujourd’hui et demain qu’hier. Pensons-nous que Pierre et ses compagnons étaient bardés de qualités, doués de grands savoirs et d’une profonde sagesse ? Pas le moindre du monde.

  Dieu qui sonde les cœurs, qui nous connait bien mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes, choisit ses serviteurs et nous appelle chacun, chacune, à ne pas nous dévaloriser au point que nous nous sentirions indignes de Lui.

   Ce récit relate, comment d’humbles pêcheurs, dont la vie consiste à lancer inlassablement leur filet dans une mer intérieure pour subsister, vont devenir des disciples de ce Rabbi issu du village de Nazareth.

  Replaçons-nous dans la situation évoquée par Luc dans ce passage. Jésus a tellement de succès, tellement d’audience et d’auditeurs qu’il est obligé de s’éloigner de la berge du lac pour parler et enseigner à une foule passionnément attentive. Il annonce la bonne nouvelle du Royaume de Dieu et son message est porteur d’une espérance et d’une joie qui touchent les cœurs de ces galiléens.

Il se trouve que l’une des 2 barques sur laquelle il est monté appartient à Simon Pierre, ce pêcheur dont il a guéri la belle-mère il y a quelques jours.

Pierre et ses compagnons sont des hommes simples, des travailleurs manuels ; leur besogne quotidienne se répète inlassablement jour après jour ; pêcher, espérer attraper de nombreux poissons, réparer les filets, vivre humblement, voilà ce qui constitue leurs journées.

  Cela ressemble encore à bien des existences. Quels artisans, quels ouvriers, quels modestes travailleurs Jésus choisirait-il aujourd’hui s’il avait besoin de compagnons ? Serions-nous prêts à le croire et à lui obéir si, après une nuit de labeur infructueuse comme est celle de ces premiers disciples, Jésus nous demandait : «Avancez en eau profonde et jetez vos filets pour attraper du poisson. »

   C’est contre toute logique, de façon déroutante et déraisonnable que Dieu, en Jésus intervient dans ces vies linéaires qui semblent être celles des pêcheurs.

  C’est aussi dans mon quotidien, dans les jours qui se suivent et se ressemblent, en ce dimanche hivernal qui ne se différencie pas vraiment des autres que Jésus s’adresse à nous et nous demande de lancer nos filets.

  Et si l’on essayait ? C’est ce qu’on fait les pêcheurs et leur surprise est totale. Il en est de cette pêche comme d’un travail répétitif que l’on fait presque mécaniquement sans en espérer grand-chose. On le subit plutôt qu’on en est l’acteur et pourtant, la surprise est là, la pêche se révèle miraculeuse. Pourtant, Pierre aurait pu dire à Jésus : « Seigneur, nous sommes fatigués, nous rentrons nous reposer ».

  Je vais essayer de partager avec vous un souvenir personnel qui vous permettra peut-être de bien visualiser cette pêche ; il y a bien des années lors d’un séjour en Guyane, des amis et collègues indiens de la scierie où je travaillais m’avaient invité un dimanche à vivre une pêche au filet dans leur village. Celle-ci se déroula à l’embouchure du Maroni, grand fleuve amazonien qui se jette dans l’océan atlantique. J’avais été invité à monter dans une des 2 pirogues qui contenaient chacune au moins une dizaine de pêcheurs. Les deux embarcations avançaient dans le même sens et en parallèle distante d’une quinzaine de mètres. Des membres de ces petits équipages tenaient chacun les extrémités du filet. En se rapprochant progressivement, de nombreux poissons étaient pris dans la nasse. Il ne restait plus, à la force des bras qu’à remonter le filet et en dégager les prises qui au fur et à mesure remplissait le fond des pirogues. Je me rappelle que certains poissons étaient manipulés avec délicatesse car leurs écailles et leurs nageoires étaient tranchants comme des rasoirs. A 2000 ans d’intervalle, mes amis m’avaient permis de vivre une pêche qui pour moi était miraculeuse. Souhaitons qu’aujourd’hui encore dans beaucoup de fleuves et de mers du monde, des peuples puissent se nourrir sans craindre la pollution et la pêche industrielle qui a peu à voir avec le respect des équilibres naturels.

  Pour celui qui deviendra Pierre, le disciple, cela est trop. Il y a dans ce miracle quelque chose d’inexplicable qui lui fait peur. Non seulement Jésus a le pouvoir de guérison mais en plus, il change le cours des choses, il vient heurter la logique, les équilibres naturels, bousculer les habitudes, transformer les vies et le quotidien. Simon Pierre ne peut que s’exclamer : Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur » Il n’y a pas là de jeux de mots. En grec le pêcheur qui attrape des poissons n'est pas le même mot que son homonyme en français, le pécheur qui commet des péchés.

  Pierre est saisi par la peur ; face à la puissance de Jésus, à son autorité, à son savoir et son pouvoir, il se croit indigne de le fréquenter. C’est un peu comme de baisser le regard face à un visage lumineux, se taire à l’écoute d’une parole de vérité, s’abaisser face à la sainteté.

  Mais Jésus nous prend à contre-pied. Nul n’est indigne de répondre à son appel. Et cela est valable aujourd’hui pour chacun, chacune d’entre nous. Jésus nous parle, nous interpelle, ce matin dans ce temple, dans nos lieux de vie, dans nos barques, nos radeaux et nous dit : « J’ai besoin de toi. »

   La distance qu’il y a entre la grandeur de Dieu et la petitesse de ma vie n’est pas une raison qui puisse justifier mon refus de lui obéir ou bien ma paralysie. C’est Jésus lui-même qui me donne ma dignité en s’adressant à moi et en faisant de moi son disciple. Et comme cela change nos vies de se savoir aimés inconditionnellement. Etre face à Jésus, le Christ, pour Pierre, comme pour nous, c’est bien souvent relire notre vie à travers ce que l’on pense être son regard. C’est constater que dans chaque vie, dans la mienne en particulier, il y a des choses qui clochent, des imperfections, des fautes, des tâches. Comme Simon Pierre, lorsque Jésus se révèle au grand jour, je crains que mon péché ne m’interdise toute relation avec lui.

  Et c’est tout le contraire qui se produit. Jésus nous aime comme nous sommes, quel qu’ait pu être notre parcours antérieur.

  Cette pêche extraordinaire et miraculeuse est une métaphore, une promesse, un appel et un envoi en mission pour les premiers disciples que vont devenir Simon Pierre, Jacques et Jean.

  Jésus nous rassure, il guérit nos peurs lorsque s’adressant à Pierre, il lui dit : « Sois sans crainte, désormais, ce sont des hommes que tu auras à capturer ».

   Comment comprendre et mettre en pratique cet parole qui s’adresse aussi à nous aujourd’hui ? De quels hommes parle-t-il ?

  Je crois qu’il s’agit d’abord de nos proches, nos parents, nos amis, nos collègues, nos connaissances. Toutes celles et tous ceux qui gravitent autour de nous. Cessons de nous questionner, de nous torturer à propos de nos faiblesses et nos défauts. Jésus nous appelle avec nos défauts et nos qualités et il se sert sans doute de nos imperfections pour gagner à lui de nouvelles personnes.

  Ce sentiment d’indignité, c’est aussi celui qui habite le prophète Esaïe dans ces quelques versets lus tout à l’heure. Il se sent impur car le peuple d’Israël a trahi son Dieu ; il lui est infidèle. Cela lui fait dire : « Quel malheur pour moi, je vais être réduit au silence car mes lèvres sont indignes de Dieu et j’appartiens à un peuple tout aussi indigne de lui. » Mais la vision d’une braise sur la bouche le libère et le pousse à proclamer : « Me voici, envoie-moi ».

   Cette parole du prophète Esaïe, dont le livre est parfois appelé le 5eme Evangile, elle peut aussi être la nôtre aujourd’hui. Nous pouvons dire au Seigneur : « Malgré tout ce que je suis, malgré mon âge, mes soucis, mes défauts, mes manques, me voici, envoie-moi ! »

   Nous savons que la vie des disciples n’est pas un long fleuve tranquille ; maladies, deuils, solitude parfois, tout cela nous y sommes exposés également.

  2000 ans de christianisme sont là pour nous rappeler que les épreuves peuvent surgir à tous moments.

  L’état de la planète et de notre monde doit nous mettre en alerte. L’Eglise est toujours en chantier et Dieu nous dit : « tu peux y apporter ta pierre, tu peux toi aussi prendre des poissons dans le filet. »

   Les premiers disciples vont tout laisser pour suivre Jésus. Il ne s’agit pas pour nous d’abandonner famille, travail et maison. Peut-être pouvons-nous plutôt mettre de côté nos complexes, ce qui nous freine et nous retient pour servir le Seigneur et son Eglise joyeusement. Car il y a de la joie à s’engager et travailler pour lui, pour le Royaume. Il y a aussi une part d’inconnus à larguer les amarres comme le font les marins qui prennent la mer.

   Ce texte de Luc met en évidence le personnage de Pierre et de ses compagnons même si Jésus est et reste le premier pêcheur d’hommes. C’est lui qui nous ouvre la voie, lui qui est le chemin.

  Paradoxalement, peut-être que cette période de crise sanitaire que le monde traverse depuis deux ans est une opportunité pour prendre dans les filets de l’Eglise de nouveaux frères et sœurs.

   Contrairement à des affabulations qui spéculent sur la peur ou l’angoisse des temps présents, le message de Jésus reste d’une fraicheur et d’une nouveauté totale. Le Seigneur ne nous donne pas la recette d’un bonheur garanti pour bientôt. Il cherche plutôt le partage, le développement des liens, la joie des échanges et de la communion dans l’amitié et l’affection mutuelle.

   Cette joie qui nous permet d’affronter les temps difficiles, osons en faire profiter les autres, osons en parler autour de nous.

   Avec Esaïe, avec la longue suite des disciples qui se sont succédés, sachons témoigner que Christ a changé ma vie, l’a transformée.

  Nous ne sommes pas seuls, l’Eglise toute entière est là pour porter la Parole dans le monde. C’est Jésus qui la conduit, telle une barque poussée par les vents. Il nous l’a promis, la pêche sera abondante.

Amen


PREDICATION DU DIMANCHE 23 JANVIER 2022 A TONNEINS.

Luc 4/ 1 à 4 et 14 à 21. 

Chers amis,

Nous sommes dans le commencement d’une nouvelle année et dans ce récit nous assistons également aux prémices, au commencement du ministère de Jésus.

  L’évangéliste Luc a évoqué dès les premiers chapitres, l’enfance, le baptême et la tentation du galiléen qui dans le passage que nous venons de lire, revient dans son village natal.

   Nous pouvons imaginer le retour d’un jeune homme brillant, humble, apprécié qui s’en reviendrait à Tonneins après avoir fait parler de lui dans la région pour sa connaissance des Ecritures et ses qualités humaines.

Quoi de plus naturel que de vouloir renouer avec ses racines après un temps d’absence. Au gré des voyages, des déménagements, des changements professionnels, des événements familiaux, nous avons pour certains d’entres nous du quitter, soit un temps, soit définitivement, le village, la région ou le pays qui nous avait vu naître et grandir.

  Ce retour aux sources, ce besoin de retrouver des paysages familiers, des têtes connues et pas seulement sa famille ou ses amis proches sont naturels et ils nous montrent l’humanité de Jésus.

Mais ses déambulations en Galilée sont pleines de contrastes. Jésus qui a reçu l’Esprit Saint du Père, lors de son baptême, enseigne dans les synagogues de la région ; sa renommée et sa gloire se répandent comme une traînée de poudre.

  Luc insiste beaucoup sur la relation de Jésus à l’Esprit dans les premiers chapitres de son Evangile. Dans les premiers versets du chapitre 4, on découvre ainsi que Jésus est rempli « d’ Esprit-Saint », « conduit par l’Esprit », « avec la puissance de l’Esprit » et lorsqu’il cite le prophète Esaïe, il évoque le passage qui dit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi ».

  Ces répétitions ne sont pas hasardeuses. Luc veut montrer la connexion, les liens organiques entre Jésus et son Père. Cette filiation démontre que la puissance et la justice divine sont à l’œuvre à nouveau dans le monde et dans l’histoire.

   Nous aussi en 2022, ici à Tonneins, dans notre Eglise, l’Epudf, dans notre société et sur notre vieille terre, nous croyons qu’en Jésus, Dieu s’approche, Dieu se fait proche.

  Mais on le voit au cours du récit, si Jésus récolte quelques succès en Galilée, cela devient plus compliqué à Nazareth, petite localité qui l’a vu devenir adulte. On découvre dans les autres Evangiles que le fils du charpentier n’est pas attendu comme le Messie, ce qui lui fera dire que « nul n’est prophète en son pays ».

  Dans des temps difficiles, hier une occupation romaine dure à supporter par les religieux d’Israël, aujourd’hui une pandémie dont on ne voit pas la fin, le désir d’une intervention de Dieu se fait sentir.

  Cette présence, cette action de Dieu dans le monde, elle s’exprime à travers le récit de ce jeune prophète itinérant qui va de villages en villages et qui, dans la synagogue de Nazareth, sa ville natale, va lire un passage du livre d’Esaïe, le jour du Sabbat.

  Des verbes d’action caractérisent en effet le comportement de Jésus ; il enseigne, il fait la lecture d’un passage de l’Ecriture qui parle d’annoncer, de proclamer, puis il parle.

  Tout est là dans ces 5 verbes qui vont nous permettre de découvrir un peu mieux Jésus : enseigner, lire, annoncer, proclamer et dire.

Aujourd’hui encore, Jésus le Christ nous enseigne ; il se révèle à travers la lecture et l’écoute de la Parole. Cette Parole n’est pas une parole creuse, vide de sens. Elle est vivante, vive ; on dirait aujourd’hui qu’elle est une parole performative, c’est-à-dire une parole qui change la réalité, qui transforme nos vies.

  Nous avons tous fait l’expérience de la puissance des mots, de la parole. L’annonce d’une mauvaise nouvelle ou d’une bonne nouvelle suscitent en nous des réactions, des sentiments de tristesse ou de joie, des mises en route, de l’abattement ou de l’espérance.

  La description de l’attitude de Jésus dans la synagogue est presque comme le script d’une séquence de film ; Il se lève, reçoit le livre, trouve le passage, referme le livre, le rend et s’assied. On ne sait pas vraiment s’il a choisi ou trouvé ce passage du livre d’Esaïe. Les commentateurs émettent l’hypothèse qu’il pourrait également être le texte de ce jour de Sabbat, de même que nos lectures dominicales communes à toutes les Eglises chrétiennes.

  Les fouilles et les découvertes de manuscrits dans les grottes de Qumran au cours du XXème siècle prouvent que ce passage d’Esaïe était lu et commenté fréquemment dans les écoles et les synagogues.

  Ce passage évoque la consécration d’un prophète par Dieu. Il m’a conféré l’onction, il m’a oint est le verbe dont provient le mot Christ.

  Rappelons que l’onction d’huile se réfère aux prêtres et aux rois qui étaient mis à part pour le service de Dieu.

  Luc, l’évangéliste nous présente Jésus lisant ce texte d’Esaïe qui nous le comprenons bien semble nous parler de Lui. Dans cette synagogue, tous les regards sont tournés vers lui ; « tous avaient les yeux fixés sur lui » peut-on lire.

  Origène, grand père de l’Eglise du IIIème siècle, écrivait qu’en chaque assemblée, nos yeux peuvent fixer le Sauveur. Il disait ceci : « Lorsque tu consacres l’attention la plus profonde de ton cœur à contempler la Sagesse, la Vérité et le Fils unique de Dieu, tes yeux voient Jésus. Heureuse assemblée à laquelle l’Ecriture rend ce témoignage : ils avaient tous les yeux fixés sur lui ! »

   On ne verra pas Jésus en chair et en os ce matin à Tonneins. Mais il n’y a pas que les yeux du corps, il y a aussi ceux de l’Esprit.

  Jésus semble s’approprier la parole qu’il lit. Il la revendique et se découvre petit à petit porteur de cette mission de salut pour tous. Qui sont donc les pauvres, les captifs, les aveugles et les opprimés ?

  Je crois que ce sont nous, qui tâtonnons dans ce monde compliqué et obscur où trop souvent, nous nous construisons des barrières, des prisons, des cellules qui nous sécurisent.

  Ces paroles d’Esaïe, c’est à nous que Jésus les adresse aujourd’hui.

La pauvreté n’est pas liée à l’importance de notre compte en banque et de nos biens matériels. La pauvreté à laquelle Jésus fait allusion est plus surement la pauvreté spirituelle, les déserts moraux et affectifs. Et il est vrai que cheminer avec le Seigneur, le louer, le servir, accepter sa présence dans ma vie, tout cela est d’une richesse inouïe. Nous pouvons constater bien souvent autour de nous combien la solitude, le désespoir ne sont pas liés au manque matériel ou financier.

  Les captifs sont tous ceux qui restent enfermés dans leur situation sociale, familiale, professionnelle dans des contextes générateurs de souffrance. A ceux-là, le Messie se présente comme un libérateur. Il vient combattre toutes les fatalités, tous les déterminismes qui peuvent nous laisser croire que nos situations sont bloquées, cadenassées, que notre avenir est sombre et irrémédiablement bouché.

  Dira-t-on jamais assez, combien Christ est porteur de liberté, d’espace de réflexions et de partages ?

  Trop de non-croyants imaginent les chrétiens, protestants inclus, comme prisonniers d’un ensemble de rites, de dogmes institués par des Eglises autoritaires et sclérosées. Ils se trompent ; découvrir Jésus, dans notre Eglise en particulier, c’est accéder à une liberté intérieure sans limites.

  Peut-être que Christ parle des aveugles qu’il devine présents dans cette synagogue de Nazareth ; aveugles car se croyant totalement maîtres de leur destinée. Aveugles du monde, car niant la dimension spirituelle de chaque être humain, imaginant que le bonheur ne s’obtient que grâce à des idéologies matérialistes. Jésus nous rappelle lors de l’épisode de la tentation dans le désert que « ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra ».

  Les opprimés sont ceux de toutes sortes. L’oppression, elle peut venir de sa propre famille, de la société, d’une culture, d’une religion dévoyée, d’un pouvoir politique autoritaire. On sous-estime trop souvent la force de subversion de la foi chrétienne face à toutes les coercitions, toutes les pressions, toutes les injustices.

  On peut être en prison sans être enfermé entre 4 murs. Nous connaissons certains jeunes ou moins jeunes qui passent des nuits entières sur les réseaux-sociaux que l’on dit « addicts » aux jeux en ligne. La drogue, l’alcool sont aussi de sombres prisons pour ceux qui s’y font piéger.

Des sectes millénaristes qui spéculent sur la fin des temps se révèlent également des lieux d’enfermement psychiques et mentaux.

 A toutes ces victimes, Jésus adresse une parole d’accueil, d’amour, d’amitié et d’espérance.

  C’est en ce jour encore, cette semaine et tout au long de l’année à venir que Jésus s’adresse à nous en nous disant :

« Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez »

AMEN


PREDICATION DU DIMANCHE 16 JANVIER 2022. TEMPLE DE MARMANDE.

Jean 2/1 à 12

Chers amis, chers frères et sœurs,

   De l’eau changée en vin ? Un habile tour de magie qui inaugure le ministère de Jésus dans l’Evangile de Jean ?

  Mais plutôt que de nous questionner sur la vraisemblance des faits, interrogeons-nous sur sa ou ses significations. Tâchons de comprendre ce que le 4eme évangéliste nous communique à travers ce récit des noces de Cana.

  Cette histoire est tellement connue qu’elle dépasse très largement le cadre des familiers de la Bible, des chrétiens pratiquants réguliers.

  Replaçons-nous dans le contexte. Un mariage a lieu dans la petite localité de Cana qui serait située à une quinzaine de km de Nazareth.

La mère de Jésus, Jésus et ses disciples sont invités à ces agapes. Traditionnellement, les noces duraient une semaine entière et l’on peut penser que les nouveaux convives arrivent alors que la fête a déjà bien commencé.

  Dans la Bible, les noces ont un double sens : au sens premier, elles sont le temps de la joie et de l’amour, le triomphe de la vie ; au sens plus symbolique et dans le premier testament, elles annoncent l’arrivée des temps messianiques, de l’ère du salut.

  L’évangéliste Jean inaugure le début du ministère de Jésus par l’appel des premiers disciples puis ce récit étonnant.

  Imaginons un peu la scène, la fête bat son plein depuis 2 ou 3 jours ; les invités s’en vont, s’en viennent puis ce jeune homme peu connu arrive avec sa mère et quelques disciples. Sa réputation est encore limitée ; le prophète Jean qui baptise non loin de là dans le Jourdain dit des choses un peu extraordinaires sur ce convive : il est l’agneau de Dieu et lui, il baptisera d’Esprit Saint.

Qui sait, peut-être que dans la foule des invités, malgré le bruit, le rire, les chants, certains se sont retournés à l’entrée de Jésus et de ses proches.

  La mère de Jésus connait son fils et pressent sa mission peut-être mieux qu’il ne la devine lui-même. Mais que se passe-t-il donc durant cette fête, ce mariage qui semblait si bien se dérouler ? Comme un petit grain de sable, un caillou dans la chaussure : il n’y a plus de vin.

   Peut-être nous faut-il oser dire nous aussi au Seigneur : Maître, il manque quelque chose d’important pour la réussite de ces jours de joie, pour que la fête soit complète et réussie. Jésus a besoin qu’on l’interpelle, qu’on lui dise : regarde, il faut que tu interviennes. Que risquons-nous à demander son aide ? Nous allons éventuellement l’entendre nous dire : « ami, femme, mon heure n’est pas encore venue. »

  Jésus se découvre à travers le regard des autres et de sa mère. Cette dernière sait que Dieu le charge d’une mission bien particulière et qu’elle peut accorder à son fils une confiance inconditionnelle.

  Je pense à ce slogan formulé en mai 68 par les étudiants et les syndicalistes, tous en grève : « Soyez réalistes, demandez l’impossible »

  Il y a de la poésie, de la folie dans ce slogan mais aussi une confiance presque aveugle dans la providence, une espérance sans nuage.

Ainsi, de façon non formulée, si ce n’est ce simple propos adressé aux serviteurs, « faites tout ce qu’il vous dira », Marie prie son fils de pallier à ce manque de vin qui risque de gâcher la fête.

Il nous est sans doute arrivé, lorsque nous étions confrontés à une situation délicate, périlleuse ou difficile de demander nous aussi au Seigneur d’agir. Que notre prière ait été exaucée ou non, comme Marie, comme les disciples, comme parfois des inconnus qui croisent le chemin de Jésus, nous l’avons sollicité.

  Pourquoi hésiter à toquer à la porte, à demander de l’aide à celui qui nous dit : « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira la porte ».

  Pour le dire à la manière de nos rêveurs de mai 68, « quel risque y-a-t-il à demander l’impossible ? »

Avec Jésus, beaucoup incertitudes s’effacent, tous les horizons bouchés s’entrouvrent, tous les couloirs sombres s’éclairent.

  Bien sur pour nous la réalité est toujours là, se rappelant un peu durement à nous. Ce n’est pas le vin qui nous manque pour que la fête soit réussie mais la liberté de se visiter, de se réunir, de s’inviter les uns les autres, sans crainte du COVID.

  D’innombrables activités associatives, cultuelles, culturelles, sportives sont restreintes depuis bientôt deux ans.

Par amour pour nos proches et sens de la responsabilité, nous acceptons les mesures sanitaires nécessaires et exigeantes. « Rien n’est impossible à Dieu » dit l’ange à Marie au début de l’Evangile de Luc.

   Rien ne lui est impossible lorsque l’on regarde des vies cabossées redressées, des situations inextricables assainies, des désespérés qui retrouvent le goût à la vie. Mais cela ne doit pas nous faire tomber dans un optimisme béat qui nous ferait nous décharger de tous nos fardeaux et nous installerait dans la passivité.

  Le signe, le miracle des noces de Cana ne se fait pas sans la participation de tous et de chacun. Je me rappelle avoir lu cette phrase prononcée par un vieux sage juif qui disait : « Un miracle, ça se mérite ! »

    Nul d’entres nous ne connait la réalité de ce qui s’est vraiment passé dans cette petite bourgade de Galilée lors de ce mariage il y a 2000 ans.

  Par contre, dans nos vies, dans ma vie, n’y-a-t-il pas des transformations, des changements extraordinaires produits par le Christ ?

  Ce signe de Cana, cette eau devenue vin nourrissent la joie, une joie qui déborde et qui contribue au plaisir de la fête. Ce miracle préfigure le salut surabondant promis en Christ à chaque disciple.

 C’est ainsi, tous ces signes, ces gestes qui ne font pas toujours de bruit, annoncent quelque chose de beaucoup plus grand, beaucoup plus important.

  C’est un peu comme de se réunir au temple dimanche après dimanche, de communier ensemble. Cela peut paraître routinier, trop simple, au point de ne plus avoir de sens. La liturgie, les chants, la lecture biblique, une prédication qui nous en rappelle une autre déjà entendue, bref, rien de bien nouveau, de bien extraordinaire.

  Ce mariage où Jésus arrive discrètement avec sa mère et quelques compagnons devait également ressembler à tous les mariages ; de la musique, la joie d’être ensemble, sans plus…

Et puis l’intervention du Seigneur, surprenante, sans tapage, sans faste ni publicité. Jean nous dit simplement que l’eau est changée en vin et que le maître de la fête partage sa satisfaction avec le marié.

  Pour nous aussi, c’est dans le quotidien de la vie, dans ce qui peut paraître insignifiant que justement Jésus peut choisir d’intervenir. Il est ce sel, cette lumière, ce signe qui donne sens à la fête, à la communion, aux temps de culte vécus fraternellement.

Le miracle de Cana qui ouvre l’Evangile de Jean est la première étape de ce que sera le ministère de Jésus. Il en pose les fondations.

  Ce vin qui coule à profusion brusquement et mystérieusement nous renvoie à la gloire de Jésus qui manifeste la présence de Dieu en lui. Le miracle véritable est, qu’en la personne de Jésus, Dieu le Père est présent. La gloire de Dieu s’exprime en Jésus et l’Evangile de Jean nous la présente à travers ce premier signe. Alors « soyons réalistes, demandons l’impossible à Dieu ». Bien sûr, n’attendons pas de tours de magie, de preuves scientifiques irréfutables, des miracles.

  Le seul, le vrai miracle, c’est que ma vie, ta vie, nos vies ne sont plus les mêmes après la rencontre avec le Seigneur. Elles ont une direction et à chaque étape, il y a le gîte et le couvert. On peut également lire dans les Psaumes que Dieu n’abandonne pas ceux qui le cherchent.

 Quels que soient nos routes et nos sentiers, il est le chemin ; nos angoisses existentielles et nos doutes, il est la vie ; nos trahisons, nos reniements et nos fautes, il est la vérité.

  Chers amis, découvrons l’enseignement de Jésus à travers la parole ; ne nous focalisons pas sur le merveilleux et l’invraisemblable de certains récits de miracle.

  Le signe, c’est sa mystérieuse présence en nous, au milieu de nous. Nous nous séparerons tout à l’heure avec cette joie qui nous accompagnera les jours prochains et je l’espère tout au long de l’année.

Peut-être que notre carafe d’eau ne va pas devenir un grand Médoc ou un fameux St Emilion lors du repas tout à l’heure. Mais dans ces temps toujours compliqués et difficiles, nous avons le ferme conviction que Jésus transforme notre quotidien.

Amen

 

 

 

PREDICATION DU DIMANCHE 9/1/2022 A TONNEINS 

Esaïe 40/1 à 11 et Luc 3/ 15 à 22

Chers amis, chers frères et sœurs,

 

Nous voici rassemblés en ce début d’année et comme Jean-Baptiste, comme les foules, comme les prophètes du premier testament et le prophète Esaïe en particulier, nous sommes en attente.

   Mais qu’attendons-nous ? Des jours meilleurs ? Une pandémie et une crise sanitaire qui soient derrière nous ? Une personne providentielle qui nous apportera un message d’espoir dans un quotidien difficile, compliqué, traversé par les soucis de santé, les questions matérielles, les interrogations existentielles ?

  Etre en attente, c’est bien souvent avoir les sens en éveil, se rendre disponible à une rencontre, une écoute ou une parole.

  Luc met dans la bouche de Jean-Baptiste les mots du prophète Esaïe ; le Baptiste annonce une bonne nouvelle précise-t-il.

  Cette espérance, cette attente d’une rencontre qui va changer nos vies, nous pouvons nous aussi les expérimenter.

  Mais pour cela, nous devons être lucides, clairvoyants et faire preuve de discernement. Celui ou celle qui annonce la venue du Christ n’est pas le Christ. Méfions-nous de tous ces messies auto-proclamés, pasteurs ou gourous qui préfèrent être servis plutôt que de servir, qui visent les premières places et les honneurs alors que Jean-Baptiste, lui, se revendique indigne de dénouer ne serait-ce que les lanières des sandales du Seigneur.

   Le baptiste reprend simplement les mots du prophète du 1er testament pour expliquer comment occuper l’attente, comment préparer la venue du Messie.

« Dans le désert, ouvrez un chemin au Seigneur. Dans cet espace aride frayez une route pour notre Dieu. Que le niveau des vallées soit relevé, que les montagnes et les collines soient abaissées ».

  A écouter ces paroles, on pense un peu à une politique de grands travaux. Vous savez, quand on doit percer des tunnels, construire des ponts, écrêter des sommets pour laisser passer une route.

  Cette image du chemin à préparer pour la venue du Messie nous donne une idée du vaste chantier pour notre Eglise et pour chacun de ses membres. Quels sont les obstacles à surmonter, quels efforts à consentir pour rencontrer le Christ ?

  Plus que des projets harassants, des exploits spirituels réalisés dans le but de favoriser cette rencontre, il s’agit peut-être plutôt de se laisser trouver par lui sur la route, au bord du chemin.

  Ces montagnes à aplanir, ces chemins à rendre droits sont nos doutes, notre incrédulité, notre orgueil souvent mal-placé, nos certitudes un peu trop ancrées, le sentiment que nous pouvons nous suffire à nous-mêmes.

  A la suite de Jean-Baptiste, nous sommes appelés à faire preuve de courage et de bonne volonté.

   Il n’est pas facile de se décharger de ce qui nous encombre, de déposer notre fardeau au pied du Seigneur. Nous sommes si souvent très surs de nous, nous pensant auto-suffisants, fiers de ne dépendre de personne. Tellement soucieux de maîtriser tous les aspects de notre vie, nos itinéraires, nos choix, nous en oublions souvent que le seul maître, le juste guide, c’est le rabbi de Nazareth, celui que ses proches appelleront affectueusement Rabbouni.

   Pourtant, par-delà sa tendresse, son attention à l’égard de chacun, le Christ, dans la rencontre peut se révéler exigeant. Il est en effet celui qui baptise dans l’Esprit Saint et le feu. Croiser Jésus sur nos chemins de vie exclut la fadeur, l’indifférence ou l’inaction.

  L’Esprit, l’Esprit Saint est ce souffle annoncé par les prophètes qui permet une relation directe avec Dieu.

  Le feu, lui, symbolise le jugement et la purification. On le voit, rien de terne, d’insipide dans ces images, ces signes qui sont plutôt des réalités qui transforment la vie. De même, l’utilisation de la pelle à vanner qu’évoque Jean Baptiste à propos de Jésus. C’est lui qui fait le tri entre la paille et les grains. Cela montre que nous devons abandonner notre désir très humain de nous sauver nous-mêmes pour accepter simplement que le Seigneur change nos vies de fond en comble. Nous formons le peuple des baptisés, l’Eglise, la communauté des disciples. Mais n’oublions pas cependant que nous sommes les membres, bras, mains, jambes dont Jésus, qui est la tête, a besoin.

  Il ne nous appartient pas de faire le tri au sein de l’Eglise et dans le monde entre les justes et ceux qui ne le seraient pas. Mais par contre, en acceptant Jésus dans nos existences, en contribuant même modestement à la vie de l’Eglise, en apportant nos petites pierres à l’édifice communautaire, nous pouvons combler bien des vallées, araser bien des chemins escarpés.

   Nos engagements de terrain, à l’entraide, à l’ACAT, pour la catéchèse et les scouts, sur le terrain social, associatif, sont là pour témoigner que nous ne saurions nous satisfaire du monde tel qu’il est.

  On peut légitimement être choqué, bouleversé par une actualité qui vient heurter notre foi, nos valeurs et nos choix de chrétiens ; combien faudra-t-il de drames migratoires aux frontières de l’Union Européenne, d’injustices et de crimes d’état dans tant de pays, citons la Chine ou la Corée du nord par exemple, combien de tragédies auprès et au loin pour que le monde se tourne enfin vers celui qui sèche les larmes et qui est à nos côtés dans toutes nos épreuves ?

  Relevons que dans la Palestine occupée par les légions romaines, l’attente d’un messie puissant et libérateur était intense et profonde.

Aujourd’hui, en Europe pour le moins, notre attente est autre. Nous n’attendons pas de nos dirigeants qu’ils donnent sens à nos vies comme Jésus peut le faire. Notre Eglise ne fait pas le plein et nous avons du mal à toucher la jeunesse. Cette dernière est pourtant prompte à s’enflammer pour des idéaux humanitaires, à s’engager pour la planète, pour plus de solidarité et de fraternité.

Alors que l’Epudf lance fort à propos une réflexion sur la mission de l’Eglise et les ministères, retrempons-nous dans l’Ecriture afin de témoigner de la pertinence du message du Christ à nos contemporains.

  Questionnons-nous : que nous disent ces récits du baptême de Jésus, les prêches enflammées de Jean-Baptiste qui annoncent des temps nouveaux ?

   Peut-être tout d’abord que rien n’est joué, ni écrit à l’avance. Ce sont les hommes qui ont leur destin entre leurs mains. Nous pouvons très librement inviter Dieu, reconnaitre sa souveraineté sur nos vies, ce qui va leurs donner plus de saveur.

  Le baptême d’Esprit et de feu que nous offre Jésus-Christ fait de nous des serviteurs qui ont du goût.  Ne craignons pas d’être le sel de la terre, la lumière qui peut éclairer les zones d’ombre de notre monde.

  Cela peut susciter des réactions violentes et Jean-Baptiste sera l’un des premiers martyrs. Le roi Hérode ne supportera pas ses critiques et le mettra en prison avant de le faire exécuter.

  De tous temps, les martyrs, les témoins sont ceux qui ne se sont pas tus. Ceux qui n’ont pas utilisé la langue de bois ; les théologiens parlent du patois de Canaan. Il faut appeler et dénoncer une injustice ou un crime par son nom.

Notre Eglise ne peut dissocier réflexion spirituelle et théologique de la mise en pratique de la Parole, sur le terrain, dans le monde et la société.

  Les récits de baptême et celui de Jésus en particulier sont empreints de cette dynamique, de cette force, de ce souffle de l’Esprit qui transforme les vies.

  Jésus attend lui aussi que tout le peuple, toute la foule soient baptisés pour recevoir le baptême à son tour.

  Pas de faste, de geste particulier pour lui. Comme pour les autres, une simple immersion dans le Jourdain, puis, nous dit Luc, la prière, cette mystérieuse communion entre le Père et le Fils.

 Le baptême de Jésus a-t-il des témoins ? Luc tire-t-il son récit du ciel qui s’ouvre et de l’Esprit Saint qui descend comme une colombe de la même source que Marc et Matthieu ?

Rappelons-nous que la colombe est symbole d’espérance, comme dans le livre de la Genèse et les récits de Noé et du déluge. Pas de terre ferme pendant de longues journées de navigation jusqu’à ce qu’une colombe prenne son envol et revienne avec un brin d’olivier.

Et nous aujourd’hui, en ce tout début d’année plein d’incertitudes et de questions, vers qui nous tourner, sinon vers le Christ mystérieusement présent parmi nous ?

  A travers les paroles qu’il reçoit de son père, c’est Dieu lui-même qui s’adresse à chacun d’entre nous pour nous dire, pour me dire : tu es ma fille, mon fils bien-aimé ; en toi, je trouve toute ma joie.

 C’est habité par cette certitude d’être aimé de Dieu et de contribuer à sa joie que nous pouvons aborder cette années 2022.

Amen

 

 

 

PREDICATION DE NOEL A TONNEINS. 25 DECEMBRE 2021.

Luc 2/22 à 32.

Chers Amis, chers frères et sœurs,

Alors qu’aujourd’hui nous fêtons Noël, la naissance du Sauveur, le texte proposé à la lecture commune pour les différentes Eglises chrétiennes narre les événements des jours suivants.

  La présentation d’un enfant au temple, à Dieu est tout aussi importante que sa naissance et ses parents Joseph et Marie ne sauraient déroger à cette règle religieuse.

  Les premiers versets de ce passage insistent sur la ferveur et la piété irréprochables du jeune couple ; entre la purification de la mère après l’accouchement et l’application rigoureuse de la loi juive pour un fils premier-né, les règles sont respectées scrupuleusement.

   Mais une rencontre, un événement viennent perturber ce qui aurait pu être une simple cérémonie de présentation et son modeste sacrifice.

  Syméon est un vieil homme et le texte nous donne 4 détails importants sur lui :

·       Il est juste

·       Il est pieux

·       Il attend la consolation d’Israël

·       Et l’Esprit-Saint est sur lui.

Cela fait beaucoup de qualificatifs, de qualités, d’attributs pour un seul homme. On aurait pu ajouter sa patience, faite de confiance et d’espérance car il a attendu longtemps.

  L’attente paisible, n’est-ce pas là une vertu qui fait si souvent défaut à nombre de nos contemporains ?  Syméon a attendu toute sa vie et cette attente est enfin récompensée. Il a vu de ses propres yeux, le Christ, le Messie de Dieu. Quel exemple de foi nous donne-t-il !

    Nous allons nous séparer tout à l’heure pour nous retrouver avec nos proches et fêter joyeusement et en famille pour la plupart d’entre-nous ce jour de Noël, ce jour que nous aussi avons attendu et non sans impatience pour les plus jeunes.

  Ne voyons pas en cette naissance un peu extraordinaire, un peu miraculeuse, un événement qui remonte à un passé lointain.

  Noël, c’est le fruit d’une espérance pour nous aussi hommes et femmes de 2021. Comme Syméon, le vieux sage, nous attendons la rencontre avec le Messie, avec le Christ que Dieu nous a envoyé et 2000 ans d’histoire chrétienne n’y changent rien.

  Le Christ, ce n’est pas celui d’hier, c’est celui d’aujourd’hui et de demain. Il est la promesse tenue, l’accomplissement de toutes les prophéties.

  Pour certain d’entre nous, la rencontre a été fugace, un peu trop rapide, superficielle. Pour d’autres, elle est plus marquante, plus prégnante. Elle laisse une empreinte indélébile. Pour quelques autres, elle est à venir, pour demain, après-demain.

  En ce jour de Noël et dans ce texte de Luc, Jésus à la figure d’un nouveau-né, d’un nourrisson. Nous « craquons », nous « fondons » littéralement devant la perfection d’un tout-petit ; nous nous émerveillons devant tant d’innocence et de pureté, nous sommes bouleversés par cette fragilité, cette totale dépendance.

  Le Jésus enfant va grandir ; il forcera l’admiration à 12 ans dans le temple puis deviendra un prédicateur itinérant qui annoncera un Royaume qui n’est pas de ce monde.

  Peu importe le Jésus qui nous touche le plus ; le bébé, l’adolescent, le leader d’un petit groupe de galiléens qui voyage de villages en villages en enseignant par des paraboles.

  Peut-être l’avons-nous déjà croisé, après une longue attente. Peut-être nous a-t-il pris par surprise et nous l’avons rencontré dans la rue, dans un regard, dans un berceau ou dans les bras de sa mère.

  La seule certitude que nous avons, c’est que notre joie a été immense, intense, ne pouvant se comparer à aucune autre.

 Comme Syméon, un sentiment d’accomplissement et de plénitude nous habite ce matin. Aux 4 coins de la planète, les chrétiens fêtent la venue dans le monde du Messie. Ils s’émeuvent devant cette faiblesse, cette vulnérabilité qui restera la marque de ce Dieu fait homme. Elles remettent en cause l’image d’un Dieu tout-puissant, fort et empli d’une supériorité tant matérielle que spirituelle.

   Dieu se laisse découvrir et rencontrer dans l’infinie fragilité d’un tout-petit et Syméon ne s’y est pas trompé. L’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu l’avait averti. Est-ce ce même Esprit qui nous pousse dimanche après dimanche et ce matin de Noël à franchir les portes du temple ? Allons-nous faire une découverte, entendre une parole qui va embellir notre vie ?

   Le miracle de Noël, c’est celui du mystère de la transmission de la vie, c’est s’extasier devant la perfection d’un enfant. C’est se rappeler inlassablement que l’aventure chrétienne part d’une naissance au Proche-Orient, d’une vie rapportée par les 4 évangélistes qui ont écouté les récits des rares témoins.

Oui la foi de Syméon est un bel exemple aussi pour nous aujourd’hui. Une existence entière à croire, à servir et espérer. Sa certitude est de l’ordre d’un savoir : il sait qu’il ne quittera pas cette vie sans que Dieu ait tenu sa promesse.

   Dans nos vies agitées, un peu bousculées, il peut aussi y avoir ce point de basculement, ce choc, cette émotion, suscitée par la rencontre avec le Seigneur. Pour certains d’entre-nous, ce face à face a déjà eu lieu.

   La connaissance de Ecritures, une foi solide, mélange de prudence et d’audace nous permettent d’être clairvoyants. Méfions-nous de ceux qui prétendent posséder le Christ et la vérité. Ils nous promettent sagesse, bien-être, abondance et richesses. Rien de tout cela avec Jésus. Il est celui qui dira : « Si tu veux être le plus grand de tous, soit au service de chacun » et « Les premiers seront les derniers tandis que les premières places seront pour les derniers ».

  La vie et les 3 ans de ministère du Seigneur illustrent à merveille ses propos. Il n’y a pas de distorsion, de décalage entre ce qu’il dit et ce qu’il fait.

  Peu nombreux sont ceux qui auraient parié sur le destin de ce petit galiléen né au sein d’une famille pauvre dans l’humilité d’une étable.

Adulte, constamment en route, en marche entre Galilée, Samarie et Jérusalem en Judée, rien n’aurait pu distinguer Jésus de ses contemporains. Des agitateurs, des prophètes itinérants, il y en avait d’autres dans le pays d’Israël.

Mais rappelons-nous que l’on trouve dans la Bible ce propos : Rien n’est impossible à Dieu.

  Ce qui n’aurait pu être qu’un naufrage, un fiasco, un échec, ce Christ condamné au supplice de la croix, va se révéler plus fort que la mort car Dieu le ressuscite le 3eme jour.

  Comme Syméon, faisons preuve de patience. Sachons que l’attente peut être longue. Souvenons-nous que l’échelle du temps des hommes n’est pas la même que l’échelle du temps de Dieu. Pour Lui, nous dit l’Ecriture, 1000 ans sont comme un jour.  Ce rapport au temps qui relativise la durée de nos vies terrestres est là pour nous rappeler que le Christ nous invite à goûter son éternité.

   L’humanité depuis bientôt 2 ans et notre pays bien évidemment traversent une crise qui a eu des précédents même si on l’a un peu oublié.

  Les anciens avaient gardé en mémoire les souvenirs des grandes épidémies du XXème siècle ; ils n’avaient pas oublié les tragédies et les conflits mondiaux.

Nous ne savons pas encore quand l’épidémie du Covid s’éteindra. Elle nous fait vivre à nouveau un Noël un peu particulier, entre joie et crainte, prudence et courage.

  De ces 4 mots, retenons la joie et le courage. Joie de Syméon lorsqu’il constate que Dieu tient ses promesses et joie de voir confirmées toutes les prophéties annoncées dans les Ecritures.

  Courage aussi, car nous en aurons besoin pour faire face à cette crise qui ronge les liens que nous avons patiemment noués, qui nous forcent à garder nos distances et changent toutes nos habitudes de vie.

Pensons à toutes les épreuves déjà traversées par les générations qui nous précédent et leur immense espérance de voir la fin de leurs tourments.

Que la joie de ce jour de Noël et le courage d’affronter les difficultés que nous rencontrons nous accompagnent.

Faisons notre ces paroles de Syméon :

« J’ai vu de mes propres yeux ton salut, ce salut que tu prépares devant tous les peuples.

C’est la lumière qui te fera connaître aux populations et qui sera la gloire d’Israël, ton peuple »

Amen.

  

PREDICATION DU CULTE DU 24 DECEMBRE 2021 A MARMANDE

Matthieu 1/18 à 24

Chers frères et sœurs, chers amis,

Ça y est, nous y sommes arrivés à ce Noël 2021, à ce jour de fête. Comme l’année a été longue, bien difficile pour beaucoup d’entre nous.

  Pourtant un nouveau Noël est là et nous nous rappelons que tout est parti d’un événement en apparence insignifiant, dérisoire ; la naissance d’un petit enfant au sein d’un couple qui serait resté anonyme et inaperçu si cette venue n’avait bouleversé l’humanité toute entière.  

Des 4 évangélistes, seuls Matthieu et Luc évoquent la nativité. Il est possible que cette narration fasse place à l’imagination, voir la fantaisie de ses auteurs. Nous pensons maintenant, que Matthieu a cherché sans doute à magnifier et enrober de mystère la conception et la naissance de Jésus.

   Le petit enfant de Bethléem, devenu Jésus le Christ est le personnage principal des 4 Evangiles mais tous les personnages qui gravitent autour de lui ont de l’importance, à commencer par Marie et Joseph.

  Joseph est justement au centre de ce passage et son rôle souvent minoré ne doit pas faire oublier son importance. On pourrait l’appeler « le rêveur silencieux », le « doux serviteur », le « père et le mari bienveillant ».

  Quel personnage étonnant, surprenant que ce Joseph qui va donner en héritage toute sa généalogie à Jésus faisant de lui un fils de David. Joseph ne prononce pas un mot dans les récits du Nouveau Testament mais il est tout acquiescement et obéissance.

  Sa situation, telle que nous la présente Matthieu n’est pourtant pas des plus faciles. Il apprend en effet que sa fiancée, avec laquelle il n’a pas encore eu de relations intimes, est enceinte. Pas de colère, de réactions violentes, de gestes de dépit ou de paroles de condamnation. Il prend simplement la décision la plus logique dans le contexte social et religieux de son époque, une répudiation, discrète, secrète. Il ne veut pas jeter l’opprobre sur sa promise.

Est-il juste parce qu’il souhaite observer scrupuleusement la loi juive en cas d’adultère ? Ou bien plutôt est-ce sa bonté qui le justifie car il ne souhaite pas punir une jeune fille qu’il juge innocente ? Fait-il preuve d’humilité en refusant de se faire passer pour le père d’un enfant qu’il sait avoir un destin divin ? Nous n’avons pas les réponses.

  Aucun détail ne nous est donné sur les doutes et les questions qui doivent habiter Joseph. Le texte nous dit simplement qu’il a pris sa décision sans vouloir porter tord à sa fiancée, peut-être pour lui permettre d’épouser le vrai père de son enfant.

  Ce texte peut légitimement nous interroger sur la question et le sens de la paternité ; les qualificatifs que l’on adjoint au mot père sont nombreux, père adoptif, père naturel, père spirituel, etc.. 

  Nul ne sait lequel conviendrait le mieux à Joseph, cet homme silencieux, taiseux, presque taciturne et qui se laisse guider par ses rêves. Dans ce rêve en particulier, la Parole de l’ange du Seigneur sonne comme une injonction rassurante : « Ne crains pas ! »

Combien de fois, nous-mêmes, dans des situations difficiles, en apparence inextricables, dont les conséquences auraient pu être lourdes, n’avons-nous pas eu besoin d’entendre cette parole : « Ne crains-pas » ?

  Face à nos doutes, nos interrogations, nos peurs du « qu’en dira-t-on », la Parole de Dieu nous rassure et nous réconforte.

 Dans cette nuit de Noël, goûtons à la saveur de ces simples mots, maintes fois répétés dans la Bible : « N’aies pas peur ! Tu ne comprends peut-être pas tout, la réalité des faits vient heurter la raison, la logique mais je suis là et j’ai besoin de ta participation, ta contribution à mon œuvre. »

  Quels ont pu être les peurs et les réticences de Joseph à l’idée d’endosser cette paternité ? La peur du regard des autres, celle de ne pas respecter la loi, les doutes sur la moralité de Marie ?

  Mais sa réponse est celle de la foi, cette foi qui est le contraire de la peur. La foi, c’est une assurance, une solide certitude que rien n’est impossible à Dieu. Même si je doute, si je me questionne sur certains points qui heurtent ma conscience, ma morale, mes valeurs, je crois que le Seigneur a le pouvoir d’intervenir dans mon quotidien, de bousculer mes habitudes.

Nos esprits cartésiens cherchent à tout prix des explications, qu’elles soient biologiques, scientifiques ou à défaut raisonnables sur cette conception qui a suscité tant de débat et de discussions passionnées. La raison et le doute peuvent aller de pair avec la foi dans ce qu’elle a de plus extraordinaire et plus fou.

  Relevons que l’évangéliste Matthieu cherche à rattacher cette origine miraculeuse de l’enfant Jésus à une annonce prophétique que l’on trouve dans le 1er testament chez Esaïe : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel » Cette traduction de la Septante, version grecque du premier testament prête peut-être à confusion ; dans le texte en hébreu, le mot traduit par vierge signifie simplement jeune fille. Se pourrait-il qu’une traduction approximative ait attribué à Marie une virginité mystérieuse ?

  Dans le texte de Matthieu, Joseph n’est pas qu’un personnage secondaire, « père adoptif » de celui qui deviendra le Messie. Il est celui qui lui donne son nom « Jésus » qui veut dire « Dieu sauve ». L’évangéliste rapporte nous l’avons vu ce 2eme terme seulement notifié dans ce passage, l’«Emmanuel » qui signifie « Dieu avec nous ».

  Jésus sera à le fois le Sauveur et la manifestation de la présence de Dieu avec nous.

  Dans chaque naissance, il y a un avant et un après. Naître, c’est entrer dans la vie, c’est débuter son existence au sein de la communauté humaine et l’enfant Jésus ne fait pas exception à la règle. Il est pleinement parmi nous.

  Mais il s’inscrit dans le plan de Dieu, dans son projet de salut que Matthieu argumente en citant le prophète Esaïe.

  Cela change-t-il mon quotidien aujourd’hui ? Cette conception mystérieuse, cette naissance humble et si souvent représentée par des artistes, amène-t-elle de la nouveauté, de la fraicheur et de l’espérance dans ma vie ?

 Nous chrétiens, répondons à ces questions par l’affirmative. Cette naissance que nous fêtons chaque année à Noël, cette arrivée du Messie dans l’histoire, sans tambours ni trompettes, ouvrent la porte sur une nouvelle ère, un temps nouveau. Il y a vraiment un avant et un après.

 Regardons autour de nous : y découvre-t-on les frémissements de la nouveauté ? L’espérance est-elle là sur notre vieille planète ? Arrivons-nous à communiquer et partager sur ce Messie dont le monde a pourtant tant besoin ?

  Les maux de l’humanité nous rongent ; la solitude, la maladie, l’indifférence, toutes les souffrances dues au Covid et la crise sociale, économique, écologique et sanitaire qui en découle. La seule nouveauté, la seule espérance, c’est Jésus qui nous la donne en ce Noël 2021.  Toutes les générations et la jeunesse en particulier peuvent se réjouir.

 A l’image de Joseph qui se laisse guider par son rêve, nous pouvons reconsidérer notre vie, y apporter des changements. Dans les récits de la nativité, tout semble accabler Marie, à la fois victime et responsable d’une grossesse inexpliquée.

   Pourtant, Joseph a fait le choix de ne pas la condamner, de ne pas la rejeter. Il a décidé de croire à la parole de l’ange du Seigneur, cet ange qui lui a parlé pendant son sommeil, durant son rêve.

  D’autres hommes, d’autres femmes, d’autres disciples ont également cru en leur rêve. Ils ont traduit en actes ce qu’ils pensaient être les messages et la volonté de Dieu.

  Noël que nous fêtons ce soir est en premier lieu une joie, joie profonde, accomplissement des prophéties et réalisation des promesses annoncées dans le 1er Testament.

  Il arrive que des rêves enfouis, des espérances souterraines et intimes, soient, lorsqu’elles se concrétisent à l’origine d’une grande joie. L’arrivée d’un enfant en est ainsi souvent une. La réalisation d’un projet communautaire, projet d’Eglise, de solidarité peut aussi être une grande joie. Ne dit-on pas, il a porter ce projet comme on porte un enfant et il a finalement accoucher d’une belle réussite.

  Marie et Joseph acceptent l’une et l’autre d’endosser de rôle que Dieu leur a assigné et ils rendent ainsi possible l’avènement de Jésus, le Christ Sauveur.

Peut-être que la Bonne Nouvelle de Noël, elle réside là, dans la simplicité de ce couple qui, guidé par Dieu et ses anges acceptent d’accueillir un enfant dont ils ne maîtriseront jamais le destin.

  De sa conception à sa mort sur la croix, de sa naissance à sa résurrection, tout au long de son ministère, Jésus sera entouré de témoins, hommes et femmes simples, de leur temps.

Joseph en est un, incontournable même s’il est un peu délaissé dans notre théologie protestante. Il est vrai qu’il ne dit pas un mot et que l’on parle très peu de lui par la suite.

  Il reste le juste, celui qui fait preuve d’obéissance et de compassion, qualités précieuses pour Dieu.

  Alors ce soir, réjouissons-nous dans la simplicité et la joie. Que la fête qui s’annonce soit pleine de rires et de tendresse car Dieu se réjouit avec nous. Jésus, l’Emmanuel est là auprès de chacun, chacune et nous avons un immense besoin de lui dans ces temps difficiles emplis d’incertitudes.

 Ne le cherchons pas ailleurs que dans notre quotidien, dans la Parole vivante que proclame son Eglise.

Noël c’est le jour de la bénédiction pour toute l’humanité !

Alors joyeux Noël !!

Amen

 

 


PREDICATION DU 19/12/2021 A MARMANDE

Hébreux 10/5 à 10 et Luc 1/39 à 45

Chers amis,

Quoi de plus simple, de plus naturel que cette rencontre entre deux cousines, deux parentes, telle qu’elle est relatée dans l’Evangile de Luc.

   Pour une fois que dans la Bible, les femmes ont le premier rôle, ne boudons pas notre plaisir.

  Elisabeth et Marie partagent un secret et une promesse. Ce secret, c’est le projet que Dieu a pour leurs enfants et il leur a été confié par l’ange Gabriel nous dit l’évangéliste.

  En premier lieu, relevons que pour l’une comme pour l’autre, leur grossesse est présentée comme extraordinaire.

  Elisabeth, la femme du prêtre Zacharie est stérile et avancée en âge. Marie est une toute jeune fille, le terme grecque qui la désigne, parthénos, veut également dire « une vierge ».

   Aujourd’hui, que dirions-nous face à une femme devenue enceinte tardivement ou bien face à une adolescente heureuse d’attendre un enfant ?

  Plutôt que de voir toutes les complications, toutes les difficultés inhérentes à l’arrivée d’un bébé, saurions-nous nous réjouir avec elles ?

  On peut légitimement s’interroger sur la réalité de ces deux grossesses, ces conceptions « miraculeuses » avec tous les dogmes et les réflexions théologiques qui ont bien souvent divisé et interrogé les Eglises et les chrétiens.

  Laissons à chacun, chacune la liberté de se faire une opinion en n’oubliant pas que l’Evangile de Luc aurait été rédigé et écrit 50 ans après la dernière Pâques. Rappelons-nous également que l’évangéliste ne fait pas un travail d’historien mais qu’il a pour objectif de témoigner de la venue, de la vie, de la mort et de la résurrection du Messie, Jésus le Christ.

  Replongeons-nous dans ces quelques versets qui relatent la visite de Marie à sa cousine. On est frappé par le caractère d’urgence que l’on ressent au début du récit. Marie part en hâte pour retrouver sa parente. Ce n’est pourtant pas un petit voyage, une petite randonnée. Elle quitte sa Galilée natale, va traverser la Samarie pour rejoindre la ville de Juda où habitent Zacharie et Elisabeth. Cela représente sans doute un voyage de quelques jours.

Cette visite, cette rencontre, Luc nous les présentent comme relevant d’une nécessité impérieuse, d’un désir profond de la jeune Marie de se trouver auprès de sa parente.

  A l’époque, pas de téléphone, de portable, de mail pour annoncer sa venue. Les moyens de communication sont très réduits et les nouvelles mettent du temps à parvenir. Marie était-elle seulement attendue chez sa cousine ?

  Luc évoque la salutation de Marie et relevons que celle-ci n’est pas une simple formalité dans l’antiquité. Elle est une véritable bénédiction sur son interlocuteur, son vis-à-vis, sur la maison qui accueille ; elle peut vouloir dire : « Que la paix soit sur toi » ou être comme un « bon-jour », un « bon-soir », « je te souhaite le meilleur pour les temps présents et à venir » ;

  Dans ce récit, où des femmes, des futures mères ont le premier rôle, la promesse des fils à venir est source de joie et de fierté.

Aux temps bibliques, mais aujourd’hui encore dans beaucoup de cultures, jusqu’en occident il n’y a pas si longtemps, c’est l’arrivée d’un enfant et le plus souvent d’un fils qui conférait à la femme sa dignité.

 Cette attente, ce temps où une femme porte en elle l’enfant à venir est bien souvent synonyme de joie et d’accomplissement.

  Ce qui frappe chez les personnages du récit de Luc, Elisabeth et son mari, le prêtre Zacharie, Marie, c’est leur obéissance, leur abandon confiant à la parole de Dieu, cette parole transmise par l’ange Gabriel. Pas de refus, de révolte ; la soumission les caractérise. Certes la foi éclatante des deux femmes contraste avec les doutes de Zacharie, ce qui d’ailleurs le rendra muet jusqu’à la naissance de son fils.

   Une simple parole les a mises en marche ; elle change leur vie, leur ouvre des perspectives.

Je m’interroge et tous ensemble nous pouvons faire le point sur nos vies : y trouve-t-on une ou deux paroles qui les ont faites basculer dans une autre dimension, une autre réalité, celles d’un Dieu présent et agissant ?

  Sommes-nous prêts à tressaillir de joie lors d’un événement ou d’une rencontre imprévue ? Sentirons-nous l’Esprit Saint jaillir en nous ?

 Pour Elisabeth, la réaction est immédiate à l’arrivée de sa jeune cousine : elle crie. Ce cri, il nait du plus profond d’elle-même en même temps que l’enfant qu’elle porte tressaille en elle. Jean, qui sera Jean Baptiste, comme Jésus ont été choisis par Dieu.

 Ce cri, cette bénédiction prononcée sur Marie et le fruit précieux qu’elle attend est le premier témoignage d’amour à l’égard du Seigneur Jésus.

Comme il importe que chaque enfant soit espéré, attendu ; qu’il s’inscrive dans un projet de vie empreint d’amour.

  Par-delà les questions, les doutes sur l’authenticité et la véracité des faits rapportés sur Marie, la venue de Jésus, Luc propose un récit construit, clair et simple.

 Jésus aura une mère, une famille ; il va naitre dans un contexte historique et géographique donné et tout en étant pleinement homme, sa dimension messianique, sa mission de salut sera totale et connue et reconnue de ses proches avant même sa naissance.

  Elisabeth, la vieille femme s’abaisse devant sa jeune cousine. Elle confesse qu’elle porte en elle son Seigneur, terme qui désigne le Messie.

 Aujourd’hui, cela nous pousse à nous interroger sur la valeur infinie d’un enfant, d’un nouveau-né, d’un bébé. Trouve-t-on une existence plus sacrée que celle d’un enfant ? Et comment ne pas être révolté quand auprès, au loin des enfants sont meurtris, maltraités, violentés ? Comment ne pas penser à ces femmes migrantes qui accouchent en mer dans des conditions atroces ?

 Luc nous révèle dans ce premier chapitre de son évangile le double projet que Dieu a pour ces deux enfants.

  Pour que son plan puisse se réaliser point par point, encore faut-il que les servantes et les serviteurs acceptent d’y coopérer, de contribuer à sa réalisation. Une fois de plus, nous découvrons que Dieu a besoin des médiations terrestres, qu’il ne peut passer outre notre condition d’humains.

  Aujourd’hui encore, le Père céleste a besoin de familles solides, de parents aimants, de serviteurs humbles et zélés pour travailler à l’éducation et la croissance des enfants, de la jeunesse.

   La foi joyeuse d’Elisabeth, son cri lorsque Marie rentre chez elle et la salue sont à rapprocher de la joie que nous avons peut-être ressenti à l’annonce d’une bonne nouvelle et l’annonce d’une grossesse en est une le plus souvent.

  Le miracle de la transmission de la vie, de la conception à la naissance, puis de la croissance, du nourrisson à l’enfant, de l’enfant à l’adolescent, puis de l’adolescent à l’adulte n’ont pas fini de nous interroger et de nous émerveiller.

   La singularité de cette rencontre entre les deux femmes nait de l’irruption de la Parole, Parole qui accueille, Parole qui bénit, Parole qui réjouit.

  Cette Parole, c’est celle de Dieu, garant de la promesse faite à Marie et Elisabeth. Il n’y a pas de doutes possibles pour ces deux cousines ; Dieu a un projet pour leurs fils et elles sont prêtes à le croire avec une ferveur et une disponibilité totale.

  Attendre et croire, croire et attendre ; je crois que ces deux verbes caractérisent la foi chrétienne à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui.

  Dans un très bel article paru dans le journal Réforme début décembre, le théologien protestant Jean-Paul Morley évoque la figure de Dieu face aux dérèglements climatiques et face à la crise actuelle. Pour lui, la prière ne doit pas demander d’improbables miracles, cosmiques ou matériels mais bien plutôt une présence, une tendresse et une direction. Plus qu’un salut ici-bas, il s’agit pour les hommes de faire vivre, de donner corps à l’amour et à la fraternité.

  Cette prière, écrit-il, se fera alors attente, promesse reçue d’un pardon, de cette présence, cette tendresse que l’on découvre aussi chez Elisabeth et Marie.

 Les deux femmes nous donnent un exemple de foi, d’accomplissement de la volonté de Dieu.

Les épreuves surviendront ; Jean le Baptiste sera assassiné, Jésus crucifié mais ils auront réalisé leur mission prophétique et messianique.

Elisabeth et Marie ont cru, et l’incroyable, l’improbable, l’inattendu ont surgi, se sont réalisés. « Rien n’est impossible à Dieu » avait dit l’ange à la jeune femme.

  Elle et sa cousine ont dépassé leur crainte, leur incrédulité et ont mis leur vie au service de Dieu.

A nous aussi, il dit : Bien heureux, bien heureuse, celui, celle qui a cru ; ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira.

Amen

PREDICATION POUR LE CULTE DE TONNEINS DU 12 DECEMBRE 2021.

Phil. 4/ 4 à 7 et Luc 3/10 à 18.

Chers Amis, chers frères et sœurs,

 

Des prophètes, des foules qui les suivent et les questionnent, il y en a toujours eu, en particulier lors des périodes troublées et agitées.

Aux temps bibliques, ils devaient être nombreux mais les évangélistes ont retenu le parcours et le récit de Jean, Jean le Baptiste qui préfigure la venue de Jésus.

  Où sont les prophètes d’aujourd’hui ? En ce nouveau temps de l’Avent qui voit perdurer une crise sanitaire sans fin, en cette période de campagne électorale qui ne suscite ni de grands espoirs, ni d’enthousiasme, peut-être même de l’inquiétude, y-t-il quelqu’un qui peut répondre à la question lancée par la foule et les interlocuteurs de Jean, question que nous pouvons également faire nôtre : « Que devons-nous donc faire ? »

A cette question lancinante posée, Jean répond simplement : soyez généreux, honnêtes et intègres. Ne profitez pas des avantages que vous donnent votre statut de collecteurs d’impôts ou de soldats. Ces qualités demandées par le prophète, on aimerait qu’elles soient partagées par beaucoup de grands de ce monde, de décideurs, de responsables et d’élus.

  Mais c’est aussi à moi, personnellement, dans le secret de mon cœur que Jean-Baptiste s’adresse. Lui qui annonce le Messie, ne défend pas une morale, il ne nous dicte pas une conduite à tenir. Il ne nous donne pas d’ordres ; avec lui, pas de « il faut que… ».

  A quelques jours de Noël, jour de joie, de plénitude et d’espérance, reprenons ce bref passage de l’Epître de Paul aux Philippiens qui était également une lecture de ce jour : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps ; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Le Seigneur est proche. »

   Il est difficile de se réjouir pour ceux que les soucis accablent ; la maladie, les fragilités du grand-âge, la solitude, les regrets pour ce que l’on n’a pas fait, pas dit, pour cette jeunesse qui est souvent cruellement absente de notre Eglise ; tout cela en fait des raisons d’être soucieux et même malheureux.

   Mais plutôt que de compter sur nos propres forces, nos qualités, plutôt que de s’attrister pour ce monde traversé par la morosité, prenons le parti de la joie dès maintenant pour ce Noël qui vient, pour la venue du Messie, de l’enfant de Bethléem. 

  La joie, les réjouissances, le bonheur ne se décrètent pas. Ils ne relèvent pas de nos richesses matérielles et financières ou de notre situation sociale. Il y a de pauvres gens heureux et des nantis désespérés, nous le savons bien.

  Peut-être que les qualités demandées par le prophète Jean, générosité, honnêteté et intégrité portent, lorsqu’elles sont pratiquées, des promesses de fruits abondants, de la joie et de la sérénité.

  Nous savons, au fond de nous-mêmes que notre comportement vis-à vis des autres, conditionne notre équilibre, notre bien-être et notre bonheur. Je ne peux être heureux tout seul dans mon coin ; la joie, le bonheur sont contagieux et se vivent en communion, en communauté et quand on en a la chance d’en avoir une, en famille.

   Ecoutons Jean, si proche de Jésus et qui se déclare indigne de délier la lanière de ses sandales. Il y a peut-être dans nos Eglises, des frères, des sœurs qui ne font pas de bruits, que l’on entend peu qui, comme Jean ne se sentent pas digne de servir le Seigneur ; pourtant, ils agissent, ils s’engagent pour aider les autres et faire vivre l’Eglise. Dans la société également, ce ne sont pas toujours ceux qui occupent les premières places qui sont les plus grands serviteurs.

  Jean, puis Jésus s’adressent aux gens simples, au peuple, qu’ils appellent à un changement intérieur radical. La Bonne nouvelle de Jésus n’est pas proclamée pour nous culpabiliser, nous rendre malheureux face à nos imperfections. Elle nous appelle à nous réjouir car à toutes les étapes de nos vies et quelles qu’aient pu être nos erreurs, la rencontre avec le Christ est possible.

  On peut relever que Jean dans ce récit ne s’adresse pas à des personnes irréprochables. Les collecteurs d’impôts sont détestés de la bonne société religieuse car bien souvent, ils s’enrichissent en collaborant avec les Romains. Les soldats sont les représentants d’une force d’occupation et leur comportement est craint et redouté car ils peuvent employer parfois la force militaire de manière excessive.

  A tous ceux-là, Jean propose le baptême car il sait que celui qui vient après lui, le Christ accueille et accueillera tout le monde, sans restriction ni distinction.

Il ne s’agit pas plus pour les contemporains de Jésus que pour nous de changer de vie de fond en comble. Le collecteur d’impôt reste collecteur d’impôt, le soldat reste soldat. Aujourd’hui, nous pouvons garder notre situation, notre statut social et nos activités. Mais nous pouvons en parallèle mettre de l’ordre dans nos vies, prioriser certaines choses, en laisser d’autres.

  A la question du départ, « Que nous faut-il donc faire ? » peut répondre une petite révolution intérieure, une remise en cause de nos valeurs qui n’aboutira pas à un bouleversement apparent dans la vie. Cela n’exige pas de renoncements draconiens, de changements irréversibles ou impossibles.

  La radicalité de la rencontre avec le Seigneur ne fait pas de bruits. Elle s’opère en silence, se traduit par des choix de vie qui suscitent des attitudes nouvelles, des paroles rares qui ont du poids.

  Le disciple ne sait pas toujours clairement pourquoi il répond à l’appel du Christ, pourquoi il demande le baptême pour lui, pour elle, pour ses enfants.

   Peut-être sentons-nous, comme l’annonce Jean, que le baptême est une étape dans la rencontre avec celui qui est plus grand que nous, qui dépasse tous nos entendements, toutes nos faiblesses.

  La relation au Christ a ainsi besoin de signes, de symboles, de rites et le sacrement du baptême est tout cela à la fois. Il annonce le baptême d’Esprit Saint et de feu évoqué par Jean.

   L’Esprit Saint permet une relation directe avec Dieu tandis que le feu évoque le jugement et la purification.

  Nous n’avons pas à craindre le jugement ; Dieu, en Jésus-Christ manifeste une tendresse infinie envers les pécheurs que nous sommes. Rappelons-nous que nous sommes nous aussi une source de joie pour le Seigneur. Il le dit Lui-même dans ce même Evangile de Luc : « Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change de vie que pour 99 justes qui n’en ont pas besoin. »  (Luc 15/7)

   Je crois que la séparation, la ligne de démarcation entre le juste et l’injuste concerne avant tout nos luttes intérieures plus qu’un tri entre les individus, les bons et les méchants, les perdus et les sauvés.

   Nous sommes ambivalents ; souvent partagés entre désir de servir et égoïsme, entre générosité et désir de posséder.

  Jean, avec le baptême, puis Jésus avec celui d’Esprit Saint et de feu nous appellent à relire notre vie, à la passer au crible, au tamis de l’Evangile.

  Débarrassés de l’angoisse du salut qui ne dépend ni de nous, ni de nos actions, nous pouvons mettre toute notre foi au service de Dieu, des autres et accueillir comme un enfant la joie qui en découle.

  Relevons à nouveau que, dans l’Evangile de Luc, Jean-Baptiste s’adresse absolument à tout le monde. Il n’exclue personne de la Bonne Nouvelle. Les foules, les publicains, les militaires, tous se tournent vers ce prophète surprenant qui n’annonce pas de bouleversements politiques, sociaux mais une révolution religieuse et spirituelle.

  Jean n’est pas le Christ et il dénonce clairement les propos de ceux qui le croient. Nous aussi, aujourd’hui, devons faire preuve de discernement face à tous les prophètes auto-proclamés. Méfions-nous de celles et ceux qui promettent beaucoup, richesses, sagesses, pouvoirs et reconnaissance sociale.

Le disciple ne s’attache pas aux apparences souvent trompeuses, au clinquant, au superficiel.

  En ce temps de l’Avent qui précède les fêtes de Noël, attachons-nous à voir au-delà, au-delà des lumières, des cadeaux et des guirlandes. N’oublions pas nos frères et sœurs en souffrance, notre Eglise et les besoins pressants de tant de nos contemporains.

  Soyons conscients que le bien le plus précieux, la richesse la plus essentielle, le présent le plus cher, c’est cette joie qui nous est offerte ; joie déposée au pied du sapin, joie d’être rassemblés, joie d’aimer et de se savoir aimés les premiers.

   « Réjouissez-vous d’être unis au Seigneur » écrit Paul dans son Epître aux Ephésiens. C’est avec une prière que je vais terminer ma prédication :

 

Réjouissez-vous avec le pardon

Car rien n’est aussi puissant

Pour renverser les situations

Et pour établir la paix au-dessus des haines.

 

Réjouissez-vous avec le partage

Car toute misère peut être vaincue.

 

Réjouissez-vous avec la justice,   .

Sans elle, il n’y a pas d’humanité.

 

Réjouissez-vous avec la tendresse,

C’est l’unique soleil

Pour traverser les nuits et les jours.

 

Réjouissez-vous !

Je suis venu

Je suis né pour vivre avec vous.

Je m’y engage : Parole de Dieu.

 

AMEN

PREDICATION DU DIMANCHE 28 NOVEMBRE 2021. A TONNEINS.

Luc 21/25-36.

Chers Amis,

Ça y est, nous y voilà dans ce temps de l’Avent, temps qui débute l’année liturgique et qui va nous mener jusqu’à Noël.

  A la lecture de ce texte de Luc, nous sommes peut-être partagés entre angoisse et confiance en l’avenir, entre peur pour demain et espérance.  En contemplant notre quotidien, le monde qui est le nôtre, nous nous sentons effectivement écartelés entre une légitime anxiété, des questions sans réponses et notre foi, nourrie par la certitude que les épreuves du quotidien ne feront pas barrage aux jours meilleurs.

  La description et les conséquences de ces temps de destruction et de désolation n’est pas vraiment rassurante ; même les réalités célestes, soleil, lune, étoile seront ébranlées. Nombreux sont ceux qui spéculent sur ces temps d’épreuves pour manipuler nos contemporains en les obligeant à adhérer à des idéologies extrêmes ; les tensions sociales, politiques, sanitaires et diplomatiques y contribuent. Jésus nous rappelle qu’il ne faut pas céder à la peur, ne rien concéder aux apôtres du déclinisme qui annoncent la fin du monde à chaque génération.

   Il prophétise peut-être sa mort prochaine, mais aussi la destruction du temple et de la ville de Jérusalem donnant à ses auditeurs quelques conseils, un peu comme un programme, une ligne de conduite à tenir, une juste attitude à adopter.

  « Redressez-vous, levez la tête, votre délivrance approche » leur dit-il. Mais de quoi donc les disciples, nous aujourd’hui devons-nous nous prémunir ? Peut-être de la peur, cette peur qui paralyse, qui rend passif et inactif.

  Jésus nous demande d’être sur nos gardes, de veiller et de prier. En ce temps de l’Avent, durant lequel nous allons cheminer doucement vers la joie de Noël, rappelons-nous que chaque vie humaine, chaque génération connaissent leurs lots de difficultés, leurs périodes de doute, leurs désillusions.

Pourtant, nous croyons qu’aux carrefours de la vie, au début du chemin comme à sa toute fin, Jésus est là et nous accompagne.

« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas ». Dans ce monde et cette vie bousculée, agitée, où les valeurs, les priorités d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui, où celles d’aujourd’hui ne résisteront peut-être pas au temps qui passe, demeure la parole qui telle une bouée, un canot de sauvetage, nous préserve du chaos, du néant et de la mort.

L’ébranlement du cosmos que Jésus évoque ne doit pas être source d’inquiétude. Cette apocalypse, cette révélation peut plutôt être considérée comme une remise en cause de tout ce qui ne procède pas de Dieu, les idoles, les puissances de ce monde, les pouvoirs oppressifs, les appétits féroces et destructeurs.

  Les croyants, les disciples ne courent pas à leur perte, mais avancent vers leur salut, vers la vérité, l’avènement d’un nouveau ciel, d’une nouvelle terre.

   Cela n’est-il qu’une vue de l’esprit ? Est-ce un vœu pieux, la bonne vielle litanie de la méthode Coué qui consiste à dire « ça va, ça va » quand tout va mal.

Non les paroles de Jésus ne sont pas de simples incantations, superficielles ; elles nous obligent à la lucidité et à la vigilance.

  Quel est le message de notre Eglise en cette fin d’année 2021 ? Est-il audible, écouté, consulté ? Utilise-t-il les bons canaux, les bonnes méthodes, les bons moyens pour diffuser et témoigner de l’Evangile de Jésus-Christ ?

  Sommes-nous disposés à entendre ce message et disponibles pour le mettre en pratique ? Dans ce monde et cette société qui changent en permanence, qui évoluent sans cesse, la Parole reste une référence ultime, une bonne boussole qui nous donne la direction.

  Jésus nous demande d’ouvrir les yeux, d’observer la vie autour de nous pour y détecter les signes annonciateurs du Règne de Dieu. C’est difficile mais c’est possible. Le maître utilise l’image du figuier, de l’arbre qui bourgeonne, promesse de jours d’été et de fruits abondants.

La prise de conscience de l’urgence écologique, en particulier par la jeunesse est sans doute un signe encourageant. L’espérance du Règne de Dieu, la reconnaissance de sa proximité, c’est une réponse, une contestation face à la fatalité du mal, un refus, une opposition à toutes les haines, l’indifférence, face à toutes les idéologies mortifères qui prônent l’individualisme et le chacun pour soi.

  Confrontés aux épreuves, aux tracas, aux soucis du quotidien, nous pouvons faire le choix d’offrir une foi vivante, nourrie par la Parole, l’engagement, des gestes de solidarité et d’entraide.

  Autour de nous, les mauvaises nouvelles abondent ; crise sanitaire sans fin, 5ème vague, tragiques noyades de migrants dans la Manche et en Méditerranée, violences en outre-mer, guerres au Moyen-Orient, dans plusieurs pays d’Afrique, tensions internationales …le catalogue pourrait encore être long.

  En ce premier dimanche de l’Avent, réjouissons-nous simplement de cette venue annoncée du Sauveur, de cette promesse incarnée en Jésus-Christ.

  Cette joie qui peut être la nôtre, cette sérénité qui nous habite n’est pas toujours synonyme de réponse à toutes les souffrances qui nous entourent. Mais elle nourrit notre foi et nous pousse à agir, à bâtir, à lutter pour un monde plus fraternel.

  Rappelons-nous cette phrase connue énoncée par Luther : « Même si le dernier jour venait demain, je veux planter mon pommier ».

  L’inaction, le désespoir, le défaitisme n’ont pas leur place dans le cœur du chrétien. Ou est le véritable danger pour chacun d’entre nous, pour notre communauté et pour notre Eglise ? Est-ce l’agitation de notre monde ? Est-ce l’ébranlement des puissances célestes ou bien les soubresauts de la société ? Non, le danger il est en nous ; c’est l’endormissement du cœur, le fatalisme qui paralyse, l’indifférence aux souffrances qui nous entourent.

  Jésus s’adresse personnellement à chaque Eglise, chaque communauté, chaque chrétien lorsqu’il nous dit : « Ne vous endormez-pas, priez en tout temps. »  Comment traduire cela dans mon quotidien ?

  D’abord être acteur de ma vie, ne pas la subir dans une espèce de passivité. Ce peut être aussi s’engager au service des autres. Vous connaissez comme moi l’immense besoin de bénévoles pour toutes les associations de terrain. Notre entraide, ici à Tonneins qui soutient plusieurs dizaines de familles et qui a participé à nouveau à la grande collecte nationale de la Banque Alimentaire a peut-être besoin d’un peu de notre temps, de notre générosité ?

  Notre Eglise que l’on trouve parfois essoufflée, usée, qui débute une réflexion synodale sur la mission et les ministères a surement besoin de la participation de tous mais aussi de sang neuf, de renouveau et de fraicheur.

  Trop souvent, nombres de nos contemporains en viennent à oublier les choses essentielles en s’épuisant dans leur travail. Pour d’autres, la lutte quotidienne pour subsister occupe toute leur énergie. Des indifférents ferment les yeux sur les souffrances de leurs proches, de leurs voisins. A tous, Jésus demande de ne pas être sourd aux appels de cette humanité souffrante auprès et au loin ; écoutons ce que nous dit le Seigneur dans l’Evangile de Luc : « Ne vous endormez pas ! »

   Ne cessons-pas d’attendre, de croire et d’espérer que Dieu compte sur nous et qu’il nous donne des signes de bénédictions pour aujourd’hui et pour demain. Il n’est pas un juge implacable qui nous condamne et veut nous punir pour nos erreurs et nos désobéissances. Il est un Dieu plein de patience, de tendresse et d’attention. Regardons autour de nous et tentons de découvrir les initiatives, les gestes, les signes qui manifestent sa présence.

  Pour cela, il faut aiguiser, décrypter l’actualité avec nos cœurs de disciples, nos cœurs de chrétiens, tenter de distinguer la lumière de l’Evangile dans un quotidien souvent sombre.

Dans la société et pour les pouvoirs publics, notre Eglise reste un interlocuteur reconnu et apprécié sur des sujets éthiques, aux frontières de la politique et de la solidarité. Ne renonçons pas à être les vigies de la République comme nous avait désigné le président actuel, Mr Emmanuel Macron.

  La prise de conscience écologique est ainsi une très bonne chose. Le souci affirmé des plus fragiles, des migrants, des étrangers trouve lui aussi ses fondements dans la Parole. Osons le partager et l’affirmer.

  Rester éveillés, disponibles, c’est aussi accueillir chaque frère, chaque sœur qui vient frapper à la porte de notre Eglise, qui franchit le seuil de nos temples.

  La crise sanitaire et ses conséquences, confinements successifs, crainte de la contamination, distanciation physique et sociale a durablement impacté notre vie quotidienne.

  Nous tentons, dans ce contexte difficile, de trouver, d’inventer de nouveaux gestes, de nouveaux moyens de faire Eglise.

  Rester attentifs, attentionnés vis-à-vis des uns et des autres, en un mot « éveillés », unis et actifs dans la prière est la réponse et l’attitude que le Seigneur attend de nous.

Ainsi, écoutons ce que Jésus nous dit : « Ayez la force d’échapper à tout ce qui va arriver et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »

Amen

NBS

 

PREDICATION DU CULTE DU 7 NOVEMBRE 2021 A MARMANDE.

Marc 12/38 à 44.

Chers Amis,

   Ouvrons nos yeux, ouvrons nos cœurs, creusons notre mémoire : avons-nous déjà croisé une veuve, un frère, une sœur, prêts à tout donner, prêt à offrir totalement sa vie à Dieu ? Dans ma propre vie, ai-je été plus souvent comme ces scribes que Jésus traite d’hypocrite ou comme ces chrétien(ne)s vivant dans un abandon fait de confiance absolue et de générosité ?

 Dans ce récit de Marc, Jésus est dans le temple de Jérusalem et il enseigne la foule. Point n’est besoin pour lui de grands discours, d’affirmations théologiques longues et compliquées. Non, Jésus regarde les comportements et les attitudes des uns, des autres, de celles et ceux qui sont autour de lui. Il se sert de ce qu’il voit, de ceux que tous voient pour délivrer une parole forte, simple, directe qui parle à tous, à nous aujourd’hui.

   D’abord, avec les scribes, Jésus nous met en garde : belles paroles, belles apparences, beaux discours qui cherchent à cacher le vide de leur existence, leur duplicité, leur ambiguïté. Pire, non contents de s’enfermer dans l’hypocrisie, ils appauvrissent les plus faibles, ils dévorent les biens des veuves.

   Dans la Bible, les veuves sont fréquemment citées, associées aux orphelins et aux étrangers. Ce sont tous les trois des figures de personnes que l’existence a fragilisé. La législation hébraïque est bienveillante et protectrice à leur égard car dans la vie quotidienne, être veuve est bien souvent synonyme de précarité et de solitude. Plus rarement, lorsqu’une veuve se trouvait relativement à l’aise financièrement, elle avait cependant besoin d’être protégée des personnes sans scrupules.

  Etre veuve était toujours une épreuve et de tous temps et dans toutes les cultures, le deuil de son conjoint ou de sa conjointe rend la vie de celui ou de celle qui reste plus difficile.

    Jésus est là, assis, dans le temple, en face de la salle du trésor que nous pouvons imaginer comme le lieu où se trouve le tronc où l’on dépose son offrande.

   Il constate que les riches donnent de grosses sommes tandis que cette pauvre veuve ne donne que 2 petites pièces. Aujourd’hui, cela serait à peine quelques centimes. Jésus a observé toute la scène. Marc, comme Luc, rapporte les propos du Seigneur, des mots qui nous questionnent, qui nous interrogent encore aujourd’hui : cette veuve pauvre a donné tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.

  Nous sommes-nous déjà trouvés dans une situation analogue ? Avons-nous vécu un moment crucial de notre vie où notre attitude et nos choix allaient conditionner tout notre avenir ?

  On sait bien peu de choses sur cette veuve ; a-t-elle des enfants ? Aide-t-elle ses proches ? Est-elle totalement seule ? On ne peut qu’être admiratif de son geste qui nous interpelle et nous touche par sa radicalité.

  Pour cette femme, c’est la règle du « tout ou rien ». Ce qui n’est rien, rien du tout, ce qui est dérisoire pour les riches, sa seule richesse, elle la donne à Dieu, pour le service du temple. Et paradoxalement, elle est la plus libre, la plus riche des servantes.

  Certaines traductions ne disent pas qu’elle a pris de son nécessaire à vivre mais qu’elle a pris de sa « misère ».

  Peut-être nous faut-il imaginer une femme dans le dénuement le plus total.

   Les camps de réfugiés au Moyen Orient, peuplés de syriens et de victimes des conflits armés abritent sans aucun doute des populations totalement démunies.

  Lorsque la faim, le combat quotidien pour la survie est là, certains témoignages rapportent qu’il reste alors une solution, une possibilité, se tourner vers Dieu.

  Jésus partage son émerveillement pour ce geste avec ses disciples. Ce geste est plus qu’une offrande, c’est un don, un abandon total à Dieu, à sa miséricorde.

   Peut-être que dans nos existences, dans le passé, nous avons nous aussi eu le sentiment de jouer notre va-tout. Des périodes de crises, des tensions familiales, des deuils nous ont amenés au bord d’un précipice où, selon nos choix, nous allions chuter ou au contraire repartir sur un chemin sûr.

Les récits de déportation, parfois de femmes comme au camp de concentration de Ravensbrück sont bouleversants d’humanité et de témoignages dans lesquels la survie tient à un fil, un geste.

  Geneviève Anthonioz De Gaulle, grande résistante et nièce du Gal De Gaulle raconte ainsi que sa déportation et sa survie miraculeuse ont conditionné son engagement à ATD quart monde et l’ont poussé à lutter inlassablement contre la précarité et la misère.

Lorsque l’être humain n’a plus rien, lorsqu’il a tout perdu, ses proches, sa famille, ses biens, il ne lui reste que Dieu vers qui se tourner pour lui offrir ce 3 fois rien, ces quelques miettes de vie qui font son quotidien.

  Plus que ces deux pièces à la valeur dérisoire, ce qu’offre la veuve, c’est sa vie toute entière, son présent, ses lendemains. Elle remet son existence entre les mains de Dieu.

    Pour nous, cela est bien difficile à concevoir et à réaliser. Nous le confessons humblement, trop de biens matériels, trop de liens affectifs, trop d’attaches terrestres nous retiennent. Dans le protestantisme nous ne condamnons pas cet attachement aux réalités du monde.  Pour autant, questionnons-nous : Suis-je prêt à offrir toute ma vie à Dieu ? Suis-je d’accord pour renoncer à mes sécurités, ma subsistance, mon toit peut-être ? Le Seigneur ne nous demande rien qui ne soit au-delà de nos forces.

  Il s’agit peut-être simplement de donner joyeusement et généreusement, de ne pas être complice des scribes modernes, personnes influentes très sures d’elles-mêmes. Au fond de moi, il y a peut-être quelque chose d’essentiel, de profondément nécessaire que je peux offrir à Dieu, dont je peux me déposséder.

  Notre Eglise ne prône pas la recherche d’une pauvreté absolue obtenue par un choix radical. Mais comment mettre sur le même plan les 6 milliards de dollars qu’Elon Musk est prêt à donner au programme alimentaire mondial, ce qui représente 2% de sa fortune et le soutien financier généreux de milliers de modestes donateurs qui donnent à des associations d’entraide ?

  En mettant en évidence le comportement exemplaire de la veuve, Jésus nous appelle à l’appauvrissement. Débarrassons-nous de tous ces biens superflus qui nous encombrent, souvenons-nous que les premiers seront les derniers et que le plus grand parmi nous est le serviteur de tous.

  L’Evangile de Marc, comme celui de Luc, ne dit pas ce que devient cette veuve pauvre. Nous savons qu’elle bénéficie du régime de la grâce, grâce totale, absolue.

  Dans cette recherche d’appauvrissement, pensons à ces récits de tempête en mer, le récit de Paul dans le livre des Actes l’illustre parfaitement ; que font les marins pour sauver le navire, sauver leur vie ? Ils jettent à la mer tout ce qui les encombre. Vivres, denrées alimentaires, cargaison, ancre, tout passe par-dessus bord. Trop de chargement, trop de biens risque de les entraîner vers les fonds marins.

   Les scribes, spécialistes des Ecritures que Jésus tance si vertement jettent bien peu en mer, dans les océans de la vie. Ils restent dépendants et prisonniers du regard des autres, de leur apparence, de leur richesse.

  J’aime à me rappeler la rencontre du philosophe grec Diogène et de l’empereur Alexandre : « Ote-toi de mon soleil » dit le premier qui vit comme un misérable dans son tonneau à l’homme le plus puissant de la terre.

  Cette veuve qui, dans son abandon à Dieu et son humilité totale ne sait pas que Jésus l’a prise pour exemple auprès des disciples, est, elle aussi le symbole d’une liberté durement acquise. La relation qu’elle a établi avec les hommes et surtout avec Dieu exclue tous les faux-semblants, toutes les tricheries.

 Les apparences sont souvent trompeuses lorsqu’aujourd’hui, dans notre société d’abondance, on cherche à nous faire croire que la liberté s’achète, que l’argent ouvre toutes portes. Aux yeux de Dieu, le peu du juste a plus de valeur que toutes les richesses affichées ostensiblement.

   Regardons nos vies ; demandons-nous simplement : «Qu’est-ce qui m’encombre ? Qu’est-ce qui me pèse ? De quoi pourrais-je me passer ? »

   Si je peux y répondre, alors je sais maintenant de quoi je peux me séparer pour devenir plus libre, plus proche de Dieu, de mon prochain.

   Le don de la veuve est loin de n’être qu’un don matériel, financier, au demeurant dérisoire. C’est le don de ses illusions, de son ambition peut-être ; ambition d’être une femme reconnue, importante dans la société. Ce don, c’est le fruit d’un combat intérieur qui l’a menée à découvrir et redécouvrir chaque jour que la seule richesse est en Dieu, les seules garanties dans nos vies heurtées, accidentées parfois, c’est Lui qui nous les donne.

 Jésus est assis dans le temple, il prend le temps de regarder ce qui se passe autour de lui. Peut-être aussi, est-il mystérieusement présent parmi nous, nous observant avec bienveillance. Avec Lui, pas de leçons de morale, de « il faut que ». Sa parole est juste là pour nous rappeler qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir et que la quête du bonheur, ambition o combien légitime implique de se délester de ce que nous nous avons en trop pour ne garder que l’essentiel.

  Jésus l’a promis à ses disciples, si quelqu’un quitte son champ, sa famille, ses biens à cause de lui, il recevra 100 fois plus dans ce monde et dans le monde à venir. Donnons généreusement et soyons persuadés que nous recevrons au centuple.

Amen

PREDICATION CULTE DE BAPTEME DU 31 OCTOBRE 2021. TONNEINS.

Actes 8/26 à 40.

Chers Amis, chère famille Binet,

  Ce récit de l’eunuque éthiopien, c’est le récit d’une rencontre, une rencontre riche et fructueuse, lourde de sens et de significations. C’est le récit d’une conversion et d’un baptême.

    Cette rencontre a lieu lors d’un voyage, celui qui voit ce fonctionnaire africain rentrer dans son lointain pays après avoir effectué un pèlerinage à Jérusalem.

  En un premier temps, voyons quels sont les deux acteurs, les deux personnages de cette séquence.

  D’abord Philippe, que l’on aurait identifié au cercle des sept, sept serviteurs, sept « évangélistes » choisi par les apôtres pour propager la bonne nouvelle.

   Ensuite, intéressons-nous à ce voyageur Ethiopien, dont on ne connait pas le nom mais qui exerce de grandes responsabilités auprès de la reine de son pays puisqu’il est présenté par Luc comme administrateur du royaume. A cette époque, et dans certains endroits, les fonctionnaires étaient des eunuques. Ne pouvant avoir d’enfants, ils n’étaient pas tentés de placer les intérêts de leur propre famille avant ceux de l’état, du roi ou de la reine.

  Sa mutilation lui interdisait de participer au culte dans le temple de Jérusalem. Ces quelques versets ne précisent pas s’il était un « prosélyte », c’est-à-dire un homme converti au judaïsme, ou bien un « craignant Dieu », c’est-à-dire un non-juif sympathisant de la religion d’Israël.

    A l’époque, les voyages étaient des entreprises périlleuses et l’Ethiopie était considérée comme le bout du monde. Ces longs déplacements se faisaient le plus souvent à pied, plus rarement sur un char, signe de richesse et d’importance.

  La lecture du livre des Actes nous rappelle que Philippe reçoit sa mission d’ « un ange du Seigneur », qu’il est poussé par l’ « Esprit ». Pour le dire autrement, c’est Dieu qui est aux commandes, c’est lui qui préside cette rencontre.

  Une rencontre quelle qu’elle soit demande de la disponibilité, de l’audace, parfois même de l’opportunisme.

   Pour celles et ceux d’entres-nous qui ont souvent voyager, on peut relever que durant un long trajet, en train, en avion, en bus, en voiture, on dispose de temps pour faire connaissance avec son voisin ou sa voisine. Nous avons peut-être souvenir de moments d’échanges et de partages étonnants, émouvants, à la fois profonds et riches.

  Si l’eunuque éthiopien est absorbé par sa lecture, aujourd’hui, les voyageurs seraient plutôt plongés dans leurs ordinateurs, tablettes et autres smartphones.

  C’est bien en chemin, ce mot apparait trois fois dans le récit, en chemin que les deux hommes vont se rencontrer.

  Ce chemin, c’est celui qui mène au Christ, c’est celui qui est le Christ. L’évangéliste Jean prête en effet cette parole au Seigneur : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

    N’est-ce pas sur les chemins du monde, sur les chemins de la vie que Dieu nous conduit ? Oser se mettre en route, n’est-il pas la condition pour échanger, dialoguer, partager, témoigner et parfois même découvrir Jésus ?

  Philippe a osé quitter Jérusalem, il s’est éloigné de la Samarie où il avait débuté son ministère d’évangéliste.

  Lorsque nous affirmons notre foi, nous toquons à la porte d’une Eglise chrétienne, n’empruntons-nous pas nous aussi ce chemin qui mène à Christ ?

  Dans le parcours de vie qui attend Victor, nous ne pouvons que lui souhaiter de vivre et faire de beaux voyages et de belles rencontres.

  Dans notre récit, Philippe va pouvoir éclairer le voyageur éthiopien qui semble s’enfermer dans un questionnement sans réponses.

  « Comment pourrais-je comprendre ce que je lis si personne ne me guide ? » demande-t-il à cet étrange personnage qui a rejoint son char en courant.

  C’est vrai, reconnaissons-le, la Bible, les Ecritures, le premier Testament nous sont souvent difficiles d’accès. Nous avons besoin de tiers, d’amis, de frères et de sœurs pour nous éclairer, nous faire découvrir la bonne nouvelle de Jésus.

  Le texte d’Esaïe que lit le fonctionnaire éthiopien peut paraître opaque, complexe, incompréhensible.

« Il a été comme un mouton qu’on mène à l’abattoir, comme un agneau qui reste muet devant celui qui le tond.

 Il n’a pas ouvert la bouche.

Il a été humilié et son droit a été bafoué. Qui parlera de ses descendants ? Car on a mis fin à sa vie sur la terre ».

  Nous pensons bien sur à Jésus, à sa mort et à sa résurrection, à l’Ascension. L’eunuque rapporte peut-être ce texte à lui-même. Malgré sa haute position, il est humilié par son état. Il sait qu’il n’aura pas de descendance.

  Ce voyageur est comme la plupart d’entre nous, en recherche, en questionnement. Quel sens donner à ma vie ? Ma mutilation, mon handicap ne me retranchent-ils pas de la communauté des hommes ? Vais-je trouver dans l’Ecriture une réponse à toutes ces interrogations lancinantes ?

  Mais il suffit d’une annonce, d’une proclamation pour que sa vie soit totalement bouleversée, complétement transformée. Il nous appartient d’être des « Philippes », des disciples bienveillants, des diacres pour nous aussi annoncer et partager l’Evangile avec nos proches ou avec les inconnus en recherche.

  Peut-être aurons-nous la belle surprise d’entendre nous aussi la parole de l’éthiopien : « Voici de l’eau, qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? »

 Tous les manuscrits bibliques n’ont pas retenu la réponse entre la demande de baptême et le baptême lui-même. Ce verset manquant est pourtant limpide comme de l’eau de source : « Si tu crois de tout ton cœur, tu peux être baptisé ». « Je crois que Jésus Christ est le Fils de Dieu » répond le voyageur éthiopien. Cela nous suffit encore aujourd’hui.

  Thomas, Adeline, Emma, Céleste, Victor, vous croyez que Jésus le Christ, le Messie est le Fils que Dieu s’est choisi et cela nous a permis d’accueillir avec bienveillance votre demande de baptême.

  Ce récit est un récit d’ouverture, de partage autant de points qui vont nous conduire vers une Eglise universelle.

  Jésus, durant ses près de 3 ans de ministère, puis les disciples ensuite n’auront de cesse d’ouvrir le chemin du Royaume à tous, sans exclusion, sans tenir compte de l’origine sociale, culturelle, ethnique ou religieuse de ceux qui l’empruntent.

   Bien au-delà des frontières géographiques, des identités nationales fortement affirmées, notre foi chrétienne nous amène à relativiser notre appartenance à un groupe, une famille, un pays, une patrie.

    Le chercheur de Dieu éthiopien qui scrute les Ecritures pour donner du sens à sa vie, il nous ressemble.

  La joie de son baptême, c’est aussi la nôtre en ce jour du baptême de Victor. Oui, Seigneur, il y a de la joie à découvrir ta Parole, à se faire éclairer lorsque nous butons sur un texte que nous ne comprenons pas ou bien lorsque nous découvrons que rien ne limite ton amour et ta tendresse pour tes enfants.

  Où est ce voyageur éthiopien aujourd’hui ? Il est peut-être sur les routes de l’exil, entre 2 continents, à la recherche d’une vie meilleure. Il est peut-être ce collègue, cette connaissance qui va m’interroger sur ma foi car sa curiosité est en éveil, ou bien plutôt un tout proche, un membre de ma famille qui attendait une occasion pour me questionner sur la Bible.

  Laissons agir l’Esprit à travers nos gestes, nos paroles et nos actes. Philippe ne s’attribue pas la réussite d’une belle conversion et d’un nouveau baptême. Il disparait, enlevé par l’Esprit nous dit Luc.

   Mesurons-nous toujours combien notre attitude, nos propos échangés lors d’une brève rencontre avec un compagnon de route, un ou une inconnue ont du poids ? Le voyageur éthiopien n’est plus le même après ce dialogue avec Philippe.

  Il butait sur un texte du premier testament énigmatique, il voyageait seul, il cherchait à donner du sens à sa vie et Jésus entre dans son existence. Car véritablement, découvrir et accepter Jésus dans la réalité de son quotidien a une dimension existentielle. Une des caractéristiques de son existence sera désormais la joie ; joie de vivre malgré les épreuves, sa mutilation, joie de se savoir aimé, bien que ne répondant pas à tous les critères du juste, joie d’être sauvé quel qu’ait pu être son parcours.

 Le chemin de foi de l’éthiopien était sans doute ancien mais son baptême, comme le nôtre est un moment charnière de sa vie.

  Dans le cas de Victor, ses grandes sœurs, Estelle et Emma, ses parents lui raconteront plus tard le déroulement de cette journée. Ils et elles feront en sorte qu’il découvre et redécouvre jour après jour l’amour que Dieu lui porte et qu’il manifeste en Jésus-Christ.

  Le témoignage de cet amour est indissociable de la joie, des rires, de l’humour tendre et de la générosité.

  Cette attitude joyeuse de l’éthiopien que relève Luc a laissé penser à l’Eglise des premiers siècles que le voyageur était retourné dans son pays pour se faire messager de la Bonne Nouvelle.

Ce virus, cette joie sont sans danger et hautement contagieux.

  A l’heure où l’on fait encore bien attention les uns aux autres, dans le contexte sanitaire que nous connaissons tous, laissons-nous contaminer par la joie de ce jour, joie d’être ensemble, joie du baptême de Victor.

Amen

PREDICATION CULTE DE BAPTEME DU 24 OCTOBRE 2021 A TONNEINS.

Marc 1/9 à 11

Chers Anthony et Laura, chers Amis,

 

   Plus tard, vous pourrez raconter à Antoine les circonstances de son baptême ; vous pourrez partager avec lui ce récit du baptême de Jésus dans l’Evangile de Marc qui a été repris et complété chez Matthieu et chez Luc.

  Avant d’évoquer le sens du baptême chrétien, avant d’en voir sa signification pour nous aujourd’hui, « replongeons-nous », le mot est adapté, dans la tradition baptismale contemporaine de Jésus.

  Rappelons-nous que dans l’antiquité, des bains sacrés étaient proposés aux croyants d’Egypte, de Babylonie, d’Inde et dans les religions à mystère de l’empire grec.

  Pour les israélites, le livre du Lévitique nous apprend que la loi mosaïque impose l’immersion pour purifier les lépreux, effacer les impuretés sexuelles ou celles qui résultent du contact avec un cadavre.

    Ces bains sont ainsi des obligations légales. Des bassins d’eau pure et des piscines rituelles se trouvaient ainsi fréquemment dans les demeures et elles donnaient la possibilité aux juifs, en s’immergeant de passer symboliquement du profane au sacré, de l’impur à la pureté. Ce plongeon dans l’eau accompagnait alors le rite de la circoncision.

  Nous le voyons, le baptême de Jésus par son probable cousin Jean le Baptiste n’a donc rien d’exceptionnel et s’inscrit dans une tradition religieuse déjà séculaire.

  Le récit de Marc est d’une simplicité et d’une sobriété qui pourraient résumer un baptême comme il y en avait alors beaucoup. Le geste de Jean s’inscrit donc dans le contexte des bains de pureté de son temps à quelques différences prêt cependant. Il faut changer de vie, nous dit-il dans les versets qui précédent. Il reprend ainsi une prédication du premier Testament et d’Esaïe pour la resituer dans la perspective du Royaume de Dieu qui approche.

   Peu de différences à priori entre le baptisé d’hier, Jésus qui vient de Nazareth en Galilée et qui est plongé dans le Jourdain et notre petit Antoine qui vient de Roillan en Gironde et qui est baptisé aujourd’hui près de la Garonne.

  Ils sont tous 2 d’un lieu, d’une région, d’une province et le baptême signe et renforce leur appartenance à la communauté des humains, des croyants, des serviteurs, à l’Eglise aujourd’hui pour Antoine.

  Bien sûr, pour toi Antoine, ce sont tes parents qui ont demandé le baptême. Ils te feront en découvrir le sens lorsque tu grandiras. Ils te diront que ce baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit te rattache à la grande famille chrétienne, celle des disciples des 3 grandes confessions, catholiques, protestantes et orthodoxes. Tu trouveras au sein de notre Eglise, accueil, soutien et amitiés.

  Pour nous aujourd’hui et dans la simplicité de cette eau répandue sur le front d’Antoine, nous nous rappelons qu’avec Jésus, chacun, chacune, nous sommes devenus enfants de Dieu, et nous recevons jour après jour son Esprit.

  Cette manifestation de Dieu, dans le récit du baptême de Jésus, cette théophanie, ne semble pas avoir d’autres témoins, d’autres spectateurs que Jésus lui-même.

  En effet, c’est lui seul qui voit les cieux se déchirer et l’Esprit-Saint descendre sur lui comme une colombe. C’est encore lui seul qui entend la voix venant des cieux qui lui dit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve toute ma joie. »

  L’évangéliste Marc a emprunté probablement à divers passages du premier testament, les mots de cette parole divine. Dans le Psaume 2, on peut lire en effet ce propos : « C’est toi qui es mon fils, aujourd’hui, je t’ai fait naître ». Dans le livre d’Esaïe, Dieu dit : « Voici mon serviteur ; j’ai plaisir à l’avoir choisi et j’ai mis mon Esprit sur lui » (Esaïe 42/1).

   Nous n’avons pas les détails et les circonstances exactes du baptême de Jésus.  Nous connaissons le lieu approximatif et le contexte historique, social, culturel et religieux dans lequel il s’est déroulé.

  Marc a choisi d’évoquer ce baptême en nous présentant Jésus comme unique témoin de la manifestation de Dieu à son égard.

  Relevons que le verbe skizo qui signifie en grec déchirer, les cieux qui se déchirent pour laisser descendre l’Esprit Saint, ce verbe sera aussi utilisé pour la déchirure du rideau du temple à la mort de Jésus à la croix.

  Vivre, c’est peut-être, à la suite du Christ, vivre entre 2 déchirures qui voient naissance et mort se succéder en présence de l’Esprit Saint, de la Parole.

   L’Esprit Saint est symbolisé par une colombe. Rappelons-nous les innombrables tableaux, les vitraux, les peintures murales qui associent au baptême de Jésus ce bel oiseau blanc signe de pureté, messager et porteur de l’Esprit. Le premier Testament évoque dans le livre de la Genèse, cet Esprit qui plane sur les eaux au début de la création du monde, puis la colombe du déluge qui marque la fin de l’inondation punitive et le début d’une nouvelle ère.

  La parole de Dieu qui suit la descente de l’Esprit-Saint sur Jésus lors de son baptême, cette parole, Dieu l’adresse à Antoine aujourd’hui, à chacun, chacune d’entre nous qui formons le peuple des baptisés. Oui Dieu parle à Antoine, à nous et nous dit jour après jour : « Tu es mon enfant bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie ».

  Cet amour inconditionnel nous précède, nous entoure et nous accompagne ; Il transforme nos vies sans pour autant qu’elles soient épargnées par les épreuves.

  Les baptisés, les chrétiens ont les mêmes difficultés, les mêmes coups durs que ceux qui ne connaissent pas le Christ. Mais ils se savent enfants de Dieu, aimés en toutes circonstances.

Un ami aumônier de prison me disait récemment ceci : « il m’est arrivé de dire à des détenus en les regardant droit dans les yeux avec force et conviction : Sais-tu que Dieu t’aime ? Sais-tu qu’il t’aime quel que soit ton passé et tes erreurs ? Un détenu à « craqué » et lui a dit : c’est la première fois de ma vie que je prends conscience que l’on m’aime ! »

  Comme il est bon de réaliser que nos vies, vies d’enfant, vie d’adolescents, vies d’adultes, vies de personnes âgées, que chaque vie a une valeur infinie pour Dieu.

  Nous chrétiens, sommes témoins du baptême d’Antoine qui fait écho à celui du Christ. Il nous est demandé de faire appel à nos sens, à nos yeux, à nos oreilles pour voir et entendre ce qui se passe en nous et autour de nous. Le sacrement du baptême qu’ont retenu les protestants avec la Cène est un signe visible d’une grâce invisible. De même que le baptême d’eau répandu sur nous est symbole d’un baptême d’Esprit, de même l’amour de Dieu pour ses enfants a besoin de gestes, de traces qui font appel à nos sens, à nos émotions.

   Cette grâce invisible et première nous enveloppe, nous submerge, comme l’eau du baptême. Oui, disons-le et redisons-le, Dieu nous aime au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Lorsqu’il s’adresse tendrement à son Fils, notre Messie, Jésus le Christ, c’est aussi à nous qu’il parle.

  L’institution du baptême va prendre quelques décennies pour les premières communautés chrétiennes. Aujourd’hui, si les Eglises n’ont pas toutes la même théologie, la même ecclésiologie, les mêmes sacrements, elles ne reconnaissent pour autant qu’un seul baptême, valable une fois pour toute et définitivement.

 Certaines Eglises protestantes, telles les Eglises baptistes, ne baptisent que les adultes, considérant que seuls des adultes responsables peuvent confesser leur foi et demander le baptême. La Bible ne tranche pas entre baptême des enfants et baptêmes exclusivement des adultes.

Il importe pour nos enfants, petits enfants de maintenir cette petite flamme symbolisée par cette bougie.

  Etre baptisé ne fait pas de nous des chrétiens obéissants, fidèles, assidus et irréprochables. Mais ce signe, ce geste, ce sacrement nous intègre, nous agrège à l’Eglise, à la communauté, celle qui confesse que Jésus-Christ est le Seigneur.

  Il nous appartient, il vous appartiendra Laura et Anthony de rappeler à Antoine qu’il a toute sa place au sein de notre Eglise.

  Le geste simple du baptême, ces quelques gouttes d’eau répandues sur sa tête sont beaucoup plus, que ce que les incrédules peuvent penser ou imaginer. Ce geste nous rattache à la fois à la nuée des témoins qui nous ont précédé mais il nous inscrit aussi dans un présent et un futur avec le Christ.

 De même que le récit de Marc se joue entre Dieu et son Fils Jésus, de même, la relation que nous nouons avec Dieu relève de notre intimité avec Lui.

Il peut arriver que Dieu s’adresse parfois personnellement à chacun, chacune d’entre nous. Le plus souvent et pour la plupart d’entre nous, nous n’avons pas souvenir de notre baptême. Mais il peut arriver que nous nous souvenions d’un signe manifeste de sa présence, d’une parole tellement extraordinaire, tellement bouleversante, qu’elle ne pouvait venir que de Lui. 

Cette vision, cette parole, cette rencontre n’a été possible que dans la foi, la confiance et la disponibilité.

  Gardons la foi, la confiance du baptisé et peut-être entendrons-nous alors cette voix céleste nous dire :

« Tu es mon Fils ma fille bien-aimé(e) ; en toi, je trouve ma joie ».

Amen

 

PREDICATION DU DIMANCHE 10 OCTOBRE 2021. CULTE DE RENTRÉE A TONNEINS.

Chers amis,

 

 Le récit de l’homme riche nous interroge, il nous oblige à nous questionner. On le retrouve chez Matthieu qui, lui, parle du « jeune homme riche » et chez Luc qui évoque un « notable ».

  Où me situer, dans cette longue séquence ? Suis-je celui qui accoure en découvrant le Seigneur et se jette à ses pieds, secoué par des questions existentielles ?

  La parole de Jésus me rend-elle triste si elle se fait trop exigeante ? Suis-je comme les disciples, déconcerté, décontenancé, angoissé par mon salut ?

  Même si j’ai le sentiment de bien conduire ma vie, comme Pierre, j’ai sans doute besoin d’être rassuré, guidé, instruit par le Maître.

  A la lecture de ce passage de l’Evangile de Marc, je crois, que nous sommes, au cours de notre vie, tour à tour, celui qui est aveuglé par l’abondance des biens matériels, le généreux, prêt à tout abandonner, le prudent qui veut garder comme on dit « une petite poire pour la soif ».

  Bien des facteurs, beaucoup de choses sont susceptibles de faire barrage sur le chemin qui mène à la vie éternelle.

  Le premier problème avec cet homme riche est qu’il semble vouloir utiliser avec Jésus, la flatterie, la flagornerie. Aborder un personnage important, à la réputation grandissante, en lui adressant des compliments outranciers, c’est comme lui tendre un piège grossier : « Bon maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? ». Cela ne vous rappelle-t-il pas une fable célèbre de Jean de la Fontaine : « Et bonjour, Monsieur du corbeau. Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau ! » ? On connait la fin. Ce piège tendu à Jésus revient à lui dire : « Je te sais tellement meilleur que moi, que tu dois bien avoir les clés du Royaume ; y aurait-il une petite place pour moi ? ».

   Méfions-nous des compliments appuyés ; ils cachent souvent bien maladroitement une certaine hypocrisie et des demandes cachées.

  Jésus a lu en lui, et il lui rappelle que la seule bonté, la seule bienveillance sont d’essence divines. Même lui ne saurait se mettre au niveau de Dieu et s’attribuer les qualités qui sont les siennes. C’est à la fois, une leçon d’humilité et un bon recadrage que nous offre Jésus dans ce récit.

  Cela nous pousse à nous questionner : nos vies qui, nous semble-t-il, sont respectueuses de la loi, des commandements, ne sont-elles pas encombrées par un ensemble de choses qui nous rassurent, nous confortent dans un sentiment d’autosatisfaction et de suffisance ?

  Dans le « que dois-je faire » de ce jeune homme, est contenu toute l’insatisfaction, tout le mal-être de celui qui sait que les richesses accumulées ne sauraient le rendre heureux, qu’elles ne sont d’aucune utilité pour la vie spirituelle et la relation à Dieu. On n’obtient pas les faveurs divines avec de l’argent.

   Peut-être nous ressemble-t-il, cet interlocuteur de Jésus, quand nous pensons qu’en nous précipitant à ses pieds, dans la prière, l’adoration, la louange, mais aussi en oubliant de mettre de l’ordre dans nos vies, nous aurons une voie royale pour accéder à la vie éternelle.

  Les richesses qui nous encombrent, ce ne sont pas toujours nos biens matériels, nos avoirs ou nos comptes en banque. Elles peuvent être aussi nos défauts, l’individualisme, l’orgueil, l’égoïsme, le sentiment que nous nous suffisons à nous-mêmes.

  Et pourtant, Jésus nous regarde et nous aime comme il le fait avec cet homme. Son regard et son amour ont fait basculer les disciples sur le chemin du service et de l’obéissance ce qui n’est pas le cas du riche personnage.

  Rappelons-nous cette parole de Jésus reprise par Matthieu et Luc : « Personne ne peut servir 2 maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre ; ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. »

  Le service et l’engagement obligent à faire des choix. Dans ce récit, l’homme privilégie son porte-monnaie ; Marc nous dit qu’il avait de grands biens.

  Aujourd’hui, on voit des multi millionnaires et les grandes fortunes de notre monde, Bill Gates, Jeff Bezos, Elon Musk, financer des œuvres humanitaires, des fondations généreusement dotées. Pour autant, ces dons apparemment importants restent dérisoires. Aux yeux de Jésus, les 2 petites pièces de la veuve sont plus importantes que toutes les grandes fortunes.

  L’enseignement de Jésus apparait ici dans toute sa radicalité. Les disciples qui l’ont suivi ont abandonné leur gagne-pain. Ils ont accepté les incertitudes du lendemain, l’insécurité. Le Seigneur ne demande pas à chacun de se défaire de tous ses biens au risque de vivre dans le plus grand dénuement. Il nous demande d’abord et avant tout de ne pas idolâtrer l’argent, de ne pas laisser notre vie être conduite par le toujours plus : plus de moyens financiers, plus de richesses, plus de puissances, plus de pouvoirs et de reconnaissance. 

Etre disciple, c’est s’appauvrir ; s’appauvrir en se dépossédant de tant de choses inutiles qui sont des fardeaux. On ne peut suivre Jésus sur le chemin lorsque l’on a les poches trop pleines, les épaules trop chargées.

  De même que le chameau ne passe pas par le trou de l’aiguille, celui qui voudrait devenir disciple sans renoncer un tant soit peu à ses possessions, à ses désirs de puissance, à son patrimoine, celui-là n’entrera pas dans le Royaume de Dieu.

  Dieu en Jésus, nous appelle à une forme d’ascèse, une discipline intérieure. Accueillir la grâce première et inconditionnelle si chère aux protestants, ne demande pas d’être bardés de diplômes et d’occuper une place importante dans la société des hommes. Il faut plutôt rechercher la simplicité, la disponibilité dans la confiance.

   La richesse et l’opulence bien souvent compliquent les rapports humains et rendent difficiles l’accueil de la grâce. Quand on a tout, quand on a trop, quelle place faire au cadeau de Dieu, cadeau offert gratuitement et sans contrepartie.

Jésus rappelle aux disciples effrayés qu’il leur est totalement impossible de se sauver eux-mêmes. Ce salut offert pas la foi, par la grâce implique d’accepter dans nos vies ce qui n’a aucune valeur marchande, ce qui ne relève pas d’une transaction commerciale.

  Il n’est pas facile d’accepter un cadeau purement gratuit sans se défaire du sentiment d’une dette. Dans notre société où tout se négocie, se vend, se monnaye, on se sent redevable, créditeur de tout ce que l’on reçoit.

  Dans l’Eglise, dans notre Eglise, celle de Tonneins, on a tout à gagner et rien à perdre. Si nous décidons, aujourd’hui, jour de fête et de rentrée de lui donner de notre temps, de notre argent, de notre énergie, tout cela ne sera qu’une réponse à cet amour premier, à cette grâce qui nous sont offerts par Dieu.

  En ayant la simplicité et la disponibilité des disciples, nous devenons un terrain favorable que Dieu peut travailler et labourer en profondeur.

  Les paroles de Jésus sont rassurantes :

-         D’abord, mon salut ne dépend pas de moi.

-         Ensuite, si j’ai des richesses, que je n’en fasse pas des idoles.

-         Enfin, ce qui m’est totalement impossible est possible à Dieu.

Réjouissons-nous en ce jour de rentrée que Dieu rende justement possible ce temps de culte, de partage, de communion et ce repas pris en commun. Il y a peu, cela n’était pas faisable.

  Jésus nous rappelle que plus on lâche ce qui nous paraissait essentiel il y a peu, plus l’on recevra. Biens matériels, liens familiaux sont parfois des carcans, des prisons dont il faut pouvoir s’affranchir.

Suivre Jésus implique ainsi de quitter maison, frères et sœurs, mère, père, enfants ou champs. C’est ce que nous avons fait ce matin, en nous retrouvant au temple. Il nous est aussi demander de le faire au quotidien : consacrer du temps à l’Evangile, le traduire par nos engagements et nos paroles.

  La compensation sera de 100 pour 1. Recevoir au centuple, l’assurance de la vie éternelle, ce sont là des promesses de Jésus à ses disciples. Dieu donne sans compter dans son amour inouï pour nous. Interrogeons-nous : l’abondance de dons spirituels, l’espérance du Royaume ne feraient-elles plus recettes ? Quelle banque, quel organisme de crédit propose un « retour sur investissement » de 100 pour un ?

  Avec ces gains au centuple, Jésus rappelle également que les persécutions seront le lot des chrétiens. La vie de disciple n’est ni fade, ni simple, ni facile.

  Aujourd’hui, des nouvelles difficultés se font jour. Nos Eglises ne font pas le plein, la jeunesse est difficile à mobiliser, notre société hyper connectée laisse peu de place à la spiritualité. Certains de nos contemporains, qui ont une vision de la laïcité à la fois faussée et littérale aimeraient que la pratique religieuse et l’exercice de la foi soient cantonnées à une sphère strictement privée.

  Dans ce contexte, il nous appartient de témoigner d’un Dieu qui offre bien plus qu’Il ne demande, qui nous accueille tous inconditionnellement et dont la rencontre donne sens à nos vies.

  Tournons nos yeux vers les plus petits, les plus humbles. Le jeune homme riche était premier en tout ; premier par sa fortune, son statut, son importance sociale. Il est reparti tout triste.

  Que la joie d’être disciple, avec ce que nous sommes, avec nos pauvretés et nos manques que cette joie de suivre Jésus inonde cette journée, cette semaine et les mois à venir.

Amen


PREDICATION CULTE AU PECH DE BERRE DU 26 SEPTEMBRE 2021.

Romains 8/18 à 25.

Chers amis, Comme il est bon de se retrouver à nouveau ici pour ce culte au Pech de Berre. Nous sommes réunis pour louer notre Créateur et je trouve que ce site s’y prête admirablement bien. Mais doit-il nous faire oublier les souffrances des temps présents auxquels Paul fait allusion ?

   Pouvons-nous, en ce mois de septembre où beaucoup d’Eglises chrétiennes célèbrent la beauté de la Création, faire abstraction du fait que cette dernière est éprouvée, abîmée, surexploitée ?

  Que nous disent ces quelques versets de l’Epître aux Romains, écrits par l’apôtre Paul à une communauté romaine qu’il n’a jamais rencontrée mais qu’il souhaite unie et soudée derrière le Christ ?

  Je crois qu’en premier lieu, Paul nous adresse un message pertinent et lucide sur la condition du chrétien dans le monde.

   En un deuxième point, nous verrons que la prise de conscience écologique des Eglises chrétiennes et de la nôtre en particulier n’est pas un simple effet de mode mais relève d’une véritable réflexion, d’une urgence qui concerne toutes les générations.

  Au cœur des souffrances de la Création, des souffrances du vivant et des humains, l’apôtre nous rappelle que si le salut dans l’espérance est le projet que Dieu a pour nous, pour l’instant nous sommes dans l’attente, comme dans une phase transitoire. Loin de nous décourager, la foi peut être le moteur de nos engagements, de nos choix de vie, elle est le chemin du salut individuel et collectif.

  Les souffrances des temps présents à l’époque de l’apôtre ne sont pas les nôtres aujourd’hui. Mais comme lui, nous croyons que nos épreuves précèdent la gloire, gloire révélée en Christ.

  L’Eglise au temps de Paul, se réduit à quelques confettis dispersés dans l’empire romain. Son avenir n’est pas assuré mais la foi des premiers disciples, des premières communautés, leur courage dans l’adversité va vaincre tous les obstacles.

  Cette espérance de la gloire en Christ est la force, le moteur qui fait avancer l’apôtre.

  Paul le dit clairement, la Création est dans un processus d’enfantement et l’on sait que pendant bien longtemps, une naissance était précédée de douleurs, de souffrances.

   Regardons le monde autour de nous, travaillé par des forces contraires, écartelés entre pays riches et pays pauvres, entre désir de croissance exponentielle et volonté de privilégier un développement durable. La sobriété, la retenue et la mesure dans les choix politiques et économiques seront-elles choisies par nos dirigeants ? Qui peut prédire de quoi nos lendemains seront faits ?

  Notre Eglise et la Parole qu’elle partage sont comme un phare, un repère, une balise qui sont autant de remparts contre le pessimisme et désespoir.

  Nous croyons que Dieu a un véritable projet pour le monde et ce projet déborde le cadre de nos Eglises bien entendu et concerne toute la création.

  Nous sommes véritablement entre 2 temps intermédiaires : un temps de crise, crise écologique et environnementale, crise économique, sociale et sanitaire et attente d’une gloire à venir, celle qu’évoquait Paul dans son Epître.

  Dans cet entre-deux, le laps de temps qui nous est donné durant notre vie, donnons-nous la possibilité de témoigner de l’intérêt et du souci que nous portons à l’avenir de la planète.

  Il ne s’agit en aucun cas de céder à une mode, à essayer d’être dans le coup, le mouvement écologique ayant le vent en poupe. Il s’agit plutôt d’inscrire notre démarche dans un mouvement beaucoup plus large, un projet de salut que Dieu offre à tous les humains.

  L’Epître aux Romains et le passage que nous avons lu s’adresse à une Eglise qui connait la persécution. Ce n’est pas le cas de la nôtre et de la plupart des Eglises chrétiennes dans le monde. Mais sensibiliser, informer, partager et dialoguer sur les initiatives et la prise de conscience écologique dans l’Eglise et dans le monde sont très importants.

N’est-ce pas le rôle prophétique des chrétiens d’alerter sur les risques que nous font courir toutes les idéologies actuelles ? Le productivisme, le matérialisme, le libéralisme et la mondialisation de l’indifférence contribuent à aggraver les fragiles équilibres de notre planète.

  En cohérence avec notre foi, nous pouvons prendre soin de la terre, faire évoluer nos modes de vie, accepter d’aller vers le mieux-vivre en ne cherchant pas à avoir toujours plus.

Jésus ne prêche pas l’accumulation des richesses, des biens matériels. La sobriété et la simple recherche d’un minimum vital suffisent au bonheur des disciples.

   Cette Création qui gémit dans les douleurs de l’enfantement, c’est celle des contemporains de Paul mais c’est aussi la nôtre. Les politiques, les scientifiques oublient souvent la dimension spirituelle de la vie, du monde créé et du vivant.

  Plutôt que de rejoindre l’écologie politique, en la teintant d’un soupçon de spiritualité chrétienne, inscrivons notre démarche dans un projet de salut voulu par Dieu et initié par le Christ. Pour parler simplement et clairement, n’essayons pas de spiritualiser l’écologie mais intégrons à notre foi et notre pratique chrétienne une écologie humaniste bien loin d’une écologie sectaire et punitive.

  Cela peut passer par des petits gestes simples : privilégier les productions locales, la consommation de fruits de saison et non importés souvent d’ailleurs meilleur marché que les fruits venant de loin. Réjouissons-nous de la générosité de la terre quand elle est travaillée respectueusement sans abuser des engrais, des pesticides et d’une agrochimie destructrice. Evitons l’usage des véhicules à moteur dans les grands centres urbains qui sont systématiquement dotés de transports en commune peu polluants.

Soignons nos relations de voisinage, nos relations communautaires ; prendre le temps d’échanger des nouvelles, de se rendre des petits services sont des gestes tellement précieux. Désapprenons de courir, courir après la réussite, courir après le temps, après l’argent, courir après la réussite sociale, la réputation, la notoriété. La solidarité, la justice et la paix sont des valeurs que nous chrétiens, pouvons  proposer au monde pour le rendre plus fraternel, plus riche de promesse.

  Relevons que pour Paul, comme pour nous, l’attente est la condition présente du croyant, dans un monde éprouvé, labouré par les hommes et où les catastrophes naturelles ont toujours existé.

   Aujourd’hui, l’espérance a un visage, un nom ; elle est incarnée par la jeunesse, nos enfants, petits-enfants, voir arrières petits-enfants.

  Bien sûr, l’espérance dont parle Paul ne se voit pas, elle reste invisible. Le futur eschatologique auquel il pense est un horizon qui ne cesse de s’éloigner lorsque l’on tente de s’en approcher.

  Aujourd’hui, les COP, COP 21 à Paris, il y a peu, réunissent tous les états pour préconiser des mesures à prendre en vue d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre et envisager de nouvelles mesures pour lutter contre un réchauffement de la planète aux conséquences destructrices.

  On peut reprendre le langage de Paul : on ne voit pas de résultats mais pourtant nous les attendons avec persévérance. Il serait inconscient et déraisonnable de baisser les bras et s’en remettre  aux autres ou à Dieu seul pour prier et agir pour l’avenir de notre vieille terre et le futur de la Création.

  Le récit de la Genèse nous rappelle que nous sommes les co-gérants de la terre. Entre un paradis originel, perdu et un Royaume à venir, l’humanité est appelée à prendre soin, à entretenir ce que Dieu lui a confié.

  Scientifiques et militants écologiques ne sont pas de doux rêveurs ou des utopistes déraisonnables. De même, l’espérance chrétienne n’est pas une lubie, une vertu à ranger dans un tiroir et à ressortir de temps en temps. L’espérance se nourrit d’une attente active et pugnace.

  Faire le tri de ses déchets, ne pas jeter de plastiques ailleurs que dans des containers prévus à cet effet, sensibiliser toutes les générations aux gestes simples, adopter un mode de vie respectueux de l’environnement, autant de signes qui contribuent à l’espérance d’un monde différent.

  Bien sûr, nous sommes tentés de dire : « C’est le pot de fer contre le pot de terre », « les faibles contre les puissants, les petits contre les grands ».

  Lorsque Paul s’adresse aux communautés chrétiennes du bassin méditerranéen, rien ne laisse penser la croissance à venir de l’Eglise du Christ.

 Le projet chrétien qui est le nôtre aujourd’hui doit affronter des intérêts économiques et politiques, des lobbys industriels surpuissants.

  La promesse d’une humanité pacifiée dans laquelle règnent la justice, la concorde et la fraternité n’est pas partagée par tous.

 Je crois que ce chantier est vaste, riche et comme l’écrit Paul , il se peut que nous soyons encore dans les douleurs de l’enfantement.

  Soyons au chevet de notre vieille terre qui nous inquiète et nous émerveille aussi parfois. Sachons nous extasier devant la beauté et l’odeur d’une fleur, devant un paysage agricole ou forestier, devant les océans et la grandeur des montagnes.

  Ce temps de culte au Pech de Berre, dans une nature travaillée par les hommes, nous y voyons des vergers, des serres, la Garonne et le Lot, nous rappelle le partenariat de Dieu avec les hommes.

  Partenaires de Dieu pour la gestion de la Création, nous n’en sommes que les locataires qui en confieront les clés aux générations qui suivent.

  Soyons des passeurs, des relayeurs de ce trésor que Dieu nous offre. Traduisons notre espérance en attente active, sans jamais se satisfaire de ce qui est, sans jamais se lasser et sans jamais cesser d’espérer.

Amen

  


PREDICATION CULTE DE LA CRÉATION A MARMANDE. 19 SEPTEMBRE 2021.

 

Esaïe 11/ 1 à 10.

 

Chers Amis,

 

            Ce passage du livre d’Esaïe vous rappelle surement quelques souvenirs. On le lit en effet parfois au moment de Noël. Jésus y est présenté comme ce rameau issu de la souche de Jessé ; Jessé qui est le père de David qui lui-même figure dans la généalogie de l’enfant de Bethléem.

   Ce qui peut être lu comme une prophétie messianique, Esaïe l’a écrite plusieurs siècles avant l’avènement du Christ.

  Le prophète est comme un aiguillon, un petit cailloux dans la chaussure, pour rappeler à Israël qu’il ne doit pas compter sur ses forces militaires, diplomatiques, ses richesses et son pouvoir mais plutôt sur la souveraineté de Dieu pour le guider et le protéger.

   Comment ne pas penser aux « grandes puissances de notre monde » USA, Chine, Russie, Inde, Communauté européenne, souvent très surs de leur bon droit et bien peu soucieuses de la justice et de la paix ?

   Bien sur le contexte historique et politique a bien changé ; la prise de conscience de l’urgence écologique et environnementale n’était pas d’actualité aux temps de l’Israël ancien. Le livre d’Esaïe couvre une période agitée de près de 5 siècles et a été écrit par plusieurs rédacteurs.

  Ce rameau de Jessé, ce nouveau David, l’oracle d’Esaïe l’annonce comme habité par le souffle, l’Esprit de Dieu. Cet Esprit lui donne sagesse, discernement, conseil, vaillance, connaissance et crainte du Seigneur.

  Ces qualités, ce ne sont pas celles des dirigeants de l’Israël ancien mais ce ne sont pas non plus celles des grands de notre monde. La vision dans laquelle le loup séjourne avec le mouton, le léopard avec le chevreau et le jeune enfant avec la vipère relève soit d’un paradis perdu soit d’un futur eschatologique lointain.

  Aujourd’hui, nous chrétiens, croyons que Jésus est ce Messie attendu, espéré et annoncé par Esaïe. Nous pensons que le Christ nous offre une citoyenneté, une appartenance qui loin de nous détacher du monde nous pousse à y intervenir, à nous y engager, à en prendre soin.

  Après les prophètes du premier testament, après Isaïe et avec le Christ, nous pouvons devenir des acteurs de justice, de paix et de respect pour la création.

  Dira-t-on jamais assez, ce qu’il faut de convictions, de sagesse et de persévérance pour mener à bien le combat pour une écologie humaniste et respectueuse des plus faibles ?

  Suivre Jésus sur ce chemin, ce n’est pas brandir un étendard en hurlant des slogans vengeurs. C’est plutôt tenter d’adopter des gestes simples, des pratiques vertueuses, à notre mesure, à notre portée.

  Cela peut passer par le rappel à nos élus, nos responsables politiques, mais aussi nos Eglises que le chemin ouvert par le Christ est un chemin harmonieux, équilibré, respectueux du prochain, de la collectivité et de l’environnement.

  On entend depuis quelques années des mots ou des expressions qui reviennent en boucle : collapsologie, sobriété heureuse, croissance/décroissance, crise environnementale, réchauffement de la planète, trou dans la couche d’ozone… Vous avez sans doute en tête bien d’autres termes maintes fois entendus et discutés parfois par des spécialistes auto-proclamés.

   Par-delà cette crise de civilisation qui met en péril l’avenir de la vie et des équilibres de notre vieille terre, revenons-en à l’Ecriture, à la Parole biblique, au Messie annoncé par le prophète.

  Ce Messie, ce Christ attendu et espéré, il est celui qui fait régner la justice et la paix, la solidarité et la fraternité. Je crois qu’il ne peut y avoir de prise de conscience écologique sans soucis de la justice et de l’équité.

  On apprend trop souvent que les plus grands pollueurs de la planète ne sont pas ceux qui subissent et souffrent en premier lieu du réchauffement climatique.

  Les intérêts financiers à courts termes priment sur la préservation des éco-systèmes. Le pillage et la destruction irréversible des forêts tropicales est continu et cela avec des complicités à tous les niveaux.

  Je me rappelle avoir discuté il y a bien des années avec un importateur de bois exotiques. Nous étions alors dans les années 80. Il m’avait dit avoir débuté sa carrière 30 ans plus tôt au Gabon. « On ne coupait pas les arbres de moins de 60 cm de diamètre lorsque j’ai débuté dans la profession. Aujourd’hui, quand on en trouve un de ce diamètre, on est bien content » m’avait-il dit.

  En Amazonie, nous savons également que les communautés indigènes sont les premières victimes de la déforestation anarchique et des fièvres de l’or qui se succèdent.

  Esaïe nous rappelle quelques règles de vie de base élémentaires : vivre en paix et faire pression sur nos dirigeants pour les amener à respecter le droit, les traités internationaux et en particulier ceux qui portent sur l’environnement.

   Dans ce concert, où se font entendre tant de voix différentes, les Eglises chrétiennes peuvent apporter un message pertinent et singulier.

  Martin Kopp, théologien protestant, spécialiste de l’écologie relève que, entre un paradis originel mythifié  et une fin idéalisée, nous vivons un entre-temps, une entre-deux qui est la réalité d’un monde imparfait.

  Ce futur eschatologique, c’est le projet de Dieu pour le monde, un monde pacifié, équilibré pour lequel les chrétiens peuvent s’engager.

  Comme l’écrit Martin Kopp : « Nous sommes appelés à poser des signes du Royaume, à être précurseurs, porteurs de solidarité entre les créatures, de non-violence et de respect de la vie qui appartient à Dieu ; telle est notre vocation créationnelle et notre responsabilité, tout en reconnaissant que le monde présent, bien souvent, manque sa cible ».

  Lors du dernier synode, perturbé par la crise sanitaire, notre Eglise avait pour sujet de réflexion : « Ecologie, quelles conversions ? ».  Un peu tardivement, il faut bien le reconnaitre, nous nous sommes penchés et interrogés sur ce sujet vaste et essentiel.

  Esaïe le rappelle, il faudra toutes les aptitudes, toutes les qualités au Messie qui viendra pour rétablir l’équilibre dans la Création.

 A maintes époques, l’humanité et les chrétiens en particulier ont eu le sentiment de vivre des temps messianiques.

  Il faut être prudent et circonspects sur tous ces prophètes de malheurs qui ont déjà annoncé ou annoncent encore la fin des temps.

  Plutôt que de sombrer dans la désespérance, regardons ce qui se fait, se vit autour de nous et agissons avec constance et courage.

  Jésus, dans l’Evangile de Matthieu rappelle aux disciples qu’ils ne doivent pas s’inquiéter pour les lendemains. Il nous demande de ne pas nous angoisser pour ce que nous mangerons, boirons et de quoi nous nous vêtirons.

  Il se peut que les causes de la crise écologique soient exactement l’inverse de cette attitude de sérénité, à savoir, la peur du futur, le désir de consommer, l’envie frénétique d’accumuler des richesses et des biens matériels.

« Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment pas, ils ne moissonnent pas, ils ne recueillent rien dans des granges et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui de vous peut, par ses inquiétudes, rallonger tant soit peu la durée de sa vie ? »

  Cette parole du Christ est emplie de sens pour nous chrétiens du XXIème siècles confrontés aux défis écologiques.

Sur nos lieux de vies, auprès de nos proches, dans nos engagements professionnels et associatifs, dans notre communauté, nous pouvons témoigner du sens de la mesure, de la retenue et du discernement.

   Non, l’accumulation de richesses, le productivisme à marche forcée, l’exploitation des ressources naturelles au détriment des intérêts humains locaux ou lointain ne sont pas des pistes à suivre.

  Nous pouvons faire des choix de vie simples, à notre portée ; la marche, le vélo, les transports en commun dans les grands centres urbains. Privilégions les circuits courts et les productions locales pour notre alimentation.

  Jésus lorsqu’il s’adresse à ses disciples et ses contemporains sait qu’ils ont besoin d’un minimum vital mais il s’oppose à l’accumulation des avoirs, des richesses. Il met en garde contre ceux qui détiennent le pouvoir religieux et politique et qui abusent de leur puissance.

La transition écologique passe forcément par une évolution des rapports économiques, sociaux et plus concrètement par nos liens avec le vivant et les humains.

  Pour cette journée du 19 septembre 2021, une intention de prière était suggérée par l’association Eglise verte.

Nous conclurons avec elle :

Seigneur, tu nous montre qu’accueillir un enfant, c’est t’accueillir toi-même, donne nous d’apprendre à accueillir les plus petits parmi nos frères humains et non-humains dans nos vies quotidiennes et notre travail.

Amen

 

PREDICATION DU CULTE DU 12 SEPTEMBRE 2021. TEMPLE DE TONNEINS.

        Jacques 2/14 à 26.

Chers Amis,

La foi et les œuvres, le salut par la foi ou bien le salut par les œuvres, c’est un débat qui divise les chrétiens depuis fort longtemps, mais c’est un débat qui a été tranché par les réformateurs.

 Pourtant, au cœur de cet Epître de Jacques, sonne cette affirmation répétée deux fois, la foi sans les œuvres est morte.

  Après une lecture trop rapide, on peut penser que Jacques s’oppose à Paul qui écrit dans l’Epître aux Romains : « L’être humain est justifié par la foi, en dehors des œuvres de la loi » (Rom. 3/28).

    D’abord, tentons de définir la foi. Pour certains de nos contemporains, la foi se définit comme un ensemble de croyances et d’opinions. Il y a ce que l’on sait, ce que l’on voit et ce que l’on croit.

  Pour d’autres, la foi est un sentiment qui consisterait à éprouver des émotions religieuses.

 Pour tous ceux-là, le salut serait obtenu soit par l’acceptation de bonnes doctrines, soit par l’amour, la confiance et la ferveur que nous éprouvons.

  Dans la théologie réformée, la foi n’est ni une opinion, ni une émotion. Elle se produit lorsqu’une rencontre a lieu, une rencontre sur laquelle nous n’avons pas prise, une rencontre avec le Christ.

   Ainsi, la foi n’est pas une œuvre dont je peux m’enorgueillir, ce n’est pas un motif de fierté ni un exploit de croire. C’est plutôt une démarche lucide et clairvoyante sur la présence de Dieu dans ma vie qui la transforme et lui donne une direction et un sens.

  Alors que l’Epître de Jacques a été tardivement intégrée au canon du Nouveau Testament, Luther l’avait appelée « l’Epître de paille ».

  Force est de constater que ce parti-pris de « la foi avec les œuvres » nous interroge encore aujourd’hui sur le fond. L’opposition avec la théologie paulinienne n’est qu’apparente car que penser de chrétiens qui limiteraient leur foi à une pratique intérieure stricte dont seraient bannis tout gestes de solidarité ?

   Ce que semble condamner Jacques, c’est une manière très personnelle et égoïste de vivre sa foi. C’est celle de quelqu’un qui pourrait dire ou penser : « Je crois et je n’ai besoin de personnes ; les autres, mon prochain ne m’intéressent pas ». Un peu comme si un bel arbre se développait avec vigueur et que finalement, sa sève et ses fleurs ne donnaient aucun fruit.

   Pour nous protestants, c’est bien la rencontre avec Dieu, avec Jésus qui permet l’éclosion de la foi et c’est bien notre foi qui produit les œuvres. Mais les liens entre la foi et les œuvres sont totalement indissociables.

 La pasteur-médecin Albert Schweitzer, qui fut également un grand théologien disait ceci : « Si tu veux croire en Jésus, commence par faire quelque chose en son nom ». Ainsi, la foi et les actes ne s’opposent pas, ne s’affrontent pas mais se nourrissent l’un l’autre, se complètent et se fécondent.

  Je crois que la foi qui pousse à s’engager, à agir dans la diaconie, dans l’entraide peut bien souvent permettre à d’autres, des non-croyants, des non-chrétiens, des incrédules ou bien des personnes en recherche spirituelle, de rencontrer le Christ.

  On ne sert pas son prochain pour être sauvé mais parce que l’on se sait aimé et sauvé, avant même que l’on ait fait quoi que ce soit.

  Une vie de chrétien, désincarnée, se désintéressant du sort de son voisin, de ses tous proches témoigne d’une foi stérile, inutile. Est-ce bien la foi d’ailleurs ?

  C’est parfois un reproche tout à fait justifié qui a été fait à certains chrétiens pourtant pratiquants réguliers ; ce décalage entre une foi qui professe un Dieu d’amour et la sécheresse du cœur vis-à-vis de la souffrance d’autrui.

Il importe de relever que Paul n’est pas tant éloigné que cela de la théologie de Jacques. Paul rappelle qu’on ne saurait être justifié pas les œuvres de la loi tandis que Jacques affirme simplement qu’une foi sans les œuvres ne saurait sauver puisqu’elle elle est une foi morte.

  Je crois que l’on peut perdre la foi, à trop se détacher du monde, à trop d’indifférences, à trop s’enfermer dans une tour d’ivoire. C’est peut-être ce genre d’attitudes que dénonce Jacques lorsqu’il évoque la foi qui peut mourir.

  L’apôtre Paul lui-même, dans ses Epîtres n’a jamais défendu une foi frileuse et repliée sur elle-même, incapable de produire le moindre fruit.

  Plutôt que d’opposer ces 2 visions de la foi, constatons, qu’elles sont porteuses d’ouvertures, de perspectives et de promesses.

  Si la foi, dans la théologie protestante nait d’une relation vivante et personnelle avec le Christ, relevons que ce dernier affirme qu’il se laisse justement rencontrer dans celui qui a faim, soif, qui est étranger, nu, malade ou prisonnier. Cette parabole du jugement dernier que l’on peut lire chez Matthieu, doit nous pousser à témoigner, à partager, à faire des gestes de solidarité, autant d’actions qui nourrissent et augmentent notre foi.

  On ne rappellera également jamais assez les vertus de l’exemple. Pour parler clair, la rencontre avec le Seigneur qui produit la foi a besoin de témoignages, de passeurs, de relayeurs.

  La foi ne doit pas se cantonner à notre vie intime, elle doit jaillir, s’exprimer à travers tout ce qui fait mon quotidien.

  Les grands réformateurs, les chrétiens contemporains que l’histoire retient ont tous mis leur foi en pratique, ils l’ont traduite en actes. Le pasteur André Dumas, avant d’être le grand serviteur de l’Eglise qu’il fut a travaillé tout jeune à la CIMADE pour soutenir et protéger des familles juives menacées par l’occupant allemand.

 La foi peut s’exprimer et apparaitre au grand jour de 1000 et 1 manières. Si je ne dispose pas de temps car trop pris par mon travail, je peux faire des dons financiers généreux. Si je suis disponible pour m’investir sur le terrain, il y a la vie de l’Eglise, la diaconie et le tissu associatif. Mes aptitudes, mes savoirs et mes qualités seront autant de témoignages de ma foi.

  Les œuvres se bâtissent avec les mains, les mots, la sueur parfois. Elles sont la traduction concrète de cette présence qui nous habite et nous tient debout. Une foi sans les œuvres est comme une coquille vide.

    Ce qui rend ma foi crédible, tangible, c’est bien souvent la qualité des rapports humains qu’elle suscite.

  Pensons à la parabole du Samaritain que l’on peut lire chez Luc. Rappelons-nous, des « hommes de foi » un prêtre, un lévite passent sur la route, indifférents à l’homme blessé. Le Samaritain lui s’arrête et prend soin de la victime. « Lequel des trois a converti sa foi en actes ? Lequel des trois a été le prochain du voyageur ? » demande Jésus.

  La Bible et les Evangiles en particulier ne sont pas avares de gestes, de paroles de soutien, de signes qui jaillissent du cœur d’un ou d’une croyante.

  Jacques prend deux exemples tirés de l’Ecriture pour appuyer son argumentation. Abraham a été reconnu juste devant l’Eternel, car quels qu’aient pu être ses épreuves, ses doutes et ses questions sa foi et son obéissance ont été constantes. Rahab, la prostituée a été sauvée de la destruction de la ville de Jéricho car elle avait ouvert sa maison aux messagers d’Israël. Elle figurera dans la généalogie de Jésus.

  Aujourd’hui encore, il est possible de manifester très simplement notre solidarité et notre intérêt pour notre vie d’Eglise. Ainsi, en octobre, notre repas de rentrée sera l’occasion d’inviter quelques proches ou quelques amis. En novembre, la grande collecte nationale organisée par la Banque alimentaire mobilisera des milliers de bénévoles dont ceux de l’entraide sur Tonneins et Marmande. Bloquons nos dates des 26 et 27 novembre, d’ors et déjà.

   Dans une période et un contexte bien difficile, osons des gestes de solidarité.

   Je crois que la foi a son existence propre. On entend parfois des personnes dirent : « J’ai perdu la foi, j’ai découvert la foi, j’ai retrouvé la foi ». Bien plus que dans de longs discours, c’est au hasard des rencontres, au gré des épreuves, dans des moments inattendus, parce que Dieu a mis sur notre route une personne attentionnée et bienveillante que des gestes forts ont été posés. Cela n’était peut-être qu’une écoute, une parole de soutien, une visite, un coup de fil, une carte postale.

« De même que, sans souffle, le corps est mort, de même aussi, sans œuvres, la foi est morte » écrit Jacques.

  On peut légitimement s’interroger : « Qu’est-ce que la foi change dans ma vie aujourd’hui ? Pourrais-je me passer de la présence de Dieu dans mon quotidien sans que cela y change quoi que ce soit ? »

   Si nous croyons que dans ce monde et cette société où nous croisons tant de solitudes, d’injustices et de souffrances, la foi nous permet d’amener un petit plus, un supplément d’âme, de la joie à travers des gestes simples et forts, alors ma foi est vivante et je n’ai pas à craindre qu’elle s’éteigne comme la flamme d’une bougie.

  Paul et Jacques se rejoignent sur l’essentiel. Nous sommes sauvés et justifiés par la foi mais la foi a besoin de notre élan, de notre enthousiasme pour témoigner qu’on peut avec Dieu traverser les épreuves de la vie.

  Même si la plupart du temps, nos visages sont encore masqués, traduisons notre foi par un large sourire. Ce sera là un premier acte, un acte de foi.

Amen

 

 

 PREDICATION CULTE DU DIMANCHE 5 SEPTEMBRE 2021 A MARMANDE. Marc 1/9 à 13

          Chère famille Dupuy, chers frères et sœurs,

 

         Le récit du baptême de Jésus chez Marc est sobre, simple. Il surgit au tout début de l’Evangile qui ne traite pas de la naissance et de l’enfance du Messie.

  D’abord, on peut relever quelques détails géographiques. Jésus est issu d’une petite bourgade de Galilée, Nazareth. Il va être baptisé dans le fleuve qui traverse cette région, le Jourdain. Un peu comme si aujourd’hui, nous disions que Raphaël vient de Duras, qu’’il est baptisé à Marmande et qu’il a été plongé dans la Garonne.

   Mais je ne m’appelle pas Jean-Baptiste, Raphaël n’est pas Jésus et nous n’habitons pas en Galilée. Le baptême de Jésus inaugure une nouvelle ère, une nouvelle relation à Dieu.

  Le verbe baptizo en grec signifie plonger dans l’eau. Le sens de ce geste était alors de mourir à sa vie ancienne pour renaître à une vie nouvelle, régénérée, purifiée.

   Le choix de baptiser son enfant comme il a été fait par les parents de Raphaël, c’est de le présenter à Dieu pour un nouveau départ, une nouvelle naissance.

  Le récit de Marc est riche de verbes d’actions, de mouvements. Jésus vient de Nazareth, il est plongé dans le fleuve Jourdain. Il remonte de l’eau. Puis le texte se poursuit en décrivant l’action de Dieu : les cieux se déchirent, l’Esprit Saint descend sur Jésus et sa voix se fait entendre.

   Le message de Dieu, sa Parole sont rapportés par les 3 Evangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc : « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi, je trouve toute ma joie. »

  Cette joie de Dieu, c’est le cadeau qu’Il nous fait à chaque baptême. A son amour premier, cet amour dont il prend l’initiative, il nous est possible de répondre en se présentant à Lui pour le baptême. A la suite du Seigneur, son fils Jésus-Christ, nous contribuons à la joie de Dieu.

  On a le sentiment que pour Marc, la vie de Jésus commence vraiment avec l’épisode de son baptême.

   Nous savons bien sûr, que l’amour et la tendresse de Dieu s’adresse à tous les hommes ; baptisés, non baptisés, chrétiens, athées, croyants d’autres familles religieuses. Mais dans cet océan de traditions spirituelles dans lequel on peut se noyer ou se perdre, c’est au seul Jésus-Christ et à ses disciples que Dieu se présente comme un Père tendrement comblé par ses enfants.

   Encore des verbes d’action, de mise en mouvements avec cet Esprit Saint qui ne se contente pas de descendre sur Lui comme une colombe mais qui le pousse, le jette dans le désert.

  Etre baptisé, ce n’est pas être le bénéficiaire d’une protection surnaturelle qui nous mettrait à l’abris de tous les écueils, toutes les épreuves. C’est plutôt accepter de toujours remettre en cause son identité antérieure, ne jamais considérer comme acquis l’être et l’avoir, c’est accepter d’être plongé dans l’inconnu, de mourir à nos fragiles certitudes pour renaître à celui qui nous aime joyeusement.

  Les cieux qui se déchirent, l’Esprit Saint qui descend, la voix de Dieu qui se fait entendre, autant de signes qui font rentrer les hommes dans un temps nouveau. Depuis le baptême de Jésus, il n’y a plus de séparation entre Dieu et les hommes. Qu’est-ce que cela change dans nos vies, dans celles de nos enfants, dans celle de Raphaël ?

  En premier lieu, constatons que le message de Jésus-Christ s’est plutôt bien exporté. Les chrétiens sont présents aux 4 coins de la planète et sur tous les continents. Ce matin, dans notre petit temple de Marmande comme dans des milliers d’églises et de lieux de culte, nous découvrons ou redécouvrons que la distance entre Dieu et les hommes est abolie.

  Les protestants qui ne reconnaissent que 2 sacrements, le baptême et la Cène affirment que ce sont là les 2 signes visibles d’une grâce invisible.

  En apparence, nous ne sortirons pas de ce temple différent de ce que nous étions en y entrant. Notre vie, la vie de Raphaël et de sa famille ne vas pas être bouleversée. Pourtant, la joie de Dieu est contagieuse, communicative.

 Et la joie, l’enthousiasme, la gaité ne sont-ils pas des antidotes, des protections, une cuirasse contre le pessimisme, la tristesse et le désespoir ?

  Nous vivons actuellement une période difficile, ou la morosité fait concurrence à la lassitude, à une fatigue qui nous ronge.

Ne boudons pas notre joie, joie d’être ensemble ce matin, joie d’un baptême, joie de pouvoir communier ensemble.

  Et si le critère de validité, de véracité d’une religion était le sentiment d’une joie communicative qui émane, qui transparait dans le comportement de ses membres ?

  Avons-nous envie d’être des chrétiens tristes, écrasés par les soucis ou au contraire, sommes-nous prêts à prendre la vie à bras le corps pour l’embellir ?

  Ne nous leurrons pas ; immédiatement après son baptême, Jésus est poussé dans le désert pour être éprouvé pendant 40 jours.

 Ce nombre 40 est un nombre symbolique qui représente un temps d’épreuves comme les 40 ans que le peuple hébreu passe au désert ou les 40 jours de jeûne de Moïse sur le Sinaï, épisodes relatés dans le livre de l’Exode.

 40 jours, 40 ans, ce sont aussi les symboles de la durée d’une vie et nous savons tous que le déroulement d’une vie n’est pas linéaire ; joies et peines, échecs et réussites, espoirs et désillusions ne manquent pas et se succèdent. Dans ce quotidien qui nous bouscule, nous heurte parfois, nous avons besoin de nous recentrer sur l’essentiel, ce qui fait le cœur de notre vie.

  Si nous ne nous rappelons pas tous de notre baptême, si celui-ci a eu lieu dans notre petite enfance, il est bon d’entretenir et retremper notre foi.

  Le baptême, ce n’est pas un aboutissement, un but à atteindre, c’est un départ, un commencement, un peu comme l’aube annonce le jour qui vient.  De même que l’eau est utilisée pour le baptême des humains, Jésus le baptisé est celui qui nous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.

  Et comme nous avons besoin d’Esprit Saint et de feu par les temps qui courent. Car si l’Esprit Saint pousse Jésus au désert, si Dieu accepte que nous soyons éprouvés, c’est aussi pour pouvoir se manifester dans tous les temps difficiles que nous pouvons traverser.

   Où Dieu se manifeste-t-il en ce moment ? Est-il présent dans nos Eglises, dans nos communautés ? Son rayon d’action se limite-t-il aux quelques paroissiens qui franchissent le pas de la porte du temple ce matin ?

   Surement pas ; comme Jésus, comme les premiers disciples, le baptême doit nous pousser, littéralement nous jeter dehors, dans le monde, dans l’arène. Bien sûr, il faut respecter le temps de l’enfance et protéger nos jeunes qui sont parfois bien exposés à toutes sortes de sollicitations.

  Mais comme nous l’évoquions tout à l’heure, le baptême n’est pas une armure, une assurance tout risque qui nous protégerait de tous les maux de la société. Il est plutôt une clé, une clé qui ouvre la porte d’entrée du Royaume de Dieu. Si ce Royaume n’est pas de ce monde, il n’en demeure pas moins que comme chrétiens, nous héritons d’une double citoyenneté, nous sommes des binationaux : citoyens du monde et citoyens du Royaume.

  L’état du monde aujourd’hui entre crise sanitaire, environnementale et écologique, avec les tensions politiques auprès et au loin, a de quoi nous inquiéter. Mais laissons-nous pousser dans ce monde, nous le peuple des baptisés, découvrons ses déserts et ses réalités.

  L’Evangile de Marc n’évoque pas dans le détail les épreuves que Satan soumet à Jésus. Nous savons par les autres Evangiles qu’il sera tenté par le pouvoir, les richesses, la puissance. Les tentations qui peuvent être les nôtres aujourd’hui s’appellent indifférence, mépris, désirs de reconnaissance mais aussi racisme, rejet de la différence, de l’orientation sexuelle ou de l’altérité. On est souvent tellement rassuré par l’entre-soi.

  Pourtant, si Jésus le baptisé a pu dominer Satan et ses pièges, nous pouvons à sa suite espérer des combats victorieux.

  Si l’on voulait employer une métaphore sportive et rugbystique, on pourrait dire que le baptême est l’essai et qu’il nous appartient d’enrichir le monde en le transformant, en le bonifiant, en le valorisant.

  Et pour cela, nous avons bien besoin de l’Eglise, de la communauté chrétienne. Notre Eglise protestante unie a peut-être quelques défauts, mais elle est riche d’une histoire qui nous pousse à nous engager sur les chantiers du monde.

  Pensons à John Bost qui a créé les asiles de la Force au XIXème siècle pour accueillir tous ceux qui étaient rejetés à cause de leur handicap ; pensons aux membres de l’Armée du Salut qui ne se dérobent pas face aux injustices sociales et à la précarité. L’ACAT, association œcuménique de lutte contre la torture est également un lieu de soutien et de solidarité avec d’innombrables victimes.

  La tentation de l’indifférence ou du « à quoi bon » nous guette tous. Mais nous croyons que le baptême de l’Esprit- Saint nous permettra d’affronter les épreuves de la vie, d’y prendre nos responsabilités pour rendre ce monde meilleur.

  Ainsi, nous pourrons contribuer à la joie de Dieu, à la joie de nos proches, à la joie partagée.

 Suivre Jésus n’est pas un chemin difficile. Nos vies de baptisés ne nous épargnent pas pour autant les épreuves. Mais nous avons la ferme conviction que la foi qui nous anime nous permet et nous permettra de les dépasser et de nourrir ainsi la joie de Dieu, joie qui fait écho à la nôtre.

Amen

PREDICATION TONNEINS 11 JUILLET 2021

Marc 6/6b à 13.

                                               Chers Amis,

Quel est donc ce programme, ce projet, cette mission que Jésus nous demande de réaliser ?

Nous sommes au début de l’été ; certains d’entre-nous vont partir, voyager, se ressourcer et surement faire des rencontres même s’il est vrai que quelques destinations sont compromises à cause de la pandémie.

  Jésus s’adresse à la petite communauté des disciples vivant dans la province juive de Galilée. Cet appel aux douze va les voir se déplacer, se disperser pour propager la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu.

  Et si Jésus s’adressait aussi à nous ? Si en ce mois de juillet 2021, alors que nous ne savons pas encore si la crise sanitaire est dernière nous, il nous donnait autorité sur les mauvais esprits et nous envoyait sur les routes, juste avec un bâton et de bonnes sandales ?

   Lorsque nous partons en vacances, nous prenons souvent beaucoup d’affaires, vêtements chauds au cas où, différentes tenues, provisions et accessoires divers. Pourtant, Jésus nous demande de voyager « léger » : « pas de pain, ni de sacs, ni même d’argent ! » Il en faut du courage et de la confiance pour obéir à de telles consignes.

  Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je m’aperçois souvent à la fin d’un séjour que je n’ai pas mis des habits que j’avais emporté dans ma valise, que je n’ai pas lu tous les livres que j’avais emmenés.

   Peut-on réellement mettre en pratique et appliquer les demandes et les conseils de Jésus aux 12 et à nous-mêmes aujourd’hui ?

  Plutôt que d’essayer maladroitement d’obéir aux paroles du maître prononcées au tout début de son ministère, tentons de comprendre l’enseignement que nous pouvons en tirer. Y-a-t-il du superflu dans ma vie, suis-je capable de me contenter du nécessaire ? Jésus m’interpelle moi aussi ce matin dans ce temple de Tonneins ; il me fait signe et il m’envoie. Il ne veut pas que je ressorte tout à l’heure surchargé et écrasé par la tâche qui m’attend ; au contraire, il semble souhaiter que je dépose mon fardeau à ses pieds, il veut m’alléger !  Ecoutons-le, découvrons ou redécouvrons ce qu’il a à nous dire. Il a besoin de chacun de nous. Les tâches, les missions au sein de l’Eglise, dans nos familles, dans la société, le monde du travail, tout cela est important pour lui.

       Jésus nous appelle à partager, proclamer et témoigner au cours de cet été de tout ce qu’il change dans nos vies, dans nos quotidiens, face à nos épreuves, nos soucis et aussi nos joies.

   Pour faire sa volonté, pas besoin de prévoir mille et une choses qui risquent d’être inutiles. Bien sûr, s’il fait chaud, prévoyons des boissons fraîches, de quoi nous protéger des morsures du soleil mais voyageons légers ! Un bâton, des bonnes chaussures et en avant, marche !!

  Le maître conseille à ses disciples de rester 2 par 2. Bien souvent, quand le courage nous fait défaut, quand la fatigue et la lassitude se font sentir, s’appuyer sur un proche, un conjoint, un ou une amie, nous permet de continuer la route. A 2, on est plus que 2 fois plus fort. On est un couple, une fratrie, un binôme. Le Christ n’a-t-il pas dit là ou 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ? Apparait alors l’autorité spirituelle qu’il nous donne, une part de son pouvoir qui nous permettra de dominer les épreuves, de ne pas désespérer face aux esprits mauvais. Cette autorité, c’est un cadeau, un don et n’ayons pas peur de l’utiliser si le besoin s’en fait sentir.

  Pour notre Eglise qui s’est lancée dans une réflexion synodale sur la mission et les ministères, ces quelques versets de Marc ouvrent des pistes.

  Tout d’abord, l’aventure de la foi ne se vit pas en solitaire ; joignons-nous aux autres et autant que possible vivons cette aventure communautairement.

  Ensuite, s’il nous faut voyager avec le minimum, nous ne sommes pas pour autant démunis puisqu’il nous promet son autorité, son Esprit.

  Cet envoi, cette mission ont pour nous une visée interne et une visée externe. Je m’explique : au sein de notre Eglise, le travail d’évangélisation n’est jamais achevé, jamais abouti, jamais terminé. Il y a toujours des frères, des sœurs aux marges de notre communauté. On les voit trop rarement, à certaines fêtes ou pour certaines occasions. La mission interne, c’est vers eux qu’elle soit se tourner et nous avons tous notre rôle à jouer. Je peux être pour lui, pour elle celui qui est envoyé par le Seigneur pour l’arrimer solidement à l’Eglise.

  La mission externe, elle est tournée vers la société, le monde et c’est là que cela se complique un peu. Comment toucher mon voisin, mon collègue, un proche pour qui Dieu est un inconnu, le Royaume une illusion et l’Eglise une institution inutile et vieillotte ?

   Cette mission externe nous demande de l’assurance, de la conviction, de la persévérance, en un mot, il nous faut avoir la foi. Ne nous cachons pas derrière la timidité, les complexes, ou une pudeur excessive. Saisissons toutes les occasions qui nous sont données pour témoigner et partager cette Bonne Nouvelle qui change notre vie.

   Pour cela, faisons mémoire de notre propre expérience de la rencontre avec le Vivant, Jésus le Christ. Quand, où, comment, par qui Jésus est venu jusqu’à nous, jusqu’à moi ? N’y-a-t-il pas dans les réponses à ces questions, des éléments qui peuvent m’être utiles pour m’en servir à mon tour dans le but de toucher de nouveaux cœurs ? Dans nos parcours de vie, ressortent des moments, des circonstances, qui ont favorisé l’éclosion et le développement de notre foi.

  Un proche, un ami, une parole dans une période cruciale, prononcée peut-être par un inconnu, nous ont ouvert les yeux sur la présence divine, sur la réalité du Royaume. Peut-être que nous aussi et à notre insu, nous avons été cette personne qui a permis cette rencontre entre Dieu et notre interlocuteur. Nous avons alors été le disciple obéissant qui a su transmettre l’essentiel. Parfois, souvenons-nous, nous étions deux à accueillir une âme en peine, un enfant en recherche. Nous étions alors plus forts avec notre conjoint, notre ami, notre frère ou notre sœur.

   Aujourd’hui, dans mon Eglise, dans ma ville, ici à Tonneins, Jésus nous appelle et nous envoie en mission. On peut certes déplorer nos Eglises qui se vident et dont les membres vieillissent inexorablement mais cette Eglise qui est la mienne a encore besoin de nous, de moi. Alors que cet été ne fait que commencer, que nous allons pouvoir recevoir du monde, visiter des proches, osons parler du Christ à ceux que nous allons rencontrer.

  La situation de nombre de nos contemporains est difficile, rendue compliquée par les épreuves traversées ces derniers mois. Chômage, précarité, maladies, injustices, mal-être et désespoir parfois. Notre Eglise n’a pas les moyens matériels et financiers de répondre à toutes ces souffrances mais elle est conduite par le Christ qui avec ses disciples peuvent écouter, prier et partager les peines et les questions qui taraudent tant d’êtres humains aujourd’hui.

  Cette semaine, cet été, nous allons croiser du monde, vivre des rencontres, il y aura des occasions, saisissons-les !

   Le Seigneur a besoin d’ouvriers dans sa vigne, de moissonneurs dans ses champs. La faiblesse, la fragilité de notre Eglise ne doit pas nous décourager.

  Dans ce passage de l’Evangile de Marc, l’Eglise n’est pas encore née et tout repose sur Jésus et les douze. Nous ne serons jamais une méga church américaine dont les pasteurs se déplacent en avion, qui réunissent des foules et dont les finances sont abondantes.

  Une Eglise simple, pauvre, aux modestes moyens matériels est bien plus proche de l’idéal évangélique que ces grosses structures. Les richesses du chrétien sont la grâce de Dieu, la Parole et le cadeau de la foi et tout cela ne se monnaye pas.

  Dans cette entreprise d’évangélisation, ce défi qui nous est lancé, la réflexion que l’Epudf a initié sur la mission peut nous aider.

  De plus en plus de nos contemporains se plaignent de la marchandisation du monde ; tout s’achète, tout se vend, tout se négocie selon les lois du marché et parfois même hors de tout contrôle. Pour autant, nombreuses sont les voix qui se font entendre pour promouvoir la solidarité, le respect de l’environnement, la gratuité, l’engagement bénévole, des gestes sans calculs purement bénévoles. Tout cela, notre Eglise le propose et fait entendre sa parole bien singulière dans un monde où l’on parle surtout des mouvements de la bourse, des profits et des salaires faramineux d’une petite élite.

  « Nous, nous n’avons rien à vendre » pouvons-nous dire à toutes celles et tous ceux que nous allons rencontrer.  L’amour et la grâce de Dieu sont totalement gratuits ; l’écoute et le partage de la parole, la prière, ne demandent pas un investissement financier qui exclurait qui que ce soit. On peut vivre sa vie spirituelle dans l’Eglise en participant au culte, au groupe de prière, à l’entraide, aux activités diverses.

  Dans ce monde si souvent, vide de sens, aseptisé, endormi, comme chloroformé, une parole étrange, surprenante peut venir bousculer nos vies : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes ».

Ne nous croyons pas indignes ou inaptes pour cette mission. Ne nous laissons pas décourager par les échecs. Jésus, dans ces quelques versets demande à ses disciples de ne pas insister en cas de mauvais accueil.

  La rencontre avec Jésus et la vie de l’Eglise nous permet de dire à celles et ceux que nous allons rencontrer : « Je ne suis pas le plus riche, je ne suis pas le plus fort mais ma vie a du sens, guidée par l’Esprit Saint et sous l’autorité de Dieu ».

    Notre joie et notre sérénité seront une source d’interrogation ; osons partager et communiquer sur notre foi.

Dans ce monde agité et parfois proche de la folie, soyons des rochers, des lieux d’amarrages, pour tant de voyageurs perdus.

Qu’ils puissent découvrir dans notre Eglise un port d’attache, un ancrage, un ilot de paix et de fraternité sous la conduite du Christ.

Amen

PREDICATION CULTE DU 4 JUILLET 2021. MARMANDE.

Marc 6/1 à 6.

Chers Amis,

  Peut-être certains d’entre-nous ont-ils fêter le retour d’un enfant, d’un proche ; de longs mois de séparation l’avaient éloigné du nid familial. Nous nous sommes demandés : aurait-il changé ? Vais-je le reconnaître ?

  Ces questions que nous nous posons, les habitants de Nazareth se les sont peut-être également posées. Qu’est donc devenu ce Jésus, fils du charpentier Joseph et de Marie, ce Jésus qui a grandi parmi nous ?

  Comment croire à un message d’une telle sagesse, à sa réputation de faiseurs de miracles alors que nous savons qu’il n’est qu’un jeune homme que nous connaissons bien ?

   Nous qui sommes aussi de la famille de Jésus, ne ressemblons-nous pas pour autant aux habitants de sa ville natale ?

  Nazareth, n’est-ce pas aussi Tonneins, Marmande, Gontaud, Virazeil ?  Si Jésus vient prêcher dans notre petit temple, allons-nous le reconnaître ?

  Voilà une avalanche de questions qui ne doivent ni nous bloquer, ni nous paralyser.

  Certains commentateurs pensent que Jésus a souhaité revoir ses proches et que ce séjour à Nazareth, rapporté par 3 évangélistes, a un solide fondement historique.

  Quoi de plus naturel que ce retour aux sources, ce besoin de renouer avec son passé récent ? Il nous montre également que Jésus est ancré, enraciné dans un lieu, un environnement familial.

  Lorsque l’on a déménagé, voyagé, on a tous ressenti ce besoin de retrouver le chemin de l’enfance, un peu comme un pèlerinage auprès des lieux et des personnes que l’on a fréquenté dans sa jeunesse.

  Nazareth est probablement un gros village de Galilée où tout le monde connait tout le monde. Les premiers miracles de Jésus, sa prédication sur le Royaume, sa réputation sont surement arrivés aux oreilles de ses habitants.

  Aujourd’hui, on pourrait faire le parallèle avec nos lot-et-garonnais célèbres comme le chanteur Francis Cabrel qui a grandi à Astaffort ou le philosophe Michel Serres qui est né au bord de la Garonne.

  Relevons combien il est important d’avoir des racines, une origine, une identité, une culture, une terre natale, une famille.

  Tout cela, Jésus le possède ; les récits des Evangiles de l’enfance sont là pour nous rappeler que Jésus est né homme, qu’il a partagé notre condition, qu’il a une existence historique.

  C’est peut-être ce qui fait son humanité qui rend incrédule ses proches. Comment croire à la messianité de son frère, de son enfant, celui que l’on a connu nourrisson, puis grandissant, exerçant le métier de son père, charpentier, dans ce village de Nazareth ?

   Jésus est venu là avec ses disciples ; peut-être a-t-il du mal à se résigner à une rupture avec ses proches. Ces derniers le voient entouré d’un groupe de compagnons, auréolé d’une réputation grandissante. Il est autorisé à enseigner dans la synagogue, ce qui témoigne d’un accueil plutôt favorable.

  Mais ceux qui l’écoutent sont frappés par son autorité ; elle a quelque chose de surnaturelle ; « d’où lui vient cela ? » disent-ils.

  En Jésus, 2 réalités, 2 logiques viennent s’entremêler : une logique purement humaine et une logique pleinement divine. Une mystérieuse alchimie unit ces 2 réalités. Elle sera d’ailleurs l’objet de nombreuses discussions et disputes dès le début du christianisme.

  Les habitants de Nazareth et leurs réactions nous interrogent : serions-nous capables de reconnaître Jésus parmi nos amis, nos frères, nos sœurs, nos proches ?

  Nous laissons-nous questionner, interpeller lorsqu’une personne de notre entourage, de notre famille, énonce une parole pleine de sagesse ?  Nous allons parfois un peu vite pour condamner tel ou tel propos et il est vrai que les prophètes de malheur, les gourous et autres complotistes nous imposent d’être prudents et circonspects.

 Le propre de ces personnalités un peu trop charismatiques, est d’être très égocentrées, de vouloir focaliser les attentions sur eux-mêmes. Leur pseudo-sagesse n’a qu’un seul but, se mettre en valeur et favoriser leur propre culte.

  La sagesse de Jésus est tout-autre. Il n’est pas un Sauveur auto-proclamé, un Messie qui s’impose de sa propre autorité.

  Il est le Fils que Dieu s’est choisi, le Christ que le Père offre à l’humanité toute entière. Cela doit être absolument incroyable, inacceptable pour celles et ceux qui ont vécu et grandi avec lui.

  Plus tôt, dans l’Evangile de Marc, on voit Jésus avec sa famille ; il est brusque, semblant ne pas les reconnaître ; « qui est ma mère et qui sont mes frères ? » leurs dit-il. Leurs montrant la foule et les disciples, il rajoute : « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-ci est pour moi un frère, une sœur et une mère. »  Les relations de Jésus et de sa parenté sont rendues complexes. Il sait qu’il doit s’affranchir du poids de la tradition, d’une culture familiale, sans pour autant la nier et la rejeter.

  Jésus n’est plus d’un foyer, d’un village, d’une région, d’un peuple ; il devient tout à tous ce qui est à la fois incompréhensible et inacceptable pour les habitants de Nazareth.

  Le lecteur de Marc sait que la puissance et la sagesse lui ont été données par l’Esprit dans son baptême mais ses proches refusent de voir l’œuvre de Dieu dans l’évolution et la transformation de leur compatriote.

  Jésus découvre les premières difficultés de son ministère. Ses retrouvailles avec sa famille peuvent être considérées comme un échec. Sa puissance, la réalisation de ses miracles, ses guérisons se nourrissent de la foi en Lui. Il ne peut rien opérer face à l’incrédulité, au scepticisme et aux doutes.

  Cela est valable plus que jamais pour nous aujourd’hui. Croire en ce Dieu qui s’est fait homme, qui a partagé notre existence conditionne notre accès à son Royaume.

  Le Seigneur se nourrit de notre foi, de notre engagement pour réaliser son projet : sans cela, comme à Nazareth, il ne peut faire aucun miracle.

  Dans un quotidien difficile, notre Eglise se fait porte-parole de ce message de Jésus à la fois surprenant et étonnant ; un amour démesuré, gratuit et sans contrepartie, tout cela nous est offert par le Messie vivant qui est parmi nous.

  Comme nous aimerions qu’il franchisse les portes de notre petit temple ce matin. Nous aurions peut-être du mal nous aussi à le reconnaître tant nous sommes prudents, lents à croire et parfois soupçonneux.

  Le texte de Marc nous dit dans certaines traductions que Jésus était pour ses auditeurs une occasion de chute, ils se scandalisent à son sujet. Parfois, être trop prêt de la lumière rend aveugle ; nous ne sommes pas toujours lucides sur celles et ceux qui nous entourent. Appréhender la réalité de la présence de Dieu implique parfois une certaine distance d’avec ses proches.

  Jésus le dit et cela a été maintes fois repris : Un prophète n’est méprisé que dans son pays, dans sa parenté et dans sa maison.

  Les prophètes du premier Testament furent souvent persécutés en dénonçant les injustices et l’oppression.

  Au XXème siècle, nombre de chrétiens se sont levés courageusement pour s’opposer à des dérives et des régimes inacceptables.

  La pasteur allemand Dietrich Bonhoeffer s’est ainsi opposé dès 1933 au pouvoir hitlérien. Il a très tôt dénoncé la nazification des Eglises protestantes et fut l’un des artisans de l’Eglise confessante qui refusait l’assujettissement au régime ; ce prophète allemand ne sera suivi que par une minorité et sera exécuté par Hitler en avril 1945. Son aura et son influence seront croissants dans l’après-guerre.

  Yitzhak Rabin, premier ministre israélien a payé de sa vie le fait d’avoir signé les accords d’Oslo avec les palestiniens. Ces accords auraient pu ramener la paix dans un Proche Orient en guerre depuis des décennies. Son assassin était un israélien qui refusait son rôle de prophète, d’homme de dialogue qui défendant la politique de la main tendue.

  Ces 2 exemples, on aurait pu en trouver bien d’autres, confirment cette parole du Christ à Nazareth ; les prophètes ne sont pas crus dans leur patrie ; on leur préfère trop souvent des Cassandre qui annoncent des malheurs.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de faire la part des choses, de démêler le vrai du faux. Pourtant, par-delà les siècles, le message de Jésus reste prophétique.

   La patrie de Jésus s’est progressivement étendue largement au-delà des frontières de Nazareth et de la Galilée. Son message s’est répandu dans tout le bassin méditerranéen.

Dans nos villes, nos cités, l’Eglise doit pouvoir porter cette Parole, proclamer cette Bonne nouvelle.

  Jésus-Christ est le chemin et la porte qui mènent au Royaume ; Il nous attend, il nous accueille dans sa patrie céleste.

Amen

PREDICATION 20 JUIN 2021. AG. MARMANDE.

Marc 4/35 à 41.

Chers Amis,

Le récit de cette tempête apaisée peut faire écho à ce que nous vivons depuis mars 2020 dans notre vie d’Eglise et dans notre quotidien.

  Cette traversée que Jésus impose à ses disciples s’avère périlleuse D’abord, elle a lieu la nuit, dans l’obscurité ; ensuite, il s’agit d’aller sur l’autre rive, une rive que même le jour, on peut imaginer difficile à apercevoir à l’œil nu. 

C’est ainsi, les disciples découvrent que chaque jour, accompagner Jésus peut les exposer. Le suivre a un prix, un coût ; ils ont déjà quitté leur foyer, leur travail, leurs voisins et maintenant, voilà que le Rabbi de Nazareth les entraîne dans une traversée incertaine.

  Notre Eglise de Marmande est comme la barque où Jésus se tient. Elle est légère, frêle, fragile peut-être et pourtant, elle a traversé bien des étangs, bien des lacs et aujourd’hui, demain peut-être, elle devra affronter de nouvelles tempêtes.

  Cette période, dont il est encore trop tôt pour affirmer qu’elle est achevée, cette pandémie et ses conséquences sanitaires, éloignements les uns des autres, obligation de respecter les règles de distanciation, isolement, solitude, crainte de la contamination, tout cela me fait penser à la tempête qu’affrontent Jésus et les disciples. Pendant que le Maître dort, ses compagnons paniquent, se désespèrent.

   Comme eux, nous nous sommes peut-être demandés ces derniers mois : « mais que fait le Seigneur ? Ou est Dieu ? ». Pourtant, il était lui aussi dans la barque, qui ressemblait parfois à une galère, il faut bien le dire !

    Dans nos nuits agitées, nos tempêtes, nos coups durs et nos épreuves, il était, quoiqu’on en en croit, bien présent, à nos côtés, très discrètement car il dormait.

   Dans le texte de Marc, les disciples affolés le réveillent : la barque prend l’eau de toute part et les amis de Jésus sont persuadés que la mort est proche. Ils interpellent Jésus : « Cela ne te fait rien ? »

   Jésus se soucie-t-il encore aujourd’hui de nous ? De nos frêles esquifs qui prennent l’eau de toute part ? Lorsque notre Eglise est en péril, dans la tempête, va-t-il se réveiller ? Peut-être attend-il de nous qu’on le secoue un peu, qu’on le prenne par l’épaule, qu’on se rappelle qu’il est là dans le bateau, lui aussi, même assoupi sur un coussin.

  La situation est cocasse d’une certaine façon car la plupart des disciples étaient des pécheurs et avaient dû vivre à plusieurs reprises une mer déchainée. Le contraste entre la sérénité de Jésus et l’affolement des disciples est intéressant à relever. Il a valeur pour nous d’assurance et de sécurité. Nous ne sommes que des êtres humains et à l’image des disciples, nous pouvons trembler, être submergés par la peur.

  Nous avons le droit de craindre pour nos vies, celles de nos proches ; nous pouvons être soucieux pour l’équipage que constitue notre Eglise Protestante Unie de France et plus particulièrement pour notre petite communauté marmandaise.

  Alors, osons réveiller le Seigneur et il lui suffira d’un mot, d’une Parole pour ramener le calme, pour apaiser les tempêtes. « Silence ! Tais-toi ! » Jésus s’adresse ainsi aux démons, aux calamités qui nous effraient et nous menacent.

  Notre Eglise est fragile, notre communauté est peu nombreuse ; pourtant, Jésus veut, elle aussi l’amener sur l’autre rive. Malgré le doute, nous pouvons le croire.

  En ce jour d’AG, soyons unis derrière le Christ. La flottille EPUDF est constituée de centaines de petites barques et toutes doivent affronter des difficultés, quitter des zones connues pour aller vers d’autres ports.  Jésus nous questionne :« Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

  Lorsque la tempête s’est apaisée, les disciples ne sont pas encore rassurés. Leur peur s’est déplacée. Ce ne sont plus les éléments déchainés qui les effraient mais le Maître Lui-même, son pouvoir, son autorité. Mais Jésus ne règne pas dans la crainte et la sévérité mais dans l’amour et la bienveillance. Il nous réconforte, sèche nos larmes, calme nos angoisses.

Confions-lui aujourd’hui notre AG, nos préoccupations et ce qui nous pèse. Avec Lui, nous pourrons franchir tous les obstacles.

Soyons unis autour de notre projet d’Eglise, en comptant sur les disponibilités et les compétences de chacun et chacune.

  Le Christ est celui qui se fait obéir du vent et des flots déchaînés pour nous mener d’une rive à l’autre.

  Faisons lui confiance et soyons persuadés que même assoupis, il est dans la barque avec nous.

Amen.

 

 

PREDICATION DU CULTE A TONNEINS DU 13 JUIN 2021.

Marc 4/26 à 34.

 

Chers amis,

Ces 2 paraboles, vous les connaissez. Vous les avez lues, entendues de nombreuses fois et peut-être vous dites vous qu’elles ne vous apprendront plus grand-chose.

Et pourtant, ne nous faut-il pas, comme le jardinier, comme l’agriculteur, comme le paysan, semer, travailler les terres que nous sommes, arroser et protéger nos cultures, puis moissonner et ramasser les fruits lorsqu’ils seront murs ?

  Dans ce chapitre de l’Evangile de Marc, Jésus s’adresse à la fois à la foule et à ses disciples. Il souhaite leur présenter la réalité du règne de Dieu mais pour cela, pas de grands discours théologiques, pas d’énoncé de la loi et des règles à suivre pour y avoir accès. Non, Jésus choisit une tout autre technique, une pédagogie qui lui est propre, celle des paraboles. Les paraboles sont des histoires simples en apparence. Elles mettent en scène des personnages ou des situations qui parlent à tous, de quelques conditions culturelles, sociales ou religieuses que l’on soit.

   L’art de la parabole est beaucoup plus subtil que ce que l’on pourrait penser de prime abord. En grec parabolé se traduit par comparaison, symbole mais l’étymologie de ce mot veut également dire, lancé à côté.

  Jésus explique ainsi que le Règne de Dieu, c’est « comme un homme qui jette la semence en terre », « comme une graine de moutarde ».  Il ne décrit pas ce Royaume, son fonctionnement, Dieu lui-même, les légions célestes, les anges et les archanges ; il fait le choix d’utiliser des paraboles qui parlent à chacun en utilisant des images que l’on peut tous comprendre.

  Dans cette rencontre et ce partage avec les galiléens et ses disciples, Jésus ne s’adresse pas à des spécialistes de la loi ou à des pharisiens qui connaissent souvent les Ecritures à la perfection. Il s’adresse au peuple, le peuple d’Israël, celui des petites gens, des humbles.

  Par de-là les siècles et en se plaçant dans le contexte d’aujourd’hui, que nous disent ces 2 paraboles sur le Royaume de Dieu ?

  Un peu plus tôt, dans ce chapitre, Jésus a expliqué à ses interlocuteurs que la graine, ce que jette le semeur en terre, c’est la Parole. Ainsi, semer, cultiver, échanger, dialoguer, communier, prier, c’est partager ce goût pour la Parole, c’est en prendre soin et l’utiliser à bon escient pour qu’elle puisse croître sur de bons terrains.

  Nous avons tous et toutes le souvenir d’une parole qui est venue fort à propos pour nous consoler, nous rassurer, nous réconforter. Il se peut que cette parole ait mis du temps à germer. Notre cœur était peut-être trop sec ; nous n’étions pas prêts à découvrir le Royaume, à y entrer.

   Comme disciples, comme chrétiens, nous sommes pourtant appelés à être d’infatigables semeurs, des paysans persévérants qui cultivent l’art de la parole, qui témoignent qu’elle peut changer nos vies. Ce n’est pas uniquement le pasteur, le prêtre, le prédicateur qui est appelé à semer. C’est notre rôle à tous, dans nos familles, avec nos amis, dans la société, dans le monde associatif et professionnel.

  Si la société galiléenne du temps de Jésus était très rurale, le monde a changé depuis. L’horizon s’est élargi et les moyens de diffusion et de communication se sont démultipliés.

  De quelques dizaines de disciples au départ, les Eglises chrétiennes proclament la venue du Royaume aujourd’hui à plusieurs centaines de millions de croyants.

  Nous pouvons tous être semeurs ; c’est même la première mission de chaque disciple. Cela demande d’être perspicace, de tenir compte de la météo intérieure de mon interlocuteur. En effet, toutes les paroles partagées, toutes les graines semées, ne vont pas croître au même rythme. Elles ne vont pas germer et éclore au même moment.

   On ne parle pas du Royaume à un enfant, un adolescent comme on en parle à une personne d’âge mûr. Certains de nos contemporains ont une solide culture religieuse, d’autres savent à peine qui est Jésus-Christ. Un des clés de compréhension des paraboles du Royaume est de laisser de côté toute volonté de maîtrise, de contrôle, de supervision.

  Dieu a certes besoin de témoins, de semeurs mais son plan d’action, l’avènement de son Royaume se réalise indépendamment de nous, de moi. La semence pousse d’elle-même en terre, la Parole fait son chemin chez mon prochain et bien souvent le rôle du semeur est très relatif. Mais cela ne doit surtout pas nous démobiliser, Il faut des ouvriers pour récolter et moissonner.

  Comme disciple, tachons de ne pas faire écran à la parole, favorisons son ancrage, facilitons sa germination dans le cœur de celui ou celle avec qui je la partage ; même si je n’ai pas de prise sur le principe de vie, le processus de germination qui va la faire grandir jusqu’à produire du grain et de fruits au centuple.

 Jésus le dit d’ailleurs très clairement dans sa parabole : une fois la semence jetée en terre, que je dorme ou que je veille, elle germe et grandit. C’est une leçon d’humilité pour toutes celles et tous ceux qui se prennent pour de grands maîtres spirituels, des gourous, des guides autoproclamés.

  Jésus-Christ Lui-même s’est effacé devant Dieu le Père et devant les hommes. Il a refusé d’endosser le rôle et l’image d’un Sauveur glorieux et adulé par les foules.

  Jésus a choisi la parabole de la graine de moutarde car elle est une toute petite graine. On sait qu’elle peut donner naissance à une plante qui fera 4 mètres de haut. Le quel d’entre-nous peut prédire le devenir d’un nourrisson, d’un enfant ? Des rencontres opportunes, bien souvent une famille attentionnée ont parfois permis à des personnalités extraordinaires d’éclore et de mûrir. Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King avant d’être les grands serviteurs qu’ils ont été, ont été enfants, nourrissons, petits êtres fragiles et dépendants. Quelles ont été les paroles, les gestes d’amour et d’espérance qui les ont conduits à devenir les grands hommes qu’ils ont été ?

  La Bible regorge de versets, de brefs passages qui peuvent faire basculer nos vies. Ne sous-estimons pas la puissance de la Parole. Elle échappe à toute tentative de contrôle et est bien souvent porteuse d’une puissance de liberté voir, de subversion. Ce n’est pas un hasard si tous les régimes autoritaires, toutes les dictatures emploient tous les moyens pour museler la parole, pour contrôler les médias, interdire une expression libre. Dans la théologie johannique, Jésus le Christ est présenté comme la Parole faite chair, la Parole incarnée.

  La graine de moutarde, c’est justement cette parole vivante, cette parole qu’un frère, une sœur vient planter en nous et que Dieu lui-même va faire germer, croître et fructifier. L’aspect insignifiant, presque dérisoire d’une petite graine peut être comparé à la vie terrestre de Jésus, 33 années vécus en Palestine, sous contrôle de l’empire romain. Qui aurait pensé que ces quelques mois de ministère en Galilée et cette fin terrible à Jérusalem, que sa prédication sur le Royaume auprès de quelques foules et 12 disciples allait faire entrer le monde dans une nouvelle ère ?

La graine de moutarde, on aurait pu penser qu’elle avait disparu à la croix. Pourtant, elle a germé à Pâques et a produit graines et fruits pour la multitude.

  Cet évènement presque inaperçu des historiens et des contemporains de Jésus va donner l’Eglise, cet arbre aux multiples branches dans lequel tant d’oiseaux peuvent faire leur nid.

  La parabole de la graine de moutarde doit sonner à nos oreilles comme un immense encouragement : il n’est pas une vie, pas une œuvre, pas une entreprise, pas une grande aventure humaine, spirituelle qui n’aient démarré dans l’infiniment petit, le plus dérisoire en apparence.

  Cela donne de la gravité, de la profondeur à nos comportements, nos paroles. Bien que serviteurs non-indispensables du Royaume de Dieu, je peux être, parfois à mon insu, le souffle, l’oiseau ou le semeur qui va planter une graine dans une bonne terre. Dans notre monde, il y a une grande diversité de plantes, de graines, de terres, de climats.

  Il y a bien des années, un ami cher m’avait donné une petite plante, toute sèche, toute grise et qui était hors sol. Il m’avait dit que cette plante était appelée « mousse de Jéricho ou fausse rose de Jéricho ». Elle était en apparence morte et pouvait rester des années desséchées.  Cet ami m’a dit : pose-la sur un fond d’eau et tu vas être surpris. Après l’avoir fait, j’ai vu cette plante se déplier, reverdir et s’épanouir. La fausse rose de Jéricho est de la famille des fougères et provient des zones désertiques d’Amérique centrale ; sa capacité à rester refermée et desséchée pendant des années et à reverdir instantanément l’a faite appelée plante de la résurrection.

A l’image de la mousse de Jéricho, irriguons par la parole de vie, la parole du Seigneur, toutes ces terres asséchées, désertiques, et ne reculons pas devant l’aridité des cœurs devant les aprioris de certains.

  Notre foi et nos pratiques chrétiennes sont mal compris par beaucoup ? On nous impose une laïcité intransigeante et mal interprétée ?

 Persévérons, des graines, des plants peuvent avoir besoin de plusieurs années pour arriver ç germination.

  L’Eglise d’aujourd’hui construit celle de demain. Celle de notre présent a poussé probablement différemment que ce que nos aînés avaient imaginé. Plantons, cultivons et n’ayons crainte, la semence grandit et se développe même pendant notre sommeil ; soyons accueillants pour tous les oiseaux qui viendront faire leur nid à l’ombre et à la fraicheur des branches de l’Eglise.

Amen

 

 PREDICATION MARMANDE POUR LE 6 JUIN 2021.

Marc 14/12 à 26.

Chers Amis,

Ce récit de Marc que l’on retrouve dans les 3 évangiles synoptiques et partiellement chez Jean, déroule le scénario du dernier repas, de la dernière Pâques que Jésus passe avec les disciples.

  Il y a une tension évidente, on découvre une scène qui a mainte fois été représentée par de grands peintres, tels Léonard de Vinci ou plus récemment Dali et même quelques publicistes.

  Ce repas d’adieu est un peu comme une tragédie fondatrice.

Plantons le décor, nous sommes à Jérusalem et l’atmosphère est à la fête. On célèbre à nouveau le souvenir de la sortie d’Egypte, d’un Dieu secourable et libérateur.

  Ce repas qui aurait du être un temps de joie, certes emprunt de gravité est alourdi, assombri par la proximité de l’épreuve maintes fois annoncées par Jésus.

  Le Seigneur se sait rechercher et c’est peut-être pour cela qu’il envoie deux de ses compagnons trouver la maison qui les accueillera. Ce soir-là, à Jérusalem, dans cette pièce que les chrétiens appellent « la chambre haute », Jésus s’adresse à ses amis, mais bien au-delà, à nous tous : « je vous le déclare, c’est la vérité, l’un de vous, qui mange avec moi, me livrera ».

La tristesse qui envahit les disciples peut être aussi la nôtre : serais-je moi aussi capable de trahir mon Seigneur ? Mon manque de foi, ma faiblesse pourrait-elle me pousser à livrer mon maître ? Ce pourrait-il qu’un innocent marche vers une mort infâme avec ma complicité ?

  Cette question que se posent les compagnons de Jésus, est-ce moi, ? C’est aussi celle que je peux me poser.

  Seigneur, est-ce moi qui te vends, qui te lâche, quand je ferme les yeux sur les injustices, sur les souffrances de mon prochain ou quand je me bouche les oreilles pour ne pas entendre les appels à l’aide ?

  Est-ce moi, qui pour rester tranquille, ne pas être dérangé, choisis d’être sourd et aveugle face aux cris de détresse qui parfois sont poussés par mon voisin, mon frère, ma sœur ?

  Seigneur, je ne crois pas aimer l’argent, la richesse plus que je  t’aime ; pourtant, ce Judas que l’histoire retient comme celui qui t’a vendu pour quelques pièces d’argent, comment ne pas croire que tu l’as aimé lui aussi ?

  Dans nos vies, parfois bousculées, souvent éprouvées, peut-être avons-nous, nous aussi eu parfois le sentiment que nous n’avions pas été à la hauteur des enjeux. Nous nous sommes dit alors : le Seigneur comptait sur moi et j’ai préféré ma tranquillité. Un ami me demandait de l’aide, une écoute, j’ai choisi de ne pas lui consacrer de temps car j’avais besoin de me reposer, de me détendre.

  On peut relever que durant ce repas, à aucun moment, Jésus ne se comporte comme un accusateur. S’il condamne l’acte de trahison, ile ne condamne pas le traitre ; il connait sans doute trop bien ses compagnons communautairement et individuellement pour ne pas les aimer pleinement.  Le Seigneur en ne nommant pas le coupable renvoie chaque disciple à lui-même mais il s’adresse aussi à nous, à moi. N’y a-t-il pas un peu de Judas en moi, un peu de Pierre qui reniera bientôt son maître, ou bien un peu de Thomas, l’incrédule qui aura besoin de toucher les plaies du ressuscité pour croire ?

  Finalement, ces disciples, ils nous ressemblent et paradoxalement, cela est réconfortant. Le Christ ne nous demande pas une perfection, par ailleurs hors de notre portée ; il fait avec ce que nous sommes, en vérité et en profondeur.

  Jésus ne juge ni ne condamne Judas mais il le plaint puisqu’il sait que son attitude et son comportement attirera son malheur.

  Dans le contexte de tensions politiques et religieuses, la vie de Jésus était en grave danger. Judas va être l’un des acteurs de ce terrible scénario qui va mener Jésus à la croix. Il n’est pas le seul responsable, loin s’en faut. On peut imaginer que jusqu’à la dernière seconde, Jésus l’a aimé et lui a pardonné.

  La figure de Judas, sera utilisée par l’antijudaïsme et l’antisémitisme au cours de l’histoire pour justifier des persécutions et des humiliations à l’endroit des communautés juives.  Cette interprétation dévoyée fait l’impasse sur la question centrale mise en évidence par son comportement et celui de tous les disciples : est-ce que j’accepte d’être aimé ainsi malgré mes défauts, malgré mon péché, malgré moi ?  Jésus ne prononce aucune parole d’exclusion, aucun anathème ; il choisit d’aimer ses disciples, tous ceux qui sont sur son chemin, gratuitement.

  Ce repas, empli de gravité et de tristesse qu’est celui de Jésus et ses 12 compagnons, nous l’avons peut-être nous aussi déjà vécu. Lors du départ d’un proche pour une destination lointaine, pour une longue durée, nous avons ressenti l’inquiétude et la nostalgie d’un temps révolu. Il est probable que les disciples ont peur de perdre leur maître.  Ils craignent aussi de ne pas avoir la force, ni le courage de le suivre sur les chemins périlleux où il va.

   Etre disciple demande parfois de l’abnégation, une grande volonté.  De grandes qualités, être bardés de diplôme, de connaissances et de savoirs se révèlent souvent inutiles.

  Si nous sommes là, ce matin, dans ce petit temple de Marmande, c’est parce que nous nous savons accueillis tels que nous sommes avec notre faiblesse et malgré nos défauts.

  Dans cette chambre haute, le récit de Marc va nous présenter en peu de mots les gestes et les paroles que Jésus va opérer sur le pain et la coupe de vin et que nous commémorons symboliquement depuis cette première Sainte Cène.

  Dans le judaïsme, le rituel et le repas de la Pâques sont associés au récit de la libération, libération de la captivité et de l’esclavage dans le pays d’Egypte. A chaque fois que nous revivons ce repas, en l’actualisant aujourd’hui comme nous allons le faire tout à l’heure, nous sommes exactement comme les disciples autour du maître. Jésus projette ses amis dans un futur à venir et ce futur, c’est aussi le nôtre aujourd’hui.

  Les difficultés de notre présent ne sont pas celles des premiers disciples. Hier, dans une Palestine occupée, aujourd’hui avec la crise sanitaire et la pandémie nous confrontons notre foi et notre espérance a des réalités complexes et douloureuses.

  Mais comme hier, et depuis 20 siècles, ce dernier repas du Christ avant la crucifixion sonne, non pas comme une fin, un achèvement mais comme un nouveau départ, un commencement.

  Certes, des questions lancinantes restent pour l’instant sans réponses ; mes problèmes personnels ne vont pas se résoudre d’un seul coup et mes soucis pour mes proches s’évaporer. Mais parce que je me sais aimer au point que Jésus donne sa vie pour la mienne et ce malgré tout ce que je suis, malgré mes limites et mes insuffisances je deviens en capacité d’aimer à mon tour. L’amour du Seigneur pour moi me libère de mon sentiment de culpabilité, de mon orgueil ou de mon manque de confiance en moi.

  Avec le Christ, Pâques qui faisait souvenir de la libération d’Egypte devient mon propre chemin de libération. Je ne suis plus prisonnier, enchaîné par ce présent pesant et si lourd parfois. Je peux tout déposer au pied du Seigneur et repartir dès maintenant le cœur joyeux.

  Bien sûr, quand nous allons sortir de ce temple, reprendre nos habitudes et notre vie quotidienne, les soucis, les difficultés seront toujours là. Mais Jésus nous l’affirme, son sang versé est le sang de l’alliance, versé pour une multitude de gens, pour nous, pour toi, pour moi.

 Restons dans la joie et la communion d’avec celui qui nous accueille à sa table, sans conditions, sans contraintes et tels que nous sommes.

Que cette joie nous accompagne pour la semaine et le jours à venir ; qu’elle reste vive malgré les épreuves et les difficultés.

  Accueillons le Christ ce matin et sachons qu’il est celui qui nous a dit : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

Amen.

CULTE DE PENTECOTE. TONNEINS. 23 MAI 2021.

Actes 2/1 à 11 et Jean 15/ 26 à 27 et 16/ 12 à 15.

Chers amis,

Le texte du chapitre 2 du livre des Actes relate la première Pentecôte. Mais plus tôt, à quelques heures de la Pâques juive et de son arrestation, Jésus avait prophétisé la venue de l’Esprit. Il exprimait ainsi son désir de ne pas abandonner ses disciples, de ne pas les laisser orphelin après son départ.

   Nous allons donc nous pencher sur les paroles de Jésus, son discours d’adieu à ses proches et sa promesse de la venue prochaine de l’Esprit que nous fêtons à nouveau aujourd’hui. 

     Dans les paroles du rabbi galiléen, la venue du défenseur, de l’avocat, autant de définitions possibles du « Paraclet », sonne comme une espérance au cœur de l’incompréhension et de la haine.

  Jésus, puis ses disciples, connaissent et connaitront l’hostilité et les persécutions. Que va devenir l’annonce du Royaume de Dieu après le départ du Messie ? Quel sera le futur de la Bonne Nouvelle, des disciples après la dernière Pâques ?

  Nous vivons nous aussi dans cette situation de transition qui nous mène à ce jour de Pentecôte. Nous avons tous traversé des heures sombres et difficiles en particulier depuis mars 2020.

  Pour certains d’entre nous, des jours sans lumière ont pu nous laisser croire que Dieu avait déserté notre monde.

  Sans nier ou minorer l’existence du mal, de l’injustice et de la haine, de la solitude et du sentiment d’abandon ressenti parfois, l’arrivée de l’Esprit sur les disciples nourrit notre espérance.

  Oui, Dieu, en Jésus-Christ tient ses promesses, non la mission des disciples n’est pas morte sur la croix.

  Dans le cours d’une histoire, bien souvent tragique et qui peut sembler linéaire, la première Pentecôte voit l’irruption d’un nouveau temps : le temps de l’Esprit, du Paraclet qui nous signifie la continuité de l’amour de Dieu et son attention à l’égard des premiers disciples, de l’Eglise naissante, de notre Eglise aujourd’hui.

  L’Esprit-Saint, Jésus le présente également comme l’Esprit de vérité et le contraire de la vérité, c’est la dissimulation, le mensonge, les actions malveillantes que l’on cache.

  Au contraire, l’Esprit nous éclaire, il nous permet de vivre et partager au grand jour notre foi, notre espérance et notre amour fraternel.

   Jésus sait que la venue de l’Esprit met en mouvement. Les disciples ne resteront pas statiques, inertes ou immobiles ; ils vont s’engager, agir avec tous leurs dons, tous leurs charismes et talents.

  Cette présence spirituelle du Christ à partir de la première Pentecôte élargit les champs du témoignage et les horizons de la mission. Des récits du ministère de Jésus en Galilée et à Jérusalem vont être écrits et devenir les 4 Evangiles. Les premiers disciples vont s’efforcer de réaliser la mission confiée par le Seigneur. L’ouverture à tous les peuples de cette Bonne Nouvelle à partager, le don des langues sont autant de cadeau de ce Dieu qui va régner par son Esprit.

  Près de 20 siècles plus tard, émerveillons-nous de constater que la Bible est l’écrit le plus lu et le plus traduit au monde. En 2020, l’Alliance biblique universelle nous apprend que la Bible a été traduite en 704 langues qui sont parlées par près de 6 milliards d’êtres humains.

  Mais, interrogeons-nous : suis-je capable d’exprimer, de traduire dans ma vie, dans cette société malmenée et bouleversée, tout ce que Christ me demande de partager ?

   Notre Eglise, les membres de nos communautés, sont-ils un écrin, un réceptacle qui accueille l’Esprit de vérité promis par Jésus ?

  Peut-être faut-il lui laisser place, lui donner de l’espace. Au cours de nos études de théologie, on nous apprend que le prédicateur, laïc ou pasteur, est le serviteur de la Parole, cette Parole vivante en Jésus-Christ qu’il nous appartient d’accueillir et d’entendre. Cette Parole n’est la propriété de personne, elle nous dépasse et nous ne pouvons en maîtriser les effets.

  C’est par le don de l’Esprit que nous pouvons la recevoir et accepter que notre vie en soit transformée. Cette transformation intérieure opérée par l’Esprit Saint est le travail de toute une vie.

    Jésus sait lorsqu’il s’adresse aux disciples que comme eux, nous avons besoin d’avancer à petits pas. « J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant » leur dit-il.

  En ce jour de Pentecôte 2021, c’est pareil ; le Seigneur a encore beaucoup à nous dire, mais il respecte le rythme de chacun, notre disponibilité, nos fragilités, nos qualités et nos faiblesses.

  A l’instant T, tout l’enseignement de Jésus n’est pas compréhensible par tous. Une certaine maturité spirituelle est nécessaire et cela n’est pas une question de sexe, d’âge, de condition sociale, de milieu ou d’origine culturelle.

   Le message du jour de Pentecôte, c’est celui de l’irruption de l’Esprit qui s’adresse à nous au-delà de nos parcours et vécus personnels.

   Je peux ainsi devenir le témoin de l’Evangile en me mettant au service des autres, de mon Eglise, en me faisant tout à tous, guidé par cet Esprit.

  Rappelons-nous que l’Esprit, pneuma en grec, c’est aussi le souffle et la vie. Au cœur de mon quotidien, de mon existence, ce souffle, cette vie, c’est le Christ Lui-même, mystérieusement présent. Il nous conduit à Lui, car il est le chemin, la vie et la vérité.

  En ce jour de fête, ne nous croyons pas obligés de charger notre fardeau un peu plus. Tachons plutôt de déposer ce qui nous encombre, ce qui nous pèse, ce qui nous surcharge. Pensons à ces ballons dirigeables, à ces montgolfières qui pour prendre de l’altitude sont obligées de s’alléger.

   Dieu ne veut pas nous accabler avec une mission, une tâche qui serait au-delà de nos forces.

  La venue de l’Esprit n’a qu’un seul but, qu’une seule finalité : glorifier le Christ Lui-même. Dans cette relation trinitaire qui unit le Père au Fils et à l’Esprit Saint, chacun nous renvoie à l’autre dans la complémentarité et l’unité.

  Jésus réconforte les disciples en leur disant qu’ils recevront du Père « de ce qui est à lui » écrit Jean, l’évangéliste.

  Et nous-même, ici ce matin, de quoi, de qui sommes-nous créditeurs ? Que recevons-nous à Pentecôte qui nous manquait, qui nous faisait défaut ?

  Un surcroit de vie, un surplus de souffle, un supplément d’esprit, toutes choses qui font sens dans nos quotidiens difficiles, traversés par des souffrances et des épreuves.

  Bien sûr, cela ne fait pas de bruit, pas de tintamarre ; l’Esprit agit sans cris, sans effets spectaculaires même si certaines Eglises sœurs scénarisent la descente du St Esprit sur leurs fidèles.

  Pour autant, comment ne pas penser à tous ces parcours de vie, toutes ces grandes décisions, ces engagements importants qui sous l’influence de l’Esprit ont permis des rencontres essentielles, des gestes d’accueil fraternels, parfois aussi l’expression de cris de révolte ou de colère face aux injustices ou à la violence des hommes.

  Une parole échangée, un trait d’humour, ne dit-on pas d’ailleurs parfois un mot d’esprit, peuvent se révéler être la manifestation de l’Esprit-Saint. Il prend de ce qui est à Jésus pour nous le donner, pour me le donner. La grâce, la vie, l’amour, tout est don, cadeau souvent inattendu et toujours immérité.

  Victor Hugo, dans son célèbre roman Les misérables offre un exemple saisissant de la puissance de l’Esprit. Souvenez-vous, Jean Valjean, le bagnard est hébergé par l’évêque de Digne Mgr Myriel ; il décide de le dévaliser. Il lui vole de l’argenterie dont un grand chandelier et s’enfuit non sans avoir hésiter à assassiner le vieux prélat endormi. Quelques heures plus tard, Jean Valjean est arrêté, menotté et emmené chez l’évêque pour lui restituer son larcin. Entouré de 2 gendarmes, ces derniers ont la surprise d’entendre Mgr Myriel leur dire : « Relâchez-le, libérez-le. C’est moi qui lui ai tout donné et encore il n’avait pas de quoi transporter tous les couverts et les gobelets en argent ! »

  Par la bouche et l’attitude compatissante de l’évêque, l’Esprit a agi. Jean Valjean n’est plus le même homme. Il quitte le statut de forçat, cambrioleur et criminel pour devenir un homme bon qui dédie sa vie aux autres, aux déshérités. Nous ne soupçonnons pas toujours le pouvoir de transformation opéré lorsque le Saint-Esprit se manifeste.

  En ce jour de Pentecôte, il nous est donné de découvrir un Dieu charnellement absent et présent spirituellement. Paradoxalement, son absence apparente, le rend plus vivant qu’une présence qui serait artificielle.

Cette présence en Esprit, nous l’accueillons dans notre communauté, dans notre Eglise mais on peut aussi la découvrir dans le monde, la société, dans nos familles, dans la vie professionnelle et associative.

  L’Esprit, l’Esprit de vérité, n’est pas non plus enfermé dans un dogme ou une doctrine, dans une théologie particulière.

  En cette fin du mois de mai 2021, nous avons pour certains, le sentiment de sortir d’un long cauchemar, d’une épreuve douloureuse, durant laquelle les mauvaises nouvelles, la peur et la solitude ont été nos compagnes. Les confinements successifs, les restrictions sanitaires, la pandémie et la vaccination sont autant de sujets hyper médiatisés qui alimentent notre actualité.

  Et si le temps de Pentecôte était un temps de récolte après des épisodes météorologiques agités.  Et si nous étions appelés à récolter les fruits de l’Esprit. Plus modestement que l’évêque de Digne dans le roman de V.Hugo, soyons des artisans de paix, des témoins de l’amour que Dieu porte à tous les hommes sans exclusivisme.

A notre insu peut-être, malgré nous, nous aurons contribué à cueillir les fruits, à être les pécheurs d’hommes que Jésus-Christ nous demande d’être.

Amen

 


PREDICATION POUR LE CULTE A MARMANDE. DIMANCHE 16 MAI 2021.

Jean 17/ 11 à 19.

Chers Amis,

Ce passage de l’Evangile de Jean nous place au cœur de la relation de Jésus à Dieu mais aussi de sa relation à nous, ses disciples.

   Jésus prie et nous sommes à quelques heures de son arrestation. Il est dans cette pièce, entourée de ses 11 fidèles compagnons.

  Il adresse d’abord son intercession au Père ; il ne prie pas pour lui mais pour ses proches, ses amis : « Je te prie pour eux, pour ceux que tu m’as confié. »

  La prière du Sauveur, c’est sa demande, sa supplique pour nous. Il est notre protecteur, notre avocat et notre défenseur, plaidant inlassablement la cause des humains auprès de Dieu.

  Il sait qu’après son départ, la mission des disciples continue ; mieux, elle ne fait que commencer.

  Cette recommandation, cette demande peut nous interroger. Jésus parle-t-il vraiment de nous, de moi lorsqu’il s’adresse à son Père ? : « Gardes-les unis à toi » lui demande-t-il.  Comme s’il pensait que marchant vers la croix, il ne sera bientôt plus là pour les protéger.

  C’est dans la proximité et l’unité et non dans la dispersion et la division que nous sommes appelés à vivre notre foi et à faire Eglise.

  Aujourd’hui encore, dans cette société et ce monde traversé par tant de drames, pandémies, conflit au Moyen-Orient, précarité auprès et au loin, Jésus nous appelle et nous rappelle que l’unité ne doit pas rester un idéal inaccessible mais un désir profond des disciples, de tous les chrétiens.

  Il sait combien, hier comme au XXIème siècle, le monde se porte mal. Nous pourrions faire un long descriptif, un épais catalogue des motifs et raisons de perdre espoir.

   Mais cette prière que fait Jésus pour nous sonne pourtant comme une espérance.  L’Eglise n’est pas un club, réservé à une élite, à quelques élus, sauvés pour leur qualité spirituelle et leur obéissance à Dieu. Elle est au contraire, une tête de pont, une avant-garde, qui dans ce monde, témoigne de la Bonne Nouvelle.

  Pour les premiers disciples, l’aventure débute, pour nous, elle continue mais soyons persuadés que notre unité est le plus beau des témoignages que nous pouvons offrir à nos contemporains.

  L’Eglise est dans le monde mais le monde n’est pas l’Eglise. Ils sont bien distincts.

   Cette unité entre disciples est fondée sur l’unité entre le Père et le Fils. Diviser, s’opposer, c’est être aveugle sur cet amour qui lie Jésus à Dieu. C’est aussi être sourd à la prière du Sauveur, telle que nous la rapporte l’évangéliste Jean.

    Le fruit de cette unité n’est pas la réalisation de miracles qui s’apparenteraient à de grossiers tours de magies. Il ne s’agit pas non plus d’offrir une belle façade de fraternité un peu contrainte et forcée.

  Non, Jésus prie son Père afin que nous ayons en nous sa joie, une joie totale et complète.

   C’est vrai, la joie ne se décrète pas. On ne se lève pas le matin, accablé de soucis en se disant : « aujourd’hui, j’ai décidé d’être joyeux, joyeuse » quoique… !

  Non, cette joie n’est pas le résultat d’une amélioration de notre situation générale, elle n’est pas procurée par le bien-être matériel.

  Elle est plutôt le résultat d’un sentiment de plénitude intérieure, une assurance que la prière d’unité du Christ est entendue, reçue et qu’elle nous concerne tous, au premier chef.

  La joie qui nous habite ne nous met aucunement à l’abri des épreuves. Dans les heures qui suivent sa prière au Père, Jésus va être arrêté, torturé, crucifié et mis à mort. Mais le mystère et la surprise de sa résurrection pourtant annoncée va permettre à la joie d’être plus forte que les larmes, le désespoir et le néant.

  Ce retournement dans ma vie, produit par la rencontre avec un Christ vivant, la transforme et malgré les épreuves, nous pouvons laisser une grande joie nous envahir.

  Cette joie n’est pas une vague émotion éphémère et fugace. Elle est un sentiment profond qui nous permet de prendre de la distance face aux coups durs et aux moments difficiles. Elle est aussi comme une bouée qui peut nous maintenir en vie sur les eaux déchaînées.

  Jésus connait l’hostilité, la haine et notre monde en est rempli. Il sait combien la tâche des disciples est difficile.

  Reconnaissons-le humblement, il est difficile d’être joyeux alors que les liens communautaires se sont distendus et que la crainte d’une contamination nous angoisse tous. La souffrance des jeunes et des étudiants, la solitude dans tant d’Ehpad durant les confinements successifs, l’avalanche d’informations anxiogènes ne sont pas des motifs qui peuvent nous rendre joyeux.

  Mais notre double citoyenneté, citoyen du monde et citoyen du Royaume de Dieu nous permet de prendre de la distance par rapport à cette lourde actualité.

   Nous sommes touchés et éprouvés autant que ceux qui ne connaissent pas le Christ ou qui ne veulent pas le connaitre. Mais le Seigneur nous donne les forces pour affronter le mal, pour ne pas céder au désespoir dans l’adversité.

  Et cette force, ce moyen d’accéder à celui qui est la vérité, c’est la parole qui est vérité, la parole faite chair qui est le Christ lui-même.

En accueillant cette parole comme nous le faisons aujourd’hui, c’est le Christ Lui-même que nous accueillons. Mais cette rencontre nous change, nous transforme et nous charge aussi d’une mission, d’un message à partager, à proclamer.

  Au cœur de ce monde, nous pouvons affirmer qu’une autre réalité est présente. Elle nous a été révélée à nouveau à Pâques et malgré les confinements à répétition, les nouvelles qui ne sont pas toujours bonnes, nous savons qu’en Christ, la vie est victorieuse.

  En nous engageant pour la vie de l’Eglise, dans des associations d’entraides et de solidarité, nous répondons à l’engagement du Christ auprès du Père.

Aujourd’hui, quelle parole font entendre les Eglises dans le monde ?

  Sur les questions de société, sur les sujets politiques, sur les droits de l’homme, ses paroles ne sont pas toujours à l’unisson.

  Notre Eglise a reconnu le ministère féminin, il y près de 70 ans. D’autres Eglises protestantes n’ont pas franchi le pas. Les prises de positions éthiques et morales nous différencient souvent.  La voix singulière de notre Eglise a souvent du mal à se faire entendre dans le tintamarre et le brouhaha médiatique.

  Pour autant, il ne nous faut pas fuir ce monde ou bien partir se réfugier dans les montagnes et les forêts avec des rations de survie comme le préconisent certains survivalistes. Il nous faut assumer notre foi et témoigner de cette parole reçue dans sa singularité.

  Les plus grands témoins du Christ ces dernières décennies ont fait entendre sa voix dans le monde : l’abbé Pierre a ainsi déclarer l’insurrection des cœurs et des consciences face à la misère et créa les compagnons d’Emmaüs après s’être engagé en politique.

  Nelson Mandela, protestant méthodiste, garda son espérance intacte durant sa captivité qui dura 27 ans et il mena son combat jusqu’à l’avènement de la liberté en Afrique du sud.

D’innombrables laïques s’engagent et agissent sur le terrain et oeuvrent pour la justice et l’égalité entre les hommes, portés par leur foi chrétienne.

  Plus modestement, le Christ nous envoie chacun, chacune dans le monde et la traduction de cette expression  « Vous êtes mes envoyés » est « Vous êtes mes apôtres ».

Soyons donc les apôtres, fidèles, courageux et humbles envoyés dans le monde, dans la société, dans nos familles, dans nos cercles d’amis et de relations pour partager la Bonne Nouvelle de celui qui s’est offert entièrement à Dieu pour que nous aussi nous nous offrions entièrement à Lui.

Amen.

PREDICATION DU DIMANCHE 9 MAI. TONNEINS. BAPTÊME DE JULIA.

Actes 8/ 26 à 40.

  Chers amis,

Ce beau récit du baptême de l’eunuque éthiopien a été choisi par Julia.

   Il met en scène 2 personnages : D’abord, Philippe  qui faisait partie du groupe des 7, choisis par l’Eglise de Jérusalem pour partager l’Evangile et prendre soin des pauvres. Ensuite ce fonctionnaire africain, homme important, serviteur du royaume éthiopien, qui se déplace en char. Il était cependant considéré comme impur dans le judaïsme à cause de son origine païenne et de son corps mutilé. Il est proche des juifs malgré tout puisqu’il revient d’un pèlerinage à Jérusalem.

  A bien y réfléchir, en relisant le texte de cette belle rencontre, il y a un troisième personnage : un ange du Seigneur. C’est lui qui appelle Philippe à prendre la route du sud. Au fur et à mesure du récit, Luc, l’auteur du livre des Actes ne parle plus de cet ange mais de l’Esprit Saint.

  C’est bien Dieu Lui-même qui par son Esprit illumine la destinée des 2 personnages.

  L’Ethiopie, au temps des disciples, c’était un peu le bout du monde, une contrée lointaine et mystérieuse.

  Même sur son char, probablement tiré par des bœufs, le fonctionnaire avait devant lui des semaines de voyage.

  Lorsque nous avons pris le train, le bus, le métro, ou le tram, dans des gares ou des aéroports, nous avons tous déjà croisé un homme, une femme absorbé (e) par sa lecture. Peut-être même que si nous avions pu jeter un coup d’œil au-dessus de son épaule, nous aurions découvert que cette personne lisait un gros livre, épais … la Bible !

   C’est exactement ce que fait le voyageur éthiopien, il lit un parchemin, car à cette époque, il n’y a pas d’imprimerie, pas de livres.

  Sous la conduite de l’Esprit, cette rencontre entre 2 inconnus a lieu.

  Se laisser guider par Dieu, c’est accepter de se laisser surprendre, bousculé, c’est sortir de sa lecture, lever la tête pour s’entendre dire : « Comprends-tu de que tu lis ? »

   On n’a pas besoin de grandes explications théologiques, de longs discours sur Dieu pour comprendre les Ecritures ; plus simplement, laissons-nous mener par l’Esprit qui nous ouvre sur la présence du Seigneur et qui va nous permettre de répondre à nos questions.

  L’Esprit, il est celui qui va mettre sur mon chemin, un frère, une sœur, un ami, un père, une mère, un parrain ou une marraine comme pour Julia aujourd’hui.

 Philippe est invité par le voyageur étranger à lui expliquer l’Ecriture.

   Cet éthiopien sait que tout seul, il ne peut saisir le message que Dieu veut lui adresser à travers  sa lecture du Livre d’Esaïe.

  C’est comme ça, avec la Parole de Dieu, on est mieux armé pour la comprendre à plusieurs, avec la communauté. Tout seul, je risque de m’enfermer dans de mauvaises interprétations ; j’ai besoin de demander de l’aide, des explications.

     Le fonctionnaire africain cherche à comprendre le prophète Esaïe, nous l’avons dit. Les chrétiens parlent parfois de ce livre comme du 5eme Evangile. Peut-être s’identifie-t-il à ce serviteur méprisé, sans droit, lui qui est mutilé dans sa chair.

   Mais Philippe sait et croit que ce mouton qu’on mène à l’abattoir, cet agneau muet, c’est la prophétie qui s’est réalisée en Jésus, le serviteur innocent, crucifié à Jérusalem.

   « De qui le prophète Esaïe parle-t-il ? » lui demande l’éthiopien. Peut-être aurait-il pu rajouter : « Cela me concerne-t-il ? Est-ce-que ce vieux texte va changer ma vie ? Lui donner du sens ? »

   Philippe, le chrétien de Jérusalem, comprend alors pourquoi l’Esprit de Dieu l’a appelé sur cette route du sud. Le Seigneur avait besoin de lui pour annoncer et partager la Bonne Nouvelle de Jésus avec un étranger.

   Eunuque, éthiopien, venant d’un pays très lointain, ce voyageur et ce disciple vont pourtant se rencontrer. Comme ce fonctionnaire qui rentre au pays, comme Philippe, nous pouvons découvrir le pouvoir de cette Bonne Nouvelle ; elle peut nous toucher tous, jeunes, anciens, habitués du temple ou distanciés, catéchumènes comme Julia.

  On a parfois besoin d’être éclairé, de lire et relire plusieurs fois le même passage pour en comprendre le sens mais cette Bonne Nouvelle est accompagnée de signes de gestes pour dévoiler toutes ses significations, toutes ses conséquences.

  Dans la vie de Julia aujourd’hui, hier pour nombre d’entre nous, nous pouvons ou nous avons pu demander comme ce fonctionnaire éthiopien : « Voici de l’eau : qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé(e) ? »

   Le choix de Julia aujourd’hui, le notre il y a un peu plus longtemps, qui fut parfois celui de nos parents, ce choix est de reconnaitre en Jésus le Christ, le Fils de Dieu.

 Le cœur de cet africain s’est ouvert à la présence de Jésus et Philippe lui a donné les clés pour comprendre et interpréter les versets d’Isaïe à la lumière du Christ.

  Rien, rien ne s’oppose à son baptême. Aujourd’hui, Julia a demandé elle aussi son baptême et comme des millions et des millions de chrétiens avant elle, rien ne s’y opposait. Il n’y a pas d’examens, d’interrogations écrites, de conditions nécessaires pour le recevoir. C’est un signe de la grâce, de la générosité de Dieu vis-à-vis d’elle et de chacun d’entre nous.

  Et ce signe de la grâce de Dieu, il s’adresse à tous et toutes, par-delà les frontières, les barrières culturelles et linguistiques, les couleurs de la peau.

   Le livre des Actes des apôtres nous montre des Eglises qui se développent aux 4 points cardinaux. L’Evangile va très vite se répandre tel une trainée de poudre.

Aujourd’hui encore, beaucoup de pays, pas seulement musulman persécutent les communautés et Eglises chrétiennes et interdisent les conversions et les baptêmes.

  Nous qui vivons en paix, réjouissons-nous que les Eglises catholiques, orthodoxes et protestantes reconnaissent toutes un seul baptême, valable une fois pour toute.

   Philippe a donc baptisé son nouvel ami. L’Eglise qui se développait au Proche-Orient, en Asie mineure, en Europe et à Rome est entrain de naître en Afrique.

  Il disparait après le baptême, peut-être appelé par l’Esprit vers d’autres rencontres, d’autres partages et d’autres missions.

  C’est souvent comme cela, les moments importants, déterminants, essentiels, ne durent qu’un temps ; ils sont brefs et fugaces. Combien de temps les deux hommes ont passé ensemble ? Une heure peut-être comme celle que nous passons pour ce culte de baptême.

  Pourtant, comme le fonctionnaire éthiopien, comme Julia et sa famille et je l’espère comme vous, nous allons continuer notre chemin tout joyeux.

  En effet, si nous nous séparons au sortir de ce temple, si chacun rentre chez soi, après ce temps de baptême et de communion, la joie, elle, se prolonge. Elle ne reste pas enfermée dans ce temple. De même que rien n’enferme l’Esprit-Saint, Esprit de liberté et d’amour, la joie n’est pas circonscrite à un lieu, un événement. Elle nous habite et nous la transportons avec nous où que nous allions.

  Cette joie, c’est le cadeau de Dieu à ses enfants, à ses disciples, à celles et ceux qui reconnaissent en Jésus le Messie et qui le servent. Il n’y a pas à se sentir coupable d’être joyeux, reconnaissant et heureux. Rappelons simplement qu’aujourd’hui encore beaucoup d’enfants, d’être humains ne la partagent pas, accablés par les souffrances. C’est là un sujet de prière permanent.

  La vie de cet étranger est bouleversée. A son tour, dans son lointain pays, il va pouvoir témoigner de ce que Dieu a fait dans sa vie.

  Ce beau récit peut se résumer en 4 mots : une rencontre, une annonce, une catéchèse et un baptême.

Cette rencontre, Julia, tu l’as faite dans l’Eglise et dans ta famille. Une famille, c’est comme une petite Eglise. J’ai été heureux de préparer ton baptême et de te voir au KT avec tes sœurs et tes amies.

  Peut-être qu’un jour prochain, ta joie de vivre, amènera un copain ou une copine à te poser des questions sur Dieu, sur la Bible et qui sait peut-être à demander à son tour le baptême.

  Chacun, chacune, de tous âges, nous sommes appelés, comme Philippe à expliquer les paroles de l’Ecriture, à témoigner de notre foi et à rendre ainsi les gens joyeux autour de nous.

  Jésus nous fait ce beau cadeau, lui qui nous dit dans l’Evangile de Jean : « Que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète ».

Alors chère Julia, chère famille Louro, chers frères et sœurs, ne laissons pas la joie enfermée dans ce temple, ou cachée sous les bancs. Emportons-là avec nous, comme un cadeau et partageons là généreusement.

Amen.

 

PREDICATION DU DIMANCHE 2 MAI 2021. A MARMANDE.

Psaume 22.

                               Chers frères et sœurs,

 Ce verset qui débute le psaume 22, c’est aussi celui que l’évangéliste met dans la bouche de Jésus, le Christ crucifié agonisant sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

    C’est également le cri de la victime, de l’innocent, de l’affamé du persécuté dont les seules perspectives sont celles de la souffrance et de la mort dans la solitude la plus totale.

   Ce type de prière individuelle, d’appel au secours intime et personnel est fréquent dans le livre des Psaumes. Le psalmiste n’a pas écrit « Notre Dieu, notre Dieu, pourquoi nous as-tu abandonné » ; peut-être pour souligner que face à la mort, dans les moments ultimes, les hommes sont seuls.

   Le Psaume 22 pose également la question du silence de Dieu ; silence dans la détresse, face à la maladie, face au deuil de ceux qu’on aime plus que soi, face au néant, à l’échec.

  Certains versets semblent décrire une maladie, un trouble dramatique qui affecte la santé, l’équilibre :

« Ma force s’en va comme l’eau qui s’écoule. Je ne tiens plus debout. Mon courage fond en moi comme  la cire.

J’ai la gorge complétement sèche, ma langue se colle à mon palais . Tu m’as placé au bord de la tombe ».

 On a quasiment là une description clinique que des médecins pourraient analyser. Cet homme semble à l’agonie ; la question ne semble plus être, vais-je mourir ? Mais dans combien de temps ?

   L’eau qui s’écoule, c’est la vie qui s’en va et avec elle tous les projets, tous les lendemains, tous les futurs possibles.

  Comment ne pas penser à ces millions de victimes de la pandémie et du terrible virus du Covid ?

  Ces hommes, ces femmes qui cherchent désespérément leur souffle et que l’on sauve parfois avec des respirateurs artificiels. Cette dramatique description reste toujours actuelle et nous rappelle combien la souffrance et le désespoir  restent consubstantiels à la vie humaine.

   Cette prière d’appel au secours, des générations d’hommes l’ont proclamé, crié, jeté aux oreilles de Dieu qui restait parfois étrangement silencieux.

  A l’époque du psalmiste, les causes de souffrance étaient multiples ; maladies, persécutions, déportations, exils, guerres, famine. Bien souvent d’autres hommes étaient responsables de ces calamités.  Ces hommes, ces agresseurs sont comparés à des guerriers, des chasseurs, des bêtes féroces assoiffées de sang. Ils sont capables de toutes les médisances, calomnies et malédictions et tels de furieux taureaux, ils sont prêts à broyer les vies.

  L’histoire humaine montre que loin devant les catastrophes naturelles, les pandémies, c’est l’homme qui est responsable des pires tragédies.

  Le cri du psalmiste, son appel désespéré sera repris par le Christ sur la croix et bien des humains le lancent encore aujourd’hui.

  Le silence de Dieu ne signifie qu’il n’entend pas. Il nous questionne sur sa toute-puissance ; cette toute-puissance que l’on attribue parfois un peu trop facilement à Dieu, est relative. En effet, si le Père avait le pouvoir de répondre à toutes nos questions, de mettre fin à toutes nos souffrances, pourquoi ne le ferait-il pas ?

  Pourtant, pas plus que le palmiste, Jésus dans son agonie ne cesse de croire  en son Père, en un Dieu qui a le pouvoir d’intervenir même au cœur des situations les plus désespérées.

   Les épreuves ne détruisent pas la foi et cela peut faire écho en chacun d’entre nous.

  Dans la maladie, le deuil, l’injustice, je peux continuer à croire et à m’adresser à Dieu. Il m’écoute, il est présent même silencieusement.

  On peut perdre toute espérance en des jours meilleurs mais garder une foi intacte.

  Le psalmiste ne remet à aucun moment le principe de l’existence de Dieu. Jésus, au Golgotha s’adresse aussi à son Père. Ils lui posent la question terrible du pourquoi, pourquoi m’as-tu abandonné ? Comme si Dieu, au moment le plus essentiel d’une vie, dans la souffrance et la mort proche, était absent.

Pour le psalmiste, Dieu est fidèle à son alliance, à son peuple, à Israël. L’histoire du peuple hébreu témoigne d’un Dieu qui n’a jamais abandonné ses enfants et qui se révèle à travers ses épreuves et ses tribulations.

  Dans l’histoire douloureuse du peuple juif, combien de fois, ce Psaume est-il venu sur les lèvres de ses membres persécutés ?

  Ce Psaume, récité, crié, hurlé par le Christ sur la croix nous relie à ce que certains appellent « la communauté invisible de la souffrance ». Elle nous met en communion avec nos frères ainés, enfants d’Israël et avec le Christ, elle nous unit à tous les chrétiens.

   Le silence de Dieu, sa non-réponse aux cris de désespoir ne doit pas nous paralyser ou bloquer toute action humaine. La sidération ne doit durer qu’un temps.

   Le témoignage d’une solidarité, d’une fraternité possible au-delà de l’indifférence ou de la complicité passive est parfois une surprise qui peut faire basculer les situations les plus dramatiques.

  Comment ne pas penser à ces hommes, ces femmes qui, au cœur du mal, de l’injustice sont venus attester du souci de Dieu pour ses enfants.

  Mère Thérèsa dans les bidonvilles de Calcutta, le pasteur André Dumas au tout début de la Cimade ont agi et donné la réponse de Dieu à ces pourquois lancés par les victimes.

  L’été dernier, j’ai pu visiter le camp de transit de Rivesaltes près de Perpignan qui a accueilli des réfugiés républicains espagnols, puis des familles juives traquées par l’occupant nazi et ses complices et enfin des rapatriés d’Afrique du Nord, dont nombre de harkis.

  J’ai découvert que plusieurs centaines d’enfants juifs avaient échappé à la déportation vers les camps de la mort grâce à des réseaux d’entraides chrétiens en particulier protestants. Assurément, ces témoignages, ces sauvetages sont la réponse de Dieu.

   Ses silences nous placent devant nos responsabilités. Peut-être que Dieu attend de nous des actes, des paroles, des gestes de fraternité, du courage face à l’indicible, à l’innommable. Peut-être que son silence est là pour nous laisser la place pour exprimer notre désarroi, nos larmes mais aussi notre espérance.

  Le psalmiste interpelle, apostrophe Dieu dans le Psaume : « Seigneur, ne reste pas si loin ! Viens vite à mon secours ! Sauve-moi des ténèbres, d ’une mort violente ! Délivre-moi de leur gueule de lion ! »

  L’auteur du Psaume nous dit qu’il ne faut jamais se taire, jamais baisser les bras dans l’adversité. Notre croix peut parfois être bien lourde mais nous ne sommes pas seuls à la porter. Dans ces ténèbres, ce silence abyssal de Dieu, surgit le cri du psalmiste : « Oui, tu m’as répondu ».

  La réponse de Dieu à l’auteur du Psaume viendra à Pâques, avec le tombeau vide, avec le Christ ressuscité.

  Le psalmiste laisse éclater sa joie, son enthousiasme, sa foi : « Le malheureux qui est accablé, il ne l’a pas méprisé, il ne l’a pas rejeté, il ne s’est pas détourné de lui, il a entendu son appel ».

  Quelle a été la « révélation » du psalmiste confronté à l’épreuve ? Une guérison, un miracle, une manifestation de la présence de Dieu ! Il affirme que Dieu l’a délivré, a mis un terme à ses souffrances extrêmes.

 Il proclame sa reconnaissance, ses louanges. Si la réponse de Dieu n’est pas immédiate, parfois décalée dans le temps, en léger différé du moment de l’épreuve, elle n’en est pas moins bien réelle.

  Pour nous, chrétiens, la réponse de Dieu nous est offerte par Christ. Il nous faut peut-être accepter de traverser les ténèbres, en marchant à tâtons, pour entrevoir la lumière, se diriger vers celui qui est également la porte.

 La deuxième partie du Psaume 22 est un cri de joie, une louange qui exprime la reconnaissance de celui ou celle qui se découvre sauvé, accompagné, soutenu, aimé.

  Après l’épreuve, au-delà du deuil, au-delà de la maladie, comme le psalmiste, nous pouvons exprimer toute notre reconnaissance à ce Dieu qui n’abandonne pas ceux qui le cherchent.

  Au soir d’une vie, à l’heure du bilan, repensons à tout ce que Dieu nous a donné. Témoignons auprès des jeunes, de nos enfants que dans une société en crise, dans laquelle les réseaux sociaux et la communication numérique ont remplacé les liens directs, les repas en famille ou entre amis, il y a un chemin de vérité, une espérance, celle qu’incarne le Christ vivant, compagnon de tous les jours.

 Nous avons le droit de nous sentir abandonner, de demander pourquoi, jusqu’à quand.

  Dans la période délicate et sombre que nous traversons, Covid, crise sanitaire, confinement, couvre-feu, bilans tragiques, faisons confiance à Dieu, rendons-lui gloire et louons-le.

  Il n’a pas déserté notre vieille terre. Il est présent en Christ, dans l’Eglise et dans le monde.

  Ce Psaume récité par le Messie, sur la croix, lisons-le jusqu’à son terme pour découvrir ou redécouvrir la présence de Dieu indéfectible et totale au cœur de nos vies.

  Il est celui qui nous nourrit, qui nous guérit, qui nous sauve et avec le psalmiste nous pouvons dire : « Le Seigneur est roi, il règne sur les peuples »

Amen

 

 

CULTE DE PAQUES 4/4/2021.

Marc 16/1 à 8.

Chers Amis,

Ce qui caractérise cette visite aux tombeaux, c’est d’abord la peur et la fuite.

L’Evangile de Marc se clôturait sur ce récit de la résurrection dans les manuscrits les plus anciens. Pouvait-on accepter que tout s’achève sur le silence, la crainte et l’effroi des femmes découvrant un tombeau vide ?  C’est sans doute pour cela que deux conclusions différentes ont suivi, plus tardivement.

  Aujourd’hui, nous fêtons Pâques et nous pouvons nous déplacer, comme dans un film, 2000 ans en arrière. Nous referons un zoom avant pour découvrir ou redécouvrir, le présent de ce récit, sa signification pour nous en 2021. 

   Ce sont donc 3 femmes qui, chez Marc sont les premiers témoins du tombeau vide, de l’absence du corps. Elles découvrent aussi une résurrection, qui a lieu contre toute logique purement humaine et cela les submerge d’émotions « Elle étaient tremblantes et stupéfaites » peut-on lire.

  Deux de ces 3 femmes, Marie de Magdala et Marie, peut-être la mère de Jésus, ont assisté au supplice de la croix. Quoi de plus naturel pour elles, que de prendre soin du corps de l’être aimé, du frère, du fils.

   Jésus, au cours de son ministère a profondément aimé et respecté les femmes, mais il a également été grandement aimé par elles. Loin des condamnations de comportements que la société patriarcale d’alors réprouvait, il s’est laissé interpelé, émouvoir, attendrir par les femmes, proches, intimes, ou inconnues croisées au bord d’un puit ou d’un chemin. Ce témoignage d’amour et d’affection que donnent les 3 femmes peut nous questionner.

  Où sont les disciples ? Où se cachent-ils, où se terrent-ils après leur reniement et leur abandon ? Leur désespoir est-il donc si grand qu’ils se soucient si peu du corps de leur Messie crucifié ?

  Ainsi, les premiers disciples, les premiers chrétiens, ce ne sont pas ceux du groupe des onze, ce sont ces 3 femmes qui dépassant leur douleur, ravalant leurs larmes, viennent au petit jour pour embaumer le corps de celui qu’elles ont tant aimé.

   Elles marchent vers l’inconnu ; pourront-elles rouler la pierre, auront-elles  le courage de prodiguer les derniers soins à ce corps abîmé, meurtri, celui de Jésus, encore auprès d’elles il y a si peu de temps ?

   Arrivées au tombeau, la surprise est totale, ce qui se dévoile à leurs yeux est incompréhensible. On peut imaginer que la dernière demeure du supplicié se trouve sur une colline car c’est en levant les yeux qu’elles découvrent la pierre roulée.

  Confrontés au deuil, à la mort de ceux que l’on aime, comme les 2 Marie et Salomé, levons les yeux et peut-être allons-nous découvrir nous aussi un tombeau ouvert.

  Là où nous pensons déposer un corps, là où en tant de lieux, cimetières, mausolées, catafalques, urnes funéraires et cercueils nous voyons une fin, un achèvement, une conclusion, les récits du dimanche de Pâques ouvrent une brèche, laissent passer la lumière et la vie.

  Avant la consolation, le retour de l’espérance et de la joie, la première réaction des femmes est la surprise, l’affolement. Qu’ont-ils fait de Jésus, de leur ami, de leur Christ ?

  Lorsque nous sommes confrontés à la mort, celle de nos proches, la nôtre, nous avons le droit d’être angoissé ; nous n’avons pas les réponses à nos questions et bien souvent nous avons besoin de nous raccrocher à des choses très matérielles.

  Pourtant, Jésus avait clairement annoncé sa mort et sa résurrection. Son message reste essentiel aussi pour nous : l’espérance d’une vie éternelle, de la mort vaincue, d’un Royaume accessible dès aujourd’hui. Cette assurance ne nous épargne pas pour autant  toutes les contingences et toutes  les épreuves de la vie.

   La souffrance, la maladie et les injustices sont le lot de bien de nos contemporains ; les deuils et les larmes touchent indifféremment chrétiens et non-chrétiens.

  Mais en ce jour de Pâques, écoutons les paroles de ce jeune homme habillé de blanc, un ange, le Christ lui-même ? «  Vous pensiez vivre un ultime adieu ? » nous dit-il ; « Vous êtes effrayés de ne pas le trouver ? Eh bien moi, je vous dis qu’il n’est pas là ; il vous précède, dans ce Royaume qui n’a ni frontière, ni limite. Vous pourrez le croiser en Galilée, en Aquitaine, dans tous les pays et toutes les provinces de la planète. Séchez vos larmes et allez-donc le dire à tous vos amis ! »

   Quelques mots ont suffi, pour que ce jeune homme aux habits clairs  manifeste le passage de la nuit au jour, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie : « Vous cherchiez le crucifié ?  Il est ressuscité. »

    Tout est dit, pour les femmes au tombeau hier, pour nous aujourd’hui, en ce jour de Pâques 2021. La parole de l’ange s’adresse toujours à nous. Ne cherchons pas Jésus et son enseignement sans croire à sa résurrection. Nous risquerions simplement de chercher un symbole, un héro du passé, un mort et une parole morte. L’Evangile n’a de vérité et de force que parce qu’il est une personne vivante en même temps qu’une parole. En dehors de cette personne, l’Evangile peut subsister comme doctrine et comme religion, mais plus comme  une puissance, une présence vivifiante.

  Tous  ensemble, frères et sœurs, avec l’Eglise, nous pouvons dépasser nos peurs, dominer nos angoisses. Où que nous allions, quoi que nous fassions, à partir de Pâques, Jésus nous précède sur tous nos chemins. Cette rencontre avec le Christ vivant et ressuscité devient réalité et vérité dès aujourd’hui.

   Franchissons les étapes qui nous mèneront de la peur à l’étonnement, de la surprise et du questionnement à la foi.

  Nous confessons, nous chrétiens qu’à Pâques, Jésus-Christ est ressuscité des morts. Nous avons ressenti dans nos vies que la rencontre avec le Christ vivant est possible; notre mission ne saurait s’arrêter à cette expérience si singulière et souvent très intime et personnelle. Nous pouvons essayer de la partager, la vivre ensemble, en famille et en communauté.

  Les récits de Pâques qui clôturent les 4 Evangiles ne signifient pas la fin d’une belle aventure spirituelle vécue  il y a 2000 ans à Jérusalem et en Galilée. Ils sont le signe d’une genèse, d’une naissance, d’une ouverture sur un Royaume annoncé par les prophètes et qui se bâtit au jour le jour pour tous les humains.

  Nous sommes à l’image des disciples, prêts à lâcher Jésus dans les moments les plus terribles. Pierre nous ressemble quand craignant pour sa vie, ou pour sa sécurité, il renie 3 fois son Messie. Les femmes sont plus courageuses, dominant leur peur, mues par le désir de rendre un dernier témoignage à leur maître.

   Ce qui avait toutes les apparences d’un échec, d’un fiasco, d’une supercherie, d’un mensonge et d’une illusion collective se révèle tout autre à Pâques. Dieu n’a pas triché avec les hommes. Le tombeau vide, c’est le point culminant et le nœud gordien de l’histoire humaine. Le sens profond de la vie, de ma vie, m’est révélé en la personne du Fils, le Christ vivant, mort et ressuscité.

   Il n’y a pas un seul chemin, une seule voie qui mène à cette rencontre. Le brouhaha, le suractivisme pour certains, le silence et la prière pour d’autres, autant de sentiers différents qui peuvent mener à croiser le Christ.

  Mais ce dernier se manifeste de façon privilégiée dans l’Eglise et à la simple lecture des Ecritures. On y découvre un Sauveur qui, sans la Pâques serait resté un agitateur inconnu, crucifié comme tant d’autres il y a 2000 ans.

  Les Ecritures mettent aussi en évidence le rôle primordial des premiers témoins, hommes et femmes simples qui vont permettre à cette Bonne Nouvelle de se répandre comme une traînée de poudre.

  Aujourd’hui, à l’heure de la pandémie du Covid, de la crise sanitaire avons-nous envie de partager l’Evangile au-delà des cercles restreints de nos petites communautés ?

  Notre joie à Pâques est-elle contagieuse ? Attirons-nous nos contemporains dans nos temples, nos Eglises ? Peut-être nous faut-il inventer une Eglise hors les murs, trouver des supports, des médias, des relais pour partager notre foi dans une société pleine de contradiction. Les religions devraient ainsi rester du domaine strictement privé mais la quête de sens, de spiritualités et d’intériorité n’a peut-être jamais été aussi grande.

  Cette Galilée où Jésus nous précède, c’est Tonneins, c’est Marmande, c’est le Sud-ouest. Où que j’aille, Jésus me précède ; malade et désespéré ou plein d’énergie, entouré de proches et d’amis ou mourant de solitude et de remords, Christ est là, il m’attend, il m’appelle.

A Pâques, il me devance au-delà de la souffrance et de la mort. Il a défriché tous mes chemins, aplanis tous mes sentiers. Nous pouvons déposer nos peurs, nos complexes, nos culpabilités et nos défauts à ses pieds.

  Il est probable que les deux conclusions possibles retenues de l’Evangile de Marc furent écrites plus de 100 ans après la rédaction du texte principale. Ces manuscrits plus récents sont sans doute le fruit de réactions à cette fin abrupte qu’est la frayeur des femmes à la sortie du tombeau vide.

  Pourtant, un Evangile qui s’achève sur l’effroi d’un disciple et des femmes qui s’enfuient a du sens. On dit que la peur donne des ailes. Qui aurait parié un drachme, aujourd’hui on dirait un kopek, sur le futur de ce Messie crucifié entre deux bandits ?

  Les manuscrits de cette fin du llème siècle s’achèvent sur cette parole :

« Or, tout ce qu’on leur avait ordonné de dire, elles l’annoncèrent en quelques mots aux compagnons de Pierre. Après cela, Jésus lui-même les envoya porter de l’orient à l’occident la proclamation sainte que nul ne peut détruire : Dieu offre le salut pour toujours. »

Chers frères et sœurs, ne laissons pas l’actualité envahir notre esprit et assombrir la joie de ce temps pascal.

Bien sûr, un nouveau confinement nous attend, des difficultés pour se déplacer, pour voir nos proches.

 Pourtant, que cette parole résonne en nous comme la Bonne nouvelle de Pâques : « Dieu offre le salut pour toujours ».

Amen

 

    

PREDICATION POUR LE DIMANCHE 14 MARS. CULTE A TONNEINS.

Jean 3/ 14 à 21.

Chers Amis

Seul l’Evangile de Jean évoque le personnage et la figure de Nicodème à qui s’adresse Jésus dans ces quelques versets.

Nicodème est un homme intéressant, présenté comme un pharisien qui vient en cachette de ses proches et des membres de sa communauté, solliciter un entretien avec ce rabbi itinérant qu’est Jésus et dont la renommée a dépassé les frontières de la Galilée pour gagner Jérusalem.

Prisonnier de sa culture religieuse, il ne comprend probablement pas toutes les paroles du maître, lui que Jean évoque comme l’un des chefs des juifs. Jésus en s’adressant à lui, s’adresse à nous tous, par-delà nos statuts sociaux, nos situations personnelles, peut-être aussi nos ambiguïtés ou nos attentes et besoins spirituels particuliers.

  Au fond, qu’est-ce qui nous différencie en profondeur des interlocuteurs de Jésus, lui qui s’adresse indifféremment à tous les humains, de tous les lieux et de tous les temps ?

  Son échange et ses paroles, telles qu’elles sont rapportées par l’évangéliste sont d’une richesse inouïe. Il y a d’abord cette référence à Moïse, citant un épisode relaté dans le livre des Nombres. Vous savez, ce passage où Moïse fixe un serpent d’airain en haut d’une perche. Le Seigneur lui dit que toute personne qui aura été mordue par un serpent et le regardera aura la vie sauve. La croix du Messie crucifié aura la même fonction, affirme Jésus.

  Cette parole peut faire écho en nous aujourd’hui encore. Point n’est besoin d’être un alpiniste chevronné, de se préparer à conquérir des sommets spirituels ou terrestres. Alors que la société humaine nous pousse à aller toujours plus haut, plus loin, Jésus, à la croix nous offre un salut à hauteur d’homme, à portée de main.

  Il affirme que la vie éternelle se gagne en croyant à son destin de Messie crucifié, ce qui est probablement incompréhensible pour Nicodème et difficile à entendre pour nous. En effet, serions-nous prêts à donner crédit à un maître spirituel qui demanderait de croire en lui jusqu’à sa condamnation à la peine capitale et son exécution à la guillotine ou à la chaise électrique ?

  L’instrument de supplice des romains était la croix et Jean met dans la bouche de Jésus des paroles fortes, lourdes de sens, prophétiques. En l’exprimant et le formulant, il découvre progressivement l’ampleur de sa mission. Son humanité nous le rend proche. Il ne parle pas en je, peut-être est-il trop tôt. Il parle de lui à la 3eme personne du singulier, lui le serviteur à l’humilité totale.

  En découvrant et exposant les liens qui l’unissent à Dieu, Jésus se révèle à nous et nous relie au Père.

  La parole centrale, le message essentiel de Jésus tient en ces quelques mots échangés durant une nuit à Jérusalem : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que toute personne qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. »

  Ce jeune rabbi qui découvre sa mission messianique est habité par l’amour du Père. Il en est le signe, l’incarnation mais il ne saurait être question d’un amour exclusif, jaloux, personnel. Jésus se sait être le Fils que Dieu s’est choisi pour manifester sa tendresse au monde, aux hommes.

  Ce monde n’est pas un monde idéalisé, un paradis attendu et espéré par les prophètes ; on y trouve des injustices, de la violence, des catastrophes naturelles, de la souffrance et des maladies. Sans faire une description trop sombre de l’humanité et de la création, il suffit de se retourner sur le XXème siècle pour constater que trop souvent, les ténèbres ont assombri et obscurci le quotidien de nos aînés.

  Quelle audace et quel courage dans cette phrase prêtée à Jésus que nous connaissons bien pour la citer fréquemment dans notre liturgie.

  Jésus proclame l’amour de Dieu au cœur du monde et ce cœur battant, c’est lui-même, Parole faite chair, Dieu fait homme, venu partager notre condition. Le Père nous montre qu’il nous aime au-delà de ce que nous pouvons imaginer.

  Lorsque nous sommes tentés, assaillis par nos démons, submergés par les épreuves, nous découvrons qu’à la croix, Dieu nous offre la vie éternelle. Ce cadeau que nous allons découvrir, redécouvrir à Pâques, nous pouvons commencer à le goûter en ce temps de Carême.

  Débarrassons-nous de toutes les culpabilités qui nous encombrent, nos regrets, nos blessures mal cicatrisées qui peuvent nous empoisonner la vie.

Le Messie que Dieu nous envoie n’est pas un juge, un prophète de malheur sévère et implacable qui va prononcer des sentences lapidaires. Non, ce Messie est notre Sauveur, il nous ouvre un chemin de salut et de vie. Cela était valable pour Nicodème, dans la fraicheur nocturne de  Jérusalem et cela est aussi valable pour nous en 2021.

  Croire en une Messie que beaucoup présentent comme improbable, inattendu, certains pourraient presque dire décoiffant nous libère du souci du regard des autres, de la peur du jugement. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » peut-on lire dans l’Epître de Paul aux Romains quelques années après la Pâques.

  Un père de l’Eglise, Salvien de Marseille, devait écrire au Vème siècle de notre ère que « Dieu nous aime plus qu’un Père n’aime son fils ». Il rajoutait : « C’est une chose évidente que Dieu nous chérit au –delà de l’affection  paternelle, lui qui, pour nous, n’a pas épargné son Fils ».

  On est frappé et bouleversé par la lucidité, la clairvoyance de Jésus sur la situation du monde et le sort qui l’attend.

  Aujourd’hui encore, en de nombreux endroits de la planète, Christ est crucifié quotidiennement ; la dernière Pâque est vécue et revécue par d’innombrables victimes, dont le seul tort est d’avoir été là au mauvais moment, d’avoir osé proférer une parole dérangeante, un appel à la justice, ou d’être de la mauvaise ethnie ou d’une religion minoritaire.

Tournons notre regard vers ce monde qui est le nôtre : combien de pays autorisent et respectent totalement la liberté de conscience ? Des pays majoritairement chrétiens voient se développer des Eglises fondamentalistes, proches du pouvoir politique et prônant la haine des opposants. Certains ne veulent pas voir la lumière qui émane du Christ lui préférant une lecture orientée et partiale de la Bible.

  Peut-être nous faut-il également balayer devant notre porte. N-y-a-t-il pas dans ma vie des recoins sombres que je ne souhaite pas exposer à la lumière divine ?

  L’entretien entre Nicodème et Jésus a lieu dans la pénombre. On peut imaginer une lampe à huile qui éclaire faiblement les silhouettes puis le jour qui se lève et qui aura une saveur nouvelle pour le notable juif.

 Malgré ses craintes, ses peurs du « qu’en dira-t-on », Nicodème est attiré par l’aura, le charisme et les paroles du jeune rabbi de Nazareth. Cela doit nous inciter à ne pas juger ni condamner celles et ceux qui entrouvrent les portes de l’Eglise discrètement, presque par effraction, désireux de ne pas trop se faire remarquer.

  Le peu que dit Jean sur Nicodème, nous le présente comme un pharisien prudent, curieux et ouvert. Il réapparait à 2 reprises dans ce même Evangile de Jean, pour prendre la défense de Jésus lors d’une dispute avec des pharisiens et lors de la mise au tombeau où il apporte des aromates pour embaumer le corps du crucifié.

  Si Nicodème n’a pas pris les risques des premiers disciples, tout abandonner pour suivre Jésus, il nous interroge cependant car il nous ressemble un peu. Nous ne sommes pas prêts à nous exposer, à nous opposer aux autorités, à remettre les fragiles équilibres de nos vies.

   Pourtant, comment ne pas être convaincu que Dieu aime Nicodème, lui qui ne juge pas. Au petit jour, la discussion entre les deux hommes s’achève et la lumière du matin apparait. Durant cette nuit, Jésus s’est révélé  être le Messie qui éclaire nos questions et nos doutes comme ceux de Nicodème. Ce dernier ne va pas sortir indemne de cet échange ; Il ne s’est pas senti jugé mais plutôt écouté, compris et enseigné par ce jeune rabbi au destin qui échappe à toutes les autorités et pouvoirs humains.

 Ces paroles de Jésus nous rappellent qu’être disciple, c’est n’être ni juge, ni jugé. Nous sommes plutôt appelés à agir selon la vérité, certaines traductions disent à « faire la vérité » comme d’autres font le mal.

Comment agir pour la vérité, « faire la vérité » dans la période trouble que nous traversons à nouveau. Sans aucun doute, en nous tournant vers la croix, celle de Pâques, de ce Pâques 2021 qui nous rappelle que la vérité n’est pas un dogme, une idée , une philosophie mais une homme, le maître, le Messie, Jésus-Christ. Il nous l’a dit : « Je suis le chemin, la vie, la vérité ».

  Croire ainsi en ce Sauveur, ce serviteur obéissant jusqu’à la croix, ce n’est plus marcher dans les ténèbres, c’est progresser vers la lumière, c’est écouter son ultime parole à Nicodème : « Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin qu’il soit manifeste que ses actions sont accomplies en Dieu ».

Amen.

 

PREDICATION CULTE DU 7 MARS 2021. MARMANDE.

Jean 2/13 à 25.

  Nous connaissons tous cet épisode qui est d’ailleurs rapporté par les 4 évangélistes : la colère de Jésus dans le temple de Jérusalem, le Seigneur qui chasse les marchands, les vendeurs qui gravitent autour du sanctuaire et vivent de leur commerce d’animaux.

   Tous subissent les foudres, l’ire de celui dont les Evangiles révéleront la douceur, le tact, la délicate attention à l’égard des petits.

  Replongeons-nous un instant dans le contexte juif contemporain de Jésus et dans ce temps pascal qui est aussi le nôtre.

  La Pâque est la grande fête religieuse du judaïsme. Elle rappelle la libération d’Egypte et fait mémoire en l’actualisant de l’exode du peuple hébreu vers Canaan.  Cette fête voyait converger vers Jérusalem une multitude de pèlerins désireux de rendre un culte à Dieu et de l’honorer par un sacrifice rituel.

  C’est pour cela que dans les parvis du temple, une foule de petits marchands se tenaient, proposant des animaux à immoler et des pièces de monnaie sans représentation d’images, tout cela dans le but de se conformer aux exigences de la religion juive.

Aujourd’hui, on pourrait comparer ce fourmillement aux nombreux magasins de souvenirs pour touristes comme au mont St Michel pour celles et ceux qui y sont déjà allés. Pareillement, les sanctuaires de la ville de Lourdes, dont les rues sont totalement envahies par les étals des magasins, permettent d’acheter des petites médailles miraculeuses, des flacons d’eau bénite ou des souvenirs aux pouvoirs extraordinaires.

  A notre époque, comme à celle de Jésus, les activités commerciales liées au culte ne sont pas interdites. Elles sont parfaitement tolérées et acceptées par les autorités civiles et religieuses.

  Pourtant, elles vont être à l’origine des seuls gestes de colère de Jésus que nous rapportent les Evangiles ; on peut légitimement être surpris de cette violence qui jaillit, de ces marchands et ces animaux chassés, expulsés du temple à coup de fouet.

  Pourquoi cet épisode est-il relaté dans les 4 Evangiles et que nous dit-il de la mission de Jésus, de l’Eglise et de nos comportements de chrétiens ?

  Relevons un fait notable ; les 3 Evangiles synoptiques situent cet épisode au début du récit de la Passion tandis que Jean le place au tout début du ministère de Jésus, juste après son premier miracle, celui des noces de Cana.

  Le rédacteur du 4ème Evangile prête des propos au Maître, qui place sa vie sous le signe de la croix, dès le début de son récit.

  Jésus interpelle, dérange, secoue les habitudes, l’ordre établi, la vie religieuse répétitive et routinière. Il n’accepte pas l’idée d’un rachat des péchés par le sacrifice d’un animal obtenu par des espèces sonnantes et trébuchantes.

  Je me demande si, en tout temps et aujourd’hui encore, nous n’avons pas tendance à croire en un salut qui se monnaye, un jugement de Dieu qui met d’un côté de la balance, nos fautes et nos manquements et de l’autre nos bonnes actions, notre générosité à l’égard des autres et de l’Eglise.

Pourtant Jésus est clair : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce ! ». L’Eglise n’est pas une entreprise soumise aux lois du marché et qu’il faudrait  gérer come on gère un magasin ou un gros groupe du CAC 40. On n’y vend rien, on n’a rien à y acheter. La gratuité de la grâce échappe à tout contrôle mercantile.

  La révolte, la colère de Jésus s’expliquent par la dérive d’une religion qui prétend que le pardon de Dieu s’achète et que ce pardon serait proportionnel à l’importance du sacrifice financier consenti ;  un mouton ou un bœuf pour les plus fortunés, une modeste colombe pour les plus pauvres.

  Que dire alors de tous les indigents, les exclus, les impurs, incapables aux yeux  des religieux d’offrir le moindre sacrifice et dont la présence même dans le sanctuaire est considérée comme une offense à Dieu.

  Les plus proches compagnons de Jésus, ses disciples voient dans cette colère, l’accomplissement du Psaume 69 : « Le zèle, la passion que j’ai pour ta maison  me consumera ». La Bible Second parle même de passion jalouse.

  C’est ainsi, Jésus aime passionnément la maison d’Israël, la maison de Dieu et l’on comprend pourquoi il ne supporte pas un dévoiement du culte ; un ritualisme et un légalisme strict rejettent de facto toutes celles et tous ceux qui ne peuvent se conformer à ces règles.

  Ces quelques versets sonnent à nos oreilles comme un avertissement mais aussi affirment une solide assurance.

 Jésus par sa venue, sa Parole, le don de sa vie à Pâques, change radicalement notre rapport à Dieu, à l’institution religieuse et pose les bases de ce qui deviendra l’Eglise.

  Après  cette bousculade, ces quelques tables renversées, un dialogue s’instaure avec les autorités juives. Paradoxalement, ils ne répondent pas à la violence et la colère par la violence. Celle-ci viendra plus tard, à l’ultime Pâques après un procès truqué qui condamne par avance celui que certains reconnaissent comme le Messie.

  Le dialogue s’instaure ; la colère de Jésus est retombée. Il entend la question qui lui est posée : « Que veux-tu nous montrer, en vertu de quelle autorité agis-tu ainsi ? »

  Face à un Jésus si surprenant, loin de l’image d’Epinal du maître doux et non-violent, cela nous oblige à nous interroger : suis-je capable de saintes colères ou bien mon désir d’aplanir toutes les difficultés, toutes les tensions ne rend-il pas ma foi fade et sans saveur ?

  J’ai peut-être tendance à considérer l’Eglise comme une institution   respectable, incarnée par des bâtiments cultuels situés au cœur de nos cités et que l’on fréquente avec joie, le plus souvent lors des célébrations dominicales.

  Le quiproquo, le malentendu est total entre Jésus et ses interlocuteurs. On assiste ainsi à un véritable dialogue de sourds. Les mêmes mots employés dans la bouche du rabbi et dans celles des juifs ne désignent pas les mêmes réalités.

  Dans l’Evangile de Jean, Jésus est le temple que Dieu a choisi pour tous les hommes ; sa destruction, sera sa mort à la crucifixion. Pour les juifs  scrupuleux observateurs de la loi, la seule demeure de Dieu parmi les hommes est le temple de Jérusalem, édifice sacré que nul ne doit profaner.

  La plupart des premiers réformateurs sont nés et ont grandi au sein de l’Eglise catholique romaine. En cette première partie du XVIème siècle, elle s’était sclérosée, rigidifiée au point de dévoyer le message du Christ.

  Le risque est bien réel pour toutes les religions de s’enfermer dans une raideur doctrinale, un ensemble de règles, de lois et comportements normatifs qui nous  emprisonnent.

  Jésus en parlant de lui, en se présentant comme le temple, le sanctuaire que Dieu a choisi replace l’homme au centre du culte rendu au Père.

« Le Sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le Sabbat » dit Jésus dans une parole que Marc lui attribue.

 Dans le récit de Jean, le maître parle de sa résurrection tandis que ses interlocuteurs parlent d’un bâtiment. Même les disciples semblent interloqués face à ces paroles énigmatiques.

Il en est parfois ainsi dans nos vies. Il nous arrive de comprendre le sens profond de paroles échangées après-coup, plus tard.

  Comme les juifs, comme les disciples, nous avons du mal à entendre que le seul sanctuaire, le cœur de l’Eglise, le Saint des saints, c’est l’homme.

  On assiste là à une véritable révolution. Dieu n’est plus d’un lieu, d’un peuple, d’une caste, d’une religion ; Dieu est humain, il est incarné en l’homme Jésus et par là-même devient présent en chacun de nous.

  Dans la parole prophétique de Jésus est contenu tout le mystère de la Pâque à venir ; le mystère  de la résurrection.  Il est probablement trop tôt pour les disciples comme pour nous pour saisir la signification de ses paroles. Pâques éclaire les paroles de Jésus et leurs donne tout leur sens.

 Vivre notre foi de chrétien, c’est intégrer, chacun à son rythme, le corps du Christ, l’Eglise, réalité de sa présence parmi nous. C’est aussi découvrir ce Sauveur qui nous est révélé sur la croix et qui est plus qu’une roue de secours ou une béquille ; c’est lui qui nous permet d’avancer.

  En sanctuarisant l’humain, en désacralisant tous les édifices cultuels, les pèlerinages, les habitudes religieuses et culturelles, il se présente aujourd’hui encore comme un antidote, une protection face à tous les fanatismes et tous les obscurantismes.

  Seul l’humain est précieux aux yeux de Dieu ; cela rend essentiel d’agir, et de vivre la communion fraternelle, la solidarité et l’entraide.

  Le Jésus des Evangiles nous libère du poids de toutes les traditions, toutes les pensées trop dogmatiques pour nous rappeler la valeur de chaque vie.

  Il ne nous est pas demandé de franchir des distances incommensurables pour le rencontrer, de pratiquer une gymnastique spirituelle difficile et périlleuse.

  Il nous suffit de l’accueillir simplement dans nos vies, comme nous le faisons ce matin à Marmande.

  En ce temps de Carême, qui va nous mener jusqu’à Pâques et dans cette période de crise sanitaire qui dure depuis un an, la Bonne Nouvelle de l’Evangile a de quoi nous rassurer et nous réconforter.

  Quand bien même nos vies sont meurtries, bousculées, ébranlées, Jésus se révèle parmi nous, il vient, il donne, il se donne.

  Il nous suffit de croire, d’accueillir comme des parents ouvrent grand les bras au retour d’un enfant. Heureux celui qui croit sans avoir vu, dira Jésus à Thomas après Pâques.

Heureux sommes-nous de croire qu’il est vivant, au milieu de nous, quelles que soient les épreuves du quotidien.

Amen


CULTE DU DIMANCHE 21 FEVRIER A MARMANDE

Marc 1/v 12 à 15.

Chers Amis,

Aujourd’hui est le premier dimanche de Carême, période de 40 jours qui précède Pâques. 40 jours, c’est aussi la durée que Jésus passe au désert. Ce chiffre quarante est bien connu de l’Ancien Testament ; le déluge dure 40 jours, Israël erre durant quarante ans dans le Sinaï ; Moïse se retire quarante jours pour rencontrer Dieu.

  Le nombre quarante symbolise un temps d’attente et d’épreuves nécessaires avant de grands changements, une nouvelle naissance.

  Dans l’Evangile de Marc, la retraite de Jésus  au désert suit immédiatement le récit de son baptême et cette manifestation divine, cette théophanie, cette voix disant : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve toute ma joie ».

  Ce même Esprit qui est descendu sur lui, le pousse, le chasse, d’autres traductions disent, le jette aussitôt au désert.

  Les 40 jours d’épreuves vécus par Jésus sont relatés de façon beaucoup plus succincte que chez Matthieu et chez Luc. Chez Marc, pas de détails du dialogue entre Jésus et Satan, pas de joutes verbales à partir des versets de l’Ecriture. Non, on sait simplement que le Seigneur est tenté, éprouvé.

   La caractéristique première du désert est d’être un lieu où règne le monde minéral. Peu ou pas de végétation, peu ou pas de vie animale. Pourtant, ceux qui ont déjà traversé des déserts savent qu’on peut parfois être surpris de ce que l’on peut y découvrir.

  Il n’y a pas une uniformité de paysage, des dunes succèdent aux étendues pierreuses, les regs, des plaines et des vallées alternent aux zones montagneuses, les couleurs sont changeantes, il peut certes y faire très chaud mais les nuits peuvent y être glaciales. Des hommes se risquent parfois à y vivre et à nomadiser avec quelques chèvres. Une végétation peut y prendre racine et une faune sauvage s’y développer ; des oiseaux, des reptiles, des insectes, quelques petits mammifères. Marc nous apprend que des bêtes sauvages tenaient compagnie à Jésus.

  Mais le désert nous offre un contraste saisissant avec la vie citadine et rurale, avec la fraicheur d’une oasis et de ses palmeraies. Là où se regroupent les humains en société, il faut de l’eau, des puits, de la verdure. Très vite apparait aussi ce superflu dont les hommes ne peuvent se passer, l’accumulation de richesses, de biens, le goût du pouvoir et de la reconnaissance.

  Le désert nous met à nu ; plus besoin d’artifices, d’oripeaux, d’habits de gala, de costumes somptueux. On y fait l’expérience de Dieu plus facilement qu’ailleurs car les pensées, les regards se tournent naturellement vers les hauteurs et vers son intériorité.

 Avant le début de son ministère, Jésus séjourne au désert et cela est rapporté par 3 Evangiles sur 4.

 Le désert est-il donc un passage obligé avant toute conversion dans nos vies ? La Bible Segond parle de changement radical pour expliquer ce qu’est la conversion. C’est un peu comme quelqu’un qui suivrait depuis toujours le même chemin et qui brusquement prendrait une direction imprévue, poussé, chassé par l’Esprit.

  Et si nous considérions que ces 40 jours qui nous séparent de Pâques pouvaient devenir notre traversée du désert, ici à Marmande en 2021. Point n’est besoin de prendre un billet d’avion, de traverser les mers et les océans ; au demeurant, cela est particulièrement difficile depuis un an.

   Le désert, nous pouvons essayer d’en faire l’expérience aujourd’hui, dans nos vies, dans notre quotidien. Ce temps de Carême peut être mis à profit pour nous recentrer sur l’essentiel, notre relation à Dieu et à notre prochain.

  La pandémie que nous traversons depuis un an oblige chacun d’entre nous à une révision complète de nos priorités, de nos obligations. Bien que tous masqués, nous sommes à nus devant Dieu et comme Jésus dans le désert, nous sommes éprouvés.

  La prière, l’écoute de la Parole peuvent illuminer ce séjour au désert. Cette traversée nous est à tous imposée mais cela ne doit pas nous empêcher de formuler des vœux et caresser des espoirs pour l’après-Covid.

  Les hommes sauront ils mieux faire le tri entre le nécessaire et le superflu, entre l’indispensable et le futile, le précieux et l’accessoire ?

  Satan éprouve Jésus ; il est également appelé le diviseur, celui qui nous éloigne les uns des autres. L’unité, le renforcement des liens familiaux, fraternels sont des fruits de l’Esprit. Il est vrai que se rapprocher, se réunir alors que cela nous est interdit ou du moins fortement déconseillé depuis un an va encore prendre quelques temps. Patientons, comme Jésus au désert.

Les touaregs, peuple nomade du désert, princes et rois du Sahara ont un proverbe : « Eloignez vos tentes et rapprochez vos cœurs ». Ils savent mieux que nous que les richesses naturelles de leur milieu, l’espace nécessaire pour leurs maigres troupeaux, les rares points d’eau disponibles exigent de garder les distances.

Garder les distances, en période de pandémie, c’est aussi se protéger les uns les autres. Dans le silence des cœurs, dans le secret des âmes, Dieu, mais aussi nos proches reconnaissent les preuves d’amour bien mieux qu’à grand renfort de manifestations démonstratives et de signes d’affection exubérants. La crise que nous traversons nous oblige à une révision drastique de nos gestes, nos comportements mais aussi nos valeurs et nos choix de vie.

  Avec l’Ecclésiaste, nous pouvons dire : « Rien de nouveau sous le soleil ! » Notre mémoire n’a pas retenu la fragilité de toutes les civilisations humaines, les temps d’épreuves collectives étant bien loin.

Etre membre de l’Eglise de Jésus- Christ, c’est savoir que l’on n’est pas seul. Je ne sais plus qui écrivait : « La vraie solitude, la vraie souffrance, c’est quand strictement personne ne pense à vous, quand vous ne comptez pour personne » Nos sociétés sont productrices d’isolement et d’exclusion et la pandémie accroit ces deux réalités.

Pour les contemporains de Jésus comme pour nous, les temps sont accomplis, le règne de Dieu s’approche. Il suffit d’opérer notre conversion pour accueillir cette Bonne Nouvelle. Le temps de Jésus-Christ est là.

A l’issue de son séjour au désert, Jésus rejoint la Galilée mais c’est aussi ici à Marmande qu’il vient partager la Bonne Nouvelle qui va nous mener jusqu’à Pâques.

  Cette annonce, elle s’adresse à chacun et chacune d’entre nous bien que nous ne puissions-nous projeter au-delà de quelques jours. Elle est comme une balise, une lumière, un éclairage.

  L’Eglise naît de cette proclamation et malgré ses défauts, elle reste ce lieu privilégié où l’Evangile est partagé. L’épisode de Jésus au désert nous fait passer du temps de l’attente au temps du Royaume, mystère, pour les non-croyants, réalité pour les chrétiens.

  La conversion, ce changement radical de direction n’est pas toujours facile. Coincés entre nos habitudes, nos repères, nos sécurités et nos certitudes, nous avons beaucoup de mal à nous défaire de ce qui nous encombre.

  Paradoxalement, la crise du Covid et les contraintes qu’elle induit peuvent nous aider à mettre de l’ordre dans nos vies et nos priorités.

  Je ne crois pas que l’après-Covid ressemblera à l’avant. Des théologiens, des penseurs analysent à la loupe les questions générées par cette crise. Un certain nombre d’entre eux, tels les prophètes de l’Ancien Testament, tels Jean-Baptiste puis Jésus nous rappellent l’urgence d’une conversion. Conversion sociétale, écologique, humaniste, on n’en finit pas de décliner les attentes et les besoins de nos contemporains.

  La démarche de foi doit être empreinte de lucidité, de courage et de clairvoyance. Suivre Jésus est un défi de tous les instants et la victoire de Pâques sur les forces de mort se rejoue quotidiennement.

  Alors que le Carême nous voit entamer une deuxième année de pandémie, croyons encore et toujours dans le Dieu de Jésus-Christ, dans la proximité du Royaume. Osons annoncer cette Bonne Nouvelle autour de nous.

A vue humaine, cette Bonne Nouvelle est pure folie mais Paul nous rappelle que la folie apparente de Dieu est plus sage que la sagesse humaine et sa faiblesse supérieure à la force humaine. (1Cor 1/25).

 Croyons, en dépit d’une actualité pesante et lourde, proclamons l’Evangile du salut et de la résurrection.

Que ce temps de Carême soit fructueux pour notre Eglise et pour nous tous. Jésus nous appelle et nous envoie.

Amen

 


CULTE DU  DIMANCHE 14 FEVRIER 2021 A TONNEINS

Marc 1/40 à 45

Chers Amis,

Lèpre, exclusion, contagion, isolement, contamination, purification, guérison ; je trouve que ce récit de Marc résonne beaucoup à notre actualité. Nous allons essayer de voir quel écho et quelles réflexions il peut nous inspirer, nous qui sommes confrontés à la pandémie du Covid 19 depuis 1 an.

  Nous nous trouvons en Galilée au tout début du ministère de Jésus. La lèpre n’est pas seulement une maladie infectieuse et contagieuse  due à un bacille qu’un médecin norvégien mettra en évidence au XIXème siècle, le bacille de Hansen. La lèpre, de tous temps et dans l’antiquité en particulier, c’est une maladie qui exclue, qui isole et qui condamne ainsi ceux qui en sont atteints à une double peine : ils souffrent dans leur chair, rongée par ce mal et dans leur âme car rejetés, mis à part, souvent regroupés dans des quartiers, des maisons, jusqu’à récemment, on parlait encore de léproserie. La lèpre, ses effets et ses symptômes sont longuement décrit dans l’Ancien Testament ; deux chapitres du Lévitique évoquent cette terrible maladie et les règles à appliquer vis-à-vis de ceux qui en sont porteurs. Dans le livre des Nombres, on peut lire qu’elle est une punition divine, conséquence du péché.

  Pour les contemporains de Jésus, si certains sont touchés par la lèpre, c’est qu’ils se sont rendus coupables de fautes graves. C’est souvent ainsi, lorsqu’une personne est accablée par les soucis, les difficultés, les coups durs, on peut avoir tendance à penser et à dire : « Il ou elle l’a peut-être bien cherché ».

  Aujourd’hui, les scientifiques ont démontré que nombre de contamination sont les conséquences malheureuses de mauvais concours de circonstances mais n’oublions pas que lors de l’épidémie de Sida, certains s’exprimèrent, allant jusqu’à parler de sanction divine.

  Depuis un an, l’humanité traverse une crise sanitaire qui nous impacte tous. Nous vivons dans la crainte d’être personnellement touchés par le Covid. Nous tremblons d’apprendre qu’un proche, un parent, un ancien, un ami est porteur du virus et donc potentiellement en danger de mort.

  Croire ne nous met pas à l’abri et tous, chrétiens ou non, nous devons appliquer des mesures barrières, porter des masques et changer nombre de nos réflexes, de nos comportements et de nos habitudes de vie.

Alors, y-a-t-il un avantage à être chrétien en ces temps difficiles ? Si nous sommes à égalité devant cette pandémie meurtrière, quel intérêt de se retrouver malgré tout pour louer Dieu, prier ensemble et écouter sa Parole ? N’est-ce pas prendre des risques inutilement ?

  Voyons d’abord comment Jésus se comporte avec le lépreux galiléen. Il l’écoute, il accueille sa supplique sans le repousser. On pourrait dire qu’il ne le considère pas comme un pestiféré contrairement à la société israélite qui le condamnait.

  Les traductions parlent d’un Jésus bouleversé, profondément ému, littéralement pris aux entrailles comme si les entrailles étaient le siège de nos émotions les plus fortes. J’aurai tendance à penser que l’on peut parler d’un élan du cœur, irrépressible. Il est à noter que certains manuscrits parlent également d’une autre réaction de Jésus ; il est en colère, irrité ce que confirmes les versets suivants.

  Jésus, en tout état de cause, ne reste pas indifférent à la souffrance du lépreux. Sa colère, si c’est de cela qu’il s’agit, n’est-elle pas dirigée vers ce système religieux et culturel qui exclut le malade au lieu de le soutenir ou contre cette tragédie qui voit les corps  rongés sans que l’on puisse les soigner ?

 Et si Jésus aujourd’hui était à la fois saisi de compassion et de colère face aux souffrances et aux conséquences de la pandémie que nous traversons ! Si nous venons au culte ce matin, c’est peut-être pour l’entendre nous dire avec autorité : « Je le veux, soyez purifiés ».

  Cette purification ne consiste pas  à se frotter les mains dix fois par jour avec du gel hydro-alcoolique et à porter scrupuleusement les masques dès que l’on sort de chez soi. Toutes les personnes sensées le font et nul d’entre nous ne cherche à se soustraire à ces mesures indispensables.

  Peut-être que cette purification que veut le Seigneur pour nous passe par croire l’affirmation suivante : « Qui que tu sois, quel que soit ta situation, tes handicaps, tes souffrances, ton passé, tes casseroles, tu as toute ta place dans mon Eglise, dans la société et dans la famille humaine. »

  Jésus est probablement ému et en colère aujourd’hui face au fatalisme des uns, aux théories complotistes des autres. Il n’accepte ni les souffrances injustes ni les mensonges et il nous exhorte à nous adresser à lui, à l’apostropher pour lui présenter nos infirmités et nos interrogations.

   A nos questions quand, qui, pourquoi, comment, le Seigneur n’aura pas systématiquement réponse. Mais il est là, comme un roc, une lumière, face aux événements qui se succèdent, aux avalanches d’informations qui déversent en continu des nouvelles contradictoires.

  Reconfinement ou non-reconfinement ? Simple grippe ou début de Covid ? Vaccin ou pas vaccin ? En ce moment, nous vivons un peu comme le lépreux, à distance les uns des autres, reclus, privés d’activités culturelles, sociales et associatives.

  Mais ce matin, ici dans ce temple de Tonneins, le Seigneur, le Serviteur nous a invités. Il écoute nos plaintes, il compatit à nos angoisses, il vient partager nos doutes. La lassitude, la morosité, le désespoir peut-être  n’ont pas le dernier mot.

  Il se peut que Jésus partage notre lassitude, notre incompréhension, notre sentiment d’injustice face à une pandémie qui distend les liens sociaux, qui amplifie le mal-être et l’isolement de beaucoup.

  Les parents âgés ne voient plus leurs enfants et leurs petits-enfants. Les étudiants souffrent de ne pouvoir profiter de leur jeunesse et de moments de convivialité et de joie. Beaucoup se sentent seuls, amers et perdus.

   Dans le récit de Marc, Jésus va transgresser la loi qui stipulait que l’on ne touche jamais un lépreux.

Celui qui est considéré comme impur va être contaminé par le virus de la pureté qui va le libérer du poids de son exclusion. Il a suffi pour cela que Jésus l’aime et le touche.

  Combien de mains tendues que l’on ne saisit plus aujourd’hui ? Combien d’embrassades, de gestes ébauchés et retenus ? On craint souvent autant de transmettre le virus que de le recevoir.

  Mais les Evangiles abondent de récit ou la Parole seule peut soigner, guérir et relever.  Ainsi, lettres, SMS, mails, appels téléphoniques, discussions, lecture de l’Ecriture sont autant de moyens qu’utilise le Seigneur pour communiquer avec nous.

  Ce matin, dans ce temple, dans tous les temples et toutes les Eglises, pas de poignées de main, pas de bras tendus et ouverts pour étreindre son frère, sa sœur. Pourtant, par sa Parole, Jésus vient toucher en nous ce qu’il y a de plus précieux, de plus vital. Est-ce nos entrailles qui sont saisis par sa présence ou notre cœur qui répond à son amour ? A chacun, dans le secret et l’intimité de sa relation au Seigneur de répondre.

  Jésus reste insaisissable et à peine la guérison du lépreux opérée, il part se cacher dans un endroit désert. Il nous montre que nos impuretés sont relatives ; nos imperfections ne sont pas des obstacles qui l’empêcheraient de s’adresser à nous. Pour lui, pas d’exclus, pas de réprouvés, pas de condamnés.

  Chacun, chacune ce matin, nous pouvons recevoir cette bénédiction, ce cadeau, sa présence aimante.

  Quel drôle de personnage que ce lépreux. Il supplie Jésus de le guérir, il est réintégré à la communauté humaine et il s’empresse de  désobéir à son sauveur en proclamant les miracles qu’il opère.  Quels enseignements tirer de son attitude et du comportement de Jésus ?

  Peut-être pouvons-nous éviter de rester en surface dans la rencontre avec le Seigneur. On peut toujours se contenter d’écouter distraitement sa Parole et se contenter d’une relation superficielle. Mais face à une crise qui nous impacte en profondeur, laissons-nous interpeller, aider et accompagner au creux de notre être.

  Entre compassion et colère, Jésus s’adresse à chacun d’entre nous : « Ne faites pas de moi un magicien, un charlatan susceptible de réaliser tous les miracles que vous espérez. Témoignez simplement de ce que Dieu, en moi et par moi change dans votre vie. Vous étiez angoissés, désespérés, apeurés, moi je vous dis, ne craignez-pas. »

  Un mot, un geste, une écoute vont réintégrer le lépreux dans la société, dans la famille humaine. Ce récit de Marc sonne pour nous aujourd’hui d’une manière particulière.

 Tout d’abord, rappelons-nous que où que nous en soyons dans notre vie, familiale, personnelle, Dieu répond à notre appel. L’Eglise est le lieu privilégié de la rencontre avec Lui, mais elle n’en a pas pour autant l’exclusivité et le monopole. 

  Les services d’aumônerie de la FPF, les associations d’entraides, les diaconats sont là pour témoigner d’un Christ présent dans les hôpitaux, les prisons, les ehpad, dans la société et dans les lieux les plus improbables. C’est parfois au cœur de souffrances indicibles,  d’injustices flagrantes qu’il se fait entendre.

  Relevons également dans ces versets de Marc que Jésus ne souhaite pas que l’on fasse de lui une publicité mensongère, un produit marketing qu’il faut avoir chez soi; il n’est pas un maître de sagesse, que certains adeptes du new-age aimeraient nous présenter et qui réaliserait des miracles sur commande. Il a simplement besoin  de  disciples, de serviteurs, d’amis pour amener à Lui ceux qui sont perdus et cherchent à donner du sens à leur vie. Cette mission qui nous est confiée n’est pas facile, en ces temps troublés où tant de nos contemporains se sentent isolés ou rejetés.

Notre Eglise sortira-t-elle renforcée de la crise actuelle ? Aurons-nous tenu bon dans la tempête ?

Souhaitons qu’à l’issue de cette épreuve, nous puissions dire avec l’évangéliste Marc : « On venait à Lui de toute part »

Amen

 



CULTE DU DIMANCHE 7 FEVRIER 2021. MARMANDE.

Marc 1/29 à 39.

 Chers Amis,

Nous sommes dans ce début de l’Evangile de Marc, dans une petite localité galiléenne, Capharnaüm.  Lors du ministère de Jésus dans cette région qui borde le lac de Genesareth, cette modeste bourgade est son point d’attache, son principal centre d’activité.

 Nous savons qu’il y avait une synagogue à Capharnaüm ; des fouilles archéologiques l’ont démontré. Les premières communautés chrétiennes témoignent également d’une très ancienne dévotion qui vénérait le lieu supposé de « la maison de Pierre ».

  Il y a beaucoup de verbe de mouvements et d’actions dans ces quelques versets de Marc : quitter, aller, s’approcher, se lever, amener, sortir, parcourir.

  On y découvre un Jésus soucieux de la santé de ses proches, de leur famille. Son premier miracle, sa première guérison a eu lieu dans la synagogue avec un inconnu tourmenté.

  Là, il est interpellé par Simon Pierre : « sais-tu que ma belle-mère est au lit, avec de la fièvre ? ».  Les spécialistes de la Bible se sont beaucoup interrogés sur l’origine de cette fièvre ; est-ce une maladie bénigne ou une réaction somatique après avoir vu son gendre Pierre abandonner son métier pour suivre un prédicateur itinérant à la renommée grandissante ?

   Nous ne le savons pas, bien évidemment. Comment réagirions-nous, si un proche nous annonçait : « Je laisse mon gagne-pain, je quitte provisoirement ma famille. J’ai rencontré celui qui donne sens à ma vie, il m’appelle » ?

  Ainsi, nous découvrons, dans ces quelques versets un Jésus qui sort des murs de la synagogue, du temple, de l’église et qui vient au-devant des hommes, au-devant de nous.

  La Maître a pris la décision de venir nous rencontrer sur nos lieux de vie, dans nos maisons, dans nos Ehpad, dans les hôpitaux, partout où l’on peut avoir besoin de lui. Sa présence ne se cantonne pas à un lieu, un endroit unique et réservé à quelques privilégiés. Il se propose de venir là où on l’appelle, là où on lui signale une demande, une personne malade, en souffrance.

  Lorsque Jésus saisit la main de la belle-mère de Pierre, celle-ci se lève et sert ses hôtes. En un seul verset, 2 mots, 2 termes essentiels du Nouveau Testament sont énoncés : se lever et servir. Se lever est aussi le verbe qui est employé pour la résurrection et servir donnera diaconie en français.

  On peut penser que par ce simple geste, sans aucune parole, l’autorité de Jésus s’est imposée.

Le  Sauveur vient au chevet de chacun, chacune d’entre nous. Que celles et ceux qui ne peuvent pas aller dans un lieu de culte pour des raisons de santé, de handicap, d’âge, ne se désolent pas. Jésus vient à leur rencontre ; personne ne doit se sentir isolé, exclu, rejeté. Il suffit d’un disciple, d’un ami, d’un proche, d’un soignant, d’un travailleur social pour manifester cette présence qui guérit et qui sauve.

 Il est vrai qu’en ces temps de pandémie, on ne se prend pas par la main, on ne s’embrasse pas, on ne reçoit pas des inconnus chez soi, les invitations se font plus rares. On communique beaucoup par téléphone par écrans interposés, par vidéo, toutes choses qui n’existaient pas il y a 2000 ans.

 Le terrible virus du Covid nous contraint à changer nos habitudes, nos réflexes, nos attitudes et nos comportements. Il nous dicte nos agendas, il conditionne nos activités quotidiennes.

  Pour autant, les liens d’affection, ce qui relie les êtres humains ont-ils disparu ? La Bonne Nouvelle, l’Evangile de la vie et de la résurrection ne franchissent-ils pas toutes les portes, tous les murs, même les plus épais ? Dès le début de ce récit, on découvre que la renommée, la réputation de Jésus amènent une foule nombreuse, avide de guérison et d’espérance : « La ville entière se pressait à la porte de la maison » écrit Marc.

  Mais où est donc cette maison accueillante où réside Jésus et vers laquelle nous pourrions aller pour guérir nos blessures ?

 Elle n’est pas seulement à Capharnaüm il y a 20 siècles, elle est aussi ici à Marmande, à Tonneins, dans toutes les villes et villages de la terre. Elle est partout où des chrétiens partagent et témoignent de l’attention, manifestant ainsi la présence de celui qui  nous guérit de nos manques, nos infirmités et nos angoisses.

  Il nous rejoint chacun, là où nous vivons, là où nous habitons. Il sait faire preuve d’autorité dans nos vies, dans ma vie. Il fait taire en nous, toute autre voix que la sienne en chassant les démons et en nous libérant de tout ce qui peut nous envahir et nous faire souffrir ; ces démons peuvent avoir pour nom, orgueil, suffisance, complexes mais aussi maladies de toutes sortes, injustices, blessures mal cicatrisées.

   Jésus après avoir croisé beaucoup de monde devant la maison de Pierre se retire dans un lieu désert pour prier. Et nous, comme les premiers disciples hier, nous le cherchons. Pourtant, Jésus se laisse facilement trouver même dans les coins retirés de nos cités. Les Eglises qui y témoignent sont des signes de sa présence.

  Nous sommes tous avides de miracles, de guérisons. Comme beaucoup d’êtres humains, nous nous attachons plus au merveilleux, à l’extraordinaire qu’à ce que vient nous proposer Jésus, une Parole, un message, une Bonne Nouvelle. Les signes miraculeux ne sont que les conséquences de cette Parole, de l’Evangile, elles n’en sont pas l’origine.

  L’eau qui désaltère n’est pas la source, le pain qui restaure n’est pas le grain de blé qui donnera la farine. Il ne faut pas confondre la cause et les effets, l’origine et les conséquences. La Bonne Nouvelle que Jésus veut partager avec tous les hommes, avec nous ne fait pas toujours un bruit fracassant ; elle ne se caractérise pas par des effets spectaculaires. Elle peut pourtant transformer chaque vie dans ce qu’elle de plus quotidien, répétitif et banal.

Depuis 2000 ans, la Bonne Nouvelle a traversé beaucoup de frontières. Des millions d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards l’ont entendue et fait cette mystérieuse et merveilleuse rencontre avec le Seigneur. Elle donne sens à nos vies et nous permet de nous sentir à notre place dans la société, la vie et le monde.

  La véritables guérison, le miracle est sans doute dans la réintégration et l’appropriation de ma vie quels qu’aient pu être mes échecs, mes erreurs ou mes fautes. La puissance de vie, de pardon et de salut contenue dans le message de Jésus vient bousculer tous les fragiles édifices humains, toutes les hiérarchies, tous les faux-semblants qui font notre quotidien.

A l’heure d’aujourd’hui ou nous ne pouvons-nous toucher, ou seuls nos yeux peuvent exprimer nos émotions et nos sentiments, on découvre et redécouvre l’importance de la parole, d’une parole qui interroge, qui déplace, qui accompagne et qui rassure.

Jésus associe toujours à ses gestes de compassion et de tendresse une parole : « Sois purifié ! Va, ta foi t’a sauvé. Ne pêche plus ». Les guérisons, les démons chassés sont inséparables de la proclamation de la Bonne Nouvelle.

  Cette Bonne Nouvelle, partagée et entendue de la bouche de ceux qui l’annoncent au nom du Sauveur Jésus, nous libère.

 Jean l’évangéliste rapporte ce propos de Jésus : « Vous connaitrez la vérité et la vérité vous rendra libre. » Ces démons, les forces occultes, ceux qui manipulent les êtres détestent la vérité et la liberté.

  C’est peut-être pour cela que parfois, une parole chrétienne a retenti au cœur des pires silences, des complicités tragiques.

  Aujourd’hui encore, les démons modernes crient et hurlent des affirmations tonitruantes et péremptoires. Des « fake-news » font autorité parce qu’elles ont été prononcées par des grands de  monde.

 Avec la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, pas de mensonge, pas de tricherie. Il est la vérité ultime et définitive de nos vies et nous libère de tous les démons.

  Puissions-nous faire notre la parole de Paul aux Corinthiens prévue également pour ce jour : « Je suis libre, je ne suis l’esclave de personne ; cependant je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible au Christ »

Amen 

CULTE DU 24 JANVIER 2021. TONNEINS.

Marc 1/14 à 20.

Chers Amis,

  S’il fallait retenir une seule parole de Jésus dans ce récit de l’appel des 4 premiers disciples, cela serait :

« Venez à ma suite et ce sont des êtres humains  que vous pêcherez »

  Il me parait intéressant, en un premier temps, de resituer le cadre géographique et biblique de cet appel évoqué dans les 4 Evangiles. En un deuxième temps, nous verrons ce que cette demande peut avoir comme conséquences pour nous.

  Chez Marc, le baptême et la tentation de Jésus au désert précédent son arrivée en Galilée. La Galilée est un lieu privilégié sur le plan symbolique. Elle est le lieu où retentit la Bonne Nouvelle proclamée par Jésus. Cette petite région est ainsi le pays des miracles et de l’accomplissement final qui contraste avec Jérusalem, ville des autorités juives, où Jésus souffrira sa Passion.

  Dans le début de  ce récit, Jésus expose son programme et affirme une vérité ; le moment, la réalité du règne de Dieu sont advenus. Ce kairos, ce temps d’accomplissement, de réalisations des promesses de Dieu doit avoir des conséquences concrètes pour les auditeurs de Jésus. Il y a un avant et un après. Avec  cet accomplissement, l’humanité entre dans une nouvelle ère et le point de basculement, le changement radical de direction, l’orientation nouvelle, c’est Jésus qui les incarne. Cette bonne nouvelle est à la fois une personne et en même temps le  message qu’elle proclame.

Avec Jésus, cet Evangile n’est plus d’un lieu, d’un contexte historique ou d’un peuple. Il s’affranchit de toutes les contingences géographiques et temporelles.

  Il est intéressant de relever que c’est en déambulant le long du lac de Galilée que Jésus « recrute » ses premiers disciples. Il aurait pu chercher des soutiens dans les synagogues, dans le temple auprès des spécialistes de l’Ecriture, pharisiens et saducéens. Non, son message s’adresse à des gens simples, à des travailleurs manuels qui peinent pour nourrir leur famille et qui n’ont probablement jamais quitté leur Galilée natale.

  Une fois encore, c’est Jésus qui a l’initiative, c’est lui qui interpelle et apostrophe. Il a décelé chez ces pêcheurs les aptitudes, les qualités indispensables et nécessaires pour constituer une équipe solide, une communauté naissante dont il sait avoir besoin. Quels destins extraordinaires que ceux de André, Pierre, Jacques et Jean qui par la magie d’une simple rencontre vont être associés et partie prenante de l’aventure messianique du Fils de Dieu.

  Pourquoi des pêcheurs plutôt que des agriculteurs ou de modestes artisans ?  Peut-être parce que les pêcheurs travaillent toujours à plusieurs. Même sur cette mer intérieure qu’est le lac de Galilée, ils doivent affronter des tempêtes. Leur pêche ne doit pas toujours être fructueuse mais inlassablement et avec persévérance, ils réparent leurs filets pour les relancer dans l’espoir de bonnes prises.

  A deux reprises dans ce court récit de l’appel des premiers disciples, le narrateur utilise l’adverbe aussitôt. Aussitôt, les pêcheurs laissent leurs filets, aussitôt, Jésus appellent également Jacques et Jean. En grec ce même mot veut dire direct, droit.

  L’appel de Jésus touche les pêcheurs immédiatement, en plein cœur comme s’ils étaient prêts pour changer de vie, suivre cet homme qu’ils ne connaissent pas mais dont ils ont peut-être entendu parler et qui va les entraîner sur une route périlleuse, incertaine mais aussi faite de grandes joies, de rencontres, de partages et d’accomplissements.

  Que nous dit ce texte de Marc aujourd’hui, ici même à Tonneins, dans notre Eglise protestante unie de France et plus largement dans notre relation intime à Dieu ?

  Je crois que dans chaque vie, il y a un temps, un moment privilégié où la rencontre avec le Christ devient possible. Il faut pour cela qu’un certain nombre de conditions soient réunies, disponibilités, accueil, écoute, courage aussi.

  C’est le Seigneur qui prend l’initiative de nous appeler, c’est lui qui nous choisit. Cet appel à s’engager n’est pas transmissible génétiquement. Je m’explique : on peut être dans une famille de culture et tradition chrétienne et s’en éloigner au point d’être indifférent, voir hostile. On peut n’avoir aucune base, aucune assise chrétienne, aucune référence biblique, n’avoir jamais mis les pieds dans un temple ou dans une église mais changer totalement de vie pour répondre à cet appel venu du plus profond de soi.

  Il n’y a pas de parcours type, de rencontres que l’on pourrait systématiser et qui répondraient toujours aux mêmes critères.

  Jésus a fait le premier pas dans notre vie, dans ma vie et nous disant : « Viens, j’ai besoin de toi, j’ai un projet pour toi ». Il nous connait bien mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Il s’adresse à chacun personnellement : « Ecoute-moi, j’ai besoin d’un administrateur pour une association humanitaire, j’ai besoin d’une trésorière pour ta communauté, d’une bénévole pour l’entraide, j’ai besoin de toi pour partager la Bonne Nouvelle et remplir le précieux filet de tous ceux que mon Père attend dans son Royaume ».

  L’Eglise est là pour accueillir les croyants à la foi balbutiante comme ceux qui ont un long compagnonnage avec le Seigneur. Jésus s’adresse à nous, comme aux pêcheurs galiléens de toute génération, de toute condition. N’oublions pas la jeunesse même si elle ne remplit pas  les bancs de nos édifices, ne nous voilons pas la face. Pourtant, comment ne pas croire que sa soif de sens, de spiritualité, de partages communautaires est bien réelle ?

  Etre disciples du Christ, répondre à son appel, c’est lancer nos filets dans tous les lacs, toutes les mers et tous les océans du monde et croire que sous sa conduite, la pêche sera fructueuse.

 Les caractéristiques d’un filet sont qu’il ne prend pas les petits poissons ; il faut qu’ils aient atteint  une taille minimale. Ce n’est pas une question d’âge ou de corpulence. Sont pris dans le filet les enfants, les adultes, les vieillards qui veulent bien accueillir dans leur vie une parole, une présence, celle de Dieu qui se manifeste en Jésus.

  Nous savons que le statut, la culture ou le savoir d’un être humain ne sont pas proportionnels à sa foi, son désir de connaître et rencontrer le Seigneur.

  Jésus, lorsqu’il constitue son premier cercle de disciples ne s’intéresse ni à la fortune, ni à la situation sociale de ceux qu’il appelle. Il regarde simplement leur disponibilité, leur désir de travailler pour l’avènement du Royaume de Dieu.

  Ce qui était valable il y a 20 siècles pour les premiers disciples est toujours d’actualité. Il ne nous est pas demandé d’abandonner notre emploi, notre quotidien, notre famille pour le suivre. Mais de façon plus métaphorique, il nous appelle à mettre de l’ordre dans nos vies, à prioriser nos choix, à mettre au centre de nos préoccupations l’envie de  faire connaître l’Evangile.

 Etre pécheurs d’êtres humains n’implique pas de partir dans des mers lointaines, sous les tropiques ou dans des contrées australes. Les terres de mission sont ici, sous mon toit, dans ma famille, avec mes enfants, mes petits- enfants, mes proches, mes amis intimes. Cela ne nécessite pas d’être un grand marin, habitués aux tempêtes pour prendre dans les filets du Seigneur de nouveaux disciples.

  L’Eglise, notre Eglise, dans la cité, dans nos vies est le lieu privilégié pour partir à la pêche. Elle est une barque, un frêle esquif et les chrétiens que nous sommes naviguent ensemble sous la conduite du Seigneur.

  Nous pouvons agir, témoigner, nous engager, partager, donner ; à travers nos gestes dans l’Eglise et en dehors, notre fidélité à la parole permet au Christ d’agir lui-même. Comme aux premiers disciples, il nous donne la direction et les instructions.

  Il s’appuie sur les  atouts de chacun. Interrogeons-nous ; quelles sont mes aptitudes, mes savoir-faire, mes connaissances que je peux mettre au service de l’Eglise, au service du témoignage ? Où et comment puis-je être le plus utile à Christ ?

   Il sait se servir de toutes nos qualités, parfois aussi de nos défauts, nos faiblesses pour toucher les cœurs, gagner les âmes. Prêcher l’Evangile se vit plus que cela se dit.

  On assiste dans ce début de l’Evangile de Marc, à la constitution de la première Eglise. La trajectoire, la mission du Christ, celle des disciples se mettent en place.

  Générations après générations, siècles après siècles, pour Simon Pierre, André, Jacques et Jean hier comme pour nous aujourd’hui, le règne de Dieu s’approche. La Bonne nouvelle est une réalité qui nous demande de laisser nos habitudes, nos occupations pour nous tourner vers nos frères et sœurs qui, pour nombre d’entre eux ne connaissent pas Christ.

  Aujourd’hui, à l’heure de la pandémie, du Covid, de la crise sanitaire, rappelons-nous que c’est au cœur même de l’épreuve que l’homme peut revenir vers son Dieu. Le Seigneur a peut-être un appel urgent à nous adresser. Quel pourrait-il être ? Nous demande-t-il plus de confiance, plus de fraternité, plus de communion dans l’action et dans la prière ?

  Etre distanciés ne veut pas dire être désunis ; vivre des temps de partage brièvement et avec prudence ne signifie pas qu’ils sont moins intenses.

   Il est probable que les premiers disciples ne savaient pas ce vers quoi ils allaient en suivant Jésus. Notre présent à nous aussi est empli de questions, d’interrogations. Nos certitudes sont ébranlées. Le chemin du disciple est parsemé d’obstacles ; les risques d’échec et d’erreurs sont nombreux.

  Pour autant, les paroles de Jésus, nous saisissent, nous bousculent : « Changez de vie, croyez à la Bonne nouvelle. » Elles nous obligent à répondre à son appel insistant, toujours d’actualité : « Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes. »

Amen

 

PREDICATION 21 JANVIER 2021. SEMAINE DE PRIERE POUR L’UNITE.

Chers Amis,

Tout d’abord, nous pouvons exprimer notre reconnaissance et notre gratitude à la communauté des sœurs de Grandchamp. Rappelons que sa vocation œcuménique l’engage sur le chemin de la réconciliation entre chrétiens et qu’elle affirme le respect dû à la famille humaine et à la création.

  Quel beau choix pour cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens que ce passage de l’Evangile de Jean où Jésus le Christ donne ses derniers enseignements à ces disciples, mais aussi à nous-mêmes.

  « Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron » nous dit Jésus. L’image de de la vigne revient fréquemment dans la Bible. Ainsi, dans le livre d’Esaïe, le vigneron, c’est Dieu et la vigne décevante, c’est Israël. Au début de ce chapitre, Jésus ne parle pas d’Israël, il parle de lui et des sarments, c’est-à-dire, les humains.

  Nous sommes dans des terres viticoles, où l’on produit du Côte de Duras et du Côte de Marmandais, aussi cette image de la vigne parle-t-elle peut-être particulièrement à certains d’entre vous. Un grain de raisin qui germe ne fait pas une vigne et un pied de vigne non travaillé, émondé, taillé na produit pas de raisin. Produire du fruit demande une intervention extérieure. Et cet intervenant, ce vigneron, c’est Dieu le Père.

 Et si les sarments de la vigne étaient les Eglises dans leurs diversités ? Si Dieu dans sa souveraineté souhaitait offrir aux chrétiens et à l’humanité des fruits un peu différents, des raisins ayant plusieurs degrés de maturité ?

  Une théologienne protestante, Elisabeth Parmentier présente l’œcuménisme comme un mouvement, un mouvement qui doit le rester. Il ne s’agit pas de se fondre ou de se greffer les uns les autres mais plutôt d’accepter de se laisser travailler par le Père pour s’associer aux différentes Eglises dans un désir de fraternité bienveillante.

  A la question, à quoi sert l’œcuménisme ? Elisabeth Parmentier répond : A nous faire avancer en humanité en traversant et assumant nos peurs de « l’autre ». Il ne s’agit pas de prouver que « mon Eglise » est la meilleure mais le plus important est plutôt de faire des pas concrets dans le dialogue, la réconciliation avec des désaccords, des discussions et parfois même des disputes.

  Les fruits de ma vigne, mon raisin, mon vin ne sont pas de qualité supérieure à ceux de mon frère, mon ami mon voisin.

  Un peu plus tôt, dans son dialogue avec les disciples, Jésus dit qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de son Père. Il affirme ainsi qu’il ne saurait y avoir une seule manière de vivre sa foi, d’être en communion avec Dieu.  Une vigne n’est pas constituée d’un seul cep, une forêt d’un seul arbre, une famille d’un seul membre.

  L’intervention de Dieu, dans la vie de chaque chrétien ne vise qu’à une seule chose, n’a qu’un seul but, qu’il produise du fruit en abondance en s’appuyant sur les paroles du Fils ; ce fruit, c’est l’amour.

  « C’est à l’amour que vous avez les uns pour les autres que tous vous reconnaitront comme mes disciples » nous rappelle Jésus.

  Le grand moine orthodoxe Joseph l’Hésychaste qui vécut au XXème siècle écrit ceci : « Même si j’étais assisté de toutes les langues des hommes issus d’Adam, même alors il me semble qu’il serait impossible d’être digne de célébrer l’amour comme il convient. Que pourrais-je dire qui en soit digne ? Aucune langue mortelle ne peut dire un tant soit peu quelque chose de l’amour, si Dieu, qui est la vérité même et l’amour, ne nous dispense pas l’énergie de la parole, de la sagesse et de la connaissance. Car l’amour n’est rien d’autre que le Père et le Sauveur lui-même, notre doux Jésus, avec le divin Esprit ».

   Le moine Joseph rajoute : « Celui qui garde le précepte, « Aimez-vous les uns les autres » est certes digne de louanges, comme quelqu’un qui garde les divins préceptes, mais ce n’est certes pas là l’opération de l’amour divin. C’est une voie qui mène à la source, mais ce n’est pas la source. Ce sont les marches de l’escalier qui monte vers le palais, mais ce n’est pas même l’entrée du palais. C’est un vêtement royal, mais ce n’est pas le roi. C’est un commandement de Dieu, mais ce n’est pas Dieu. »

  Ces belles paroles de Joseph l’Hésychaste peuvent nous inspirer, nous aujourd’hui, ici même à Marmande et dans la situation sanitaire actuelle qui impacte si lourdement notre vie associative et culturelle mais aussi familiale, professionnelle et cultuelle.

  Dans nos relations personnelles, dans nos échanges et dialogues œcuméniques, le seul critère qui doit définir le chrétien, c’est sa capacité à aimer, d’un amour sans limite, sans frontière, sans barrières confessionnelles ou dénominationnelles. Tout le reste est et sera secondaire.

  « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». Jésus nous demande de passer du statut de disciple à celui d’ami. Les particularités théologiques, les différences ecclésiales, dogmatiques sont minorées dans les liens d’amitié que nous appelle à développer et entretenir le Seigneur.

  Le proverbe que nous connaissons tous dit que bien souvent, on choisit ses amis et plus rarement sa famille.

  Je crois que la démarche œcuménique est une véritable entreprise, construction de liens d’amitiés bien souvent même en dehors de sa famille spirituelle. Ceux qui étaient d’abord les disciples de Jésus, de simples serviteurs deviennent ensuite ses amis. Ils entrent dans son intimité.

  Devenir amis du Christ, c’est aussi entrer dans une fraternité trans-confessionnelle. C’est faire œuvre de tolérance, de respect et de bienveillance vis-à-vis de mon prochain qui lui, elle, est aussi ami(e) du maître.

  Les fruits de cette amitié partagée avec le Christ sont nombreux. Ils portent le nom d’associations humanitaires au sein desquelles des bénévoles agissent pour un monde plus juste, plus solidaire.

  Des réseaux d’aides aux réfugiés et demandeurs d’asiles, l’ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, les entraides et diaconats divers sont autant de lieux où les amis, chrétiens de toutes confessions répondent à cet appel pressant du Christ. Sa demande, sa supplique est que nous produisions du fruit et que notre fruit demeure.

  Chaque tradition ecclésiale, chaque confession chrétienne nous donne des repères, des balises. Peut-être nous faut-il dépasser ces frontières invisibles pour répondre à cette injonction : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. »

Amen

CULTE DU 17 JANVIER 2021. MARMANDE.

1 Samuel 3/ versets 1 à 19 et Jean 1/ 35 à 42.

 

   Chers amis,

Je suis heureux de partager avec vous ma première prédication sur un texte de l’Ancien Testament, ici, dans l’Eglise de Marmande.

  Ce texte, on pourrait l’intituler « la vocation prophétique de Samuel » ou bien « Dieu choisit Samuel comme prophète ». Ce passage est bien connu des chrétiens car il beau, exemplaire, poétique et riche d’interprétations. Nous allons essayer d’en dégager les enseignements, en tentant de mettre en évidence ce qu’il peut nous dire aujourd’hui.

  D’abord, voyons le contexte ; deux personnages, un vieux prêtre, Eli, et un jeune serviteur, Samuel. Eli, e, l, i qu’il ne faut pas confondre avec Elie, e, l, i, e, présent dans le livre des Rois et qui est une grande figure prophétique du judaïsme  est donc prêtre en chef à Silo et sa fonction essentielle est la  garde du sanctuaire et plus particulièrement de l’arche.

 Samuel, dont le prénom pourrait vouloir dire « celui qui est de Dieu » est le fils d’Elqana et d’Anne  et à la suite d’un vœu de sa mère, il passe son enfance à Silo, comme serviteur du temple, à la disposition du prêtre Eli.

 Il y a de vrais contrastes, presque d’oppositions entre la jeunesse de Samuel et la vieillesse d’Eli, entre un Dieu qui parle à un enfant et qui reste muet aux oreilles d’un prêtre âgé, un récit qui débute à la nuit tombée et qui s’achève au petit matin.

   Ce passage qui traite de la vocation de Samuel est l’histoire d’un appel, d’un appel de Dieu pressant et insistant. Dieu va appeler l’enfant à 4 reprises et ce dernier aura besoin de la médiation du vieux prêtre pour comprendre que c’est bien l’Eternel qui s’adresse à lui.

  Aujourd’hui, vous, moi, nous tous, sommes-nous capables de donner du crédit à la parole des enfants ? Sommes-nous prêts à accepter l’idée que Dieu puisse nous adresser des messages en passant par eux ? Ce que ce récit nous montre également, c’est que Dieu est totalement souverain dans ses choix et les moyens qu’il utilise pour transmettre sa parole.

  Il ne choisit pas un vieux serviteur surement très expérimenté et qui devait bien connaître les Ecritures ; il choisit Samuel, un enfant.

  Cela sonne aux oreilles des protestants que nous sommes comme un rappel ; le principe du sacerdoce universel, d’une communauté de prêtres, de la non exclusivité du statut pastoral est mise en évidence. Il n’y a pas de caste sacerdotale qui puisse confisquer Dieu ou prétendre détenir à elle seule, les clefs de compréhension et d’interprétation des paroles de Dieu.

  Les enseignements que nous pouvons tirer de ce récit sont, me semble-t-il de deux ordres :

D’abord, soyons à l’écoute des enfants ; cherchons à déceler les paroles inspirées qu’ils peuvent avoir à partager avec nous. Et bien souvent, nous avons tous au creux de notre mémoire, des paroles fortes, profondes, belles prononcées par des enfants ou des adolescents.

  Ensuite, soyons comme des enfants ; sachons faire silence en veillant dans les sanctuaires où Dieu peut nous parler. Ces sanctuaires, ce ne sont pas exclusivement des temples ou des églises mais ils peuvent être un beau paysage, un jardin, notre maison. Dieu n’a pas de lieu sanctuarisé. Il est chez Lui partout et peut décider de nous parler où et quand il veut.

  Le chapitre 3 de ce premier livre de Samuel nous rappelle que la Parole du Seigneur était rare en ces jours-là. Est-elle plus fréquente aujourd’hui ? La surmédiatisation généralisée, radio, télévision, ordinateurs, iphones, connexions numériques nous font subir une avalanche de paroles. Entendre l’appel de Dieu dans cette cacophonie est une vraie gageure. Pourtant, en ce dimanche matin, en venant ici dans ce temple, Dieu s’adresse à chacun, chacune en nous appelant par notre prénom : Samuel ? Ginette ? Philippe ? Béatrice ? Nicolas ? Jacqueline ? etc… Et nous même, comme le petit Samuel, nous avons répondu : « Me voici, puisque tu m’as appelé ».

  Bien souvent, Dieu se manifeste auprès de nous par une parole qui fait sens dans nos vies. Ne nous est-il jamais arrivé de nous dire, cette parole est pour moi, c’est exactement ce que j’avais besoin d’entendre ? Un encouragement, une réprimande, un conseil fraternel nous ont ainsi accompagnés dans des moments importants de notre vie, une phrase, un mot ont parfois bousculés notre existence.

  Ce récit met aussi en évidence l’importance d’être à plusieurs pour entendre et interpréter les messages divins. Je ne peux pas construire ma vie intérieure, aborder les domaines de la foi et de la vie spirituelle tout seul. Eli a eu besoin de la présence d’un enfant pour écouter ce que Dieu avait à lui dire. On ne peut se passer des autres pour entendre et comprendre. Dieu choisit Samuel pour parler à Eli,  il choisit Jésus, humble serviteur galiléen pour parler à tous les peuples de la terre.

 Ce texte nous oblige à la vigilance et au discernement ; nous est-il arrivé de dire à un enfant : « sois disponible à écouter ce que Dieu peut te dire ! »

  Cela est valable pour nous tous. Ce ne sera peut-être pas des paroles faciles à entendre. Dieu à des mots durs à l’égard d’Eli et surtout de ses fils.

  Avec le recul du temps, nous savons que certains propos qui nous avaient été tenus et qui nous avaient parfois déboussolés, irrités, dérangés furent finalement des paroles bénéfiques et salutaires.

   On assiste ainsi à l’émergence d’un prophète, le jeune Samuel.

  Sommes-nous aujourd’hui dans une période de renouvellement, de transition ? Serons-nous des Eglises vivantes où de jeunes serviteurs viendront partager avec nous les messages de Dieu ?

  On a le droit d’y croire et l’on a beaucoup de bonnes raisons de l’espérer. Ainsi, une jeune femme, Léonore Moncond’hui est devenue maire écologiste de Poitiers aux dernières élections communales. Elle a tout juste 30 ans, et elle n’a jamais renié ses racines chrétiennes et protestantes, son passage par le scoutisme. Ses nouvelles fonctions l’obligent à un devoir de réserve mais son parcours est exemplaire. Léonore est citée dans le dernier numéro du journal Ensemble en compagnie de 10 jeunes aux parcours exemplaires.(Je montre Ensemble)

  Les engagements humanitaires de la jeune génération sont multiples et malgré la pandémie et une actualité difficile, ils sont nombreux à vouloir donner de leur temps, de leur compétence au service des autres.

  L’auteur du livre de Samuel semble vouloir dire que l’on ne peut réduire le culte à Dieu à des habitudes et des pratiques trop mécaniques. Les Eglises, les chrétiens, les clercs doivent accepter de se laisser questionner, déplacer par un Dieu qui dans sa souveraineté absolue peut parfaitement utiliser un canal autre pour délivrer sa parole et ses messages.

Cela demande de l’humilité et de la lucidité ; Eli en montre dans ce récit. Les vérités d’hier ne sont pas toujours celles d’aujourd’hui et rappelons-nous que notre Eglise, elle aussi doit évoluer et s’adapter, elle est toujours à réformer.

  La seule autorité que reconnaissent les protestants est celle de l’Ecriture. Lorsque Samuel rapporte les paroles dures de Dieu à l’intention d’Eli, ce dernier dit simplement : « Il est le Seigneur. Qu’il fasse ce que bon lui semble. » Comme Eli, inclinons-nous devant la parole de Dieu.

  Cette parole, elle a pris chair à Noël dans une petite bourgade de Judée, Béthléem. Dieu choisit toujours des « portes-paroles », des hérauts inattendus. Le point commun entre tous ces prophètes, ces serviteurs, c’est qu’ils savent écouter, ils sont disponibles pour accueillir ce que Dieu a à leur dire.

  Ainsi, une fois de plus, nous devons nous convaincre que Dieu ne s’exprime pas plus pendant le culte, dans une étude biblique ou une réunion de prière que dans notre vie quotidienne, familiale, associative ou professionnelle.

  Il est probable qu’Eli et plus encore Samuel ne s’attendait pas à être interpeler par Dieu cette nuit-là. Nous parlera-t-il la nuit prochaine et lui dirons-nous : « Parle, ton serviteur écoute » ?

  Va-t-il se servir de nous, comme d’un intermédiaire pour guider un enfant qui nous interrogera ?

  Ce récit met en évidence la relativité de la parole des Eglises face à l’absolu de la parole de Dieu. Cette dernière n’est contenue dans aucune théologie, aucun dogme, aucune religion ni aucune communauté spirituelle.

  Dieu échappe et échappera toujours à nos tentatives de mains mises et cela est très bien à l’heure ou des extrémistes de tout bord, chrétiens fondamentalistes aux USA, fanatiques religieux de toutes obédiences prétendent parler et agir en son nom.

  Dans ce passage du livre de Samuel, Dieu s’exprime par la bouche d’un enfant. Avec Jésus, il vient vivre au milieu de nous, comme l’agneau de Dieu.

  Laissons-nous interpeler par Dieu, appelé par Jésus-Christ ; à la question que lui posent les disciples, « Ou demeures-tu maître ? », Jésus répond : « Venez et vous verrez. »

Amen  

 CULTE DU 10 JANVIER 2021 A TONNEINS.

1Jean 5/ versets 1 à 9.

   Chers amis,

Jésus, dont nous venons de fêter la naissance est-il le Fils de Dieu, est-il le Christ ?

  La question se posait lors de la rédaction des trois lettres de Jean et n’a pas perdu sa pertinence, ni son intérêt aujourd’hui.

  Les historiens bibliques pensent que les 2 premières lettres de Jean datent de l’an 100 environ. Une tradition les a attribuées à l’apôtre Jean, le disciple bien-aimé de Jésus mais la critique moderne préfère parler d’une école johannique qui aurait produit l’Evangile de Jean et les 3 Epîtres du même nom.

   Dans quel contexte se trouvent les Eglises naissantes en Asie mineure, lieu supposé de la rédaction de cette lettre ? Elles se trouvent tentées par des divisions, attirées par les premières hérésies gnostiques et c’est contre cela que l’auteur de l’Epître s’insurge.

  Il fait un exposé, une démonstration apologétique que l’on pourrait résumer ainsi : « Ceux qui croient que le Jésus historique n’est ni le Christ, ni le Fils de Dieu font fausse route. Ils ont fait le choix d’un Messie qui est pur esprit, qui ne s’est pas incarné qu’ils dissocient de l’homme Jésus ».

  L’auteur semble s’adresser à un groupe d’églises qui étaient peut-être tentées par ce type d’hérésie. Quelles étaient les affirmations de ces chrétiens déviants ? Et question que nous pouvons nous poser et qui a de l’importance aussi pour nous : pourquoi est-il fondamental de croire que Dieu s’est fait homme, qu’il s’est choisi un Messie, le Christ, humain, constitué de chair et de sang ?

  Durant tout le début de son Epître, l’apologue Jean s’emploie à exposer et contredire point par point les affirmations de ces hérétiques qui refusent l’incarnation. Pour les chrétiens gnostiques, il semble également que l’obéissance aux commandements et particulièrement celui de l’amour soit secondaire.

  Jean, appelons-le ainsi, même s’il ne faut pas le confondre avec l’un des 12 disciples, ni avec l’auteur de l’Evangile du même nom, s’adresse à des communautés chrétiennes fragilisées et l’on peut légitimement penser que pour de multiples autres raisons, nous pouvons, nous aussi, tirer profit de son enseignement en ce début d’année 2021.

  En premier lieu, au début de ce chapitre 5, il affirme que la foi est essentielle, elle est la clef qui conditionne les rapports entre Dieu et les hommes et entre les hommes eux-mêmes. Mais il ne faut pas croire en n’importe qui ou n’importe quoi. Il nous est demandé de croire que Jésus, le nouveau-né de la crèche, le charpentier de Nazareth, qui a été baptisé dans le Jourdain par son cousin lointain, et crucifié au Golgotha est bien le Christ, terme grec qui est l’équivalent du Messie en hébreu.

  Par la foi en Jésus le Christ, nous entrons dans une relation filiale avec le Père, nous devenons enfants de Dieu. Cette relation nous permet de reconnaître dans tous les humains qui partagent la même foi, des frères, des sœurs, tous enfants du même Père.

   Ces premiers versets du chapitre 5 suivent un développement de Jean sur Dieu qui est amour. Les deux derniers versets du chapitre 4 sont connus mais il est bon de se les remettre en mémoire : « Si quelqu’un dit « J’aime Dieu » et qu’il a de la haine envers son frère ou sa sœur, c’est un menteur. En effet s’il n’aime pas son frère ou sa sœur qu’il voit, il ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. Voici donc le commandement qu’il nous a donné : celui qui aime Dieu doit aussi aimer son frère ou sa sœur. »

  Je trouve qu’en Christ, Dieu devient plus facile à aimer ; il n’est plus un Dieu lointain, résident dans les limbes, dans une zone éthérée des cieux. Non, avec notre Seigneur Jésus-Christ, il nous est donné d’aimer un Dieu proche, fragile, frêle comme un nouveau-né, humain, profondément humain et son humanité nous renvoie à la nôtre, à celle de mon prochain avec tout ce que nous lui devons de respect et de dignité.

  « Ne vous trompez pas sur Dieu, n’allez pas croire en un Dieu autre que celui qui a pour Fils, Jésus-le-Christ », semble nous dire l’auteur de l’Epître. Jean complète son propos en rappelant que l’amour et l’obéissance aux commandements sont les 2 piliers sur lesquels doit s’appuyer le chrétien.

  La croix et ses deux poutres assemblées à angle droit, l’une fichée en terre et s’élançant vers les cieux, l’autre s’étirant dans une horizontale infinie est le symbole de cet amour qui s’incarne en Jésus-Christ.

  Le premier commandement est un commandement d’amour et Jean nous rappelle que les commandements ne sont pas un fardeau.

   Quel Christ proposons-nous à nos contemporains ? Dans une période très difficile de l’histoire humaine, ou la pandémie, la crise sociale, économique, mais aussi sociale et politique est bien réelle, nos Eglises chrétiennes et plus particulièrement la nôtre  témoignent-t-elles d’un Christ soucieux de nos préoccupations, d’un Dieu à l’écoute des plus fragiles, des plus seuls, des exclus ?

  Dans les quelques versets que nous avons lu, un mot revient à 10 reprises, l’avez-vous relevé ?....Ce mot est témoignage qui a donné également le mot martyre en français ; le mot grec martyria, c’est aussi l’acte de témoigner.

  Ainsi, le témoignage, ce n’est pas être passif, c’est être dans l’action, dans l’agir. « L’Esprit, l’eau et le sang, ces 3 convergent dans l’unique témoignage ».

  Jean nous présente les bases d’une théologie de la foi ; un Esprit  vivifiant qui anime le Christ, l’eau du baptême qui symbolise la mort et la résurrection et le sang qui nous mène à la croix.

  Dans l’Evangile de Jean, l’Esprit, l’eau et le sang désignent la présence de Dieu ; ils rendent témoignage de cette présence. Un témoignage actif ne peut se borner à une pratique même régulière de la foi vécue dans notre Eglise.

  Témoigner que Christ change ma vie, transforme nos existences doit se voir et se traduire dans la vie quotidienne, dans la vie familiale et sociale.

  Présenter à nos contemporains, le Christ tel que nous le connaissons, le fréquentons avec sa capacité à embellir nos vies est bien souvent le premier des témoignages. Tant de nos proches vivent sans Lui ou comme les gnostiques de l’an 100, ils voient en Lui un pur esprit lointain et indifférent aux préoccupations humaines.

  Il n’est pas besoin de tenir des discours de théologiens chevronnés pour témoigner de ce que Christ change dans nos vies. Des engagements associatifs, des liens familiaux et amicaux entretenus et solides, une solidarité, une disponibilité et un esprit de service sont autant de témoignages profonds et réels de notre foi en un Dieu qui, en Christ fait de tous les humains, nos frères et nos sœurs.

  Un mot, une phrase parfois peuvent faire basculer une existence, l’amener des ténèbres à la lumière. J’ai souvenir, il y a bien des années, avoir rencontré un jeune homme qui avait partagé avec moi sa découverte de Christ. Ce jeune homme avait grandi sans père et cela avait été une grande souffrance pour lui. Puis un jour, il fut amené à parler de son mal-être à un prêtre orthodoxe. Il se présenta à lui en lui disant : « Cher prêtre, je suis ce qu’on appelle un fils naturel ». Le prêtre orthodoxe lui répondit immédiatement : « Mais mon ami, quoi de plus naturel qu’un fils ? » Ce jeune homme crut dès ce moment-là, parce qu’un chrétien l’avait écouté, compris, accompagné dans sa souffrance.

  Le témoignage nous demande d’être disponibles, audacieux, prévenants mais aussi pleins d’humour et d’humilité. Une parole, un geste même anodin peuvent faire leur chemin, ouvrir une porte dans le labyrinthe d’une vie, éclairer des coins sombres. Cela nous échappe et nous aurons été à notre insu, ce vitrail multicolore qui a laissé passer la lumière du Seigneur. Nous aurons témoigné d’un Christ soucieux des petites choses mais aussi des grandes souffrances.

  Ce Christ en lequel l’apologue Jean veut que nous croyons, c’est aussi ce Messie inattendu, surprenant qui n’a jamais fini de nous étonner. On l’attendait dans un palais, il nait dans une étable ; on le pensait prendre la tête de la résistance à l’occupant romain, il est doux et pacifique et nous demande de combattre d’abord et avant tout nos démons intérieurs ; on le souhaitait Messie d’Israël, il est Christ pour l’humanité toute entière.

  Cette ouverture à l’autre, au dialogue, à la rencontre doit nous caractériser. Bien sûr, du dialogue, des rencontres en ce moment, en pleine crise sanitaire ? Il nous est permis d’espérer, de faire des projets mais aussi de petits gestes de proximité. Dieu n’a pas déserté notre monde en cette période pandémie.

  Nos habitudes, nos repères sont bousculés, nos certitudes sont ébranlées. La situation dans les pays voisins est parfois encore plus dramatique que la nôtre.

  Notre boussole, notre bouée, notre salut, c’est encore et toujours le Christ ; il est celui qui nous mène à Dieu mais il est aussi celui qui partage totalement notre condition présente.

  Notre vieille humanité a traversé déjà bien des tempêtes. A l’époque de Jean, des déviances menaçaient les toutes jeunes communautés chrétiennes.

  Ne nous laissons pas gagner par le désespoir ou la mélancolie. Soyons prudents, confiants et patients. La crise nous oblige à innover, à nous adapter, à chercher de nouvelles pistes de témoignage ce qui n’est pas toujours évident.

  Gardons dans notre cœur en ce début d’année ce verset de la première Epître de Jean :   « Tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Et la victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi »

Amen.

 CULTE DE L’EPIPHANIE. MARMANDE 3 JANVIER 2021.

Esaïe 60/1 à 6.  Matthieu 2/ 1 à 12.

   Chers Amis,

Avec la fête de l’Epiphanie, nous clôturons ce temps de Noël et nous entrons dans une nouvelle année civile mais aussi une nouvelle année liturgique commencée début décembre avec le temps de l’Avent.

  Epiphanie, quel drôle de terme. On a retenu que l’Epiphanie était la rencontre, la manifestation  de Jésus aux mages. En grec, ce mot signifie apparition et au sens  figuré, nos dictionnaires parlent d’une prise de conscience soudaine et lumineuse de la nature profonde d’un être, d’une œuvre d’art.

  Mais que sont donc venus chercher les mages, dans cette petite demeure de Béthléem et nous-mêmes, en ce dimanche de l’Epiphanie, quelle rencontre espérons-nous ?

   Les informations et l’actualité ne sont pas très réjouissantes. Cette période festive de Noël ne nous a pas permis de nous retrouver trop nombreux ; l’inquiétude, des questions, des doutes sur l’avenir nous habitent. Comment allons-nous passer l’hiver ? Quand pourrons-nous tourner la page de cette crise sanitaire qui n’en finit pas ?

  Peut-être nous faut-il accepter, comme les mages de nous laisser guider par Dieu, pas seulement dans les jours et les semaines qui viennent mais tout au long de l’année. Le terme mage pouvait avoir plusieurs sens quand Matthieu a rédigé son Evangile ; prêtres originaires de Perse, magiciens, prosélytes religieux voir même charlatans.

  Mais l’Evangile nous les présente sous un jour plutôt favorable ; ce sont des païens et ils viennent de loin, d’Orient. Les spécialistes émettent l’hypothèse que l’évangéliste voyait en eux des astrologues babyloniens qui auraient eu quelques contacts avec les juifs.

   Ce qui semble important pour lui, c’est de signifier que le Messie annoncé par les prophètes d’Israël est le Messie de tous les hommes, toutes les Nations.

  Ainsi, cette naissance, cette visite des mages venus de pays lointains pour honorer Jésus nous concerne également. Les mages sont les premiers avec les bergers à reconnaître dans ce petit enfant le signe que le monde attendait.

  Ce récit de l’Epiphanie, d’une rencontre extraordinaire, improbable entre des mages voyageurs et l’enfant de Béthléem, peut nous parler dans cette actualité douloureuse et compliquée.

  Saurons-nous, au cours de cette année, nous laisser guider par la bonne étoile ?  Oserons-nous nous adresser aux grands de ce monde, comme le roi Hérode, même s’ils ne sont pas toujours bien intentionnés ? Serons-nous généreux envers les plus humbles en leur offrant du temps, de l’écoute et des cadeaux mêmes modestes ?

  Le récit des mages nous dit que lorsque l’étoile s’arrête, là où se trouve Jésus, ils furent remplis d’une très grande joie.

  Ce verset fait pour moi écho à une parole que Luc attribue à Jésus dans le livre des Actes : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ».  

Les biens matériels, les cadeaux qu’offrent les mages sont dérisoires par rapport à ce qu’ils reçoivent. Mais ils ne sont pas négligeables ; ils sont les actes, les gestes qui manifestent cet attachement au Messie annoncé qu’est ce nouveau-né.

  Ce Messie, il nous faut le protéger. Il ne se trouve pas à Jérusalem, dans les grandes capitales, dans les palais. On peut le rencontrer certes dans notre Eglise, dans toutes les communautés chrétiennes mais aussi dans des endroits discrets, loin de tout tapage médiatique.

Dès le début, l’existence de Jésus est menacée par ceux qui le craignent. Des hommes de pouvoir comme Hérode veulent le supprimer. Cela nous rappelle que nos existences aussi sont fragiles et la crise sanitaire actuelle est là pour nous le confirmer douloureusement.

  Pour l’année qui vient, laissons-nous surprendre par un Messie présent là où on ne l’attend pas. Les mages se sont laissés conduire par un astre brillant pour le trouver. Scrutons les cieux, lisons les Ecritures, écoutons nos amis, nos frères, nos sœurs, nos proches ; ils nous conduiront vers l’enfant de Béthléem.

  Cette rencontre, cette Epiphanie, cette apparition de Jésus dans nos vies et la joie qui en découle me font penser à l’image  d’une vieille balance. Celle que l’on utilisait il y a bien des années, la balance Roberval. D’un côté, sur un plateau, on pourrait mettre nos soucis, nos drames, nos blessures mal cicatrisées et de l’autre côté, le poids d’un nouveau-né, le bonheur qu’il nous procure, l’assurance qu’il nous donne d’être aimés malgré nos faiblesses. Il y a fort à parier que la balance va basculer du bon côté, du côté de l’espérance, du partage et de la solidarité.

   Ce temps de l’Epiphanie, c’est le temps d’une rencontre bouleversante qui vient déconfiner les esprits et les cœurs. Avec le Messie, pas de gestes-barrières, de distanciation sociale. Sa proximité spirituelle et physique ne nous fait courir aucun danger. Sa présence parmi nous sonne comme un antidote à tous nos enfermements. Il se définira lui-même comme la porte, le sas, qui permet d’accéder au royaume, sans visa, sans laisser-passer et sans tractations interminables.

  A l’heure du couvre-feu, des confinements passés et à venir, des attestations dérogatoires de déplacement, il reste possible comme les bergers, comme les mages de rencontrer Jésus. Dans notre Eglise ? Peut-être, Zacharie, le père de Jean-Baptiste, Syméon et Anne, qu’évoque Luc, ont cru  et ils ont croisé la route de Jésus alors qu’ils étaient de fervents croyants. Juifs pieux, humbles de cœur, ils avaient confiance en la parole de Dieu.

   Mais l’Epiphanie, l’apparition du nouveau-né Jésus, Matthieu comme Luc insistent sur le fait qu’elle est vécue pour et par des exclus, des étrangers, par des hommes qui ne sont pas habitués à fréquenter le temple. 

  Ces récits de la nativité et de l’enfance sont comme une parabole de ce que seront la parole et la vie de Jésus. Dieu, en envoyant son Fils s’adresse à tout Israël qui, bien souvent, ne reconnaîtra pas  le Messie ; mais il s’adresse aussi et surtout au monde, aux nations, aux païens, aux oubliés. Les mages sont le signe d’un Dieu dont le message s’universalise par son Fils Jésus-Christ.

  Le Messie est reconnu comme étant venu pour tous les humains par-delà les frontières, les peuples et les cultures. Nous avons toujours besoin de lui aujourd’hui ; vers qui irions-nous, sinon vers celui qui a les paroles de la vie éternelle ?

   Il importe de témoigner de notre foi dans la société et dans le monde. Ce n’est pas transgresser les règles de laïcité. La libre expression de la foi dans l’espace public est un droit qu’il nous faut utiliser avec finesse, bienveillance et la plupart du temps avec bien peu de mots.

  En ces temps de crise sanitaire dont la conséquence est une épreuve morale et spirituelle, il y a profusion d’offres sur le marché du pseudo-religieux et de l’ésotérisme ; bien souvent ces propositions ne sont que des pièges grossiers.

   Comme les mages, aller à la rencontre du Sauveur, c’est accepter de se mettre en route, de se laisser conduire par ses intuitions, par une étoile qui brille un peu plus que les autres.

Peut-être, comme nous aujourd’hui, se sont-ils dits : « Et si tout cela était vrai ? Si  au bout du chemin, une grande joie nous attendait ? »

  Croire cela, en ce début d’année, ce n’est pas adhérer à un ensemble de règles, de dogmes édictés par l’Eglise au fil des siècles.

  Croire, c’est plutôt se laisser surprendre, se laisser toucher par un Dieu inattendu qui vient parmi nous comme un cadeau imprévu, comme une surprise.

  Croire, en ce dimanche de l’Epiphanie, c’est donner du crédit à celui qui est Parole vivante, un Dieu qui se présente à nous comme un nouveau-né, dépendant, innocent et pleins de promesses.

  Bien sûr, toutes nos préoccupations, tous nos soucis ne vont pas s’effacer mystérieusement.

   Les mages, à leur retour dans leur pays d’origine, vont être confrontés aux problèmes et difficultés qu’ils avaient quittés. En sortant du temple tout à l’heure, nous retrouverons nos questions et nos tourments, tout ce qui fait notre vie quotidienne. Mais nous pourrons aussi nous approprier ces quelques versets du début de l’Evangile de Matthieu et laisser la joie nous envahir.

   Le voyage des mages, nous l’avons fait ce matin, en partageant ce temps de culte, d’écoute de la Parole et de communion fraternelle.

   La traversée de l’année 2021 ne se fera pas sans embûches, sans épreuves. Mais comme ces sages venus d’Orient, comme les bergers, la rencontre avec l’enfant de Béthléem nous bouscule, nous déplace et nous mène vers de nouveaux horizons.

  Au cours de l’année qui vient, des étoiles nous guideront dans nos ténèbres. Elles nous conduiront vers celui qui soulage la solitude, la souffrance et le désespoir. Peut-être serons-nous, nous-mêmes une étoile pour un frère ou une sœur perdus dans la nuit du doute ?

  Ne craignons pas de témoigner de notre foi. Chaque jour, peut être une Epiphanie, une grâce où l’on pourra s’émerveiller de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, l’enfant Messie de Béthléem.

Amen



 LE CULTE DE NOEL 2020 A TONNEINS.

Jean 1/ 1 à 18.

Chers Amis

   Ce Noël 2020, va rester comme un Noël marqué par la pandémie et toutes ses conséquences, confinement, couvre-feu, vaccination anti-Covid mais surtout peurs, incertitudes face à un futur proche que nous serions bien en peine d’anticiper.

  Lesquels parmi nous peuvent prédire la situation dans laquelle se trouvera notre pays et le monde dans 8 jours, pour le premier trimestre de l’année 2021 ?

  A quoi, à qui nous rattacher pour garder intact l’espérance et la certitude de jours meilleurs ? La science et la médecine ? Peut-être mais elles montrent leurs limites ; nos homme politiques et nos responsables ? Eux aussi semblent démunis et reconnaissent naviguer à vue.

  Et si finalement, le roc, le phare dans la tempête, la lumière dans les ténèbres n’étaient pas ce logos, mot grec que nos Bibles ont traduit par Verbe ou Parole et qui sert à Jean pour désigner le Christ. 

  Oui, c’est cela que Jean veut nous faire comprendre dans son prologue si différent des récits de nativité et d’enfance des 3 autres évangélistes. Ce Verbe, cette Parole, c’est ce Dieu fait homme, en la personne de l’enfant de Nazareth, né à Béthléem.

  Un théologien copte orthodoxe, Matta El-Meskin écrit ainsi : « Il nous faut prêter une grande attention à ce que l’Evangile nous rapporte de la vie du Christ. Ce que nous lisons dans les Evangiles de Matthieu et de Luc concernant une naissance humaine qui s’est produite dans l’histoire, Saint-Jean le resitue dans un contexte divin qui transcende l’histoire. Ce que Matthieu et Luc nous présentent comme la naissance de l’enfant Jésus, c’est pour Jean, l’incarnation de la Parole qui existe depuis toujours ».

  Il rajoute : « Au cœur même de l’Evangile, nous percevons ainsi combien l’histoire et l’éternité sont mêlés d’une façon merveilleuse qui dépasse toute intelligence. »

  En Jésus, l’histoire et l’éternité se rejoignent. Ainsi, le premier Noël, nous le vivons aujourd’hui en 2020 et il nous renvoie aux Noëls à venir, comme au Noëls passés.

  La première conséquence que cela peut avoir pour nous est de relativiser nos soucis et nos angoisses légitimes en ce jour de Noël, 25 décembre 2020.

  Jésus, Parole faite chair, n’est pas né il y a 2000 ans, a vécu en Palestine et est mort crucifié au Golgotha dans la ville de Jérusalem. Si tout cela est vrai, et nous le croyons fermement, le prologue de Jean nous en dit plus.

  C’est ce que nous allons essayer de comprendre. Le prologue de Jean nous parle bien de Jésus-le Christ, Fils unique de Dieu par qui la grâce et la vérité sont venues.

  On peut avoir le sentiment que le ou les rédacteurs de l’Evangile de Jean ont pris de la hauteur par rapport aux événements de Béthléem. 

  Imaginons un peu une vision anachronique. Un satellite tourne autour de la terre il y a 2000 et quelques années. Une caméra puissante zoome sur la petite ville de David dans laquelle va avoir lieu la naissance tant attendue. Plutôt que de rester fixée sur la scène de la crèche, un long travelling permet de réaliser un zoom arrière. On aperçoit le Proche-Orient dans son ensemble, puis l’empire romain, puis la terre entière. En parallèle, les décennies, les siècles défilent et donnent sens au message de Jean.

  Passé et présent s’entremêlent mystérieusement et la Parole qui était au commencement parle à nos oreilles, résonne dans notre actualité. Christ n’est plus une lettre morte que l’on peut trouver dans un vieux grimoire, un antique parchemin poussiéreux mais une Parole vive, vivante qui nous habite en ce jour de Noël et nous accompagnera demain.

  Pour Jean, point n’est besoin d’un récit de l’enfance, de la nativité. Il se place dès le début de son Evangile dans une perspective et une hauteur qui traversent les espaces géographiques et historiques. Le prologue de Jean ne s’oppose pas aux Evangiles de l’enfance, il les complète, car différent, il nous situe dans un autre espace-temps.

  Jésus-Christ y est bien présenté comme Parole de Dieu dont Jean-Baptiste est le témoin, mais il est aussi la vie et la lumière qui permet aux humains de vivre pleinement leur existence et d’y voir clair dans les ténèbres. Il est partie-prenante de la Création et a le souci d’éclairer nos chemins de vie, d’éviter nos chûtes dans les ténèbres du monde.

   Les ténèbres s’opposent à la lumière du Christ, à la Parole faite chair. Les ténèbres aujourd’hui, c’est peut-être justement ce qui opacifie nos regards, ce qui nous empêche de voir loin, de nous projeter sur le long terme. On parle parfois de sombres prédictions, de prophéties de malheurs.

  Mais en ce jour de joie, jour de Noël, Dieu nous demande, à nous ses disciples, de voir Noël au-delà de Noël. Il n’est pas de nuit sans que lui succède l’aube et le jour.

   Ne vivons pas Noël comme une fête annuelle qui commémore la naissance extraordinaire d’un grand prophète. Noël, c’est l’assurance d’avoir Dieu au milieu de nous, avec nous, tous les jours. La chaine de temporalité inéluctable, passé, présent, futur est brisée. Dieu, avec Jésus démontre également qu’il est maître des temps, maître du temps.

  Nous sommes comme les disciples, comme Jean-Baptiste, les témoins de celui à qui Jean fait dire dans son Evangile, « Je suis la lumière ». La lumière qui resplendit du Christ, en ce jour de Noël est comme les rayons du soleil ; rien ne peut l’empêcher d’éclairer nos jours sombres.

  Jean a fait le choix de décrire le monde à lueur du Christ. Il aurait pu préférer privilégier une histoire événementielle, factuelle, peut-être moins lumineuse.

  Mais comme témoin, il ne peut taire ce qu’il a vu, entendu, la révélation qu’il souhaite partager. Et cette révélation, c’est que la Parole est devenue un homme, un homme qui a habité parmi nous.

  La Parole qui est Dieu prend chair en ce jour de Noël. En s’incarnant, Dieu s’approche ; sa proximité avec nous n’a jamais été aussi grande. En devenant homme, il endosse sur lui toute notre fragilité, notre finitude et nos faiblesses.

  Dans l’enfant de la crèche est déjà contenu toute la vie terrestre de Jésus, qui le verra proclamer un message d’amour et de salut pour tous les humains mais aussi souffrir, être trahi et mourir sur la croix au Golgotha.

  Le chemin que trace, Jésus le Christ de la crèche de Bethléem à la dernière Pâques à Jérusalem n’est peut-être pas un chemin que bien des chrétiens auraient souhaité pour leur Dieu. Il nous distingue considérablement des croyants non chrétiens.

  Ainsi, ce Dieu créateur, le Dieu de la première alliance s’est abaissé, a pris chair et nous nous extasions aujourd’hui à nouveau devant ce nouveau-né que rien de différencie à priori de tous les petits nourrissons de la planète.

  Mais il faut avoir vécu la joie d’une naissance, en tant que parents, grands-parents, frère ou sœurs ainés pour témoigner de la joie intense, souvent indicible qui nous étreint.

  Chaque naissance est un miracle, le miracle de la vie. Un petit être humain d’à peine 3 kg, parfois moins est une promesse, promesse d’une vie riche de tous les possibles. Nous approchons ainsi la réalité de ce Dieu fait homme, de Jésus dont nous fêtons la naissance aujourd’hui. 

  Mais ce qui nous différencie du Christ-Jésus dans son humanité, c’est qu’il est aussi signe, signe d’une grâce invisible, celle d’une Parole faite chair. Il est l’image visible d’une réalité que l’on ne peut voir.

  Pas besoin de chercher à rencontrer et voir Dieu dans des spiritualités lointaines, dans des exercices mystiques vertigineux ou dans une observance stricte et rigoureuse de règles religieuses. Il est là et aujourd’hui, jour de Noël, nous pouvons le voir en voyant le Christ.

  Non, pas le Christ d’il y a 2000 ans, le Christ de ceux qui ne croient pas et qui est mort crucifié. Non, le Christ du salut éternel, vivant et présent parmi nous ; ce Christ, c’est celui dont l’éternité et l’histoire s’entremêlent mystérieusement, là dans les méandres et les parcours de nos vies.

  Aujourd’hui, à l’heure du Covid, de cette pandémie qui n’en finit pas, quel message retenir de ce célèbre et complexe prologue de Jean ?

  Peut-être que si l’homme Jésus s’incarne dans une histoire, un temps, un contexte religieux, culturel et politique singulier, il transcende également toutes ces appartenances, toutes ces identités pour faire bouger et renverser les barrières et les limites que  nous nous donnons pour nous rassurer.

  Dieu à Noël prend fait et cause pour l’humanité. Plus de cloison étanche entre le ciel et la terre, la vie et la mort, le passé, le présent et le futur.

  Le Dieu qui a créé le monde en 6 jours par la puissance de sa Parole est devenu le Dieu avec nous, l’Emmanuel qui a fait le choix de partager pleinement notre condition.

  Cette condition humaine que partage Dieu en Christ nous permet de relativiser les épreuves des temps présents. Nous ne donnons pas foi aux prophètes de malheur qui spéculent sur la peur et l’angoisse pour proférer de pseudos-vérités souvent reprises par les médias.

  Nous savons simplement que Christ est là, dans l’Eglise et dans le monde, qu’il souffre avec nous, qu’il travaille dans les hôpitaux, qu’il visite les malades. 

 La bonne nouvelle de Noël peut nous remplir de joie et d’espérance. Dieu habite parmi nous et la surprise, l’étonnement, peuvent faire place à la confiance et la sérénité.

  Dieu n’abandonne pas ceux qui le cherchent, dit le psalmiste.

Alors, joyeux Noël à tous et toutes.

Amen.


 SOIR DE NOEL. 24/12/2020. MARMANDE.

       Luc 2/ 1 à 20.

Chers Amis,

Jésus est né sans faire de bruit, sans faire de vague, sans publicité, sans tambour ni trompette. Mais qui a dit que certains événements de l’histoire de l’humanité ne pouvaient pas débuter dans la discrétion, l’anonymat, l’effacement ?

  Lequel, laquelle d’entre nous n’a pas souvenir d’une expérience, d’une rencontre toute simple en apparence, presque banale, qui allait transformer notre vie ?

  Luc plante le  décor dans ce récit de la nativité : trois personnages ou peut-être deux et demi au début du récit puis trois complétement après la naissance de Jésus ! Egalement des bergers, des humbles gardiens de troupeau, qui se trouvaient au bas de l’échelle sociale dans ce royaume de Judée. Ils étaient souvent méprisés et considérés comme des marginaux même si dans l’ancien testament, plusieurs grandes figures avaient également été des bergers, Abel, Abraham, Isaac ou David par exemple. Ils répondirent tous à l’appel de Dieu et accueillirent ses messagers comme le font ces hommes qui veillent sur leur brebis dans la campagne autour de Béthléem.

  Ce récit du premier Noël est riche de détails et il est introduit par le contexte historique de la Palestine occupée par les Romains. L’évangéliste Luc évoque ainsi l’empereur Auguste César qui régna de 27 avant notre ère à 14 ans après. Dans l’empire, les recensements étaient fréquents et permettaient ainsi de faciliter les collectes d’impôts. L’administration romaine n’était pas la seule à procéder à des recensements puisque l’on sait que le roi Hérode en fit de même.

  La situation du jeune couple est dépendante de ces obligations qui lui imposent de se déplacer et d’obéir aux autorités. Les devoirs civiques et légaux, les tracasseries administratives ne datent pas d’aujourd’hui !

  Certains commentateurs estiment que les règles et les lois devaient être appliquées bien strictement pour que le couple entame ce voyage à quelques jours seulement de l’accouchement de Marie.

  Etonnant Joseph qui accompagne sa fiancée enceinte et dont les Evangiles nous disent qu’il n’est pas le père de l’enfant qu’elle porte. 

Je me rappelle à ce propos avoir entendu un récit humoristique rapporté par le grand évêque anglican sud-africain, Desmond Tutu, prix Nobel de la paix et ami de Nelson Mandela ; je ne résiste pas au plaisir de vous le partager tel qu’il le raconte :

  « Joseph et Marie arrivent à Bethléem, fatigués par le voyage et désireux de se reposer ; ils tapent  à la porte d’une première auberge, pas de réponse ; ils essayent à une deuxième, la porte s’ouvre et la conversation s’engage :

Bonjour Monsieur l’aubergiste, auriez-vous une place, une chambre pour nous héberger pour cette nuit ?

Non, débrouillez-vous, il est tard, je suis complet !

Joseph insiste : mais regardez, nous avons marché toute la journée et ma femme est enceinte, elle va bientôt accoucher.

  L’hôtelier s’énerve et dit : mais je n’y suis pour rien, moi si elle est enceinte !

Et Joseph de répondre : Mais moi non plus, je n’y suis pour rien !

Desmond Tutu riait alors aux éclats et son récit tendrement drôle, en ce soir de Noël nous rappelle l’histoire extraordinaire, incroyable, paradoxale d’un Messie qui nait dans un lieu improbable, une étable et dont la filiation sera sujette à discussion depuis près de 2000 ans.

   Nous croyons que Dieu se fait homme en Jésus et il ne nait pas dans un palais, dans une forteresse mais à l’écart de tous, sur la paille et il est déposé dans une mangeoire.

Qui peut dire quel sera le destin de ces enfants qui naissent dans des taudis, dans des bidonvilles ? Dans un grand pays comme le Brésil, on parle de favelas. Je me rappelle avoir lu l’histoire d’une jeune fille brésilienne qui était née dans la rue. Elle survivait avec sa mère en triant des déchets sur une énorme décharge publique. Sa route était toute tracée, violence, prostitution, misère, un sombre destin semblait l’attendre. Mais un jour, un photographe humanitaire vint pour faire un reportage sur les exclus et la grande précarité dans ce pays sud-américain. Il fut frappé par la beauté de cette jeune fille et lui proposa de faire des photos de mode avec de beaux habits. Cette jeune fille devint mannequin ; il avait suffi d’un regard, d’une photo, pour que son destin bascule.

  Les bergers, eux n’ont pas d’appareils photos, pas de jumelles, pas de radio ni de télévisions. Mais ils ont un cœur, des oreilles ; ils écoutent les bruits de la nature, les feuilles qui tremblent sous le vent, ils regardent le ciel, veillent sur la météo et sur leur troupeau.

  Aujourd’hui, ils pourraient être saisonniers, iraient de petits boulots en petits boulots, comme ces migrants qui viennent travailler dans l’agriculture pour ramasser des fraises, des prunes ou des kiwis. Pour eux, pas de recensement ; leur vie ne compte pas ou bien peu pour les autorités de ce monde.

  Mais c’est pourtant bien à eux, et d’abord à eux que l’ange du Seigneur s’adresse. Le Père n’a pas choisi de communiquer cette bonne nouvelle aux grands théologiens, aux pharisiens et sages que compte Israël. Certains comme Zacharie le père de Jean qui sera le Baptiste ont su ce que Dieu préparait. Mais l’aveuglement et la surdité des personnes importantes contrastent avec la clairvoyance et la simplicité de ces humbles bergers.

  En ces temps bien difficiles que nous traversons tous, pandémie, confinement, couvre-feu, essayons d’être comme les bergers, tachons de leur ressembler pour accueillir avec joie, ce nouveau Noël.

Le premier constat qui s’impose est que nul d’entre nous n’est indigne de recevoir un message de Dieu. D’ailleurs, Jésus s’adressera en priorité aux déclassés, aux exclus, à ceux qui se croient accablés, écrasés par leur vie.

  Dieu, dans sa manifestation théophanique, se sert de ses messagers que sont les anges pour communiquer une nouvelle de la plus haute importance aux bergers. Leur réaction est très humaine ; ils ont peur, ils sont effrayés et comment ne pas l’être ?

  Imaginons un peu la scène ; des bergers somnolent tranquillement autour d’un feu dans une nuit qui devrait ressembler à toutes les nuits. Quelques aboiements et quelques bêlements leur rappellent leur existence rude et fruste. Puis, un ange leur apparait éclairé par la lumière divine. On a le droit de penser que Luc a fortement insisté sur le merveilleux dans son récit. Mais cette manifestation de Dieu a les mêmes caractéristiques que bien d’autres ; une parole rassurante et l’annonce d’une nouvelle extraordinaire. Cette nouvelle, elle s’adresse à nous aussi ce soir. Nous allons sortir de ce temple, rentrer prudemment dans nos maisons ; nous ne serons pas très nombreux pour fêter ce Noël bien particulier. Mais comme les bergers, Dieu nous appelle à faire mouvement vers l’étable, la crèche de Béthléem pour y découvrir le plus beau des cadeaux qu’il nous a fait.

  Passé un temps de surprise, laissons- nous gagner par la joie. Cette bonne nouvelle de Noël, elle traverse les siècles pour nous toucher à nouveau ce soir. Dieu est parmi nous, avec nous. Non pas un Dieu tout-puissant qui va bousculer et transformer nos vies par magie ; non un Dieu qui a pris la forme d’un nouveau-né, infiniment faible, petit, dépendant de l’amour qu’il reçoit. 

  Drôle de Sauveur, lui le Messie ? Le Seigneur qui viendra régner pour l’éternité ? Et pourquoi pas, après tout, les bergers, Zacharie et Elisabeth, Joseph et Marie y croient. La naissance d’un enfant, la venue au monde d’un petit garçon ou d’une petite fille est toujours une promesse, un pari, un projet et un destin à tracer.

  Celui de Jésus commence dans une mangeoire et dans ce décor rural ses yeux s’ouvrent sur ses parents puis sur les visages rugueux, balafrés, chevelus peut-être des bergers émerveillés par la beauté et la simplicité du cadeau que Dieu offre à l’humanité.

  Pendant quelques heures, le temps est suspendu, ils ont abandonné leurs brebis pour aller à la rencontre de l’agneau de Dieu. Ils ont cru que ce message était vrai et ils ont voulu en avoir la confirmation : Allons donc jusqu’à Bethléem se sont-ils dit, nous rapporte Luc.

  Joseph, Marie et Jésus leur apparaisse tels qu’ils sont, comme eux, comme nous ; pauvres, démunis face aux grands de ce monde. Dans l’extrême simplicité de cette scène, un homme, une femme, un nouveau-né, ils découvrent qu’ils n’ont pas été victimes d’une hallucination ; aujourd’hui, on dirait une fake-news.

  Cette naissance est somme toute un événement banal, classique. Tous les humains sont un jour venus au monde et cela s’est produit depuis plusieurs milliards de fois. Mais cette naissance est différente, autre, car elle a été annoncée par Dieu ; elle était attendue, espérée et va transformer les vies et la face du monde.

  Les premiers à partager ce secret, à être dans la confidence, ce ne sont pas les puissants, trop occupés à faire le recensement,  préparer les futures élections pourrions-nous dire aujourd’hui. Ce sont ces bergers à qui nous pouvons tâcher de ressembler.

   Dieu ne va peut-être pas nous envoyer ses légions célestes pour nous dire ce soir de laisser notre gîte, notre maison, notre veille pour aller voir un jeune couple et leur enfant.

  Mais nous pouvons nous réjouir avec tous les chrétiens, bien au-delà de nos dénominations, et de nos appellations, de la venue du Messie sur notre terre qui a grand besoin de bonnes nouvelles.

  Les bergers ont dû souvent se remémorer le récit de cette rencontre extraordinaire. Elle est arrivée jusqu’aux oreilles de Luc qui l’a couché sur des parchemins. Si nous pouvons l’écouter aujourd’hui, c’est parce des générations de chrétiens l’ont transmise et surtout l’ont cru.

 Luc l’a écrite pour nous ce soir, ici dans ce temple de Marmande. Ce récit de Noël est le signe de la présence définitive et absolue de Dieu parmi nous.

  Face aux interrogations, aux peurs et aux souffrances de ce Noël 2020, nous pouvons faire le choix, comme les bergers de glorifier et louer Dieu.

Il est plus que jamais, celui qui était, qui est et qui vient.

Amen .

  


 DIMANCHE 20 DÉCEMBRE 2020. MARMANDE

   Luc 1/26 à 38.

Chers  Amis,

  Des 4 évangélistes, Luc est celui qui donne le plus de détails sur la conception et l’enfance de Jésus. 

Bien des décennies après le ministère de celui qu’il nomme Fils du Très-Haut, il souhaite s’adresser à des chrétiens de culture grecque, comme lui.

  Dans le prologue de son Evangile, écrit à son cher ami Théophile, il fait mention de récits rapportés par des témoins oculaires de la vie de Jésus.

  Au-delà d’un récit scrupuleusement circonstancié, que chaque chrétien peut mettre en doute, ou tout au moins questionner, tant le merveilleux et le miraculeux y sont présents, on peut s’interroger sur le sens et les significations des propos de Luc, hier comme aujourd’hui.

  On relève que le récit de l’annonce à Marie est très proche du récit précédent dans lequel, le même ange Gabriel annonce à Zacharie, la naissance de son fils qu’il appellera Jean.

  Mais le contexte et les lieux sont bien différents pour ces deux   « annonciations ». Zacharie est âgé et sa femme Elisabeth stérile. Il se trouve dans le temple. Marie est en Galilée, dans une petite ville, Nazareth, dont il n’est fait nulle mention dans l’ancien testament.

  Ainsi, on peut faire le constat que la Bonne nouvelle à venir s’annonce aussi bien dans le lieu le plus saint d’Israël que dans une simple maison.

   Aujourd’hui encore, cette Bonne nouvelle, celle de la naissance du Sauveur est proclamée dans l’Eglise mais aussi dans le monde.

  Luc nous dit bien peu de choses sur Marie. On sait juste qu’elle est fiancée à un homme s’appelant Joseph qui était un descendant du roi David. Elle est jeune, contrairement à sa parente Elisabeth et Luc insiste sur la pureté de sa foi.

  Elle accueille le messager comme nous pourrions nous-même accueillir un visiteur étranger porteur d’une nouvelle extraordinaire mais déstabilisante. Le « n’ai pas peur », « sois sans  crainte », que lui dit l’ange Gabriel, on peut le retrouver en de maintes occasions dans l’Ancien testament. Comment ne pas être effrayé  quand Dieu annonce à Marie le projet qu’il a pour elle ? Et quelle audace, quel courage, pour oser croire que Dieu l’a choisie pour porter en elle, celui qui sera grand et appelé Fils du très-haut. Marie a la sagesse des simples ; elle n’aspire aucunement à un grand destin mais elle ne se croit pas indigne de l’attention que Dieu lui prête. Elle accepte la grâce qui lui est faite comme un cadeau, une bénédiction qu’elle n’a pas demandée.

  Dieu qui sonde les cœurs et les esprits l’a choisie et elle découvre, à la fois étonnée et surprise ce projet auquel elle va être intimement associée.

  En ces temps difficiles que nous traversons tous, que nous dit Luc à travers ce dialogue entre Marie et le messager de Dieu, l’ange Gabriel ?

  S’il fallait retenir un seul verset de ce merveilleux récit, je choisirai celui-ci ; rien n’est impossible de la part de Dieu.

 Tout ce qui, à vue humaine parait bouché, tous les obstacles que l’on pense infranchissable, tous les murs que l’on élève autour de nous, les barrières sociales, économiques, culturelles, l’angoisse d’une pandémie qui nous étreint et nous fait souffrir depuis près d’un an, tout cela vient se fracasser contre ce verset : rien n’est impossible de la part de Dieu. Comme Marie, il nous suffit juste de l’accepter et de le croire. Face à un imprévu, à l’inattendu, à un événement important qui vient bousculer ma vie, j’ai le droit de douter et d’avoir peur.

  Je me rappelle avoir traversé en pirogue de larges fleuves amazoniens. Tant que l’on était proche de la berge que l’on venait de quitter, on était rassuré. Puis au milieu du fleuve, et il était très large, le courant semblait nous emporter et la rive d’en face était bien éloignée. Pourtant, les piroguiers et les vaillants moteurs gardaient le cap et au bout de quelques minutes, on accostait sur l’autre berge et foulions à nouveau la terre ferme.

  Marie a été secouée, troublée nous dit Luc par le message de l’ange Gabriel. Mais elle a accepté de se laisser guider, conduire par lui en écoutant ce que Dieu avait à lui dire.

  Elle s’interroge légitimement sur ce fils annoncé que Dieu a choisi pour en faire son Messie. Quelle jeune fille, quelle mère, ne serait pas profondément ébranlée en apprenant une pareille nouvelle ?

  En ce qui nous concerne, le comportement et la foi de Marie peuvent nous servir d’exemple pour conduire et diriger notre vie.

  Pour commencer, Jésus, dans les 4 récits évangéliques, n’aura de cesse de valoriser les femmes, dans un contexte historique et culturel où elles avaient bien peu de place et de considération. Au cours de l’histoire humaine, la situation des femmes, « la condition féminine » a évolué bien lentement. Pourtant, Luc a choisi de donner une place centrale à Marie, celle de la jeune fille qui va vaincre sa peur et ses appréhensions, se rendant pleinement disponible à l’inattendu.

  L’imprévu, l’absence d’informations sur le futur proche, sur la situation sanitaire, c’est ce que nous vivons tous depuis le mois de mars. Mais au milieu de ces incertitudes, de ces sables mouvants, nous pouvons nous appuyer sur du solide, du fiable. Il n’est pas de tempête qui ne s’achève, il n’est pas d’épreuves qui ne connaissent leur fin.

  Ce temps de l’Avent est un temps d’attente, un temps d’espérance ; c’est aussi le temps de la patience et du courage. Cette attente, c’est celle d’un Noël où nous pourrons nous réunir prudemment et en petit nombre. Ce Noël aura un goût particulier ; le goût d’un Noël confiné ou nous ne jouirons pas d’une totale liberté. Mais cette attente un peu anxieuse est doublée d’une vraie espérance, d’une vraie certitude.

  La promesse que Dieu nous a faite sera tenue. Le Messie arrive, il vient et ce qui nous est impossible à concevoir, à réaliser, Dieu le rend possible. Nous savons tous bien sûr que la pandémie ne va pas brutalement cesser après Noël ; patience et courage seront de bonnes alliées.

  Avec Marie, puis plus tard, Jean-Baptiste et les disciples, nous sommes appelés à croire et suivre celui que les prophètes annonçaient. Luc reprend ainsi presque mot pour mot une prophétie d’Isaïe : La jeune femme sera enceinte et elle mettra au monde un fils. Elle le nommera Emmanuel, Dieu avec nous. Ainsi, le temps de l’Avent, c’est le temps d’une attente sereine, celle de la venue de Jésus, Dieu sauve, de l’Emmanuel, Dieu avec nous ; le Seigneur ne nous laisse pas seul face aux difficultés et aux épreuves.

  Les récits de Luc mettent ainsi en évidence, contre toute logique humaine, de façon déraisonnable, que la promesse sera tenue. Mais il ne faut pas chercher la venue et l’arrivée du Messie dans le clinquant, le bruit et la fureur. Où est la petite jeune fille qui porte aujourd’hui dans son sein le Jésus de demain ? Elle est peut-être dans un bateau de migrants qui traversent courageusement la Méditerranée pour trouver une terre d’accueil.

Marie, nous l’avons peut-être croisée parmi nos proches ou nos connaissances. Elle est celle qui s’adressant à Dieu lui dit : « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole »

  Elle ne se regimbe pas. Elle accepte la venue du Saint Esprit et la puissance de Dieu sur elle. Luc nous la présente comme assumant sa condition de femme enceinte sans que son fiancé Joseph l’ait connu. Qui sait les risques qu’elle prend en endossant ce statut ?

  Bien sûr aujourd’hui, nous pouvons discuter sur le rôle de Marie, la conception virginale de Jésus. Il ne s’agit pas de choquer les uns ou les autres en affirmant ou refusant telle ou telle explication.

  Ce qu’il faut retenir, c’est l’assentiment de Marie, son oui profond au projet que Dieu a formulé pour l’enfant qu’elle porte. Cet enfant, elle le porte effectivement en elle mais elle ne le possède déjà plus. Elle laisse cependant éclater sa joie. Une joie, un accomplissement qui vont se réaliser dans l’acceptation  et l’obéissance.

En ce temps de l’Avent, un peu particulier, essayons nous aussi d’être disponibles à une rencontre, un événement, un Noël différent mais chargé de promesse et d’espoir.

  Nous préparer à ce Noël confiné, c’est tendre l’oreille et essayer de discerner au milieu des bruits du monde, un message singulier et unique : « Rien n’est impossible de la part de Dieu ». D’une situation complexe, incertaine, dans nos vies parfois cabossées, il intervient, il nous parle, il vient parmi nous.

  Sa venue n’est pas un habile tour de magie mais elle est un vrai miracle. Celui du Serviteur annoncé par les prophètes dont l’ange Gabriel nous dit : « Il régnera pour toujours sur le peuple d’Israël et son règne n’aura pas de fin »

Amen.


CULTE DU 13 DECEMBRE 2020.TONNEINS.

Luc 1/39 à 54

 

  Chers amis,

  Comme nous avons besoin d’entendre ces derniers temps, une bonne nouvelle ! Comme pouvoir partager notre joie, comme le fait Marie chez Elisabeth est une nécessité, une envie forte, en ces temps de pandémie, de semi-confinement et de crise sanitaire.

    La vie était-elle facile pour Marie, jeune fille juive, humble que l’on aurait pu croire dépassée par les interventions divines et célestes ?

  Nous n’avons pas à discuter de la conception virginale de Jésus ; libre à chacun, chacune d’entre nous d’avoir son explication au vu des textes évangéliques, de leur rédaction et de leur but.

  Le fait est que dans ce cantique, cet hymne, que l’on appelle aussi « le magnificat », Marie laisse éclater sa joie. Cette joie n’est pas une joie au rabais, une joie personnelle ou égoïste. Sa joie est celle d’une jeune fille qui découvre qu’elle porte en elle, en son sein, un projet de vie, un projet de salut, un projet d’espérance, un projet que Dieu a initié.

  Elle a appris par le messager de Dieu que son enfant serait Fils du très Haut, qu’elle l’appellerait Jésus, Dieu sauve. Quelle mère, quel père ne serait pas comblé à l’idée d’être associé à une telle aventure ?

    On peut remarquer qu’il n’y a pas dans les propos de Marie, une once d’orgueil, de suffisance. Elle est dans l’acceptation, dans l’obéissance à un Dieu dont elle sait qu’il a autorité et seigneurie sur elle, sur tous les humains.

  Marie rend grâce à Dieu car dans sa foi humble et pure, elle croit que tout vient de Dieu, tout va à Dieu. Elle ne saurait s’approprier cet enfant qui va naître. Elle sait déjà qu’elle n’aura pas prise sur son destin mais elle est honorée et joyeuse d’avoir été choisie pour le porter et le mettre au monde.

  Il y a bien des points communs, des similitudes, entre tous les cultures, toutes les traditions et toutes les origines culturelles chez les humains pour reconnaitre que l’arrivée d’un nouveau-né, d’un enfant est une grande et bonne nouvelle. Dans nos familles, nos proches, nos enfants, cette période morose et difficile a parfois été illuminée par l’annonce d’une grossesse, d’une naissance. Certes, il ne nous est pas possible de nous déplacer trop loin, d’aller féliciter ces jeunes couples. Pour autant, la joie ressentie lors d’une telle nouvelle ressemble à celle de Marie qui glorifie et magnifie Dieu pour la vie et l’enfant qu’elle va donner au monde, mettre au monde.

  Avec Marie, avec les humains que nous sommes, Dieu montre qu’il a besoin de nous pour réaliser son projet. Cela ne peut que nous rendre plus humble, de réaliser combien « cette inter dépendance, ces liens inaliénables »sont essentiels. Dieu ne peut se passer de la médiation humaine et il le manifestera à Noël avec la naissance de Jésus, le Messie.

  Mais cette médiation entre Dieu et le monde passent par l’abaissement des serviteurs. N’oublions pas que Dieu pose son regard sur une jeune fille socialement humiliée, ayant un statut de fille-mère, ce qui dans la société juive de son époque, comme dans la nôtre il n’y a pas si longtemps, était un statut méprisable et condamnable.

  C’est justement au cœur de cette humiliation que Dieu décide de manifester son amour et sa puissance et les paroles du cantique de Marie le chantent admirablement :

« Il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse, il a jeté les puissants à bas de leur trône. » Dieu intervient dans l’histoire humaine de toute la force de son bras. Cette intervention, elle est joie pour nous mais, ouvrons les yeux, tentons de découvrir dans notre actualité difficile et complexe la présence de Dieu aujourd’hui.

  Reconnaissons que ce n’est pas un exercice facile. Le fracas médiatique nous rappelle en permanence les chiffres de la pandémie, la hausse, la baisse, le plateau, on confine, on déconfine, on met en place un couvre-feux, tout cela n’est pas rassurant. On craint pour ceux qu’on aime, pour nos proches qu’on aimerait pouvoir visiter et voir librement. En quoi la lecture de ce jour, le magnificat peut nous aider, nous donner des forces pour espérer ?

  Il me semble que Marie donne l’image d’un abandon à Dieu, d’une soumission qui n’est ni passivité, ni indifférence, ni inaction.

   Elle collabore au projet de Dieu, elle exulte de joie et sa foi simple est un bel exemple pour nous. Elle met en évidence, une fois encore, que Dieu, qu’elle appelle aussi son Seigneur, le Puissant, prend soin des petits, de ceux qu’on oublie, dont on ne parle pas.

  « Les puissants sont jetés à bas de leur trône, les humbles sont élevés. Les affamés sont comblés de bien et les riches sont renvoyés les mains vides ». Plus loin dans son Evangile, Luc prête cette parole  Jésus : « Quiconque s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé ».

  Face au aux difficultés du confinement, aux incertitudes de l’avenir, en écoutant des spécialistes aux avis parfois contradictoires, nous sommes tous renvoyés à notre condition humaine qui est fragile, précaire et incertaine.

    Nous voilà obligés de dire au Seigneur : Père, je ne sais pas de quoi demain sera fait ? Vais-je traverser cette période sans souffrance ? Combien de temps cette crise sanitaire va-t-elle durer ?

  N’ayant pas les réponses à nos questions, il nous faut accepter de devenir plus humble, de nous en remettre à d’autres, des médecins, des spécialistes, des chercheurs ; nous pouvons aussi, comme Marie, nous en remettre à Dieu.

  Comme elle, nous pouvons dire au Père : « Je suis le serviteur, la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ».

  Bien sûr, contrairement à Marie, il n’est pas certain que l’ange Gabriel dans les jours qui viennent nous transmette un message intime et personnel.

 Pour autant, plutôt que de nous replier sur nos certitudes et nos savoirs, sur nos richesses et nos avoirs, revendiquons notre pauvreté, soyons des affamés, des affamés de joie et d’espérance.

  En ce temps de l’Avent où il nous est quasiment impossible de nous projeter, ne serait-ce que pour cette fin d’année, où nous savons que nous nous retrouverons en petit comité, comme Marie qui va vivre un confinement dans une petite bourgade de Galilée, soyons assurés que Dieu n’abandonne pas ses enfants.

   Ce projet de Dieu pour lequel nous sommes tous partie-prenante doit nous procurer de la joie et de la confiance. Nous sommes démunis face à cette pandémie, nos richesses, nos connaissances, ne nous sont d’aucune utilité. Le virus du Covid touche indifféremment des adultes et des personnes âgées, un ancien président de la république récemment ou des anonymes.

   Cette actualité nous place face à Dieu comme le petit peuple d’Israël au temps biblique. Soumis aux aléas et aux décisions  des responsables et des grands de ce monde, il ne lui reste que Dieu vers qui se tourner, comme nous aujourd’hui.

  Marie relie son destin et celui du fils qu’elle porte au destin de tout Israël.

Avec cette attente et cette espérance dans la joie de Noël, nous sommes reliés à tous nos frères et nos sœurs des Eglises chrétiennes sur la planète et au-delà à tous les humains.

  Il n’est pas facile d’accepter notre non-savoir pour les jours, les semaines et les mois qui viennent. Mais en parallèle, cet état, cette situation peut nous rendre disponible à un événement, une rencontre qui clôture ce temps de l’Avent.

  Il nous est donné, dans cette épreuve si particulière que nous traversons tous, de vivre un Noël différent, dans lequel Dieu sera peut-être plus présent que les Noël précédents.

  Nous sommes peut-être fatigués, angoissés et désemparés pour certains et certaines d’entre nous. N’est-ce pas les conditions idéales pour laisser toute sa place à une nouvelle, une bonne nouvelle qui peut changer la donne, nous ouvrir des perspectives insoupçonnées ? Comment pourrions-nous croire que l’avenir de tous les hommes, le salut d’Israël et de tous les peuples était déjà prévu par Dieu et annoncé à Marie sous la forme d’un enfant qui allait naître dans une étable ?

  Il est beaucoup plus facile de mettre sa foi dans des idéaux à notre portée, dans du concret que dans ce qui est à proprement parlé incroyable. Pourtant, comme Marie, il nous est demandé, avec nos certitudes et nos doutes, de croire à la venue de Dieu sur terre, une venue improbable, dans des temps incertains, à une période trouble de l’histoire d’Israël. Qu’en est-il aujourd’hui, croyons-nous comme Marie que Dieu se souvient de sa bonté, qu’il est fidèle à son alliance, fidèle à sa promesse ?

   Dieu, à toutes les périodes de l’histoire humaine, et nous savons combien le XXème siècle a connu de tragédies, n’a pas abandonné ses enfants.

  Au fil du temps, jeune ou moins jeune, il nous appartient d’élaguer, d’épurer nos vies, pour nous rendre disponibles à la joie simple qui est celle d’accueillir un enfant, un sauveur, surprenant et inattendu, l’Emmanuel, le Dieu avec nous.

  L’Evangile de Luc nous présente Marie comme totalement disponible à l’écoute et l’accueil de Dieu dans sa vie.

Soyons comme elle, osons la confiance et dans les épreuves des temps présents, gardons une place pour la joie, pour l’espérance, pour ce Noël qui approche.

Amen

 

 CULTE DU 6 DECEMBRE 2020. MARMANDE.

 MARC13/33 à 37.

            Chers Amis,

 

Resituons ces paroles de Jésus qu’il adresse à ses disciples. Le maîtres est assis et lui et ses proches se trouvent au mont des oliviers. Tout proche, se trouve le temple dont il vient d’annoncer la destruction prochaine.

  La Pâque est proche et le discours de Jésus est peu rassurant pour ses amis ; malheurs, persécutions, détresse, le programme n’est pas réjouissant.

Aux questions des disciples, quand, où, comment, qui et pourquoi, Jésus n’a qu’une réponse, qu’une exhortation : veillez, restez éveillés !

   Le verbe veiller en grec peut également se traduire par être vigilant, être vivant.

  Pour nombre de nos contemporains, peut-être certains de nos proches, les temps sont difficiles. Peut-être sont-ils eux aussi dans l’attente de jours meilleurs et essayent-ils à leur manière de veiller, de déceler dans leur présent, les signes d’une espérance concrète et tangible.

  La fatigue, le désespoir, les soucis, le confinement et la pandémie sont autant de réalités quotidiennes qui peuvent nous aveugler, nous rendre sourds aux paroles de Jésus.

  Un surcroit d’informations, des nouvelles qui tournent en boucle, des bilans hospitaliers quotidiens inquiétants, autant de facteurs qui nous noient sous un flot médiatique qui risque de nous endormir.

  Marc s’adresse à tous ceux qui attendent le retour du Christ. Il a probablement écrit son Evangile au temps de la guerre judéo-romaine, un peu avant son dénouement et la destruction de Jérusalem et du temple.

  Comment attendre et veiller dans des temps difficiles où les sollicitations et les paroles sont nombreuses ?

  Comme les 5 jeunes filles prévoyantes de la parabole des 10 vierges, nous pouvons anticiper la venue du maître. Il s’agit pour chacun, chacune d’être disponible sans savoir où ni quand il se manifestera.

  En ce temps de l’Avent, nous entrons dans une période d’attente qui va nous mener jusqu’à Noël, jusqu’au jour où l’on fête la naissance du Sauveur, l’Emmanuel, le Dieu avec nous.

  Pour les disciples, le contexte est différent ; ils aimeraient connaître leur futur proche, le devenir de celui qu’ils reconnaissent comme le Messie.

  Mais ni l’Ecriture, ni l’histoire du christianisme, ni les théologiens ne peuvent nous éclairer sur la venue du Christ dans sa gloire.

  Le Père seul le sait, dit Jésus. On peut se demander si l’attente et l’espérance ne sont finalement pas plus importantes que le dénouement final. Le fait de ne pas savoir le jour ni l’heure est-il vraiment un handicap ?

  Les moyens ne sont-ils pas plus importants que la fin ? Cheminer ne compte-t-il pas plus que d’arriver au but ?

  Veillez, nous l’avons vu, peut être remplacé par soyez vigilants mais aussi vivez. Cette traversée de la vie à laquelle nous appelle le Christ demande simplement d’être prêt à tout instant pour une rencontre qui va bousculer notre quotidien.

  Veiller, vivre, c’est ce que nous demande le maître dès maintenant. Pas demain, pas plus tard, pas au soir de notre vie ; non, dès aujourd’hui. C’est dans cette journée, la nuit prochaine peut-être que je peux expérimenter la réalité de sa présence.

  Si je remets systématiquement à plus tard cette rencontre, si je me trouve en permanence des excuses pour ne pas être à l’heure au rendez-vous, manque de temps, manque de foi, manque d’audace ou de courage, alors je n’aurai pas veillé et je risque de passer à côté de l’essentiel, à côté de la vie, à côté de ma vie.

  Bien sûr, la période d’instabilité et de précarité sanitaire peut nous laisser croire que les liens avec l’Eglise, notre relation à Dieu se sont distendus ; cela est faux. Il est ainsi des circonstances dans la vie des disciples où il est difficile de se réunir physiquement, de partager sa foi en étant ensemble, de réunir la communauté.

   Ne pensons pas que Dieu abandonne son Eglise et nous laisse seul pour affronter les épreuves. Le Seigneur sait que les affres et les turbulences des temps présents ne sont pas des obstacles sur les chemins du Royaume.

  Certains manuscrits de l’Evangile de Marc rajoutent à l’exhortation « veillez », « priez ».  Depuis plusieurs semaines, messes et cultes n’étaient pas autorisés en présentiel, mais veilles et prières n’ont jamais cessé. Elles démontrent qu’il y a une autre manière de faire Eglise que les seules rencontres dominicales au temple.

   Le Seigneur se manifesterait-il uniquement auprès des plus pieux d’entre nous ? Et la piété elle-même ne peut-elle pas être vécue hors du cadre ecclésial classique ?

  La joie de Noël, ce temps de l’Avent qui a commencé depuis une semaine nous rappelle que tous les humains, tous sans exception sont appelés à être des veilleurs, appelés à prier, appelés à chercher un sens à leur vie quand bien même, ils ne franchiraient jamais la porte d’un temple ou d’une église.

  Prier les uns pour les autres, vivre dans l’espérance de jours meilleurs, accueillir la grâce d’être aimé sont autant d’attitudes, de gestes, de moyens pour se rendre disponibles à la rencontre, être des veilleurs.

   Dans le protestantisme, en particulier au XIXème siècle, on a parlé du mouvement du réveil qui avait secoué des églises endormies. Des laïcs, parfois des pasteurs, se sont sentis appelés par le souffle de l’Esprit à revivifier leurs communautés, à renouveler leurs pratiques et leur foi.

   Dans cette période de restriction, de distanciation où tant de nos habitudes sont bousculées, ne pas sa toucher, ne pas s’embrasser, ne pas communier ou bien communier différemment, sachons discerner les signes d’une manière autre d’être présents à Dieu, présents aux autres. L’Eglise de demain sera différente, transformée par son passé récent et ce présent si particulier.

  L’attente et la joie de Noël sont bien réelles, mais nous allons les vivre probablement autrement que ce que nous aurions pensé. La ruée et les bousculades dans les commerces seront contrôlées et cette modération imposée peut nous recentré sur ce qui fait le cœur de notre foi, la venue du Sauveur.

   Etre veilleur, exercer sa vigilance sur notre quotidien, c’est peut-être faire attention à des petits détails en apparence insignifiants. C’est découvrir ou redécouvrir que la soif de croire, de donner une direction et un but à sa vie, à chaque destin individuel mais aussi à l’humanité toute entière sont des préoccupations qui transcendent la communauté chrétienne.

  Ainsi, les cultes connectés, les partages spirituels sur Youtube, sur Face-Book, les forums chrétiens sur internet permettent de toucher un public jusque-là jamais atteint. Des jeunes, des curieux, des personnes en recherche, des déçus de l’Eglise se surprennent à écouter, dialoguer et partager sur les sujets de la foi, de Dieu et du sens de l’existence humaine.

  Veiller, ce n’est pas « surveiller » ces curieux, ces frères et sœurs qui tapent à nos portes par le biais du numérique. Mais c'est être attentifs à leurs questions et y déceler peut-être celles et ceux qui nous rejoindrons bientôt.

  Veiller, n’implique pas que tous marchent au même rythme. Le moment favorable, le temps opportun, l’occasion, autant de mots qui traduisent le « kairos » grec, ne sont pas les mêmes pour chacun d’entre-nous.

  Pour certains, une rencontre déterminante aura lieu à un âge avancé et va illuminer leur vie passé, donner sens à leur présent. D’autres, très tôt vont ressentir la présence du Seigneur qui transforme leur quotidien.

   Personne ne connait le jour ni l’heure et cela doit nous amener à un profond respect du prochain. Son « kairos » n’est pas le mien et je ne connais pas le projet que Dieu a formé pour lui, pour elle. Il est possible que sa vie, ses veilles ne concordent pas avec les miennes tout simplement.

  Dans le langage courant, le verbe veiller traduit souvent une action vécue à plusieurs ; on veille un mort, on veille un malade, on vit un réveillon de Noël, de fin d’année le plus souvent à plusieurs. Ces moments de veille signifient que l’on quitte un temps passé pour rentrer dans un temps nouveau.

  Dans la veille, il y a un avant et il y a un après. La veille est le trait d’union entre ce qui n’est plus, une année écoulée par exemple et ce qui va advenir, l’année future.

  Veiller, en ce temps de l’Avent, c’est pour nous faire un bilan sans nostalgie du temps passé et attendre dans une confiance absolue, celui qui était, qui est et qui vient.  Veiller, c’est alors permettre à notre foi d’en sortir renforcée et affermie.

  Car nous le croyons et le confessons, Christ est celui qui nous dit : Sachez-le ; je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

Amen

 CULTE DU 25 OCTOBRE 2020 A TONNEINS.

Exode 22 : 20 à 26 et Matthieu 22 : 34 à 40.

   Chers amis,

L’immigré, la veuve, l’orphelin, trois statuts, trois situations, trois figures de la fragilité humaine qui sont associées dans ce code de l’alliance que Dieu donne au peuple hébreu qui erre dans le Sinaï.

  Ces quelques versets suivent le décalogue et s’inscrivent dans un énoncé de conseils pratiques dont certains d’entre eux concernent la vie en société, une société encore nomade et qui est confrontée à des questions existentielles.

  Par la bouche de Moïse, Dieu rappelle à ses enfants que la subsistance, le pain quotidien ne doivent pas être la seule préoccupation du peuple.

   Hier comme aujourd’hui, les croyants, les chrétiens doivent avoir le souci des plus faibles, des plus précaires qu’il nomme, l’immigré, la veuve et l’orphelin.

   L’étranger, l’immigré sont cités près d’une quarantaine de fois dans la Bible. La veuve et l’orphelin à peine moins et ils forment un triptyque qui les relient car ils incarnent chacun une situation de grande faiblesse et de vulnérabilité.

  Dieu affirme être Lui-même le défenseur et le protecteur de la veuve et de l’orphelin. En manifestant de la compassion, de la générosité à l’égard des plus faibles, des exclus, nous travaillons en synergie avec Dieu.

  Jésus n’aura de cesse de nous le rappeler et les versets de Matthieu nous le confirme : le « tu aimeras ton prochain comme toi-même » est aussi important que le premier commandement qui nous demande d’aimer Dieu.

  Au chapitre 25 de l’Evangile de Matthieu, Jésus qui s’adresse alors aux disciples leur dit ceci : « J’étais étranger et vous m’avez accueilli chez vous. »

  L’étranger, l’immigré, la veuve et l’orphelin sont donc les figures de Dieu ici-bas, figures que nous connaissons tous pour les côtoyer, les rencontrer et parfois-mêmes pour nous identifier à l’une d’entre-elles.

  En effet, il vous est peut-être arrivé d’être l’un  de ces personnages. Ceux qui ont voyagé ou séjourné quelques temps dans un pays proche ou lointain, ont surement découvert les difficultés inhérentes au statut d’étranger. Les problèmes de communication avec une langue que l’on ne comprend pas, les habitudes vestimentaires, culinaires, culturelles, la couleur de la peau, autant de différences qui peuvent créer des obstacles à l’établissement de relations harmonieuses.

  Mais quelles joies également de nouer des liens avec des personnes du pays hôte, de découvrir avec surprise un généreux accueil.

  Il en est ainsi pour nos jeunes enfants lorsqu’ils ont la chance de faire un séjour linguistique. La plupart d’entre eux en reviennent enchantés et enthousiasmés.

  Sommes-nous également sensibilisés à l’accueil de l’étranger ? Sommes-nous prêts à lui offrir toutes ses chances pour qu’il découvre une hospitalité bienveillante et des possibilités d’intégration ?

  L’actualité est malheureusement riche d’exemples contraires au loin comme auprès. Des tensions ethniques, communautaires, des replis identitaires compliquent les relations entre les hommes et aboutissent parfois à des luttes fratricides.

  Il est souvent surprenant de constater combien la mémoire humaine est sélective et comme les tragédies récentes sont vite oubliées.

  Dieu nous rappelle pourtant que nous avons tous été des immigrés au pays d’Egypte. Les flux et reflux de population, les aléas de l’histoire humaine ont amené maints de nos aïeux parfois proches à émigrer, à voyager, changer de pays.

  En France par exemple, un citoyen sur 4 possède un ascendant direct issu d’un autre pays et d’une autre nationalité. Le pasteur Michel Bertrand écrit également que nous sommes tous des binationaux, citoyens d’un pays et sujets du Royaume de Dieu.

  Cela doit nous permettre de relativiser nos appartenances nationales et nous ouvrir aux autres.

  Dieu, par la bouche de Moïse, puis plus tard Jésus Lui-même appellent tous les hommes à exercer l’hospitalité et à refuser l’exploitation et l’oppression de l’étranger. Il nous suffit pour cela de faire effort de mémoire, de nous rappeler de notre sortie d’Egypte, sortie symbolique d’un statut d’étranger humilié et rabaissé.

  La veuve et l’orphelin sont aussi particulièrement précieux aux yeux de Dieu. La législation hébraïque propose des dispositions particulières à leur égard.

  Etre une veuve sans enfants était particulièrement difficile. Le veuvage comme la stérilité étaient perçus et ressentis avec honte et faisaient l’objet d’opprobre. La situation des veuves avec enfants n’était guère plus avantageuse car il leur fallait assurer la subsistance de leur famille.

  Si les choses ont un peu évolué aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que les familles mono parentales sont de plus en plus nombreuses dans notre société.

  La figure d’une femme seule avec un ou plusieurs enfants est très représentée dans les statistiques sur la pauvreté et la précarité. Les bénéficiaires d’aides sociales, alimentaires sont bien souvent des mères qui élèvent seules leurs enfants.

  L’attention et le respect à l’égard de ces femmes, veuves ou abandonnées par le père de leurs enfants sont aussi une prière de Dieu à l’égard de tous hommes.

  L’auteur de l’Epître de Jacques rappelle et affirme que « la religion authentique et pure aux yeux de Dieu, le Père, consiste à aider les orphelins et les veuves dans leurs détresses » (Jean 1/27).

  Jésus va également s’en prendre aux pharisiens à qui Marc prête le propos suivant : « Ils dévorent les biens des veuves et pour l’apparence, ils font de longues prières ».

  Ainsi les hébreux du premier testament comme les communautés chrétiennes naissantes avaient pour devoir et obligation d’exercer leur compassion et leur générosité à l’égard des plus faibles parmi les faibles.

    Aujourd’hui, sur les routes de l’exil, certains, certaines cumulent plusieurs handicaps ; veuf, veuves, orphelins, mineurs et étrangers.

  Une amie, catholique, sœur consacrée, me disait récemment s’être engagée auprès des exilés en retrouvant en eux le visage de sa propre grand-mère arrivée d’Espagne en 1939, seule avec ses enfants. Il arrive parfois que notre histoire familiale, personnelle soit percutée par l’actualité.

  Les migrations, la pauvreté sont vieilles comme l’humanité. Faut-il pour autant baisser les bras et dire à quoi bon ?

  C’est tout le contraire auquel nous appelle le Seigneur ; La foi et l’obéissance peuvent se traduire en gestes et en actes de solidarité.

  Sommes-nous prêts à dénoncer également des lois, des politiques ou des mesures qui s’en prennent aux étrangers, aux exclus et aux plus faibles de notre société ?

  Jésus nous rappelle avec une grande pertinence que des deux premiers commandements dépendent  toute la loi et les prophètes et non le contraire. Il ne s’agit pas d’édicter un code de loi d’abord et d’en tirer les commandements ensuite.

  C’est ainsi, avant toute discussion, toute réflexion, toute rédaction d’un texte juridique, il faut pour nous chrétiens poser le préambule des deux premiers commandements.

  Aujourd’hui, beaucoup de pays ont intégré dans leur constitution la déclaration universelle des droits de l’homme promulguée à l’ONU en 1948, peu de temps après la tragédie mondiale.

  Les déplacements de population par millions ont poussé les rédacteurs a insisté sur le  droit des migrants. Ainsi l’article 13 de la DUDH énonce que : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». L’article 17 précise que nul ne peut être arbitrairement privé de ses biens.

  On peut trouver un écho à ces articles d’une déclaration universelle toujours d’actualité dans la volonté de Dieu de ne pas exploiter, ni maltraiter, l’immigré, la veuve et l’orphelin.

  Les rapports de force, le goût du pouvoir et les désirs de domination fabriquent de l’isolement, de l’exclusion et des inégalités. Le livre de l’Ecclésiaste n’a rien perdu de sa pertinence lorsque l’on peut y lire :

  « Tout est lassant : on ne le dira jamais assez ; l’œil n’a jamais fini de voir ni l’oreille d’entendre.

Ce qui est arrivé arrivera encore. Ce qui a été fait se fera encore. Rien de nouveau ne se produit sous le soleil ».

  Les maux de l’humanité n’ont pas changé depuis les temps bibliques. Les moyens de diffusion de l’information, la technique ont décuplé et creusé les fossés entre les hommes mais en parallèle, ils permettent de coordonner et unir les efforts de solidarité à l’égard des plus faibles. Des institutions, des associations ont vu le jour. La CIMADE qui fête ses 80 ans, a besoin de notre soutien. Toutes les œuvres diaconales qui luttent contre la précarité, pour la solidarité et plus de justice ont également grand besoin de nos investissements en temps, en bénévolat ou en argent.

  L’étranger qui vient frapper à la porte de notre pays, la veuve et l’orphelin qui sollicitent une aide,  trouveront ils une parole d’accueil, un geste d’amitié ?

   Le Seigneur Jésus, ne nous demande rien de plus et il nous aide à dépasser nos appréhensions.

   Bien sûr, durant la période difficile que nous traversons, nos gestes sont considérablement réduits, nos paroles sont parfois étouffées par les masques. Mais notre solidarité peut rester non-confinée, notre foi être la source de décisions et d’actions généreuses.

  Dieu nous dit qu’en aimant mon prochain, c’est sa volonté que je réalise et c’est aussi sa présence que je découvre dans la faiblesse de l’autre. Sa présence, c’est celle du Fils, du Christ vivant, source de joie et de fraternité au cœur d’un quotidien parfois bien difficile.

Amen


  CULTE DU 18 OCTOBRE 2020. MARMANDE.

Matthieu 22, 15 à 21.

  « Rendez-donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est surement une des paroles de Jésus qui a le plus fait couler d’encre. Elle est en effet connue bien au-delà des spécialistes de la Bible et du cercle des chrétiens. Elle a été maintes fois reprise et interprétée avec plus ou moins de pertinence et de succès. Il n’est pas certain, cependant que tous en aient saisi le sens.

   Replaçons-nous dans la situation et le contexte que vivent les personnages de ce récit qui, notons-le est également présent chez Marc et chez Luc.

  De longues discussions ont lieu entre Jésus et les pharisiens qui sont rappelons-le, des observateurs scrupuleux de la loi juive. Ils se méfient de plus en plus de Jésus et leurs intentions cachées sont de le faire arrêter, de se débarrasser de ce personnage dérangeant et encombrant. Pour cela, il faut d’abord l’amener à prononcer une parole condamnable soit à l’égard des autorités romaines soit à l’égard de Dieu et ensuite le faire taire.

  Ils vont pour commencer tenter d’amadouer Jésus en le complimentant : « Maître, nous savons que tu es franc, et que tu enseignes les chemins de Dieu en toute vérité. » Méfions-nous  des discours qui encensent et valorisent telle ou telle personne ; ils cachent bien souvent des intentions inavouables et des pièges.

   L’occupation romaine divise la société juive ; la question de l’impôt est âprement discutée par les religieux contemporains de Jésus. Tous les habitants d’Israël étaient soumis à cet impôt et si les pharisiens et leurs alliés l’acceptaient, d’autres groupes, tels les zélotes y étaient farouchement opposés. Ces derniers étaient prêts à affronter l’occupant romain parfois par la violence.

  Le piège tendu par les pharisiens à Jésus est subtil. Plus que de savoir s’il est permis de payer l’impôt à César, ce sont les rapports de Jésus à l’autorité civile et à Dieu Lui-même qui sont questionnés. Formulés différemment, les opposants à Jésus pourraient lui demander : Est-il plus important de servir l’empereur de Rome ou le Dieu d’Israël ? Sont-ils équivalents ? Pour rendre un culte à Dieu, es-tu prêt à désobéir aux autorités de ce monde ?

  Il faut relever que ce sont les pharisiens qui présentent la pièce d’argent à l’effigie de l’empereur. Des changeurs de monnaie se trouvaient alors dans les parvis du temple afin de permettre les transactions pour y entrer en respectant les règles en vigueur : pas de représentations humaines à l’intérieur.

  Le problème posé à Jésus par ces interlocuteurs est  bien celui de la soumission à l’empereur, à l’autorité politique. Les pharisiens tiendraient un solide argument s’il s’opposait fermement à payer l’impôt à César. Mais ils souhaitent également piéger Jésus sur le plan de la pratique religieuse.

  L’empereur de Rome était loué comme un Dieu et les pharisiens voudraient que Jésus rabaisse Dieu  à un culte idolâtre comme celui rendu à un homme tel que César.

  Pour le maître, il n’est pas difficile de rendre une pièce d’argent à l’image de l’empereur aux autorités romaines car aussi puissant soit-il, ce dernier pour lui n’est qu’un humain.

  Les pharisiens sont finalement pris à leur propre piège ; ils viennent de dire à Jésus qu’ils savaient qu’il ne tenait pas compte de la condition des gens, humbles, petits ou bien puissants et importants et ils aimeraient pour autant entendre de sa bouche une parole de soumission à un homme, l’empereur de Rome.

  Le portrait de César qui se trouve sur ce denier est la preuve d’une évidence pour Jésus. Il n’y a là rien de sacré, et l’on peut rendre cette piécette à celui qui en est son propriétaire.

  Si Jésus traite ses interlocuteurs d’hypocrites, c’est qu’il sait bien que ces derniers ont tranché ; ils payent tous en effet leur impôt à César. Ce sont leur mauvaise conscience et leur conduite ambigüe qui les pousse à vouloir piéger Jésus.

  L’intérêt de cet échange rapporté par les 3 évangiles synoptiques est sans doute pour nous chrétiens de clarifier ce qui est dû aux autorités de ce monde et ce que l’on doit réserver à Dieu.

  Assurément du temps de Rome, comme parfois aujourd’hui, les dirigeants du monde aiment et apprécient les honneurs, la reconnaissance. On a parlé de véritables cultes de la personnalité durant le XXème siècle pour les pires dictateurs. Leurs portraits étaient partout ; Hitler, Staline, Mao Tse Toung ou Franco avaient mis tous les moyens politiques, médiatiques, et culturels pour asservir les peuples qui leur étaient soumis.

 Pour avoir collectionné les timbres pendant de longues années, je me souviens des portraits de ces hommes sanguinaires qui se prenaient sans aucun doute pour des sauveurs, des dieux, des messies.

  Jésus nous ramène à une juste réalité. Rendons à ceux qui ne sont que des hommes ce qui est à eux et à Dieu ce qui relève de son Royaume. Dieu règne sur nos vies par le moyen de l’amour véritable et non par la peur, la violence et des pratiques criminelles.

  Ainsi, cette parole de Jésus devient libératoire. Ce qui peut en apparence sembler être une soumission à l’autorité temporelle est en fait un acte de paix, un choix délibéré de non-violence. Ce qui est sujétion à Dieu devient un chemin vers le Royaume. Oui, nous pouvons payer l’impôt aux autorités, mais le don le plus important, c’est celui que l’on fait à Dieu par nos engagements, notre pratique et notre foi.

   Jésus avait le choix face à la question des pharisiens ; un oui à l’impôt sans condition aurait risqué de lui faire perdre sa crédibilité auprès de ceux qui souffraient de l’occupation romaine, un non à l’impôt l’aurait fait passer pour un révolté, un fauteur de troubles qu’il aurait fallu arrêter et supprimer.

  En renvoyant dos à dos, les collaborateurs à l’occupant et ceux qui basculent dans la violence, Jésus  affirme son choix de se placer sous l’autorité suprême de Dieu. Il distingue les empires et les pouvoirs du monde et le Royaume des cieux qui est d’un autre ordre.

  Le culte rendu à l’empereur n’est qu’idolâtrie et nous devons aujourd’hui encore nous défier des idoles. En qui et à qui manifestons-nous notre obéissance et notre servilité inconditionnelle ?

   En faisant le choix de payer l’impôt, Jésus se révèle être un doux et il nous importe de le suivre sur ce chemin. De plus, à plusieurs reprises, il témoigne de son Evangile auprès de soldats romains qui malgré leur statut d’occupants l’accueille avec joie et simplicité.

  Mais aux yeux du maître, seul le culte à Dieu est important.

  Aujourd’hui, dans nos pays démocratiques, les hommes et les femmes de pouvoir semblent écartelés entre le désir de servir un idéal et le désir d’être aimés, admirés, adulés. Ils sont à la fois dotés souvent d’un réel esprit de sacrifice, d’une bonne dose d’altruisme et en même temps d’un égocentrisme certain.

  L’exercice du pouvoir doit être bien difficile et périlleux et dans la période que nous traversons en particulier.  Prendre des mesures impopulaires contre l’avis général, vouloir notre bien en dépit de nous sont des dangers qui guettent nos dirigeants.

  Dans nos liturgies, nos prières d’intercession, nous sommes souvent appelés à prier pour eux, pour qu’ils fassent preuve de sagesse, de discernement et de mesure dans leurs décisions.

  Jésus nous met en garde : les puissants de ce monde ne se situent pas sur le même plan que Dieu.

  Je pense parfois à cette expression que nous connaissons tous, celle du capitaine d’un navire dans la tempête qui dit : « Je suis seul maître à bord après Dieu ». Elle me fait penser à deux choses :

  La première est qu’un navire est toujours conduit par un équipage, matelots, marins expérimentés, mécaniciens, cuisiniers, etc… dont la capitaine a besoin pour mener à bon port son bateau. Il ne peut le faire tout seul. Les dirigeants et responsables de notre planète ne peuvent nous aider à traverser les tempêtes sans notre assentiment, sans collaborer avec les peuples.

  Le deuxième point important de cette expression connue est que si le devoir du capitaine, du responsable politique est de tout mettre en œuvre pour le service du plus grand nombre, le maître suprême de nos destins individuels et collectifs, c’est Dieu. Tous les empereurs, tous les capitaines, tous les grands de ce monde ne sont que des hommes, faillibles, imparfaits et donc critiquables. A ce titre, ils ne peuvent exiger une obéissance absolue et inconditionnelle.

  En effet, Dieu nous a crée à son image et nous sommes porteurs d’une dignité que nul ne peut nier. Il peut nous arriver d’accorder notre confiance à un chef  d’état ou un responsable politique, en particulier lorsque nous traversons une grave crise. Cette parole célèbre et connue, « Rendez à César ce qui est à César et rendez à dieu ce qui est à Dieu » doit permettre aux chrétiens, à l’Eglise de poser les limites d’un respect dû aux autorités et sonne comme un rappel contre tous les pouvoirs absolus.

Les frontières entre appartenance ethnique, citoyenne et appartenance spirituelle et religieuse sont énoncées par Jésus.

   Une juste tension, un bon équilibre entre les 2 pôles que sont le temporel et le spirituel, le monde et le Royaume, l’humain et le divin doit être recherché par les chrétiens.

   La vie associative, cultuelle, la solidarité sont autant de moyens qui nous sont donnés pour éviter les pièges du tout ou rien, de l’exclusion ou de l’enfermement.

  Dieu est immensément respectueux de ces enfants ; en Jésus, il nous appelle à éviter les pièges tendus par les pharisiens d’aujourd’hui. Nous pouvons, grâce à la Parole trouver un juste équilibre entre devoir vis-à-vis de la société des hommes et obéissance, service et louange à Dieu.

  Qu’il nous soit donné de pouvoir, comme Jésus, laisser nos interlocuteurs étonnés par nos paroles. Ces paroles peuvent être des graines semées, porteuses d’espérance et de liberté.

Amen

 CULTE DU 11 OCTOBRE A TONNEINS.

Matthieu 22/1 à 14

  Cher Amis,

Nous avons tous déjà vécu un repas de mariage, jour de joie, de festivités et de retrouvailles familiales. Nous avons peut-être partagé la déception, de notre hôte quand il évoquait celles et ceux qui n’avaient pu être là.

   Jésus évoque la tristesse de Dieu mais aussi sa colère face au refus de certains à répondre à son invitation.

  Cette parabole nous interroge une fois encore sur notre attitude, nos comportements dans certaines circonstances ; répondons-nous positivement aux appels, aux sollicitations, aux prières et aux demandes qui nous sont adressées ?

  Replaçons-nous dans le contexte, la situation de Jésus et de ses interlocuteurs. De longues discussions ont lieu entre lui et les pharisiens dans le grand temple de Jérusalem.

  Jésus ne questionne jamais frontalement ses auditeurs ; il s’adresse à eux par le moyen du langage parabolique qui les pousse à s’interroger eux-mêmes, à se positionner et se déterminer librement et en conscience par rapport à Dieu et aux hommes.

  Les premiers invités à la noce sont bien trop occupés, affairés pour répondre à l’invitation. Il faut se déplacer, participer au cadeau, mettre un beau costume, renoncer à leurs occupations habituelles.

   Cette invitation qui reçoit si peu d’écho, c’est celle de Dieu, celui que Jésus présente comme le roi des cieux.

  Nous avons tous spontanément tendance à nous identifier à un personnage ou un groupe de personnage des paraboles qui tiennent un rôle conforme à ce que nous pensons être. Cela est rassurant et nous conforte. Pourtant cette parabole, complexe et riche d’enseignements, nécessite plus qu’une simple lecture superficielle. Parmi, ceux qui acceptent l’invitation, il y a des bons et des mauvais et il y en a un qui est promis aux ténèbres parce que mal habillé. N’oublions pas le rôle des serviteurs du roi, chargés de lancer l’appel et l’invitation.

   Matthieu a très probablement écrit  son Evangile après la chute de Jérusalem et a ainsi  pu insérer et prêter à Jésus une parole y faisant allusion. L’évangéliste voit-il une manifestation de la colère de Dieu dans ces terribles événements ?

  Les personnages secondaires de la parabole sont les serviteurs ; ils sont les messagers qui transmettent la volonté de Dieu. Ils s’exposent car certains d’entre eux sont maltraités et même tués. Ils agissent et obéissent au péril de leur vie. Ils nous obligent à nous interroger : comment puis-je aujourd’hui vivre ma foi comme une fête, un festin de noces,  dans le service ? Suis-je mandaté pour inviter  au repas du Seigneur tous ceux que je peux rencontrer dans la rue ? Jésus parle des places d’où partent les chemins, des carrefours et nos vies en traversent beaucoup.

  Prenons le temps de réfléchir et pensons à ce qu’implique d’appeler nos contemporains à partager la Bonne Nouvelle du Royaume. Il nous faudra alors combattre l’immobilisme et ne pas être comme le deuxième fils du vigneron de la parabole précédente qui disait oui à son père pour aller travailler dans la vigne pour finalement y renoncer.

  Ce oui au service, oui à l’appel, oui à l’invitation au festin, Dieu nous demande de le dire et d’en tirer les conséquences.

  Il nous relance en permanence au cours de la vie. Cette invitation est non contraignante, totalement gratuite, il ne saurait nous l’imposer. Nous sommes tout au long de la parabole, dans le champ lexical de l’appel ; un appel qui s’adresse à tous les humains et en tous lieux, surement pas dans nos seules Eglises.

  Cet appel de Dieu, relayé par ses serviteurs est reçu par les mauvais et les bons, ceux qui se croient perdus comme ceux qui se pensent justes. Dieu se réjouit des grandes tablées même si, depuis quelques mois et en particulier dans l’Eglise, celles-ci sont plutôt rares.

  Répondre oui à cet appel, à cette invitation ce n’est pas dire oui mais, oui mais d’abord. Ce oui est un oui qui engage, qui déplace, qui dérange, qui est lourd de conséquences. Il implique une prise de responsabilités, des changements de vie, un partage fraternel.

  L’invité mal habillé qui dialogue avec Dieu nous pose plusieurs questions : qui est-il ? Pourquoi n’a-t-il pas mis d’habit de fête ? Pourquoi Dieu s’adresse-t-il à lui en l’appelant mon ami pour finalement demander à ses serviteurs de le jeter, pieds et mains liés dans l’obscurité du dehors ?

   Ceux qui ont pris des habits de fête sont peut-être ceux qui se sont revêtus de nobles sentiments, de joie, de foi et de justice. Il y a parmi eux des bons et des mauvais mais qui peut prétendre que le pire des hommes n’est pas capable de belles actions, tandis que le meilleur peut toujours chuter ?

  Dieu demande à ses serviteurs de ne pas faire de tri, tous sont conviés car Dieu seul connait les cœurs.

   Où me situer dans cette parabole qui voit divers groupes évoqués ? Comme il nous est tentant de penser et se persuader faire partie des appelés, des élus ; les pharisiens le pensaient aussi.

  Il est peut-être beaucoup plus sage et prudent de nous considérer  comme étant ceux qui refusent l’invitation ou qui l’acceptent mais avec nos vêtements sales et inappropriés.

   Il est sain de se demander : ai-je revêtu l’habit de noces ? Suis-je prêt à partager le repas avec les autres invités au festin ?

  Dans la parabole, l’invité mal vêtu est muet. Il nous ressemble lorsque nous sommes nous aussi muets faces aux injustices, aux trahisons et aux reniements.  Dieu attendait un mot, une parole, un geste, une main tendue, un pardon mais cet homme qu’il appelle ami reste étrangement silencieux.

  La passivité, le manque de courage et de convictions sont parfois lourds de conséquences. Elie Wiesel, ce grand écrivain juif et grand témoin de la Shoah disait qu’il craignait plus le silence des peuples que les agissements criminels de leurs dirigeants.

  Jésus, dans son dialogue constant avec les disciples, les foules mais aussi ceux qui le craignent et vont le faire mourir utilise la Parole comme le premier moyen dont dispose les hommes pour agir : « Au jour du jugement, chacun aura à rendre compte de toute parole inutile qu’il aura prononcée. Car c’est d’après tes paroles que tu seras jugé et déclaré soit innocent, soit coupable » dit le Jésus de Matthieu.

   Rester muet devant le spectacle du monde, ne pas s’engager au service des plus faibles de peur de se tromper, c’est probablement la pire des attitudes. Nos puissances  d’Europe occidentale ont ainsi bien du mal à voir et à dénoncer les souffrances de tant de réfugiés entassés dans des camps aux marches ou aux frontières de notre continent.

  Nous pouvons hésiter, nous tromper et faire des erreurs, tenir des propos maladroits mais le comportement du muet est proche de l’indifférence.

  Dieu nous dispense d’avoir à répondre de l’attitude du prochain. Nous n’avons pas à répondre de lui et pour lui. Mais j’ai à répondre personnellement à l’interrogation de Dieu : mon ami, comment es-tu rentré ici sans avoir mis un vêtement de fête ?

  Accepter l’invitation du Père au repas de noces du Fils nous oblige à renoncer au silence fuyant, nous pousse à accepter de dialoguer, à partager.

  Jésus lui-même a été déplacé dans ses rencontres, ses paroles échangées. Ainsi, la femme cananéenne lui a ouvert les yeux et lui a révélé que la foi n’était pas l’apanage des enfants d’Israël.

  Dieu attende de nous un dialogue riche, fructueux, porteur de sens et d’engagements. Les bénévoles des associations  d’aide alimentaire savent combien la communication avec les bénéficiaires passe autant par les mots que par les dons de denrées. Des paroles, une écoute, des conseils sont aussi importants que les gestes concrets d’entraide.

  La parabole de ce repas de noce s’adresse à nous aujourd’hui, aux pharisiens d’hier. Comme eux peut-être, nous nous satisfaisons d’un entre soi, d’un formalisme fait de repères et d’habitudes bien codifiées.

  Accepter l’invitation du Père, c’est peut-être changer nos habitudes, nous tourner vers l’extérieur, prendre des risques. Cela peut susciter du rejet, de l’incompréhension. Jésus qui s’adresse aux pharisiens prépare sans doute ses disciples aux persécutions à venir.

  Dans cette parole, il élargit l’invitation à tous les hommes, de toutes les origines, toutes les conditions sociales mais aussi aux mauvais comme aux bons.

  Aucun d’eux mais aussi aucun d’entre nous ne se verra refuser l’accès au festin du Royaume. Notre Eglise, à l’image du Royaume ouvre ses portes et accueille chacun, chacune quel qu’il soit et d’où qu’il vienne.

  Accepter d’accueillir sans conditions mais aussi d’être sollicités, invités gratuitement sont des qualités que Dieu nous demande.

Dans ce passage de l’Evangile de Matthieu, la parabole de Jésus évoque la dignité, le mérite qu’il y a à répondre aux invitations.  Ceux qui ont refusé  ne méritaient pas le Royaume.

  Submergés par nos préoccupations, trop d’entre nous n’ont pas de temps, de disponibilités pour le service, service du prochain, service dans l’Eglise.  Il est parfaitement exact que la période que nous traversons complique considérablement nos vies quotidiennes, la vie de l’Eglise.

  Nous ne partageons plus depuis quelques mois le repas du Seigneur. Mais nous pouvons cependant répondre à son invitation de 1000 et 1 manières.

  Les gestes de solidarité n’ont jamais cessé, traduisant en actes le souci de Dieu pour les plus fragiles et les plus isolés.

  Libéré de l’angoisse d’un salut qui n’appartient qu’à Dieu seul, je peux me consacrer à la préparation du festin, sans craintes. Il nous suffit de nous vêtir d’habits de noces et de ne pas rester muets face à un Dieu d’amour qui veut notre bien.

Amen

 CULTE DU 27 SEPTEMBRE 2020.TONNEINS.

Matthieu 21, 28 à 32.

   Chers amis,

La parabole que Matthieu rapporte est rentrée dans notre mémoire comme la parabole du vigneron et ses deux fils.

  Jésus l’introduit par cette question qu’il nous pose aussi : qu’en pensez-vous ? Quel est votre avis ? Il nous laisse la liberté de réagir et d’apporter une réponse qui nous soit personnelle.

  Replaçons-nous dans le cadre et le contexte de cette discussion ; Jésus est dans le temple et dialogue à bâton rompu depuis deux jours avec les responsables religieux qui le craignent. Ils veulent le piéger et le faire trébucher ; Il leur est difficile d’échanger avec ce jeune rabbi qui mène les débats avec tant d’autorité. Sa réputation, son influence grandissante égratigne l’amour-propre des grands prêtres et des anciens.

   L’art du récit parabolique consiste à énoncer une histoire simple qui renvoie chaque auditeur à lui-même. Il garde la liberté de s’identifier à tel ou tel personnage de cette histoire et peut accepter d’être interpellé, questionné sur sa conduite, son rôle, sa place dans la société et sa relation à Dieu.

  Ainsi les deux fils du vigneron incarnent deux types de réactions, deux attitudes possibles face à une demande.  Leurs comportements illustrent à merveilles nos hésitations, nos doutes et nos contradictions, écartelés entre le désir d’être autonomes, sans vis-à-vis et l’envie d’acquiescer à une demande sans avoir la volonté d’en assumer les conséquences.

  Les interlocuteurs de Jésus sont directement questionnés, mis sur la sellette pourrait-on dire : le qu’en pensez-vous peut se traduire par ou vous situez-vous ? Où en êtes-vous dans votre comportement vis-à-vis de Dieu et des hommes ?

  Le texte de Matthieu précise que le père demande à son premier fils : « Mon enfant, va travailler dans la vigne aujourd’hui. » C’est donc ici et maintenant que sa bonne volonté et son obéissance sont requises. Dieu n’attend pas de nous des réponses et des promesses d’engagements pour demain, pour un futur incertain et hypothétique mais pour aujourd’hui même.

  La réponse de ce fils est négative. Mais un processus intérieur que nous avons tous déjà vécu va pourtant se mettre en place.  Lequel, laquelle d’entre nous n’a pas déjà expérimenté cette situation où dans la prière, la réflexion, il ou elle se voit changer d’avis. On vit alors un décalage entre le dire et le faire.

  Il se peut également que nous nous reconnaissions dans le comportement du deuxième fils, prompte à dire « oui maître », « je suis là, disponible » et finalement, les occupations du quotidien nous détournent de Dieu.

  Jésus établit un parallèle entre l’attitude des deux fils de la parabole et celle de deux catégories sociales ; ainsi, il évoque d’une part les collecteurs d’impôts et les prostituées et d’autre part les autorités religieuses avec qui il discute.

  En apparence, ces deux groupes sont séparés par une frontière invisible, infranchissable. Les règles de pureté ont pour conséquence de faire en sorte que les religieux israélites ne se mélangent pas aux gens de mauvaise vie. Ce qui gêne profondément les religieux, c’est justement la proximité de Jésus avec les gens de peu, on dirait aujourd’hui avec les couches les plus populaires, les déshérités et les exclus. Il partage leur repas, touche leur cœur et ils reconnaissent en lui le Messie annoncé par Jean-Baptiste.

  Ce que cette parabole met en évidence, c’est aussi l’ouverture et la tolérance de Dieu vis-à-vis de ses enfants ; il nous laisse la possibilité d’hésiter de nous dédire. Nous sommes autorisés à ne pas avoir un comportement en conformité avec nos paroles.

  Le processus intérieur de transformation est traduit par « être pris de remords » ; le mot grec correspondant veut dire également, se repentir, regretter.

  Ainsi cette parabole s’oppose aux propos de Jésus rapportés également par Matthieu au début de son Evangile : que votre parole soit « oui, oui », « non, non », ce qu’on ajoute vient du mauvais.

  Duquel des deux fils sommes-nous le plus proche ? Comme il nous arrive souvent de dire oui à Dieu, oui aux sollicitations pour finalement faire machine arrière, nous trouver des excuses et des occupations. Mais notre foi, nos prières et nos agissements ont plus de valeur pour Dieu que nos ouis ou nos nons que nous contredisons si souvent.

  La vie désordonnée des collecteurs d’impôts et des prostituées semble incompatible avec l’obéissance à la prière du Père. Pourtant, ce sont bien eux qui croient à l’avènement du Messie et qui font sa volonté.

  Cette parabole nous offre ainsi un formidable message d’espérance. Il y a toujours une issue, une porte entre-ouverte pour celui dont la vie témoigne du non à Dieu. Le refus d’aujourd’hui peut être le oui de demain. Le Père nous reconnait le droit à l’erreur, il nous autorise à changer d’avis.

  Quelle pertinence, quel intérêt pour notre Eglise en 2020 ? Quelle résonnance peut avoir cette parabole pour les chrétiens que nous sommes ?

   Le premier enseignement est de reconnaitre que nos critères de jugement ne sont pas ceux de Dieu. Nous ne sommes pas habilités à faire le tri entre le bon grain et l’ivraie Il faut également faire preuve de prudence quand nous risquons de faire des promesses que nous ne pourrons tenir.

  Cet écart entre le dire et le faire, entre le discours et les actes, c’est un reproche récurrent que l’on fait aux personnes publiques, à nos responsables politiques. Nous nous rappelons tous de ces slogans de campagne tenus par les uns ou les autres : « Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis ».

  Avec le Christ, pas de décalage, de déception ; nous sommes assurés d’une totale conformité entre sa parole et sa vie hier, aujourd’hui et demain et cela  se traduit concrètement dans le quotidien de nos existences.

  Notre Eglise porte le témoignage d’un Sauveur qui s’adresse à chacun d’entre nous et qui nous demande, toi qu’en penses-tu ?  Aucune porte n’est fermée dans le dialogue avec Jésus. Ceux qui mettent en pratique son Evangile, qui acceptent de travailler dans la vigne du Père même en récriminant sont comme les ouvriers de la onzième heure. Ils n’ont pas eu besoin d’observer rigoureusement les règles religieuses pour entrer dans le royaume.

  Ainsi, les engagements diaconaux, la participation à l’entraide, la solidarité concrète avec les migrants, le soutien aux victimes de l’oppression et de la torture, le service de l’Eglise sur les plans matériels et spirituels sont autant de conséquences positives  de cette foi en un Sauveur surprenant qui nous interroge et nous interpelle.

  Nos hésitations, nos atermoiements sont profondément humains. Dans le cas d’un refus, d’une désobéissance, le Père accueille avec joie notre repentir, nos remords quand ils sont sincères.

  Nous-mêmes, dans nos familles, nos communautés, sommes entourés de proches, d’amis, d’intimes avec lesquels les relations ont parfois mal débuté. Puis leur attitude, leur comportement à notre égard ont changé, les nôtres également. Nos rapports en ont été transformés et nos vies avec.

  Méfions-nous des propos hâtifs, des jugements lapidaires des conclusions trop rapides. Celui qui dit non aujourd’hui, non à la vie en Eglise, non au service est peut-être le disciple fidèle de demain.

  Saul devenu Paul est un exemple qui illustre cette parabole. Son refus de suivre Jésus, son pharisaïsme fanatique vont être bouleversé par la rencontre avec le Seigneur.

   Notre foi, nos habitudes religieuses, nos pratiques nous donnent-elles l’audace et le courage d’accueillir celles et ceux qui sont différents de nous et qui viennent frapper à la porte de notre Eglise ?

Savons-nous leur manifester notre amitié sans condescendance, sans sentiment de supériorité ( ?) comme les possédaient les autorités religieuses qui dialoguaient avec Jésus ?

   Le maître ne ferme pas la porte à ces interlocuteurs. Il ne leur dit pas que le royaume de Dieu leur est inaccessible. Il leur dit simplement qu’ils y seront devancés, par ceux qu’ils considèrent comme des pécheurs, ceux qui disent non au Père mais qui croient en Lui et font sa volonté.

  « Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change de vie que pour 99 justes qui n’en ont pas besoin » rapporte Luc dans une parole attribuée à Jésus s’adressant aux pharisiens.

  Nous ne saurions définir notre attitude à l’avance et affirmer qu’à la prière du Père, nous répondons oui ou non. Laissons le Seigneur nous travailler en profondeur et soyons ouverts à son écoute.

  La position des religieux les enferme dans un bloc de certitudes qui les rend hermétiques à tout accueil, toute hospitalité envers ceux qui sont différents d’eux.

  Pour eux, la parabole des deux fils est ressentie  comme une véritable provocation. Ils considèrent Jésus comme un agitateur, un blasphémateur qui de surcroit les soupçonne d’hypocrisie. Le discours en parabole les déstabilise et ils vont se concerter pour le faire arrêter, le faire taire.

   La puissance rhétorique des paraboles de Jésus va renverser l’ordre établi, les hiérarchies religieuses et politiques de la toute la société.

   Ces récits ont-ils aujourd’hui la même capacité à nous déranger, à nous interroger ? Sommes-nous devancés dans le royaume de Dieu par ceux qui vivent en marge de notre monde ?

  Jésus met ici en évidence le décalage qu’il y a entre la foi vraie et celle qui se contente d’un respect scrupuleux de la loi.

  Loi et foi ne s’excluent pas l’une et l’autre mais nous savons tous qu’un légalisme trop stricte met en péril la foi elle-même. Les grands prêtres se sont fermés à la rencontre avec Jésus. Ils ne peuvent entendre un message d’ouverture au monde. Leur aveuglement, leur endurcissement sont les fruits d’un rigorisme trop strict qui exclue du culte tous les autres.

  Dans le royaume, ils seront précédés par ceux dont la vie, bien que désordonnée, ne les a pas empêchés de croire en celui qu’annonçait Jean-Baptiste.

   La lettre tue, mais l’Esprit vivifie écrit fort justement Paul aux Corinthiens. Où souffle l’Esprit aujourd’hui ? Dans notre Eglise, espérons-le pour qu’elle soit en capacité d’accueillir chacun(e) sans jugement préalable ; tous ces frères et sœurs  en recherches, hésitants, qui ne disent ni oui ni non, tous ont leur place dans la demeure du Père.

  Soyons prêts à la rencontre avec ces personnes et avec celui qui va nous demander, et vous qu’en pensez-vous ?

AMEN

 


CULTE DU 6 SEPTEMBRE 2020, MARMANDE Hommage à notre sœur Françoise

L'apôtre Paul s'est servi d'un style littéraire très répandu à son époque, le cantique poème, pour confronter les dons de l'esprit et le comportement de l'église de Corinthe.

Paul a divisé son écrit en trois parties.
Les trois premiers versets définissent l'amour comme socle fondamental à la validité d'expériences religieuses et éthiques.
Les versets 4 à 7 énumèrent les qualités de l'amour.
Les versets 8 à 13 annoncent le caractère ultime de l'amour, il perdure éternellement.

D'abord Paul rappelle que le premier commandement
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée »,
ainsi que le second qui lui est semblable, « Tu aimeras ton prochain comme toi même » restent les plus grands.

Ensuite Paul cite les qualités de l'amour:
patience, bonté, absence de vanité et non recherche de l'intérêt personnel.
L'amour se réjouit de la vérité, pardonne tout, croit tout, espère tout.
L'amour est l'expression vivante de ce que Dieu est, mais également la manifestation d'une participation à sa nature.
L'amour a sa source en celui en qui il agit.
Sa force est indépendante des personnes dont il s'occupe.
Nous ne trouvons l'amour que là où il s'exerce, les circonstances ne sont qu'une occasion pour le montrer.
Seule la communion avec Dieu est ce qui soutien l'amour à travers les difficultés.

L' amour se développe en rapport avec les autres.
L'amour rend possible l'écoute de l'autre, aide à se tourner vers son prochain et à éprouver de l'empathie pour autrui.
Et cette relation permet d'éprouver des sentiments et du bien être.
L'être humain a besoin de ses semblables pour partager ou échanger et ainsi continuer à se sentir vivant.

Enfin le caractère ultime de l'amour, présenté dans les derniers versets, est anticipation du Royaume.
Alors que les constructions provisoires et imparfaites de la foi sont appelées à passer.
L'amour lui est la caractéristique de Dieu: le royaume de Dieu sera un Royaume d'amour.

Lire ce texte de Paul était pour moi une évidence.
Comme Louisa, l’une des filles de Françoise l'avait écrit dans un texte lu au mois de mai et dont le titre pourrait être « Françoise Majid ou la bonté absolue. »
« Ils sont rares les êtres que tout le monde aime et Françoise en faisait partie.
Tout le monde l'aimait et vous savez pourquoi ?
Parce que Françoise aimait les gens. »
Cela se ressentait et rendait les échanges avec elle si intéressants.

Françoise était aussi protestante et exprimait sa foi par sa confiance en Dieu.

 Ceci m'avait conduit à retenir, dans l'évangile de Jean au chapitre 11 les versets 20 à 27.
Françoise aurait pu dire, comme Marie la sœur de Lazare:
« Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu. »

C'est pour ça qu'elle choisit le psaume 23 pour méditer avec Céline la Pasteur d'Agen. 
Ce Psaume témoigne que Dieu aide à avancer dans les bons jours, comme dans les mauvais.
C'est aussi une prière qui affirme « Où que je sois, il y a Dieu. »

Amour et foi, deux piliers qui ont soutenu Françoise jusqu'à la fin de sa vie parmi nous et qui l'accompagnent dans sa vie auprès de Dieu.
Grâce à notre confiance en Dieu, qui discrètement nous accompagne, nous pouvons, comme l'apôtre Paul et comme Françoise, associer à l'amour, une affirmation qui tient à la fois de la
constatation et de la promesse.
L'amour contient aussi bien la foi, héritage de notre passé, que l'espérance, construction de notre avenir.
L'amour, énergie créatrice au fils des jours, nous donne de vivre pleinement notre présent.

La confiance, c'est dire oui à l'autre, c'est reconnaître dans la personne en face de soi, un être à aimer, un être à accompagner mais aussi considérer cette personne comme capable d'aimer et d'accompagner.
La confiance, lorsque nous nous sentons seuls, perdus, abandonnés, c'est le regard bienveillant de Dieu qui nous épaule, nous soutient ou bien le regard d'une personne que nous croisons, qui nous permet de reprendre de l'assurance, de retrouver de l'espérance pour continuer à avancer.

Nous pouvons aussi, être celle ou celui, qui porte ce regard bienveillant, qui va aller au-delà de ce que nous croyons pour accompagner, soutenir, réconforter . 

Un jeune de Montréal (Canada) a écrit ce poème qui est une belle synthèse.

Dis-leur
 ce que le vent dit aux rochers
 ce que la mer dit aux falaises
 Dis-leur
 qu’une immense bonté nous fait respirer plus à l’aise
 Dis-leur
 que Dieu n’est pas ce qu’on en croit ni ce qu’on en dit … bien souvent
 Il est comme un pain de froment
 Il est un vin qu’ensemble on boit
 Il est un festin partagé
 chacun donne et chacun reçoit
 et – de ce fait – tout est changé
 Dis-leur
 sa Voix seule peut m’enseigner Mon Nom
 et sa Parole seule nous révéler Son Nom
 Parole d’honneur …
 secret bonheur
 eh bien oui ! Dis-le leur
 Mais dis-leur aussi
 qu’il n’est pas seulement ceci
 seulement ce que tu peux en dire
 Dis-leur
 que tout bien réfléchi
 tu ne sais jusqu’à aujourd’hui
 vraiment pas encore tout de lui. 

Françoise a vécu pleinement et nous a laissé de très beaux souvenirs, qui lui permettent de rester présente et vivante, dans nos cœurs et nos vies.
Et comme elle appréciait la poésie, c'est avec un poème prière, d'Anne Perrier, que je vous propose de terminer.

Lentement
Comme on forme une fleur
Apprends moi
Les très humbles voyelles
Du OUI.


Amen. 

CULTE DU 19 JUILLET 2020. MARMANDE.

Lectures Bibliques: Esaïe 44/ 6 à 8. Matthieu 7/ 1 à 6.

Prédication.

    Chers Amis,

Etes-vous plutôt paille ou plutôt poutre ? Un brin de paille dans l’œil, c’est gênant, une poutre, c’est carrément envahissant, aveuglant. Avec ce passage de Matthieu, nous allons, non sans humour, essayer d’y voir un peu plus clair !

Les chapitres 5,6 et 7 du premier Evangile sont un long enseignement de Jésus à ses disciples qui débutent par le célèbre Sermon sur la montagne.

  Nous sommes en Galilée et Jésus délivre son message à la fois à la foule et à ses amis qui ont tout quitté pour le suivre.

   Cet enseignement est riche, clair et imagé ; Jésus a parlé du sel de la terre et de la lumière du monde que sont appelés à être les disciples. Il évoque aussi dans le discours qui précède la loi du talion, la prière et l’amour des ennemis. Dans ces premiers versets du chapitre 7, il s’en prend à ceux qui jugent les autres sans s’examiner eux-mêmes au préalable.

  Le verbe qui signifie juger en grec peut également se traduire par séparer, distinguer, choisir, interpréter, voir même condamner.  Ainsi dans l’acte qui consiste à juger son frère, sa sœur, son prochain est contenu une volonté de l’isoler, de l’exclure de la famille humaine.  Les autorités religieuses de son époque, les instances judiciaires aujourd’hui étaient et sont appelées à émettre des jugements. Quelle lourde responsabilité, ce fut et c’est encore ; cela doit susciter quelques insomnies !

   Comment l’œil pourrait-il laisser la lumière si un obstacle l’en empêche ?    « L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est bon, tout ton corps sera illuminé » écrit Matthieu qui rapporte une parole du maître. Avec l’image de la paille et de la poutre, l’Evangile attribue à Jésus un propos qui est rentré dans le langage courant.

  Je me rappelle d’un ami qui pensait que cette histoire était une vieille maxime chinoise ; je lui avais affirmé qu’elle sortait tout droit de la Bible ! Et j’espère qu’il a eu la curiosité de chercher dans les Evangiles où la trouver.

   Cette parole touche à nos comportements très humains, presque réflexe, à une attitude que nous pouvons tous avoir : coller une étiquette sur son voisin, sur son prochain, c’est en faire un simple objet que l’on définit par un qualificatif, « c’est un menteur, elle est colérique, il est orgueilleux ou bien elle n’est pas généreuse ».  Ce genre de jugement lapidaire est souvent définitif et nous enferme dans une case, une prison invisible dont il devient très vite impossible de sortir.

   Soyons honnêtes, lequel, laquelle d’entre nous ne s’est pas déjà livré à un jugement trop rapide et péremptoire sur son prochain ? Il est souvent plus faciles de voir les travers de celles et ceux qui sont autour de nous plutôt que d’être lucide sur soi-même.

   Notre comportement dans l’Eglise comme dans le monde implique de se livrer à un examen continu pour ôter les poutres qui peuvent nous aveugler. Assurément, il est beaucoup plus facile de manipuler une paille que de déplacer une grosse pièce de bois. Jésus, le fils du charpentier savait qu’il fallait être plusieurs pour déplacer une poutre, tandis qu’une petite brise de vent suffit à emporter un brin de paille. C’est rassurant d’avoir besoin de ses amis, de ses frères et soeurs pour pouvoir déposer ce qui nous encombre.

  Etre clairvoyant sur soi est un exercice difficile et bien souvent l’amour bienveillant de Dieu qui peut s’exprimer par l’amour de nos proches est plus efficace pour prendre conscience de nos insuffisances que des remarques agressives ou blessantes.

  L’attitude inverse du jugement hâtif et définitif est le pardon, le regard empathique  et compatissant sur le prochain.

  De même que celui qui juge sera jugé, celui qui aime et pardonne sera aimé et pardonné par Dieu ; les circonstances de la vie peuvent rendre ce processus difficile, c’est pourtant ce que nous demande Jésus.

  Il nous appelle à passer d’une relation d’objets à une relation de sujets dans laquelle chaque être ne peut se réduire à ses travers, ses défauts et où il faut faire le choix de chercher à découvrir en chacun ses qualités, ce qu’il peut nous apporter de bon.

  Bien souvent, nous sommes aveugles sur nous-mêmes. Pourtant, se savoir accepté, justifié et aimé malgré soi, malgré les poutres qui obscurcissent nos vues  permet de laisser passer la lumière qui illumine tout notre être intérieur.

   Dieu en Christ, et par sa grâce, a décidé une fois pour toute de considérer ce qu’il y a de meilleur en nous. Il n’y a ni poutre, ni paille qui font écran au regard tendre que Dieu pose sur ses enfants. Dira-t-on jamais assez combien un regard peut exprimer de passion, d’amour et d’amitié ?

   Nous connaissons tous l’expression : « Au premier coup d’oeil, j’ai compris, saisi à qui j’avais à faire ». L’œil peut être terne, fermé, le regard sombre, perdu, interrogateur ou désespéré. Il peut aussi être généreux, joyeux, empli d’émotions et témoigner d’une solidarité et d’une compassion vraie et sincère. On a même parfois les yeux remplis de larmes et d’émotions.

   Point d’obstacles à l’échange, à la communication, à la confiance réciproque lorsque chacun accepte de déposer sa poutre, son fardeau, lorsque l’on considère que la petite paille ou le grain de sable qui est dans l’œil de mon prochain est plus une richesse qu’un défaut insurmontable.

  Le jugement, la sentence viennent au contraire briser la communication. L’hypocrite dont parle le Jésus  de Matthieu, n’est pas seulement celui qui aime être vu entrain de prier dans la synagogue, celui qui prend un air triste et grave quand il jeune, l’hypocrite est aussi celui qui juge trop vite, trop mal en oubliant    ses propres imperfections.

    Mais Dieu nous aime justement avec nos faiblesses, nos imperfections, nos « à peu près » et nos défauts.

   Jésus vient nous rappeler avec l’image de la paille et de la poutre, que la faute la plus grave est de se croire au-dessus des autres, beaucoup plus important que son prochain. C’est penser que l’on est l’égal de Dieu, habilité à faire le tri et condamner ou sauver celui que l’on ne comprend pas, celui qui est un peu différent.  L’Evangile de Jean rapporte d’ailleurs une parole surprenante de Jésus qui dit : « Moi, je ne juge personne », tandis que Pierre et les premiers chrétiens affirment eux, que Dieu a remis le jugement au Christ.

    Le Fils de Dieu est un juge plein de mansuétude qui plaide toujours les causes perdues, celles des brebis égarées, des exclus.

   La tentation très humaine de l’entre soi, de se retrouver et se rassembler entre personnes ayant les mêmes règles, les mêmes habitudes culturelles, religieuses ou sociales est combattue par Jésus. Il nous pousse à aller vers l’autre sans à priori, sans poutre qui nous barrerait la vue. Publicains, collecteurs d’impôts, lépreux, prostituées, samaritains ou cananéennes, tous et toutes ont trouvé grâce à ses yeux.

  Juger l’autre, c’est automatiquement s’aveugler soi-même, c’est oublier que ses erreurs ou ses fautes éventuelles doivent susciter un pardon inconditionnel de notre part, nécessaire condition du pardon de Dieu à notre égard.

  Chercher systématiquement la présence de Dieu dans mon prochain est une bonne méthode pour éloigner de nos yeux tout ce qui peut les voiler. C’est aussi un moyen de ne pas être prisonnier d’un esprit de jugement hâtif qui assèche et pervertit toutes les relations.

  Cet esprit de jugement doit être tempéré car comme l’écrit Calvin, Dieu seul connait ceux qui sont les siens. Le réformateur rajoute que les jugements secrets de Dieu surmontent notre sens. Car d’une part, ceux qui semblaient totalement perdus et qu’on tenait pour désespérés, sont ramenés au droit chemin ; d’un autre côté, ceux qui semblaient bien fermes trébuchent.

  Ainsi Calvin fait sienne cette parole de St Augustin : « Il y a beaucoup de brebis hors de l’Eglise, et beaucoup de loups dedans ».

   Ces propos devraient nous pousser à la plus grande prudence dans nos relations humaines. Méfions-nous des regards qui jugent et privilégions les regards bienveillants . Quel encouragement également à témoigner dans le monde pour rassembler le troupeau et remplir nos Eglises.

  Suivre Jésus qui est le chemin, la vérité et la vie ne signifie pas emprunter un sentier sans embûches, sans obstacles, une vie sans épreuves. Il n’est pas l’assurance tout risque que certains espèrent peut-être rencontrer.

  Mais le suivre, c’est suivre un chemin de libération, d’engagements pour la justice ; c’est faire le choix de pratiquer des gestes fraternels et de refuser de blâmer son prochain.

   Ce récit de Matthieu sur le jugement fait écho au récit rapporté par Jean sur la femme adultère ; rappelez-vous, les scribes et les pharisiens avaient vite fait de trouver la paille dans les yeux de cette femme. Mais ils en oubliaient leurs propres fautes. Les poutres qui étaient dans leurs yeux auraient pu s’appeler orgueil, complaisance, suffisance, autosatisfaction ou contentement de soi.

  Il leur était facile de tendre un piège à Jésus en s’inspirant d’un légalisme rigide. Certes aux yeux de la loi juive en vigueur, cette femme était fautive ; on ne parle jamais de l’homme avec qui elle avait eu une relation tant le patriarcat était prégnant et la loi faite par les hommes et pour les hommes. Jésus sort de ce piège en la renvoyant à leurs propres fautes ; « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » leur dit-il.

  Avant de nous poser en juge, le maître nous demande de nous livrer à une saine autocritique, à réaliser que nos vies, que toute vie n’a de valeur que considérée à l’aune de l’amour et de  la grâce offertes par Dieu. Cet amour est sans limites, sans frontières, exempts de tout jugement. Il s’exerce aussi pour le réprouvé, l’exclu, celui ou celle qui se croit perdu. Il peut s’exprimer à travers les gestes et le regard de chaque chrétien lorsqu’il s’adresse à son prochain.

  Chercher la paille dans l’œil d’un autre, en oubliant cette poutre qui nous aveugle, c’est risquer de tomber sur un obstacle à l’établissement de relations basées sur le respect mutuel et l’amitié gratuite et sincère.

  Pendant ces mois difficiles de pandémie et de confinement, nous avons croisé bien peu de regards. La solitude a été une compagne exigeante et pesante pour certains. Ce retour sur soi nous a peut-être rapproché de Dieu et bien qu’éloignés de ceux que nous aimions, nous pensions ardemment à eux. Nous pouvions relativiser ce qui nous chiffonner ou déranger un peu chez eux et redécouvrir la profondeur de notre attachement.

   Alors qu’il ne nous est pas encore possible de nous embrasser et de nous étreindre, nous pouvons nous référer à ce verset du Livre des Proverbes : « Un regard lumineux donne une joie profonde,  une bonne nouvelle donne des forces ».

   Amen.


 

CULTE DU 26 JUILLET 2020. TONNEINS

Lecture biblique : Matthieu 13, 44-52.

Prédication.

 

Le Royaume  des cieux est-il pour ici et maintenant ou bien plutôt pour ailleurs et plus tard ?

  C’est la question que l’on peut légitimement se poser en lisant ce chapitre 13 de l’évangile de Matthieu dans lequel l’évangéliste fait mention de pas moins de 8 paroles de Jésus sur le Royaume ou le Règne des cieux.

  Pour appréhender, saisir et comprendre ce qu’est le Royaume, Jésus utilise un procédé dialectique qu’il affectionne et utilise à merveille : les paraboles.

 Ainsi, à la foule avide d’écouter l’enseignement du rabbi, aux disciples qui suivent le maître dans toutes ses déambulations, Jésus ne dit pas le Royaume des cieux « c’est » mais plutôt le Royaume des cieux « c’est comme ».

  Essayons donc déjà de voir ce que le Royaume des cieux n’est pas. Dans l’antiquité comme aujourd’hui, les royaumes sont symbolisés par un lieu, un palais, une ville, une province, un pays. Des remparts protecteurs entourent parfois ce royaume, le protège des invasions un peu comme la grande muraille de Chine. Une famille régnante incarne ce Royaume et ce système monarchique perdure de générations en générations.

   Les foules sont appelées à servir et louer ce monarque et parfois-même un véritable culte lui était rendu comme le culte aux empereurs romains à l’époque de Jésus.

   Mais Jésus n’évoque pas un royaume terrestre, un royaume temporel. D’ailleurs, Jésus dira devant Pilate, lors de son procès « Mon Royaume n’est pas de ce monde » nous rapporte Jean.

    Jésus annonce cependant un royaume qui peut devenir une réalité présente pour ses auditeurs, ses disciples, ses contemporains comme pour nous aujourd’hui.

  Celles et ceux qui acceptent de suivre Jésus en écoutant son enseignement parabolique deviennent des sujets de ce royaume, des sujets aimés et considérés par Dieu. Accepter d’en devenir sujet nous fait quitter le statut de simple objet que les tristes pouvoirs et décevants royaumes de ce monde voudraient nous faire être.

  Ainsi, l’identité du disciple, du chrétien ne lui est pas donnée par son appartenance ethnique, juif, grec, romain, samaritain, ni par son identité religieuse, israélite, païen, athée ou sociale, scribe, pharisien, publicain ou pêcheur de poissons, elle lui est d’abord et avant tout donnée par son appartenance à ce Royaume dont Jésus se présente à la fois comme la porte et le berger.

  Ce Royaume, dont nous parle Jésus, nous commençons à entrevoir ce qu’il n’est pas, une forteresse, une ville située sur une montagne et entourée de remparts ; il n’est pas représenté par  une dynastie humaine comme les Windsor, les Bourbons ou les Capétiens ; mais alors, quel est-il donc ?

  Jésus souhaite se servir des paraboles pour permettre de l’entrevoir. Le Seigneur  est comme un pêcheur à la ligne ; il lance le fil d’une canne à pêche en espérant une prise. Il nous laisse la liberté de mordre à l’hameçon, de nous saisir de cette parabole, d’accepter d’être emportés dans le filet pour voir le sens que donne à notre vie cette histoire en apparence simple, presque simpliste.

   La pédagogie de Jésus est une pédagogie douce. Il ne nous demande pas une réponse par oui ou par non immédiate, un engagement total et irréversible qui seuls permettraient d’accéder au Royaume. Avec les paraboles, il nous propose un cheminement progressif ou peuvent alterner des temps de réflexion et de prière mais aussi des élans fulgurants, des décisions, des projets et une espérance.

   En même temps, Jésus veut mettre en évidence dans les trois paraboles, celles du trésor caché, de la perle de grand prix et du filet que certains reçoivent avec joie, à travers elles, la connaissance du Royaume, tandis que pour d’autres, elles n’ont aucun écho.

 En fait, les paraboles fonctionnent comme des illustrations, des représentations de ce qu’est le Royaume.

  Le premier signe de celui ou celle qui découvre le Royaume, c’est la joie qu’il ou elle manifeste. Se sentir accueilli dans le Royaume relativise tous les soucis du quotidien, nos échecs et notre tristesse. Etre sujets du Royaume, se savoir ainsi acceptés tels que nous sommes, c’est être dans la joie, dans la gratitude et l’enthousiasme un peu à la manière qu’ont les enfants lorsqu’ils reçoivent un cadeau, ou bien comme lorsque l’on voit une belle exposition de peinture, lorsque l’on assiste à un beau concert ou à un  spectacle réussi. L’émotion est là, intraduisible, incommunicable mais pourtant bien réelle.

  La rencontre avec Jésus, le berger du Royaume peut susciter ces sentiments de joie, de reconnaissance et de paix intérieure. Les paraboles sont des fils conducteurs, des fils de cannes à pêche au bout desquels nous pouvons, si nous le souhaitons, saisir l’appât. En acceptant de mordre à l’hameçon, le Royaume devient à notre portée, nous rejoignons la nasse des enfants de Dieu.

  Si nous savons un peu mieux, ce que n’est pas le Royaume des cieux, les paraboles de Jésus nous donnent des indications sur ce qu’il pourrait être. Jean-Baptiste, parlant de Jésus l’annonçait ainsi : « Convertissez-vous : le Royaume des cieux s’est approché. » Ce Royaume est un royaume de convertis, de disciples et notre Eglise en est un avant-poste, une porte, un signe, un symbole.

  Le Royaume est comme la graine que nous plantons aujourd’hui en terre et qui demain, donnera un arbre immense et protecteur.  Le Royaume est déjà là et il est en même temps une promesse qui n’est pas encore tout à fait réalisée. Il est

contenu dans ce frêle espace entre le déjà là, cette petite graine, et le pas encore, cet arbre, qui aura grandi au fil du temps.

  Ainsi, les paraboles de Jésus sur le Royaume ne désignent pas une simple attente, celle d’un futur hypothétique et conditionnel qui nous fuirait comme l’horizon sur la mer. Les paraboles instaurent de façon subtile un lien entre les auditeurs et le Royaume des cieux. Ces histoires simples mettent à notre portée un Royaume présent dès maintenant dans chaque vie, dans chaque être humain.

  Les paraboles, si peu descriptives et loquaces sur le Royaume ont des vertus existentielles car elles nous poussent à passer au crible nos priorités, nos valeurs, nos choix et nos comportements. Elles n’évoquent aucun lieu, aucune date, aucun fait historique et pourtant, elles nous installent, nous accueillent comme sujets du Royaume par la puissance du Verbe incarné, par la parole de Jésus.

   La dimension eschatologique n’est pas absente de ces paraboles qui commencent toutes les trois au présent : « Le Royaume des cieux ressemble à…. »

   Assurément, lorsqu’il parle du filet jeté dans la mer, les disciples ne peuvent qu’entendre, comprendre et visualiser l’image de cette pêche fructueuse.

  Aujourd’hui comme hier, nous sommes comme ceux qui écoutent les paroles du Maître. Jésus ne compte pas sur nous pour faire le tri. Les anges du Royaume s’en chargeront, ce sera là une de leur mission à la fin du monde ; faut-il rappeler que nul d’entre nous n’en connait le jour ni l’heure ?

  Durant cette attente messianique, nous pouvons  faire le tri en nous- même de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas.

  Comme disciples dans le monde mais aussi dans notre Eglise, il nous appartient inlassablement de répondre à l’appel de Jésus et de lancer et relancer les filets dans les océans de la vie. Il nous a dit : « Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes ». J’ai pris conscience récemment de la douloureuse actualité de ce verset en lisant un extrait d’un ouvrage de Guy Aurenche, infatigable défenseur des droits de l’homme à l’ACAT et au CCFD ; Il présente ainsi l’engagement auprès des exilés de la mer Méditerranée : « Un écrivain italien, Erri De Luca a passé deux semaines au printemps 2017 sur l’un des navires qui, à l’époque, labouraient la Méditerranée pour sauver les voyageurs de l’exil. Bouleversé, il raconte : 143 personnes gelées montent à bord, dont une femme au huitième mois de sa grossesse. Leurs yeux ont perdu toute expression interrogative, de prière ou de mise au point. Ils sont entrain de fixer l’horizon vide.

  Ils n’ont plus d’autre identité que d’être encore vivants. C’est au titre de la commune humanité que nous partageons que se justifie le devoir d’offrir l’asile

que les droits de l’homme tentent de défendre envers et contre tout. Il y a là un impératif qui peut non pas nous faire ignorer la complexité de l’accueil mais dépasser nos réflexes de peur et de repli. L’auteur s’enflamme contre ceux qui reprochent aux sauveteurs  d’encourager le départ des migrants : C’est comme si nous disions que les maladies existent à cause des médicaments. Si les dauphins venaient en aide aux disparus en mer, ces écervelés les accuseraient de complicité avec les trafiquants et les passeurs ! Accueillir n’est pas d’abord sauver des vies ! C’est grandir en humanité. Deux semaines passées à bord m’ont imprimé un nouveau tatouage : une échelle de corde qui pêche dans le vide. De son dernier barreau, j’ai vu surgir un à un les visages de ceux qui remontaient du bord d’un abîme. Entassés dans un radeau, ils gravissaient les échelons de leur salut. Et le romancier d’évoquer un autre appel : « Suivez-moi, je vous ferai pêcheurs d’hommes ».

  Il y a ainsi des moments ou une parabole, un appel, deviennent existentiels. Il est probable qu’en sauvant ses vies en péril, se sont aussi les nôtres que Dieu sauve. En même temps que les cabines et les cales du navire s’ouvrent pour les rescapés, les portes du Royaume s’entrouvrent pour les sauveteurs et leurs soutiens. Dieu nous accueille dans son Royaume si nous accueillons nous même les naufragés et notre monde n’en manque pas.

  La subtilité et l’habileté des paraboles de Jésus font qu’elles nous projettent  vers un futur possible que l’on peut préparer et apercevoir dès maintenant dans le présent de nos vies. Mais ce futur et ce présent dans le Royaume restent profondément mystérieux. Il est probable que seules des allégories, des analogies, des paraboles peuvent, comme un spectacle d’ombres chinoises, nous faire ressentir ce qu’est le Royaume des cieux. Nos sentiments, notre foi, nos émotions expriment mieux ce ressenti que notre intellect et notre raison.

   Les disciples du Royaume des cieux devront tirer de ce trésor de l’ancien et du nouveau dit Jésus. Veut il nous dire qu’il faut s’appuyer sur ce que l’on connait déjà pour innover, oser un pas vers l’inconnu ?

    Nous pouvons   nous rafraichir aux paroles de Jésus, qui datent de deux millénaires mais sont d’une actualité brûlante pour tenter de trouver un langage contemporain afin de témoigner de ce Royaume, que tant d’hommes et de femmes attendent et espèrent sans pouvoir le formuler et parfois même sans le savoir.

Amen.


CULTE DU 2 AOUT 2020. MARMANDE.

Lectures bibliques : Psaume 116, 5 à 7 et Matthieu 11, 25 à 30.

Prédication.

« Retrouve le repos, mon âme, car le Seigneur t’a fait du bien »écrit le psalmiste.

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi, je vous donnerai le repos » peut-on entendre de la bouche du Jésus de Matthieu.

  Mais de quoi parlent-ils ces auteurs du premier testament, puis cet évangéliste ?  Savent-ils ce qu’est l’épuisement, la fatigue extrême, le stress, le burn out ?

  Et pourtant, en cette période estivale si c’était vrai, si c’était possible de se dire qu’avec Jésus, nous trouvons le repos, dès maintenant.

  L’apprentissage que les disciples peuvent vivre auprès de Jésus n’est pas une surcharge, il n’est pas un poids terrible qui pourrait les écraser.

  Lorsque Jésus parle des humbles, des tout-petits, il évoque ses disciples, ceux qui ont tout quitté pour le suivre. Ils n’étaient pas des docteurs de la loi, des scribes, des pharisiens mais plutôt de modestes travailleurs, des pêcheurs. Ils ont laissé leur métier, leur famille, leurs habitudes pour suivre le maitre et quoi qu’en dise Jésus, cela ne semble pas être un chemin de tout repos !

  En hébreu, mais en grec également, le repos est désigné par des mots qui peuvent se traduire par « lieu de repos ». On ne peut dissocier, le calme, la tranquillité d’un endroit où l’on peut faire une pause, se débarrasser de ses bagages. Cela peut donc impliquer de se mouvoir, de faire un voyage pour trouver et découvrir ce lieu où l’on pourra se poser, se re-poser.

  Se déplacer, voyager, c’est également ce que font les disciples. Même s’ils ont peu de bagages avec eux, ils voyagent « léger » comme leur a demandé Jésus, on peut penser que cette vie est éreintante, pleine d’incertitudes. Il y a des dangers sur les routes, des risques de mauvaises rencontres. Ils ne sont pas accueillis à bras ouverts partout.

  Jésus et les douze suscitent l’étonnement, la surprise, l’admiration, la joie mais aussi parfois la colère et l’incompréhension. Suivre Jésus, ce n’est pas naviguer sur un long fleuve tranquille. Est-ce vraiment différent aujourd’hui ? Jésus leur demande de nourrir des foules, après avoir quitté leur famille, de proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume dans des villes où personne ne les attend ni ne les écoute.

  Lorsque l’on est fatigué, épuisé, on peut être en proie au doute plus facilement : suis-je sur la bonne voie? Ai-je fait les bons choix ? Où et comment trouver un temps et un lieu pour faire le point, prendre du recul, me détendre, prendre de véritables vacances sont des questions que nous pouvons tous nous poser. Ce sont des questions légitimes car la vie trépidante qui est parfois la nôtre laisse peu de temps, peu de place pour souffler, pour récupérer.

  Hors que nous dit Jésus ?

Il nous dit que le repos se trouve en lui. Il ne nous appelle pas à suivre et à obéir à un Dieu qui nous submerge de demandes, qui pèse en permanence sur notre vie mais à un Dieu qui libère, qui allège le poids supporté par nos épaules.

  Le joug dans le premier testament symbolise la loi de Dieu et ses exigences. Si elle était parfois acceptée avec joie et confiance, elle pouvait également être considérée comme lourde et pesante, vécue comme un carcan.

  Nous connaissons tous l’expression qui nous fait parfois dire de quelqu’un : « Il ou elle a beaucoup de bagages ».

  Se mettre à l’école de Jésus, se laisser instruire par Lui, c’est tout le contraire. C’est se décharger de nos fardeaux, de tout ce qui peut nous encombrer, surcharge de travail, hyperactivité, exigences morales, agendas trop remplis, ambitions démesurées, égocentrisme, inquiétudes et soucis divers ; la liste est longue, elle n’est pas limitative.

  Comme vous le savez, un joug est une pièce de bois que l’on mettait sur la nuque de deux voire trois bœuf pour leur permettre de labourer ou tirer un engin agricole. Le plus souvent, un animal expérimenté était accompagné d’un animal plus jeune.

  Se laisser guider, se laisser diriger par Jésus, c’est d’abord et avant tout accepter de ne plus être seul au monde, seul à décider de nos choix, de nos valeurs, de nos priorités; c’est aussi accepter de travailler avec le Seigneur pour labourer inlassablement les champs de la vie, tracer un sillon dans les terres de la société et du monde pour pouvoir y semer la Parole.

  Et Jésus nous dit qu’avec Lui, cela est facile, cela est reposant. Qu’en est-il pour nous qui parfois sommes accablés par les difficultés, dépassés par les occupations ?  Jésus peut-il vraiment alléger nos fardeaux, nous donner le repos ?

  Chers amis, je vous annonce une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle ; oui, c’est vrai, la vie de disciples n’est pas synonyme de quotidien écrasant, de responsabilités terribles qui accaparent notre temps et notre énergie au point de ne plus avoir aucun moment, ne serait-ce que pour respirer.

  En ce temps de vacances estivales, nous pouvons nous demander de quoi nous pouvons nous décharger ? Que pouvons-nous laisser sur le côté ? Aujourd’hui et pour moi, que signifie accepter le joug facile de Jésus le Christ ?

  Il ne s’agit en aucun cas de se laisser gagner par une torpeur, un état de demie-veille/demi-sommeil qui nous rendrait totalement inactif.

  Notre partenaire, celui qui porte le joug avec nous est le Seigneur lui-même et il nous demande de ne pas nous endormir.  Nous pouvons écouter les enseignements du Maître et si on les met en pratique, notre vie, nos priorités en seront changées.

  Nous avons vu que le repos suggère un lieu de repos en hébreu comme en grec, c’est sans doute qu’il nous faut trouver des lieux dans nos vies pour prendre du recul, mettre un frein à la frénésie du quotidien, faire des pauses.

  On pense bien sûr à notre Eglise qui est le lieu où dimanche après dimanche l’Evangile de la vie et de la grâce est proclamé. Mais ce lieu peut être une vieille maison familiale à la campagne, à la montagne, un havre de paix.

  Les humains sont ainsi faits que nous avons besoin parfois, de faire le point, de mettre notre vie entre parenthèse, de prendre du recul pour une vision d’ensemble, une vue panoramique sur le monde comme sur notre vie personnelle. Il en va parfois de notre équilibre et Jésus se révèle à nous disponible, présent et attentionné afin de nous aider à vivre des moments de calme, de ressourcement et de sérénité dont nous avons tous besoin.

   Avec lui, point n’est besoin de tenir un rôle, d’avancer masqués. Il nous précède et nous connait mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Il est le chemin qui mène au Père et c’est sans aucune pression qu’il nous y conduit.

  Se reposer avec Jésus, ce n’est pas vivre dans l’insouciance, dans l’inconscience ou dans le refus de voir en face les difficultés et les soucis qui émaillent chaque vie ; mais c’est les relativiser et nous défaire de ce qui nous encombre.

  Le repos n’est pas qu’un lieu, il est aussi un temps. Louons Dieu pour ces temps de week-ends, ces dimanches, ces sabbats ou nous pouvons lui offrir notre écoute et nos prières. La méditation et les lectures bibliques peuvent être également des temps bénis où l’on découvre un peu plus le joug facile qui est le sien.

  Partir, rompre les amarres disent les marins, quitter son port d’attache pour un lieu de vacances permet aussi de trouver et de se retrouver parfois avec ceux qu’on aime dans un cadre qui vient briser la monotonie éreintante d’une vie trop remplie.

  Jésus sait que le légalisme du monde juif rend la vie impossible à beaucoup de ses contemporains. Aujourd’hui encore, un moralisme rigide, l’application stricte de règles dans les domaines politiques ou sociaux rendent la vie quotidienne impossible et accablante.

  Le joug facile du Christ peut d’abord et avant tout être vécu comme une libération. Il ne s’agit pas d’être passifs mais de lui faire toute sa place dans nos vies. Cela permet de remettre à leur juste place ce que nous pensions être nos priorités, les exigences que nous avions vis-à-vis des autres et de nous-mêmes.

  Le travail effectué avec le Christ pour Lui et dans l’Eglise mais aussi dans le monde donne de la joie bien avant d’être poids, fatigue et lourdes charges.  En effet, un travail collectif et communautaire peut se révéler reposant et c’est là un vrai paradoxe. Adonaï, comme l’appellent nos amis juifs, le Dieu créateur a souhaité faire une pause le 7ème jour et Jésus fait également allusion au sabbat. Mais en lui, tous les jours de la semaine deviennent jour du Sabbat et le jour du Sabbat il devient possible de travailler pour le Royaume pour venir en aide à notre prochain. Il est ainsi possible de consacrer chaque jour, chaque rencontre, chaque temps de nos vies à Dieu.

 Accepter d’être mené et guidé par Lui nous dispense  du superficiel et du superflu qui bien souvent sont des boulets que l’on traîne.

  Au moment de partir en vacances, peut-être pour certains d’entre nous, pour recevoir nos proches pour d’autres, demandons-nous simplement de quoi avons-nous le plus besoin ?

Le printemps a été long et difficile à vivre avec la pandémie et le confinement.               Nous pouvons rendre grâce à Dieu, d’avoir pu traverser cette épreuve sans trop de mal pour la plupart d’entre nous.

  Le Christ, mystérieusement n’a jamais été absent de nos inquiétudes et nos questionnements. Il a consolé les affligés, soutenu les plus faibles et guidé ceux qui étaient perdus durant cette difficile période. Pour d’autres, il a été l’ami qui aide et accompagne avec délicatesse. Certains ont souffert loin des leurs et n’ont pas toujours ressenti sa présence, il est vrai.

Pour autant, le message du psalmiste est là qui rejoint celui du Christ : « Le Seigneur garde les gens simples : j’étais faible et il m’a sauvé. Retrouve le repos, mon âme, car le Seigneur t’a fait du bien ». Jésus lui nous dit simplement aujourd’hui : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous donnerai le repos ». C’est une promesse et un engagement qu’il prend vis-à-vis de nous. Il nous appartient juste de déposer notre fatigue et nos soucis à ses pieds pour découvrir combien le suivre n’est ni difficile, ni compliqué mais libérateur et reposant.

Amen.

CULTE DU 30 AOUT 2020 A TONNEINS.

Lectures bibliques: Romains 12, 1-2 Matthieu 16, 21 à 27.

Prédication.

   Chers Amis,

Sommes-nous prêts à offrir notre vie pour suivre Jésus ; est-ce une folie, un idéal, une utopie ou bien plutôt un chemin de sagesse ?

 Nous verrons en un premier temps que l’apparente radicalité de la demande de Jésus tient compte de notre condition de disciple et d’humains.

  Sans édulcorer son exhortation à le suivre, nous envisagerons ensuite d’emprunter les pistes que nous trace Jésus. 

  Nous constaterons enfin qu’emprunter le chemin de Jésus le Christ nous ouvre une perspective d’espérance et de salut dans laquelle la puissance de vie est plus forte que toutes les forces de mort et d’anéantissement.

  Jésus connait les travers et les défauts de ses disciples comme il connait les nôtres ; orgueil, désir de briller, artifices pour cacher nos faiblesses, rien de nous ne lui est étranger. Ce reniement de nous-même auquel il nous appelle n’a pas pour but de nous rendre irréprochable et parfait. Il s’agit plutôt de mettre de l’ordre dans nos vies, dans nos priorités, dans nos choix.

  A chacun d’entre nous, Jésus demande : qui est et quel est le centre de ta vie ? Est-ce ton ambition, le goût du pouvoir et de la reconnaissance, l’envie d’accumuler des biens qui sont les moteurs de ton existence ? Est-ce que le désir de paraître est plus important chez toi que de laisser le Seigneur travailler ton être en profondeur ?  Cherches-tu l’appui des puissants, des gens importants ou bien as-tu fait le choix de te mettre à l’écoute des humbles, des isolés et des solitaires, de ceux dont on parle peu et qu’on oublie parfois un peu vite ?  T’es-tu construit une vie où tout tourne autour de toi ou bien es-tu prêt à y mettre Jésus au centre ?

   Il n’est jamais trop tard pour changer de direction, rebrousser chemin lorsque l’on a le sentiment d’être sur une voie de garage. Il n’y pas de timing à respecter pour être à l’heure au rendez-vous. A tous moments, il est possible  de prendre de nouvelles orientations pour conformer nos vies à l’attente de Jésus le Christ.

  Mettre Jésus au centre de sa vie ne fait pas de bruit ; il n’est point besoin de déclarations  fracassantes.

Nous sommes à des années lumières  des enseignements de tous ces gourous et pseudos maîtres spirituels d’aujourd’hui qui nous promettent monts et merveilles et des découvertes des pouvoirs intérieurs extraordinaires qui dorment en nous.

  Non, suivre Jésus, en esprit et en vérité, c’est se charger de sa croix et le suivre comme il nous le demande. Il ne s’agit pas de renoncer à tous les petits plaisirs du quotidien, à tout ce qui peut donner de la saveur à notre existence. Le Seigneur de nous demande pas de pratiquer un ascétisme rigoureux, de cultiver le dolorisme. Martin Luther en avait fait la cruelle expérience et cela le laissait désespéré et totalement insatisfait.

   Prendre sa croix et suivre Jésus, c’est faire le choix de refuser les artifices pour se mettre à l’écoute, au diapason, à l’unisson de celui qui est le chemin, la vérité et la vie ; c’est opter pour des engagements au service des autres : ce peut être militer dans une association d’entraide, vivre pleinement sa foi de chrétien dans l’Eglise et dans la société en témoignant inlassablement qu’un autre monde est possible.

  Prendre sa croix et suivre Jésus demande du courage, dans un contexte général de crise sociale, environnementale et sanitaire peu rassurant.

  Le maître nous demande d’être le sel de la terre et ainsi la vie du chrétien n’est ni fade, ni tiède.

  Face aux colères, aux silences et aux foucades des grands de ce monde, soyons prêts à une parole audacieuse, originale, sincère et sans calculs ni arrières pensées.

   Se charger de sa croix dans nos pays d’Europe occidentale ne met pas nos vies en péril. Etre chrétien ailleurs, a parfois de graves conséquences. Lutter pour la justice, la paix, l’égalité, la liberté demande beaucoup de persévérance et d’abnégation, les associations de défense des droits humains comme l’ACAT ou Amnesty International nous rappellent combien il faut de fortes convictions dans certains pays.

  Offrir sa vie à Christ, où que l’on soit et quelle que soit notre origine ethnique, culturelle, notre condition sociale, c’est prendre une direction originale, tenter d’humaniser son quotidien, celui de son prochain.  C’est se mettre au pas de Jésus, l’accepter comme maître, pour devenir son disciple et ce, malgré ou à cause de nos imperfections. C’est aussi dire non à l’indifférence, au chacun pour soi, à l’individualisme, à l’esprit de caste ; c’est faire bouger les lignes d’un quotidien parfois morne, parfois tragique. Cette fraternité agissante et vivante partagée en Eglise, Dieu la veut pour tous.

  Il y a de multiples manières de se charger de sa croix. Si nous n’avons plus vocation au martyr, au sens où le vécurent de nombreux chrétiens sous l’empire romain, nous avons  cependant vocation à témoigner de cet amour indéfectible de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

  Nous avons lu tout à l’heure les écrits de Paul aux Romains qui écrivait : « Frères et sœurs, puisque Dieu a ainsi manifesté sa bonté pour nous, je vous invite à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, qui appartient à Dieu et qui lui est agréable. C’est là le véritable culte conforme à la parole de Dieu. »

   Dieu ne nous demande pas de sacrifices impossibles qui soient au-delà de nos forces ; il nous demande au nom de sa miséricorde, au nom de son amour d’offrir notre vie à sa louange, à son service.

   Constatons que nous sommes là, loin de l’extraordinaire, du spectaculaire. Dieu est présent dans les choses simples de la vie et il ne nous est pas demandé l’impossible.

  Les souffrances du quotidien, maladies deuils peuvent nous accabler ; y faire face, et laisser sa place à Dieu pour lui permettre de partager nos épreuves et nos peines, c’est croire et espérer en sa victoire finale malgré un présent et un quotidien difficile.

  S’offrir soi-même en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu, c’est renoncer à toute maîtrise de sa vie, c’est se dessaisir du sentiment de pouvoir tout contrôler pour reconnaitre à Christ toute autorité.

 A une trop lourde croix succède un joug facile à porter comme il nous l’a promis.

   Cette mise en conformité de nos vies à la volonté de Dieu n’est pas un exploit spirituel, une performance exceptionnelle, à l’image de ce que font les grands sportifs. Il s’agit simplement de faire une place à Christ dans notre quotidien, de se mettre à l’écoute de sa parole, de prier avec lui.

   Notre Eglise est un lieu privilégié pour vivre cet accueil et cette rencontre.  Cet abandon de soi-même, ce reniement, que l’on pourrait aussi traduire par renoncement est l’une des conditions requises pour devenir disciples.

  Au sein de l’Eglise, il ne saurait y avoir de luttes de pouvoir, de carriérisme ou d’ambitions personnelles. Il n’y a qu’un seul maître, Jésus le Christ qui mène au Père et accepter de faire un bout de chemin avec Lui, c’est l’aider humblement à porter sa croix mais aussi lui confier les nôtres.

  Cette aventure nécessite d’être vécue collectivement, collégialement. Il peut parfois arriver qu’un proche, un ami, un frère, une sœur soit le signe manifeste de cette main secourable qui allège notre fardeau.

  Jésus, dont la messianité a été reconnue par Pierre et ses tous premiers disciples peut révéler sa présence en chaque chrétien dans l’Eglise mais aussi en dehors.

  A quoi bon poursuivre des chimères, caresser des rêves et des fantasmes alors qu’en Lui, tout nous est donné.

  Cette évolution, cette révolution sans violence qui ont lieu dans nos vies, se font souvent en douceur et parfois même à notre insu par pure grâce. Une graine qui germe, un arbre qui pousse ne font pas de bruit. Seul le vent qui fait pencher la tige, trembler les feuilles nous aide à prendre conscience de leur réalité.

   Porter sa croix, c’est aussi accepter d’être étranger et voyageur sur cette terre, savoir qu’il y a un avant et un après chaque vie et que le témoignage de l’Eglise dans le monde, la Parole de Jésus sont plus forts, plus importants que nos destins personnels.

  Accepter de perdre sa vie pour le service du Christ, c’est lui confier ce seul et ultime bien qui est le nôtre et c’est en même temps se libérer de toutes les tutelles, tout ce qui nous encombre. Est-il besoin de rappeler que les humains arrivent dans cette vie dans le plus total dénuement et une dépendance complète et qu’ils la quittent le plus souvent dans ce même état de fragilité, de précarité et de nudité.

  Face aux inquiétudes, au désespoir qui peuvent nous saisir, tous ces maux qui ont pour nom, pandémie, tensions diplomatiques et internationales, conflits, populisme, crise écologique, migrations et déplacements de population, les chrétiens peuvent être les porte-paroles, les porte-voix d’un message singulier, original, salutaire et porteur d’espérance.

    On peut légitimement considérer que Christ porte encore sa croix et que la Pâques est toujours devant nous, à venir. Mais en acceptant de nous laisser déposséder de ce bien précieux qu’est notre vie, d’entrer en communion avec Lui, nous sommes solidaires et unis à toute l’humanité, à ses souffrances, à ses joies et sa destinée.

  Jésus opère des miracles dans nos vies, il manifeste sa présence par des signes tangibles même si nous n’en avons pas toujours conscience.

  C’est souvent bien plus tard, dans l’après, au soir de notre existence terrestre que nous allons réaliser que Christ était là, à nos côtés, si souvent et si discrètement, presque invisible. Pourtant, ces moments partagés, la magie des rencontres, le souvenir d’une parole de réconfort, un encouragement, une attention délicate se révèlent puissance de vie, force de transformation.

  Nous connaissons tous ce cantique : « Confie à Dieu ta route, Dieu sait ce qu’il te faut »

 Accepter de perdre sa vie à cause de Lui, c’est avoir l’assurance de recevoir au centuple de la part de celui qui nous dit : « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »


 CULTE AU PECH DE BERRE. EGLISE DE TONNEINS. 13 septembre 2020

 Lectures bibliques: Psaume 103, 1 et 2. Romains 14, 7 à 12.

Prédication

 

Chers amis,

 

  Pas moins de six mentions de la vie et du vivant dans les premiers versets de l’Epître aux Romains. La mort, mourir sont également mentionnés six fois. Ainsi, vie et mort forment un couple indissociable, inséparable.

  Alors que j’avais fait le choix de vous proposer une liturgie en accord avec ce lieu magnifique qu’est le Pech de Berre, une liturgie qui loue et exalte le Seigneur pour les richesses de la création et les beautés de la biodiversité, le texte de ce jour, fort à propos nous rappelle le prix et le sens de la vie et de la mort, de notre vie et de notre mort.

  Aucun de nous ne vit pour soi-même et aucun ne meurt pour soi-même écrit Paul. Chacun, chacune d’entre nous est élément d’une famille, d’une communauté, qui s’inscrit dans une longue chaîne du vivant, dans la création toute entière.

   Le choix terminologique de Paul est celui du mot zoé qui a donné zoologie, l’étude du vivant. En grec, la zoé est bien plus forte que le mot bios, qui est simplement la vie en soi, l’existence biologique.

   Paul en choisissant ces termes évoque tout ce qui possède le souffle de vie, tout ce qui est animé par le souffle créateur de Dieu et pas seulement un phénomène purement  mécanique, la rencontre de cellules, l’interconnexion d’organes qui créerait un être vivant.

  L’apôtre Paul nous rappelle que la vie du chrétien, c’est posséder plus qu’un organisme animé et ce ne peut être une vie égoïste, centrée sur soi-même ; passagers, étrangers et voyageurs sur cette terre, notre vie doit être tournée vers les autres, vers mon prochain, vers nos enfants.

  Locataires de cette demeure qui est notre vieille terre, nous succédons à une longue lignée d’ancêtres et en remettons les clés, les codes d’accès et l’état général à nos enfants. Ainsi, vivre, mourir, se sont d’abord vivre et mourir pour les autres, pour louer et glorifier Dieu en reconnaissance de tout ce qu’il nous a légué.

  Nous ne sommes pas propriétaires de notre vie, de nos biens, de nos richesses ; tout vient de Dieu et tout lui appartient.

   Nous avons cependant la responsabilité d’entretenir et de faire fructifier la création que Dieu nous a confiée.

  L’appât du gain, le désir de posséder, de bâtir des fortunes et des royaumes sont combattus par Jésus lui-même. Les récits de la tentation au désert le montrent ferme face à Satan et ses promesses.

  Le seul bien du Seigneur, c’est sa totale obéissance au Père et à la Parole.  Se dé-préoccuper de soi-même, de son destin propre, l’apôtre Paul n’affirme pas autre chose dans l’Epître aux Romains.

  Il se peut qu’être sensible aux enjeux écologiques et environnementaux, passer par-dessus certaines de nos habitudes, notre confort soient également une manière de vivre pleinement notre vie de disciple, notre vie de chrétien.

  Aujourd’hui, en ce lieu du Pech de Berre qui nous dit la beauté de la création même quand elle est travaillée, labourée, ensemencée par l’homme, nous sommes aussi renvoyés à sa fragilité, à sa précarité et à son devenir.

  Depuis bien des décennies, des lanceurs d’alertes nous interpellent ; René Dumont avec L’Afrique noire et mal partie, L’utopie ou la mort, Théodore Monod avec son œuvre et ses écrits Et si l’aventure humaine devait échouer jusqu’aux penseurs et théologiens contemporains, tous nous renvoient à notre responsabilité face à la crise environnementale et aux enjeux et défis climatiques.

  Il nous appartient de répondre à Dieu qui nous dit par la bouche de Moïse dans le livre du Deutéronome : « Je place devant toi la vie et la bénédiction d’une part,  la mort et la malédiction d’autre part. Choisis donc la vie et tu vivras, toi et ta descendance. »

    Loin de nous l’idée maladroite de crier au catastrophisme qui risquerait d’avoir pour conséquence de répandre un sentiment de peur généralisée et paralysante. Cependant la crise environnementale est bien là et en s’appuyant sur les Ecritures, nos Eglises peuvent être le relais d’un message d’alerte.

  En 2015, le pape François publiait sa seconde encyclique Laudate si sous-titrée Sur la sauvegarde de la maison commune. En 2019, la réflexion synodale de notre Eglise avait pour thème Ecologie, quelles conversions ?

Le label Eglise verte concerne aujourd’hui 490 églises et communautés locales.  Les chrétiens ont ainsi les outils pour faire entendre une voix originale à la fois en décalage avec le pessimisme ambiant et en dénonçant un consumérisme désordonné et incontrôlable.

  Les choix de vie prônés par le  Christ et  ses disciples vont à rebours d’une inflation productiviste dominée par les grands intérêts financiers et économiques.

   Etre chrétien, c’est soutenir un monde vertueux, responsable qui soit dans la retenue et la sobriété, c’est se poser la question de la planète que nous allons laisser à nos enfants et aux enfants de nos enfants. La mort, l’extinction de toute forme de vie ne sont pas inéluctables.

  Si Christ a vaincu la mort, la disparition programmée de l’espèce humaine n’est pas dans le projet de Dieu. Son projet est un projet de salut individuel et communautaire, collectif.

   Dieu, en Christ, s’adresse à chacun, chacune d’entre nous et nous renvoie à nos comportements, à nos choix, à ce qui fait nos priorités.

  Les préoccupations personnelles, les ambitions destructrices, les appétits de pouvoir et de domination de certains grands de ce monde appellent une réponse simple de nos Eglises : nous ne vivons pas plus pour nous-mêmes que nous ne mourrons pour nous-mêmes.

  Le sens de la vie nous est offert par Jésus-Christ ; tout en lui est don, offrande et témoignage.

  Jésus est le signe que le Père a choisi pour nous offrir une direction, un chemin, une voix, une ligne de conduite. Les alpinistes et les randonneurs chevronnés font appel à une ligne de vie, corde tendue dans les endroits escarpés et périlleux ; on fait appel à elle en y laissant courir sa main pour éviter de glisser ou chuter.

  Accepter d’être dépossédé de soi-même, de ce que l’on croit être son destin propre, c’est remettre à Christ les clés de notre futur. Il nous appartient de faire en sorte que sa présence agissante puisse se refléter dans notre vie d’Eglise et toucher le monde et la société.

  La prise de conscience écologique n’a pas attendu le réveil des Eglises chrétiennes pour se manifester. On a parlé parfois un peu trop vite de naïveté, de candeur ou d’innocence quand on ne traitait pas les écolos de doux rêveurs.

  Aujourd’hui, des scientifiques et des experts du GIEC (Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat) confirment que nos activités industrielles, commerciales et économiques aggravent la situation écologique et entrainent de graves désordres environnementaux.

  Christ n’est pas la réponse, la solution et le remède à tous les maux qui rongent notre humanité. Mais resituer sa vie dans un cadre beaucoup plus vaste que celui de notre quotidien, notre microcosme pour la confier à Dieu, le créateur et accepter de se dessaisir  de ses ambitions personnelles permet de s’inscrire dans le vaste projet de salut qu’il a pour tous ses enfants.

  Ne faisons pas obstacle à son projet ; la croix  nous montre, au cœur de la faiblesse, un Christ vainqueur de toutes les peurs, tous les déterminismes et toutes les ambitions funestes.

  Jacques Ellul évoquait la place et le rôle de l’homme au sein de la création en le désignant par ces termes : gérant responsable, gardien, médiateur, lieu-tenant.

  Lors des réflexions synodales sur le thème de l’écologie au sein de notre Eglise, les rapporteurs nationaux avaient écrit ceci : « Il y a une différence fondamentale entre une vie qui se vit sous la grâce de Dieu et une vie vécue selon les normes de ce monde ».

  Notre boussole, notre ligne d’horizon, c’est Jésus-Christ qui nous les donne. Point de place pour le défaitisme, les « à quoi bon » ou le pessimisme. Se laisser déposséder de sa vie, d’une ambition maladroite et basée sur des critères de réussite très humains, c’est la remettre à Dieu, c’est se tourner vers les autres, vers nos prochains, devenus plus importants que nous-mêmes.

  Paul l’affirme avec vigueur dans son Epître : appartenir au Seigneur, c’est accepter de vivre et de mourir pour lui ; c’est donner sa priorité aux autres, s’oublier soi-même et ne plus être soucieux de notre salut, déjà obtenu par Christ sur la croix.

  Appartenir au Seigneur, dans ce lieu magnifique, c’est aussi le louer et le remercier pour la beauté et la grandeur de sa création, modelée par des siècles de labeur et de travail, destinée à produire des fruits et à nourrir les hommes et les animaux.

  Appartenir à Christ, c’est reconnaitre nos erreurs qui fragilisent notre écosystème  et s’engager sur une voix un peu différente que celle que d’autres voudraient nous voir emprunter.

  Il devient alors possible de dire stop, de s’accorder des temps de pause, de se demander simplement : où allons-nous ? Que penserons de nous les générations à venir ?

Tout ce qui est possible techniquement, scientifiquement, industriellement et économiquement n’est pas forcément souhaitable.

Chaque chrétien peut utiliser son esprit critique et son libre-arbitre pour soutenir ou dénoncer, approuver ou refuser telle ou telle prise de position, tel ou tel choix.

Paul nous rappelle simplement que dans la vie comme dans la mort, chacun d’entre nous rendra compte à Dieu pour ses décisions.

Amen


CULTE DU 20 SEPTEMBRE 2020 A MARMANDE.

Lecture Biblique: Marc 2, 13 17 

PREDICATION.

Quel mouvement, quel brassage, quelles découvertes dans le récit de cette rencontre entre Jésus et Lévi, le collecteur d’impôt.

  Imaginons un peu la scène. Jésus arrive en fin de journée dans une bourgade de Galilée en bordure de cette mer intérieure alimentée par le fleuve Jourdain que l’on appelle également le lac de Génésareth.  Sa réputation l’a précédé et où qu’il aille désormais, les foules se déplacent pour le voir et l’écouter quand ce n’est pas pour le toucher.

 Dans ce récit, Jésus utilise toutes ses facultés sensorielles, il regarde, écoute, prends le temps de partager un repas et dialoguer.

  La situation de la Galilée  est celle d’une province  sous contrôle de Rome dont l’autorité locale a été confiée à Hérode Antipas, fils de Hérode le grand.

  Jésus va remarquer Lévi, petit fonctionnaire des impôts, assis à sa table ; ces collecteurs étaient souvent méprisés quand ce n’était pas haï car ils travaillaient pour les autorités et l’occupant romain et en profitaient souvent pour se remplir les poches.

  Aujourd’hui, on penserait à une profession de fonctionnaires corrompus au service d’un pouvoir détesté.

Il n’en demeure pas moins que Jésus invite Lévi à le suivre et à s’attabler avec lui. Est-on dans la maison où réside Jésus ou le repas a-t-il lieu chez Lévi qui organisait une fête avec ces collègues  comme le suggère l’Evangile de Luc ? Le texte laisse planer le doute. La seule chose que nous dit le texte est que Jésus et ses disciples sont assis avec Lévi et ses amis, des pécheurs.

  Pour Jésus, il ne saurait y avoir de personnes infréquentables. Dès le début de son ministère, c’est justement aux exclus, aux réprouvés, à ceux qui se croient indignes ou damnés qu’il s’adresse.

  Dans ces premiers choix, il va s’entourer de disciples qui étaient d’humbles artisans pêcheurs. Jésus semble aimer côtoyer des gens simples qui semblent croiser sa route par hasard ou de manière fortuite.

  Que de personnages, de groupes dans ce bref passage. Tout s’articule et s’oriente autour de la figure de Jésus : Enumérons ces groupes ; ses premiers disciples qui le suivent, les foules qui s’amassent sur son itinéraire car sa réputation de grand rabbi l’a précédé, des inconnus comme Lévi et ses amis qui ne pensaient pas que Jésus partagerait un repas avec eux, tant la société juive de cette époque est compartimentée, segmentée et enfin les scribes des pharisiens qui vivent entre eux et ne se mélangent ni au petit peuple, ni aux étrangers, ni à ceux qu’ils jugent indignes et pécheurs.

  Jésus agit et parle ; à Lévi, il dit un seul mot : Suis-moi. Le texte ne nous donne pas beaucoup de détails mais il met en évidence l’autorité de Jésus. Lévi a peut-être été surpris et étonné de cet appel.

   Et nous-mêmes, comment réagissons-nous quand Jésus nous dit : Suis-moi ?

  L’invitons-nous à notre table pour partager un repas entre amis ? Sommes-nous prêts à le recevoir ? Sommes-nous disponibles à la rencontre malgré nos manques et nos imperfections ?

   Nous courons également le risque d’être comme les scribes et les pharisiens ; tellement surs de nous, scrupuleux dans la pratique et la fidélité à notre foi  que nous nous coupons des autres.

   L’obsession de la pureté et la condamnation implicite de ceux qui ne sont pas comme eux, caractérise les pharisiens à l’époque de Jésus. Mais cette recherche de la perfection est propre à tous les groupes religieux, tous les mouvements spirituels, toutes les traditions et elle peut aboutir à des dérives sectaires et se traduire par cette phrase que nous connaissons tous : « En dehors de nous, point de salut ! »

  En s’adressant à Levi, en touchant un lépreux, en s’adressant à la femme samaritaine, Jésus vient briser ces logiques de pureté qui emprisonnent les hommes et qui mènent parfois au pire. Il s’adresse  en priorité à celles et ceux d’entre nous qui le cherchent en se sachant emplis de défauts et de manques. Quelle place pourrait-on faire au Seigneur lorsque l’on est tout plein de soi-même ?

  Jésus n’a pas d’exigences trop hautes, il ne nous fixe pas d’objectifs inatteignables ; il vient à nous tels que nous sommes. On est souvent surpris et bouleversé d’écouter des récits de conversion et de rencontres avec le Seigneur.

  Ces rencontres peuvent avoir lieu dans une prison sur un trottoir, dans un bar, un champ de bataille, autant d’endroits improbables qu’on pourrait croire désertés par le Christ.

   Dans ce bref passage de l’Evangile de Matthieu, Jésus se révèle à la table des collecteurs d’impôts, lieu inattendu à première vue d’une rencontre avec le Messie.

  Jésus est toujours là où on ne l’attend pas. On le croit présent exclusivement dans notre Eglise mais il ne se laisse ni enfermer, ni cadenasser.

  On le croit reposant dans un tombeau, présent dans la parole biblique, il nous échappe en nous disant qui que nous soyons et où que nous en soyons dans notre vie : Suis-moi.

    Jésus n’est la propriété d’aucun groupe, d’aucun mouvement et il s’insurge contre ceux qui voudraient l’accaparer et le critiquent ouvertement pour ses mauvaises fréquentations.

  Toute sa mission, tout son message sont résumés par cette parole : « Ce ne sont pas les biens portants qui ont besoin de médecin mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs.

  Chers amis, réjouissons-nous d’être un peu cabossés, plein de défauts, de tâches et de cicatrices. Jésus s’adresse prioritairement à nous.

L’Eglise n’a pas à être un club d’élus irréprochables ; son rôle est d’être une maison, une demeure accueillante dans laquelle tous ses enfants sont les bienvenus.

  Je me souviens d’une messe de Noël, il y a bien des années dans un département d’outre-mer, sous les tropiques. Dans cette région, le rhum fait des ravages et bien souvent, sa consommation abusive fait de gros dégâts. Lors de cette célébration de Noël, un homme est rentré en titubant dans l’Eglise et s’est mis à crier : vive Dieu ! Vive Noël ! Vive Jésus ! Mes voisins m’ont dit : c’est un peu l’idiot du village, on a l’habitude. Je me suis simplement demandé si de toute l’assemblée en ce soir de Noël, celui dont Jésus était le plus proche et le plus reconnaissant n’était pas cet homme au cerveau rongé par l’alcool et qui était la risée de beaucoup.

  Celles et ceux qui pensent se suffire à eux-mêmes, qui ne ressentent aucun manque, qui n’ont jamais vécu d’échecs douloureux ne ressentent pas le besoin de suivre Jésus. Se sentant comblés, autonomes, rassasiés, ils sont comme les pharisiens, persuadés de leur perfection et de la justesse de leur comportement.

  Mais Jésus et son Evangile  de la grâce nous dit autre chose. La faute, le péché, l’erreur ne sont-ils pas justement se croire à l’écart des autres, différents parce qu’appliquant scrupuleusement la loi divine. L’erreur n’est-elle pas de s’imaginer que l’on peut faire son salut par soi-même, avec nos propres forces ?

  Quel besoin a-t-on alors des enseignements du Christ, des témoignages de l’Evangile et d’une rencontre existentielle qui bousculerait nos certitudes ?

  Il nous faut distinguer la foi de l’obéissance stricte aux préceptes religieux quels qu’ils soient.

   Croire en Jésus-Christ, c’est l’accepter comme compagnon dans ma vie, quelle qu’ait pu être mes erreurs passées, présentes et à venir ; c’est être persuadé qu’il n’est pas un juge impitoyable qui condamne mais un ami bienveillant qui console, qui soutient et qui partage ma condition d’humain.

  La quête de perfection, que poursuivent les pharisiens est illusoire et dangereuse. Elle porte en elle-même ses propres contradictions. Pour eux, la conduite de Jésus est scandaleuse. En acceptant de partager la table de Lévi, des pécheurs, Jésus a déjà franchi une frontière qui ouvre son Evangile à tous les hommes, son message devient universel.

   On peut croire à cette bonne nouvelle sans être irréprochable, se persuader qu’il me parle aussi à moi-même ; il n’y a pas besoin d’être un grand théologien pour recevoir et accueillir ses paroles.

  Les paroles importantes de Jésus lues dans ces quelques versets de Matthieu tiennent en peu de mots : « Suis-moi, je ne suis pas venu appeler des justes mais des gens comme toi ».

  Jésus est accessible, proche. Pour permettre une rencontre, il est bon d’être lucide sur nous-mêmes, conscients de nos faiblesses. Quelle place en nous trouverait-il, si nous n’étions pas conscients de nos pauvretés, remplis de nos certitudes et de nos convictions indéracinables ?

  Etre en demande, être en attente, être disponible sont des atouts et des qualités qu’avaient les disciples, Lévi et ses amis collecteurs d’impôt.

  Les pharisiens, habités par leur tranquilles certitudes n’attendent rien, persuadés qu’ils sont d’être du bon côté de la vie.

  Ainsi, cela nous pousse à avoir un autre regard sur notre Eglise. Elle n’est pas une assemblée de gens honorables qui se retrouvent régulièrement pour louer Dieu, elle est d’abord une communauté d’êtres humains, parfois fragiles, parfois en bonne santé qui, unis et réunis dans la prière et l’adoration, se savent accueillis et pardonnés par le Seigneur.

  Les pharisiens choqués et surpris, interrogent les disciples de Jésus : « Pourquoi mange-t-il avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ? »

Il y a de la colère, du dépit et de l’incompréhension dans cette question. Les disciples eux-mêmes, sont peut-être également étonnés. Mais eux ont répondu à l’appel du maître et ressentaient ce manque dans leur vie.

  Suivre Jésus, c’est accepter avec joie une justification qui ne dépend pas de nous. C’est reconnaitre que si nos efforts et notre conduite sont louables, ils ne pèsent pas dans le regard que Dieu porte sur nous.

  Notre bonne volonté ne joue aucun rôle dans notre salut car comme l’écrit Paul aux Romains, si souvent, je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas !

  Jésus est venu pour toi, pour moi, pour nous ; il n’y a pas d’examens de passage, de rites obligatoires, une obéissance inconditionnelle à ses préceptes pour favoriser la rencontre.

Il nous suffit simplement de répondre à son invitation, même, ou surtout si nous sommes dans une période trouble, difficile de notre vie.

  Il viendra alors simplement partager notre table et notre existence en sera transformée.

Amen